Affalé dans mon fauteuil, un verre de bourbon à la main, l'aiguille de la seringue d’héroïne encore planté dans le bras, entre rêve et réalité … Enfin rêve. Cauchemar. Keenan m'avait quitté. Keenan était parti. Keenan ne voulait plus me voir. Le bonheur est éphémère, certes, pour certain plus que d'autre il faut croire. Les yeux fermées, mon esprit me rappelle à quel point être un génie pouvait être une malédiction. Toute ma vie durant je n'ai jamais rien ignoré, je n'ai jamais été innocent, je n'ai jamais pu regardé le monde du bon côté … Sauf quand je suis avec lui. Et maintenant qu'il est parti le monde redevient aussi pourri qu'il l'a toujours été. L’héroïne dessine son œuvre dans mon cerveau … Oh. Je crois que je suis parti pour un bad trip. Mon cœur s'emballe, les murs tanguent, des cris transpercent mes oreilles, les objets deviennent menaçant et même si je sais que tout ça n'est qu'hallucination la voix de mon tuteur suffit à me faire bondir de ma chaise. Les murs se prennent des coups, le porte manteau est étranglé, les pages des livres sont arrachés avec rage, soudain, alors que j'allais éventré une chemise, mon corps s’alourdit, ma bouche devient sèche, ma vision devient flou. La chemise toujours en main, je me rend compte qu'elle appartient à Keep. Keep. Keep … Je ne saurais dire combien de temps je suis resté avec cette dernière en main. Une bonne trentaine de minutes semble être le minimum, je finis par tomber par terre, serrant la chemise contre moi, je m'endors là, à même le sol, avec ce seul bout de tissus comme espèce de couverture. Putain tu me manques Keep.

La drogue toujours présente dans mon cerveau me fait avoir de terrible cauchemar, je me réveille en sursaut et en sueur quelques heures plus tard. « KEENAN ! » Doucement Sonic respire .. Respire... La réalité prend le pas sur le cauchemar, il est vivant, personne ne l'a touché, il t'as juste quitté. Les yeux fous, mon regard cherche sa présence, je m'attend presque à le voir près de moi, l'espoir cogne encore contre mon cerveau... Il va arrivé. L'illusion de l'homme sortant en furie de la chambre pour savoir ce que j'avais ENCORE fait est presque trop réel. L'ombre d'un sourire s'étale sur mes lèvres. Je tend la main, il disparaît. Pauvre fou que je suis. C'est fini Sonic … Fini. Il a déjà refait sa vie remember ? Il avance. Lui. Et toi... Toi tu restes là. Mon bras tremble. J'étais.. Pathétique. Avoir donner une telle importance à un autre humain dans ma vie ? Quelle folle idée. Je suis un sociopathe, je suis presque autiste, à entendre mon tuteur je n'aurais jamais du ne serais-ce que ressentir de la pitié pour un autre être humain. En faite, je suis sensé être une machine. Pas un homme. Pas étonnant que tout se soit toujours casser la gueule. Mes pensées s'envolent vers mes gamins … Amelia .. Stuart. Ils passent leur vies chez la voisine. Tu parles d'un père. Me recroquevillant sur moi-même, je sers encore un peu plus la chemise contre moi. Putain reviens connard... I fuckin' need you.

Je ne saurais dire combien de temps passent avant que je ne retombe dans les bras de Morphée pour me réveiller aussitôt de nouveau tirailler par une terreur nocturne. Ça revenait. Tout revenait. Il partait et ma vie devenait un enfer. En 3 jours, j'avais de nouveau pris une dizaine d'année, mes traits étaient tiré, mes cheveux en bataille, mes yeux n'avaient plus rien des orbes brunes pétillante, c'était juste deux charbons terne et sans vie, l'espace d'un instant je m'imagine mourir ici là maintenant. Il suffirait de 4 jours à une semaine sans eau pour que mon corps lâche. Une petite semaine. L'image de Robbyn me vient en tête... Je peux pas lui faire ça maintenant. Il a besoin de moi. Me relevant, mon regard capte le réveil électronique … Déjà samedi ? Combien de temps étais-je rester à semi allongé à même le sol ? La chemise de Keep est complètement froissé entre mes doigts. Je la pose délicatement sur une chaise avant de partir dans la salle de bain. Il faut que je sorte. Il faut … Que j'aille me battre pour me prouver que je n'avais pas déjà un pied dans la tombe.

20 minutes plus tard, je suis dehors, avec une petite veste, en t-shirt ( clamant que je suis batman ), jean & basket. Mes récepteurs sensorielles doivent encore être altérés je suppose … Vu les fringues des gens autours de moi. Dans un soupire j'allume le moteur de ma moto, cette dernière rugit alors que je m'engouffre dans la rue. Direction Bayview et mon bar à poivrot. Sauf que .. Sur la route une silhouette m'interpelle, freinant brutalement je bifurque sur la droite, oubliant momentanément que ma moto pèse un peu plus de 100 kg, si mes réflexes n'étaient pas aussi rapide je serais sûrement à terre en ce moment même. Continuant un peu ma route, je gare la moto sur le trottoir, retirant mon casque, je le range sous le siège avant de retourner sur mes pas. Ma vue ne m'avait pas trompé, c'est bien Robbyn qui est en train de fumer une cigarette sur ce foutu banc. Il ne va pas bien. C'était un fait. Respirant un bon coup, je case mes problèmes dans un coin de ma tête. Mon fils avait besoin de moi, c'était pas le moment de me centrer sur mon nombril. De toute façon c'est pas comme si j'avais pas l'habitude d'être à la limite de la dépression. Le coaching d'espion me revient en tête, un déguisement, un masque, allez sourie Sonic, tout va bien. Robbyn étant absorbé dans ces pensées, je passe derrière le banc, et dans un geste précis je lui pique sa cigarette avant de lui lancer, taquin « Qu'est ce que je t'ai déjà dis à propos de la cigarette. Hum ? Je vois que les conseils de ton vieux père te passe encore au dessus. T'es vraiment qu'un sale gosse, si t'étais pas marié je me demande vraiment ce que j'aurais pu faire de toi. » Puis alors que j'prend une bouffé de sa cigarette, je me retourne et saute au dessus du rebord du banc pour me poser à coté de lui. Tout en le regardant je lui demande un peu plus sérieux. « You okay son ? » Ouais.. Parce qu'au fond y'a rien de plus important que la famille.

Ces dernières semaines avaient été littéralement épuisantes. Pas tant physiquement, mais mentalement j’avais l’impression d’avoir eu un bourrage de crâne. Les préparatifs du mariage avaient été stressants pour tout le monde, et on n’a eu qu’une semaine environ pour décompresser avant que les événements s’enchainent et impliquent des individus indésirables qui ont eu la bonne idée d’enlever Yuri, puis attirer sa sœur également. Par-dessus ça, il y a aussi eu cette séparation entre mon père et Keenan qui m’a -encore- attristé mais également énervé cette fois-ci. Ouais, bref, le résultat des courses se retrouvait à Londres, à l’hôpital où mon compagnon se remettait péniblement de ses blessures. Ca n’avait pas été simple de surmonter les séquelles de son traumatisme sur son comportement, ni sur celui de sa sœur. Mais comme un grand garçon, j’étais disponible pour tout le monde, et patient. Je restais inébranlable ou presque face à la pression tant que j’étais le seul à porter ces responsabilités sur mes épaules. Le lendemain du réveil de Yuri, Keenan est arrivé pour voir comment il allait, et c’est-ce jour-là que je me suis rendu compte que mes nerfs étaient à bout car il y avait quelqu’un d’autre pour me « relayer » et me laisser un minimum de temps pour penser à moi.

Parallèlement à cela, Mélodie était restée à San Francisco, ce qui faisait environ une vingtaine de jours que je ne l’avais pas vu. Oh, elle me manquait affreusement, je supportais mal le fait de « l’abandonner » aux soins de Ciara, de ne pas la prendre dans mes bras pendant près d’un mois. C’était un sentiment proche de la torture, ça aussi… je commençais à réaliser vraiment ce qu’avoir un enfant signifiait. Non, pire, aimer son enfant. C’était dur, mais je ne pouvais ni ne voulais laisser Yuri seul en Angleterre. Tout le monde avait besoin de moi quelque part, et c’était déchirant de ne pas pouvoir être partout. Durant toute cette aventure, je me suis complètement mit de côté pour me dévouer aux autres, et dieu seul savait à quel point cela pouvait être épuisant lorsqu’on s’accordait ne serait-ce qu’une heure: juste le temps de prendre conscience de sa fatigue, et presque le temps nécessaire pour ne pas réussir à se lever de son fauteuil pour retourner à sa tâche. Pour éviter de tomber malade, j’ai donc préféré être à fond non stop, et même lors du retour à San Francisco. Il fallait surveiller Yuri en cas de crise d’angoisse, le masque à oxygène n’était jamais très loin, satisfaire le besoin affectif de Mélodie qui ne nous avait pas vus depuis longtemps (dieu ce que j’étais heureux de la retrouver, est-ce que Sonic ressentait la même chose lorsqu’on ne se voyait/parlait pas pendant des semaines?) et aussi soutenir Tamara moralement. Bref… vous voyez le truc. Quand j’avais un moment pour moi, je sortais et me posais dans le parc pour fumer par nervosité plus qu’autre chose, mais tout ce petit manège ne me posait aucun problème car je savais que c’était temporaire, qu’une fois la crise passée, je pourrais me relâcher un peu. L’homme de la maison, c’était moi en ce moment, et je n’y voyais pas d’inconvénients.

Aujourd’hui, j’étais donc sorti payer les factures à la poste avant de me poser pour une clope, perdu dans mes réflexions, et s’il y a bien une chose à laquelle je ne m’attendais pas, c’était de voir mon père débarquer avec une tenue plutôt légère vu la saison -sûrement shooté ou quelque chose comme ça vu ce qui vient de lui arriver, mon dieu je n‘ai même pas pris la peine de me préoccuper de lui…-. Ce n’est pas tant ses vêtements qui m’ont surprit sur le coup, mais plutôt son attitude enjouée. Mes yeux se sont tournés vers lui d’un air clairement surprit, et je détournais la tête un instant en étouffant un rire. My god, ça faisait du bien de le voir. Je crois qu’inconsciemment, j’avais vraiment besoin de lui, alors que tout le monde comptait sur moi.

« On se refait pas, hein? »

Un sourire s’afficha sur mon visage et je le laissais s’asseoir à côté de moi. Sa question, je ne m’y attendais pas. Comment ça, si je vais bien? Évidemment que je vais bien, pourquoi j’irais pas bien? Ouais, mon cerveau s’était mit en mode standby pour pas que je prenne conscience de mon état et que ça me panique, mais physiquement ça devait sans doute commencer à se voir. Je ne m’alimentais plus vraiment normalement afin de pouvoir rester au taquet, mais c’est certain que remplacer certains repas par du café c’est pas terrible pour un mec avec un métabolisme super actif comme le mien. J’avais perdu du muscle depuis le mois dernier, et c’était un peu la seule chose qui me donnais un minimum de « volume » disons… parce qu’en dehors de ça mon corps ne semblait pas être capable de prendre du poids. Je vous dis pas à quoi je devais ressembler sous mes vêtements… bref. Dans ma tête, « ça allait ».

« T’inquiètes pas pour moi, je vais bien! Un peu stress en ce moment mais c’est bon, ça va se calmer bientôt… et toi alors? -j‘arquais un sourcil- Pas trop chaud avec ta veste c’est bon? Hahaha. Qu‘est-ce que tu faisais dans le coin? »