Il ne l'avait même pas vu se relever. Ses yeux s'étaient fermés sous l'effet du rire qui l'avait pris peu de temps après avoir jeté son amie toute habillée dans l'eau glacée. Et voilà qu'en moins de deux, il s'était senti tiré vers le bas et n'avait pas eu le temps d'ouvrir les yeux pour voir ce qui se tramait qu'il atterrissait déjà la tête la première dans la mer. L'eau salée se précipita dans sa bouche ouverte et, sitôt réapparut à la surface, il s'empressa de tout recracher. Ses yeux piquaient, ses cheveux dégoulinaient, mais il se sentait incroyablement rafraichi. Il s'essuya la figure à l'aide de ses mains et enleva son tee-shirt avant de se retourner vers Abygaëlle qui lui avait lancé la même répartie moqueuse. « Tu vas voir toi. »

D’un geste brusque, Adrianno s’élança sur la jeune femme tel un animal sur sa proie. Ses doigts se cramponnèrent à sa peau, et c’est là qu’il constata l’absence de tout vêtement par-dessus son bikini coloré. Il ne l’avait pas vu s’en débarrasser et c’étaient ses mains qui l’avaient découverte en petite tenue. Elle tentait de se débattre, hilare, ses jambes fuyant et le repoussant de toutes ses forces. Lui observait son corps frétiller à travers l’eau transparente, avant de l’entourer de ses deux bras, fermement. Elle était si fragile dans ses bras, si délicate qu’il craignait de lui faire mal par un mouvement trop brutal. « Tu admets ta défaite ? » Le regard de la jolie blonde fila vers l'eau bleutée qui se rapprochait dangereusement de sa figure sous les gestes de l'italien qui faisaient office de menace. Mais ce qu'il fit ensuite les prit de court tous les deux. Au lieu de plonger son amie dans les vagues, ses yeux se perdirent dans les siens et, avant qu'il ne s'en rende compte, ses lèvres se posèrent sur les siennes.

Une seconde. Savez vous que tout peut changer en une seconde ? La musique s'arrête, le monde est ébranlé, une amitié se brise. Rien qu'une seconde pour tout envoyer valser. En une seconde, Adrianno avait commis l'irréparable. A peine avait-il effleuré les lèvres de l'anglaise que les effets de la drogue se dissipèrent. Le silence qui régnait dans sa tête fut remplacé par un bourdonnement assourdissant. Lui qui voyait flou quelques instants auparavant percevait désormais les choses on-ne-peut-plus clairement. Il distinguait précisément le visage qui se tenait à quelques millimètres du sien. Des yeux bleus océans. Un teint de porcelaine. Une bouche charnue. Oui, c'était bien elle. Elle, son amie d'enfance. Celle qu'il considérait comme sa sœur. Comme sa chair et son sang. Il avait commis un acte regrettable, fatal. Il ne ressentait plus le bien-être exercé par les quelques pilules avalées précédemment. C'était la chute, le vacarme. La réalité qui le heurtait en pleine face.

« Non mais ça va pas ? » Son corps reçut une décharge. Abygaëlle se tenait face à lui, les mains sur les hanches. Elle l'avait brusquement repoussé, le regard perdu. Elle ne comprenait pas. Lui non plus. Il ne réalisait pas ce qu'il venait de faire. Ou plutôt si, mais il l'avait réalisé trop retard. C'était comme s'il avait assisté à cette scène en simple spectateur. Il n'était pas à l'origine de ce geste, il n'avait pas voulu ce baiser. Et pourtant. Il se passa une main dans les cheveux, nerveusement. « Euh, je ... » Il s'arrêta. Que pouvait-il lui dire ? Qu'il n'avait pas été maitre de son corps ? C'était une bien piètre excuse. Le pire, c'est qu'il avait bel et bien reçu le défi de coucher avec elle. Ce qu'il avait bien ricané lorsqu'il avait découvert sa mission ! Droguer et coucher avec Abygaëlle, quelle foutaise ! Il s'était laissé allé au jeu en lui proposant ces pilules, certes. Seulement, il savait qu'elle ne craignait rien et encore, il s'en était voulu. Mais de là à poser ne serait-ce qu'un doigt sur elle, jamais ! Et pourtant, voilà qu'il venait de l'embrasser. Accablé par ses pensées, sa tête commença à lui tourner. Il ferma les yeux un instant, souffla doucement, avant de reprendre la parole. « Excuse moi. Je n'ai pas voulu, je te le jure. »