La vie est courte. Trop courte. Je songeai au fait que j'avais tout perdu en une journée. Pendant que je rentrais dans notre appartement. Mon père conduisait. Stuart faisait d'incessants babillages qui me tapaient sur les nerfs. Mais ce n'était qu'un bébé. Je ne pouvais pas lui en tenir rigueur, ce n'était qu'un bébé. Un tout petit bébé de rien du tout. Je caressai sa tête blonde, bienveillante. Contre toute attente Mélodie avait survécu. J'étais fière de porter encore le bébé de Calvin et cela m'aiderait pendant l'enterrement qui avait lieu aujourd'hui. Je n'étais qu'une épave mais je devais survivre quand même pour le bébé, pour lui. Il aurait voulu que je survive, que je sois encore là pour honorer sa mémoire. Nous n'en avions jamais parlé, je ne savais pas trop quoi faire. Alors, je me contentai de rester silencieuse. L'air grave et soutenue par ma famille, je descendis de la voiture. J'étais grosse comme un ballon de baudruche. Saletés de médecins qui ont cru que j'avais perdu le bébé. Je les avais haï à vie. D'ailleurs, je me demandai comment le bébé avait fait pour survivre alors que j'ai été dans le coma pendant trois jours. Je posai une main protectrice sur mon ventre pour me diriger vers le crématorium. Calvin ne voulait pas être enterré mais incinéré et son père irait jeter les cendres devant la tombe de sa mère qui était à New-York. Je le vis au loin me faire un sourire poli avant de se diriger vers moi. « Je suis navré pour vous Evelyn. Sachez que je serai là pour vous et le bébé. » Je lui serai la main poliment avant de me diriger vers l'endroit où reposai l'amour de ma vie. Au loin, je vis Mary Faith qui était venue. La famille exclusivement. Seth n'a pas voulu que les amis y prennent part. Tout le monde avait été triste mais j'avais respecté son choix. C'était son père après tout. J'hésitai cependant avant d'entrer et les larmes commencèrent à défiler. De longues coulées régulières. J'étais encore heureuse il n'y a que quelques jours et voilà que je me retrouvai sans lui. Je me souvenais de son visage, de son rire et de son beau sourire. Et maintenant il n'était plus. Comme si la pression du monde reposait sur mes épaules, je tombai à terre. Plusieurs personnes se précipitèrent vers moi.

« NON! » Je ne voulais pas que quelqu'un m'aide à me relever. C'est la tête haute que je me dirigeai vers lui pour lui dire adieu. Je mis une main sur mon ventre, une autre à terre. Je sentis les graviers pénétrer ma peau puis, je me relevai la tête haute. Mes yeux étaient toujours emplis de larmes mais je n'avais pas le choix. Je devais le faire. Pour Calvin. Quand j'entrai dans le lieu, un prêtre était rassemblé à côté des croques morts et je m'assis à côté de la famille. Contre toute attente, Seth me prit la main. Il pleurait aussi. Son fils unique n'était plus. Je pleurai aussi. Quand cela fut mon tour de faire le discours, je me sentis devenir toute pâle mais je me levai quand même. Le prêtre me fit signe d'avancer et je jetai un dernier coup d'œil vers son corps pour prendre enfin la parole. « Entre Calvin et moi, rien n'a été simple. Nous nous sommes aimés dès le premier regard. Enfin, il m'a aimé. Moi, je l'ai hai. Sauf que tout s'est passé sous mon nez. J'ai commencé à avoir des sentiments plus forts qu'à la normale. Et ça a duré six mois. Sauf qu'on a fini par se séparer une première fois. Trois ans ont passés et la passion était intacte. Un parc, un chien, tous ces évènements qui nous ont réuni. Nous allions avoir un bébé, nous allions nous marier. Il a juré de m'aimer jusqu'à son dernier soupir. C'est ce qu'il a fait. Je ferai pareil. J'élèverai Mélodie en lui inculquant le souvenir de son père. Adieu mon amour. Je t'aimerai toujours. » Je m'approchai difficilement du cercueil avant de déposer un baiser sur son front. « Pourquoi m'as-tu abandonné ? J'ai tellement besoin de toi... » Une larme tomba sur son visage parfait. On aurait dit qu'il dormait. Je retournai à ma place et les minutes qui s'écoulèrent furent les plus longues de ma vie. J'allais voir le corps tomber dans l'incinérateur. Et quand tout fut fini, je sortis dehors. Je voulais être seule. Alors, je pris une cigarette dans mon sac et l'allumai. Je n'en avais pas fumé depuis le début de ma grossesse mais l'occasion s'y prêtait. Je fus prise de soubresauts incessants, ne cessant de pleurer. Maman Ours et Papa Ours n'existaient plus. Il ne restait plus que moi, seule, enceinte et brisée.

Je ne voulais pas pleurer mais je ne faisais que ça. J'étais devenue une sorte de déchet en perdant mon homme. Il n'était plus là désormais et je me retrouvais toute seule. Papa et Maman ours n'existaient plus. Ils étaient morts en même temps que lui. Je portais ma cigarette à mes lèvres pour tirer une bouffée de nicotine. Le jour s'y prêtait, tout s'y prêtait. Puis je relevai la tête pour voir Mary Faith arriver devant moi et m'enlacer tendrement. Je lui souris doucement avant de laisser ma tête choir sur son épaule.

« Merci Mary. Mais je doute que les choses s'arrangent... »

J'écoutai Mary Faith tout en continuant de pleurer. Que pouvais-je faire d'autre ? Je ne savais faire que ça depuis ces derniers temps. Alors quand elle dit qu'elle m'admirait, je faillis lui rire au nez.

" M'admirer de quoi ? Je l'ai fait pour lui et pas pour moi. Je n'ai jamais rien du faire de plus difficile que de faire ça. Enterrer le père de ma fille, mon fiancé. Putain! Je n'arrive pas à y croire. Plus jamais je ne le reverrai. Il est parti... Parti tu comprends. "

Je pris mon visage entre mes mains après avoir jeté mon mégot et essayai de contrôler mes sanglots quand d'un coup, je sentis quelque chose. Une sorte de coup de pied, une manifestation. Etait-ce mon bébé ? J'avais cru le sentir bouger une ou deux fois. Mais je croyais l'avoir imaginer.

" Mary! Viens près de moi. "

Je voulais qu'elle le sente. Qu'elle me dise que je n'avais pas rêvé.

Me dire que quand je rentrerai dans notre appartement, je serai seule. Que quand, je regarderai notre fille c'est lui que je verrais à travers ses yeux. J'espérai du fond du cœur que mon enfant ressemblerait à son père. Qu'elle honorerait sa mémoire et surtout qu'elle vivrait. Pas comme Matthew. J'avais tant perdu ses dernières semaines que si je n'avais pas eu cet enfant, j'aurai sans doute intentée à mes jours. Je me sentais lasse, flasque et sans espoir de vivre sans Stuart et sans Mélodie. Faire cet enterrement, le voir une dernière fois était si dur que mon cœur saignait. Je voulais hurler, dire au monde ce que je ressentais mais je n'en avais pas le choix. Alors, je séchai mes larmes du revers de ma main en écoutant Mfaith me parler. Ses paroles se voulaient réconfortantes et elle croyait que j'étais forte. Non, ma fille était forte, je ne le suis pas. D'un geste bienveillant, je pris sa main et la posai sur mon ventre où retentit un nouveau coup de pied.

« Ma fille est très forte visiblement. Elle doit vouloir me faire savoir qu'il est temps pour moi de vivre pour elle. C'est ce que Calvin aurait voulu après tout. »

Rien que d'y penser, je sentis de nouveau les larmes me venir aux yeux mais je les retins. Je ne devais pas pleurer. Après tout, demain est un autre jour. J'espérai du fond du cœur qu'ils attraperaient le monstre qui lui avait fait ça. Au moins, il y aurait justice. Et si jamais la police ne s'en chargeait pas, je le ferai moi-même.

« J'ignore ce que Seth a prévu pour la suite. Comme je dois retourner à l'hopital, je ne serai pas là à la dispersion des cendres sur la tombe de sa mère. Je m'y rendrai surement dès ma sortie pour aller lui rendre hommage et lui dire adieu une dernière fois... »

Je remerciai du fond du coeur Mary et je savais que je ne pouvais pas lui dire la vraie raison de mes pleurs. J'aimais Calvin mais mes crises à répétitions avaient eu raison de notre couple et du coup, il n'en pouvait plus, je n'en pouvais plus. Nous devions nous séparer après la naissance de Mélodie ou essayer de réanimer notre flamme.

« Il comptait me quitter Mary. Il avait quelqu'un d'autre... »

Cet aveu me pesait sur la conscience car je pleurai quelqu'un qui ne voulait plus de moi. Puis, je levai soudain la tête pour entendre des éclats de voix entre Seth et une femme. Je restai un moment alerte pour ensuite voir une grande brune toute mince essayer d'entrer dans le crématorium.

« Il allait me quitter pour elle tiens. Jaycee, je ne sais plus comment... Connasse. »

Je sais, je sais. Cette révélation était inattendue surtout à un enterrement mais je n'étais pas le genre de nanas à déguiser mes sentiments après tout...

Je savais que Mary Faith n'en avait jamais rien su. Elle était trop droite et trop honnête pour me cacher ça. Je me contentai donc de la regarder avec les larmes aux yeux. Je devais vraiment être pathétique comme nana pour chialer un mec qui voulait me quitter pour une autre. Ca faisait quinze jours qu'il me l'avait dit qu'il comptait le faire et nous avions convenu que nous resterions ensembles jusqu'à la naissance de l'enfant et qu'après on se séparerait d'un commun accord et il ira refaire sa vie avec sa pouffiasse.

« Ca faisait environ quinze jours qu'il me l'avait annoncé. Mais que nous devions rester ensembles jusqu'à la naissance de Mélodie. Super l'idée. »

La question de Mary Faith me fit lever la tête. Ce que Calvin avait prévu. Il me respectait, m'avait aimé alors il ne me retirerait pas la garde de l'enfant. Mélodie était aussi importante à ses yeux qu'aux miens. Je savais que j'aurai du dire de lui que c'était un connard mais l'amour est un sentiment joueur. Nous pouvions aimé et le lendemain détester. C'est pour ça que je n'en voulais pas à Calvin, cependant me rappeler ses souvenirs me faisaient presque perdre tous mes moyens. J'allais être mère célibataire, non pas de un mais de deux bébés alors je ne savais pas trop comment réagir. Devais-je abandonner mon enfant ? Non. Bien sûr que non, je tenais à ce bébé, je ne voulais pas m'en séparer alors c'est la gorge nouée que je pris la parole.

« Il comptait partager la garde avec moi. Comme deux parents divorcés. Même s'il m'a quitté, Calvin était un gars bien. C'était en quelque sorte mon meilleur ami et je pense que nous nous étions trop éloignés pour que je lui en veuille. Bien au contraire, je le comprends. Il aimait Mélodie. Il désirait cet enfant, comme moi. Alors il aurait assumé sans pour autant me retirer mes droits. Son histoire avec cette pétasse ne me regardait pas. Je ne lui en veux pas à lui mais à elle si et crois moi, je dois me faire violence pour ne pas me lever et aller l'égorger. Pis le sang, c'est salissant. »

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