❝ Novembre 2013. Tu soupires. Longuement, tu consumes cette première cigarette sur le sol américain. Tu jettes un regard furtif à Elektra, puis t'engouffres dans le taxi avec elle. Partir. C'était sans doutes la meilleure solution après tout ça. Tu n'avais plus rien à faire la-bas, de toute façon. Tu dois te rendre chez un oncle, une tante. Tu sais plus trop. Le taxi s'arrête à l'adresse que tu lui as indiqué. Tu salues Lek et descends, avançant rapidement avec tes bagages vers cette baraque de gens que tu connais même pas. Tu frappes, et leurs sourires hypocrites apparaissent derrière la porte. Tu en fais de même. Ils parlent trop vite, ces américains. T'as du mal à comprendre, alors tu leur dis que le voyage t'as épuisé, que t'as besoin de te reposer. Ils te montrent ta chambre, tu refermes la porte. Tu soupires, t'as souvent l'habitude de soupirer, et t'installes sur le lit. T'envoies vite fait un mail à tes parents, pour leur dire que t'es pas encore mort. Tu fous un coussin sur ta tête, cachant toute lumière. T'as besoin de noir, de vide. C'est beaucoup trop; là.

Son image te hante, comme à chaque fois que tu laisses ton esprit s'égarer quelques instants. Sa voix, ses mimiques, tu te rappelles de tout, de ces quatre ans avec elle, de vos projets, de votre bébé, de votre rencontre. T'as toujours aimé la violence, l'adrénaline, et quand Lek, que tu connaissais depuis toujours t'as parlé de ses trucs de gang, tu savais que c'était pour toi. Tu t'es vite fait une place parmi eux. T'étais le gars qui tabassais les gens sans poser de questions, puis, plus tard, qui les liquidais. T'as en mémoire tous les visages que t'as démonté, et ceux que t'as parfois dut balancer dans le fleuve. C'est des conneries, ces trucs de gang, tu faisais ça uniquement parce que tu pouvais passer tes nerfs. Et vers tes 18 ans, tu as fait sa connaissance, Ana. T'es tout de suite tombé raide dingue d'elle, dommage qu'il te soit été demandé de la liquider. T'en a jamais été capable. T'as raconté de la merde à ton bosse et tu l'as laissée partir, avec ton numéro. Vous vous êtes vues, revu, et finalement, mis ensembles. Quatre ans. Jusqu'au 29 octobre 2013. Elle venait de tomber enceinte à cette période là. T'étais le plus heureux, t'as même fait le con et tu l'as dit à ton bosse. Il la faite descendre. Comme ça. Parce qu'il ne fallait pas que tu ai de sentiments pour les rivaux. Que c'était mal. T'as jamais rien comprit à cette histoire de rivaux.

Novembre 2014. T'es là, derrière le comptoir du bar où tu bosses maintenant tous les soirs. Le genre de lieux branchés où les jeunes sortent et te regardes comme un extra-terrestre parce que tu n'es pas comme eux. S'ils savaient. T'as coupé tout contact avec l'Ukraine. La seule personne que tu fréquentes encore c'est Elektra. C'est comme une soeur pour toi. Vous avez grandis ensembles, vécut vos premières expériences ensembles, votre première fois. Tu crois même que quand t'étais gamin, t'avais dit à tes parents qu'un jour tu l'épouserait, parce qu'elle était la plus belle fille de ton école. T'as toujours ce regard protecteur envers elle, comme un grand frère, t'as du mal avec les gars qu'elle fréquente, généralement. T'as une maison, vers Richemond. Faut dire qu'avec des parents aussi riches que les tiens, ton compte en banque ne crie pas famine et que tu peux te permettre d'habiter en coloc dans une belle maison, même avec un boulot de merde. Mais t'aimes voir les gens s'amuser le soir. Même si parfois tu rêves à nouveau de toute cette violence, que tu chasses de ton esprit aussi tôt.