Les journées sont toutes les mêmes. Elles sont rythmées par les allées et venues des infirmières dans ma chambre, avec leurs faux sourires à deux balles qui m'énervent de plus en plus, de tous ces cachets que je prends sans trop savoir pourquoi, de ces douleurs dans le bas de mon dos dès que j'essaie de me tenir sur mes deux jambes, et des infirmières, encore, qui viennent dans ma chambre pour me dire de ne pas essayer de me tenir sur mes deux jambes, que c'est trop tôt, que j'vais tout faire foirer. Mais j'en ai un peu rien à foutre. Je sature, de tout ça; j'ai envie de marcher, courir, partir loin, rejoindre peut être mon frère dans le désert avec l'oncle alcoolique qui lui sert de parrain. J'ai pourtant la chance qu'Elektra soit là, même si elle se montre parfois impatiente, sa présence à mes côtés me rassure, d'une certaine manière. Elle a quitté la chambre il y a une vingtaine de minutes, et je me retrouve seul, à nouveau. Lassé, je fixe le plafond dans l'espoir d'y trouver quelque chose d'intéressant, le sens de la vie, peut être. Je regarde sans cesse mon telephone, mais les minutes ne passent pas. Je soupire à nouveau, alors que quelqu'un se décide de taper à la porte de ma chambre. C'est pourtant pas l'heure du passage des sourires hypocrites.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire, la vie de sexologue n'avait rien de réellement attrayant, du moins pas aux yeux de Yael, qui exerçait aussi en tant que gynécologue. Ce qu'il appréciait le plus dans son métier de médecin, c'est qu'il fallait étudier en permanence, se mettre à jour, et surtout s'occuper l'esprit avec des pensées plus importantes que ces sottises appelées "sentiments". Il s'était remis à penser que tout ceci, n'était en fait que l'effet de ces hormones sécrétés par notre cerveau, l'amour n'était pour lui, qu'un phénomène purement physiologique, il ne représentait rien de magique, et il ne souhaitait plus s'y soumettre. Pourtant, c'était bien cette illusion qui le faisait marcher, pas à pas, jusqu'à cette chambre. Celle de Blake. Il se figea un instant, avant de toquer à la porte et de rentrer. Je suis là, comme nous l'avons convenu. Son regard se perdait un instant dans celui de son amant d'antan avant de se reprendre. Comment vas-tu, Blake?

Yaël. Il se tient là, face à moi, son regard se plonge un instant dans le mien, alors que ma gorge se serre un peu. C'est vrai, il y a quelques jours, je lui ai demandé de passer. Je ne sais même pas pourquoi je fais ça, alors qu'au fond, je ne sais même plus si j'arrive à l'aimer comme autrefois. " Salut Yaël. " Je soupirais et m'asseyais au bord du lit, avant de relever mon regard vers ce visage que je connaissais par coeur. " Merci d'être venu. " J'étais gêné, en réalité, parce qu'au fond, je ne savais plus trop quoi lui dire maintenant qu'il se tenait face à moi. J'osais lâcher un sourire qui accompagnait mon " Je vais bien, merci. Et toi ? " mais le coeur n'y était pas vraiment.

Yael se tenait en face de la personne qui faisait toujours autant chavirer son cœur. Lui qui ne semblait pas se laisser corrompre par ses sentiments, se sentait faiblir à chaque fois que son regard croisait celui de Blake. Ce dernier rétorquait d'une voix affaiblie. Il semblait avoir perdu espoir en eux, en ce qu'ils étaient et ce qu'ils auraient pu être. Peut-être regrettait-il déjà le fait d'avoir invité le docteur à venir le voir, il semblait quelque peu gêné par sa présence. Je vais bien. Il se baladait autour de la pièce, jetant un bref coup d'oeil vers la fenêtre avant de reporter son attention sur Blake. En ce qui concerne.. notre dernière discussion. Et bien.. Oui je t'ai tenu la main, et oui j'ai attendu ces six heures pour m'assurer de ton état de santé. Je ne vais pas t'oublier du jour au lendemain, tu en es conscient.

Je l'observais, sans dire un mot, puis baisser la tête alors que Yaël osait encore me défier du regard. Nos dernières discussions avaient été un peu houleuses et je n'avais pas envie de ça maintenant. J'avais juste besoin de m'assurer qu'il allait bien, dans sa nouvelle vie de mari parfait, et il me disait allait bien, tant mieux. Par contre les phrases qui allaient suivre me laissaient sans voix. Il osait me sortir ça, après ces deux mois d'ignorance. Je soupirais, baissant les yeux. J'osais cependant laisser apparaître un fin sourire au bout de quelques instants et murmurait en hébreux " à partie d'aujourd'hui et à jamais. "

Cette phrase en hébreu pouvait résumer tout ce qu'il pouvait unir le docteur à son amant. Ou plutôt ex-amant. Le surnommer ainsi n'était pas encore envisageable aux yeux de Yael. Il esquissait un faible sourire, ampli de nostalgie, d'une époque pas si lointaine, où ils pouvaient encore profiter l'un de l'autre. Tu t'en rappelles toujours. Il le rejoignait ensuite, s'asseyant près de lui sur le lit, et fixant le mur en face, le regard vide, pour changer. D'un ton assez bas, il rétorqua à nouveau. C'est bien plus simple ainsi. Je t'ai permis de rencontrer ta nouvelle petite amie.

Bien sur que je me souvenais encore des vœux que j'avais prononcé le 7 août dernier, la tournure de notre histoire n'avait rien changé à ça. J'eus un léger rire alors qu'il me parlait de Lek. Il avait tendance à la mentionner un peu trop souvent pour ne pas s'en soucier. " En vérité je la connaissais avant que tu ne me quittes on faisait ... Affaire ensemble. Donc ça m'a juste permis de me rapprocher d'elle. " Je me tournais vers lui alors que nous étions bien plus proche physiquement parlant que les deux derniers mois. Il n'avait pas l'air de vouloir m'envoyer bouler aujourd'hui. Très bien. " Comment ça va, avec Ève ? "

Du point de vue du docteur, être aussi dur avec Blake était sans l'ombre d'un doute l'une des meilleures décisions qu'il ait pu prendre. Ce n'était pas chose aisée en vue de l'affection aussi rare soit-elle, qu'il lui porte. Il voulait réellement s'engager avec lui, qu'ils puissent bâtir quelque chose à deux. Yael s'était permis d'être égoïste, il ne s'agissait probablement que d'un moment d'égarement, car sa famille restait toujours extrêmement présente dans sa vie, ainsi que son mariage avec Eve. Le jeu continue. Il ne pu réellement s'empêcher de prendre la main de Blake, il se laissait peut-être un peu trop aller. Je suis heureux que tu te sortes indemne d'un tel accident.

Le jeu continue, comme prévu. Bien sur qu'il n'allait pas la quitter et s'opposer à son père. Il n'en était pas capable, et je ne le comprendrais probablement jamais vis à vis de son comportement aux yeux de sa famille. Je sentis les doigts de Yaël s'enroulaient autour des miens. J'imagine que mon teint a viré au rouge dans cette situation. Ça me dérangeait un peu, mais en même temps, sa présence était bénéfique. Je me contentais de lui sourire un instant avant de parler doucement baissant les yeux. " T'en penses quoi ? De tout ça ? Sincèrement. "

Il gardait sa main dans celle de Blake, ce simple geste aidait à le faire sentir un peu plus vivant. Il soupirai un court instant avant de répondre. Je pense que nous nous retrouvons dans une situation... pour le moins, désolante. Il lâchait sa main, pour éviter tout possible malaise. Il faut que tu comprennes qu'il n'y avait pas d'autres choix. J'ai fais ce qu'il fallait afin de minimiser les dégâts qu'il aurait pu te causer. Ses iris plantées dans celle de son ex-amant se voulaient sincères. Le docteur ayant toujours eu du mal à s'exprimer au niveau de ses sentiments, il comptait souvent sur son regard pour ce genre de choses.

Je soupirais alors qu'il lâchait ma main parlant d'éventuelles conséquences, encore. Malgré tout, avec son discours, il voulait me prouver qu'il avait eu raison de faire ça, pour moi. Yaël était persuadé que tout ceci était de sa faute, mon accident, mon handicap. Je relevais mon regard, le plantant dans le sien. J'avais jamais pu soutenir son regard sans le désirer, et ça n'avait pas changer, ça. J'osais poser ma main sur la sienne. " Ani ohève othake. tout ceci était ridicule. J'aimais Lektra, et notre relation était saine. Mais je savais qu'il y aurait toujours une partie de lui en moi.

Peut-être qu'il n'aurait pas dû venir le voir, continuer dans sa lancée, et être complètement froid avec Blake, faire comme s'il n'avait plus aucune espèce d'importance pour Yael. Se retrouver dans cette pièce avec lui représentait une trêve pour le docteur, il se sentait constamment en guerre dans sa vie quotidienne, mais il pouvait se permettre de dévoiler un certain côté de sa personnalité à Blake. Ce dernier posait sa main sur celle du Yael, ils devaient désormais se contenter de cette simple marque d'affection. Ani ohève othake. Il finit par céder, prononçant cette phrase également. Je ferai en sorte qu'un tel "accident" ne se reproduise plus.

Il l'avait dit, et j'étais intérieurement en train de fondre complètement. J'avais eu raison, il avait été hypocrite ces dernières semaines. " Il n'y a plus de raison que ça se reproduise, je ne suis plus là pour faire en sorte de briser l'avenir de la descendance Rockfeller. " J'osais sourire à nouveau. Je n'étais pas vraiment d'accord avec Yaël sur ce sujet et restais persuadé que son père n'avait rien à voir avec ça. Mais sa façon d'être sur de lui sur ça me rendait un peu dubitatif. " Et maintenant ? On est condamné à ça ? Je veux dire, se tenir la main dans une chambre d'hôpital, avoir nos vies respectives, chacun de notre côté ? "

J'étais sortie de la chambre de Blake et j'avais longé ce couloir que je connais trop depuis plusieurs jours maintenant. Cet hôpital que je fréquente depuis bien trop longtemps en si peu de temps. Pas mon habitude. Juste pour Blake, et ses foutues jambes. Ca me faisait chier de le voir là, dans cette chambre, à rien foutre. Ca me faisait chier pour lui. Parce que ouais, sous mes airs de meuf qui disait que rien ne m'atteignait, l'état de Blake m'inquiétait. Et il le savait. Depuis que je m'étais mise en couple avec lui, c'était différent. Et c'était bien. Ca me faisait du bien. Enfin bref, trop de niaiserie, je rejoignais ma caisse lentement, regardant autour de moi, sortant une clope de mon paquet, je la coinçais entre mes lèvres, prête à passer la main dans la poche arrière de mon jean... vide. Merde, mon briquet. J'avais l'habitude de jouer avec, surtout quand j'étais nerveuse, et là j'crois bien que j'l'avais oublié dans la chambre de Jésus. Je levais les yeux au ciel, exaspérée de rentrer à nouveau dans ce bâtiment de merde, puis j'attrapais ma clope entre mon majeur et mon index, avant de rebrousser chemin. Je re-longeais le même couloir, rejoignant la chambre de mon mec, je ne frappais même pas, j'entre à chaque fois comme dans un moulin. J'ai juste oublié mon... Je commence en rentrant dans la chambre avant de me figer en voyant cette vision de Blake avec son ancien mec blond, le même du bloc. Mes yeux ne font qu'un tour en voyant leurs mains ensembles avant que mon regard plus que froid remonte sur Blake. Je m'avance juste histoire de prendre mon briquet sur la petite table, ouais parce que là, va bien me falloir une bonne demi douzaine de clopes. J'aurai pu les claquer. Mais j'le fais pas. Ma mâchoire est trop serrée pour que je puisse dire quoi que ce soit, mais mon regard fait le reste. Je termine par tourner immédiatement mes talons pour sortir et claquer la porte bien comme il faut.

Alors que j'attendais la réponse de Yaël, quelqu'un entra dans la chambre sans même frapper. Je me retournais et croisais le regard de Lek. Je me décomposais sur place alors que la jeune femme avait très bien remarqué la main de mon ex dans la mienne. Elle parti en claquant la porte et sans même jeter un regard au docteur je me hissais jusqu'à mon fauteuil et parti assez rapidement à sa poursuite dans le couloir. " Lek attend ... " Elle était en train de monter dans l'ascenseur. Je me mis de façon à bloquer la porte peut importe les gens qu'il y avait à l'intérieur. Je soufflais un bon coup avant de la fixer. " Tu veux savoir ? Oui, je suis encore amoureux de Yaël et je le serai probablement toute ma vie, on a vécu trop de chose dont tu ne pourrai pas comprendre la moitié. Mais ce que je sais aussi c'est que j'ai pas envie de me remettre avec parce qu'à côté de ça, je suis amoureux de toi Lek, et je changerai ma place avec toi pour rien au monde. "

Je me sentais bouillir de l'intérieur. Je savais que je pourrais exploser n'importe quand. En plus d'agir comme si j'avais des troubles bipolaires, là, c'était le summum. Claquant mes chaussures sur le sol du couloir, je m'avançais d'un pas décidé jusqu'à l'ascenseur. Lek attend ... Rien à foutre, je continuais sur ma lancée, inspirant et expirant grandement. De toute façon, ça ne servait à rien, je ne serais pas calmée de sitôt. Entrant dans l'ascenseur, Blake fit irruption avec son fauteuil à la con, empêchant les portes de se refermer. Tu veux savoir ? Oui, je suis encore amoureux de Yaël et je le serai probablement toute ma vie, on a vécu trop de chose dont tu ne pourrai pas comprendre la moitié. Mais ce que je sais aussi c'est que j'ai pas envie de me remettre avec parce qu'à côté de ça, je suis amoureux de toi Lek, et je changerai ma place avec toi pour rien au monde. J'avais fait genre de ne pas écouter. Mais j'avais écouté. Tout. Et ça me m'était encore plus hors de moi. Mon regard trop froid se reposa sur lui, et je pris la peine d'articuler très minutieusement, Va te faire foutre. Avant de m'avancer et de pousser le fauteuil de toutes mes forces, histoire qu'il se dégage des portes, avant d'appuyer rapidement pour que finalement l'ascenseur puisse repartir.

Elle ne semblait pas écouter un traitre mot de ce que j'étais en train de lui dire, et ça m'rendait encore plus dingue. En guise de réponse, j'ai le droit à un magnifique va te faire foutre accompagné d'une bousculade et d'une fermeture de porte. Je frappais du poing contre l'ascenseur avant de souffler longuement. Passant ma main sur mes cheveux, je rentrais à nouveau dans la chambre, et fermant la porte derrière mois. Restant sur le fauteuil, je me dirigeais vers un coin où je roulais d'avant en arrière, sans jeter un regard à Yaël. " Je peux te demander un service ? "

Le docteur fut subitement interrompu par la venue de la fameuse petite amie, il a toujours trouvé qu'elle avait l'apparence d'une adolescente, un brin trop jeune pour considérer une quelconque liaison entre elle et Blake. Elle semblait troublée, voire même très en colère, Yael pu conclure ceci en voyant la force avec laquelle elle avait fermé la porte, ce qui en soit, représentait un manque total de respect envers lui. Enfin passons. Blake la suivait comme un toutou, chose qui ne surprenait guère le docteur, qui se contenta de le regarder, préférant rester silencieux. Celui ci revint quelques minutes après, lorsque le docteur s'apprêtait à quitter la pièce. Je peux te demander un service ? Il sourit ironiquement suite à cette question. Tu n'as pas pu arrêter la gamine? J'en suis navré.. mais je t'écoute.

" Ne te remet pas à jouer aux hypocrites Yaël. " Le sourire ironique de mon ex en disait long sur ce qu'il pensait de ma relation avec Elektra. Mais au stade où nous en étions lui et moi, il n'avait pas son mot à dire sur la situation. Je n'avais jamais apprécié Eve non plus de toute façon, je la trouvais beaucoup trop superficielle pour lui. Je m'avançais vers lui alors qu'il semblait sur le point de quitter la pièce. Il faut dire qu'après une scène aussi théâtrale, il y avait de quoi. Je repris sa main et le fixais droit dans les yeux. " Je sais que c'est pas à toi de gérer ça, et que c'est déplacé de ma part de te le demander. Mais t'es la seule personne en qui j'ai réellement confiance. Elektra s'attire beaucoup de problèmes en ce moment, et je crains pour sa vie. Je sais que tu connais des gens capables de la surveiller, et vu la tournure de prennent les choses, je crains ne plus pouvoir le faire moi-même. Est ce que tu pourrais me mettre en contact avec eux ... ?"