J'étais partie de San Francisco comme la plus grande des voleuses. Sans un « au revoir » digne de ce nom, juste comme une brise qui annonce la fin de l'été. Pourquoi est-ce que je suis partie de cette façon ? Peut-être à cause de la pression des événements par lesquels j'étais passée en très peu de temps, à cause de Gaïa. De notre histoire amochée qui a fini par exploser sous silence. Comme une évidence. J'ai eu besoin de me remettre sur pieds, de m'éloigner de tout ce qui me la rappelait. D'apprendre à respirer à nouveau. Évidemment, mon départ avait engendré des déceptions, dont celle de Sidoine qui me l'avait fait comprendre gentiment. C'est vrai que je n'avais pas été correcte et c'est vrai qu'il n'avait pas mérité cette distance. Parce qu'il avait été là pour moi de nombreuses fois et que je ne lui avais pas réellement rendu la pareille. Cela faisait quelques jours que j'étais finalement revenue en ville et aujourd'hui, j'ai décidé de faire le premier pas vers lui. De mettre ma fierté de côté et d'aller lui présenter mes excuses. Alors je suis allée nous chercher deux pizzas et j'ai pris la route qui menait à son quartier. Je suis sortie de la voiture en emportant les pizzas et mes affaires avec moi. Je m'attendais à ce qu'il refuse ou à ce qu'il soit occupé mais qui ne tente rien n'a rien comme on dit. Finalement, je sonnais à sa porte patientant devant en étant un peu nerveuse car oui, ma conscience me rappelait que j'avais merdé. Comme souvent. Au bout de quelques minutes passées à chipoter à mes affaires pour me détendre, il m'a ouvert la porte ; son air neutre collé au visage. Je souris, comme pour l'attendrir en le fixant droit dans les yeux. Pizzas en main. Surprise ! Parce que oui, je ne l'avais pas prévenu de mon retour non plus... T'as du temps ? Je demande, calmement.

Enfin une journée de libre, une journée à ne pas courir pour le boss, à ne pas enchaîner meetings sur meetings sans avoir le temps de quoique ce soit, ni de manger d’ailleurs et une journée avec une seulement quelques heures de cours, mais je n’y suis pas allé. De un les cours ne m’intéressaient pas des masses et ensuite, je suis trop fatigué, j’ai préféré faire la grasse-matinée, traîner dans l’appartement en boxer, ma tasse de céréales en main. Bon, ça ne veut pas dire que je vais passer toute la journée à me tourner les pouces, loin de là, j’ai pas mal de recherches à faire pour les cours et j’ai des meetings à préparer, bon certes pour le week-end seulement mais vu le rythme soutenu de mon travail, il valait mieux que je prenne un peu d’avance pour ne pas me retrouver complètement submergé. Oui, bon, c’est facile comme programme niveau théorique, mais en pratique, c’est plus compliqué, surtout lorsque la seule motivation qu’on c’est de rester avachi sur le canapé à regarder un film stupide qui n’implique pas une réflexion intense. C’était donc dans cet été de non activité qu’on a fini par sonner à la porte, je n’attendais personne, maman est à l’étranger avec son copain à profiter du soleil, du sable, de la chaleur et cette relation naissante, donc personne pour venir me foutre les pieds au cul pour que je me bouge. En somme, normalement, personne ne devait frapper à ma porte puisque tous me pensaient à l’école. Bref, je me traine finalement jusqu’à la porte, sans grande volonté, je l’ouvre et bam, surprise, Svetlana. « Pour une surprise… » je réponds simplement, avec un petit sourire sur le visage, ironique en fait. Avec elle je n’ai pas besoin de faire semblant, en tout cas quand on est seulement nous deux, plus de masques, pas de faux semblants. « vas-y entre » J’ajoute encore avant de la laisser passer et de refermer derrière elle. « Fais pas gaffe au bordel, Carmen n’est pas là alors on se laisse un peu aller » Je hausse les épaules en me grattant la tête, faudrait vraiment que je pense à me débarrasser de tic, il est chiant et pas sexy du tout « Alors qu’est-ce qui t’amène ? »

Un sourire désinvolte vient s'afficher sur son visage, celui qui ne veut rien dire mais qui appuie tout de même sur mon erreur sans que le sujet ne soit abordé. Je ne relève pas, je ne bouge pas. Pas avant qu'il ne m'invite à entrer chez lui et soulagée, du moins un peu, je m'avance à l'intérieur de son appartement. Sa remarque sur l'état des lieux laisse échapper un rire assez bref d'entre mes lèvres. C'est vrai que c'était pas le top mais je n'en avais pas grand chose à faire, j'étais venue pour qu'on s'explique tous les deux et qu'on se réconcilie si c'était possible. Il me demande ce qui m'amène alors que je prends place dans son canapé, posant les pizzas sur la table basse du salon tout en y faisant un peu plus de place. Je t'ai apporté à manger, j'espère que tu as faim. Je pose alors mon sac sur le côté, pour le regarder à nouveau tout en cherchant les mots à ce que je m'apprête à lui dire. Les excuses, ça n'a jamais été mon fort. Faut le dire mais je préfèrais arranger les choses tant qu'il était possible de le faire. Je me racle un peu la gorge avant d'ouvrir la bouche à nouveau. Tu m'en veux toujours d'être partie sans donner de nouvelles ? Parce que je ne savais pas et parce que les silences qui sont entre nous ne me plaisent pas du tout. Je ne m'étais pas attendue à m'attacher à Sidoine, à voir à travers lui plus qu'un corps mais c'était le cas. Il est particulier à sa façon et j'espèrais le garder dans ma vie, comme un ami. Parce que c'était un garçon bien dans le fond, j'en été persuadée. Malgré toutes les choses qui avaient pu se dire à son sujet. Sidoine m'avait touché avec sa présence. J'ai peu d'amis mais il en fait partie.