L’irlandais avait eu une longue et fatigante semaine, aussi s’était-il couché peu de temps après être rentré le soir. Il avait dû bosser pas loin de soixante heures du lundi jusqu’au samedi et le sommeil s’était rapidement emparé de lui à peine qu’il fut allongé dans son lit. Au départ il avait songé à rester chez lui le dimanche, de ne pas bouger et de rester tranquillement à lézarder au bord de la piscine, histoire de se requinquer avant d’entamer une semaine tout aussi épuisante. Mais il avait été enfermé entre quatre murs toute la semaine et ressentait terriblement le besoin de se défouler. Aussi, se levant vers huit heures ce matin-là, il attrapa rapidement de quoi manger, plaça le tout dans un sac, attrapa une serviette, son maillot de bain, une combinaison et harnacha sa planche de surf toute neuve sur le toit de son 4x4 avant de se diriger à la place. Une demi-heure plus tard, il était sur le sable d’Ocean Beach, installé sur sa serviette en combinaison de plongée à manger une barre céréalière. Prenant un petit déjeuner-rapide, il attrapa ensuite sa planche de surf et disparu dans les vagues du Pacifique pendant plusieurs heures.
11h47
Appréciant ces superbes vagues, Aedan ne vit pas le temps passer jusqu’à ce que la fatigue ne se fasse sentir d’un coup. Il sentit alors qu’il avait largement dépassé ses limites et se dépêcha de rejoindre le rivage. Allongé sur la planche de surf, il parvint à la plage sans trop de difficulté. Il revint ainsi à sa place bien qu’il peina à la retrouver avec tout le monde qui était arrivé entre temps. Mais repérant sa serviette, il se sentit soulagé que personne ne la lui ai volé. Tenant sa planche, il voulut la poser parallèlement à sa serviette mais la fatigue s’étant installé dans ses bras, il manqua de la faire tomber sur la personne qui bronzait juste à côté et de l’assommer. La rattrapant de justesse, il se confondit en excuse. « Oups ! Excusez-moi ! Un petit coup de fatigue. » Sous le coup de l’émotion, Aedan se sentit mal, sans compter qu’il ne s’était pas montrer raisonnable. Il ignorait depuis combien de temps il était partit, mais ça devait faire des heures. Son corps protestait et ne se gênait pas pour tirer la sonnette d’alarme. Il avait faim et il voulait se reposer. L’irlandais ignorait encore s’il allait rentrer ou non mais ce qui était de sûr c’est que cette après-midi c’était repos. Probablement bronzette et lecture. Mais ça ne l’empêchait pas de conserver un certain sens de l’humour. Il s’enquit ensuite de l’heure qu’il était et vit qu’il était près de midi. Il avait passé un peu plus de trois heures dans l’eau. Il jeta finalement un coup d’œil du côté de la demoiselle qu’il avait failli assommer, s’apercevant que soit elle était venue seule elle-aussi, soit que les personnes avec lesquelles elle était venue l’avaient délaissé ici pour aller se baigner. N’étant pas quelque de très extraverti, Aedan décida de ne pas l’aborder mais sous le soleil tapant du presque midi, il était temps qu’il se badigeonne de crème solaire… sauf qu’il ne l’avait pas emmené. « Euh, excusez-moi… ? Je n’ai pas pensé à prendre ma crème solaire, à tout hasard vous ne pourriez pas me prêter un peu de la vôtre ? » fit-il avec son accent irlandais prononcé.
Je n'ai jamais été aussi patiente que ces derniers mois. Toute mon existence entière s'est adaptée à l'attente, à laisser simplement les jours glisser sur la surface lisse de mon épiderme et de mes pensées. Les émotions confuses qui m'ont aveuglé ont disparues pour laisser place à l'indifférence, à la sérénité improbable d'une nouvelle vie qui prend forme avec lenteur. J'étais enceinte depuis six mois à présent. Six mois qui ont entièrement retourné mon quotidien, qui m'ont transformé aussi. Je me sentais différente et la vie m'ouvrait un horizon qui m'avait toujours semblé impossible en mon cas. Il faut dire que je ne suis pas vraiment le cliché parfait de la mère traditionnelle mais Noah englobait tout mon être et possédait le moindre de mes souffles. Il me faisait grandir et mon amour pour lui dépassait déjà n'importe quel sentiment que j'ai pu ressentir auparavant. L'amour maternel n'est pas un mythe.
Dans l'attente, j'essayais de me changer les idées au maximum. La solitude ne me dérangeait plus. À vrai dire, elle me permettait de faire le point, d'apprendre à me connaître d'avantage et de m'attarder plus en profondeur sur la réflexion. Pour la première fois depuis très longtemps, je m'occupais de moi et uniquement de moi sans laisser les autres interférer dans ma propre progression. Cette isolation soudaine qui m'a parût négative aux premiers abords était devenue quelque chose que j'appréciais énormément. La projection de ma propre vie m'appartenait entièrement à présent et les avis des autres me semblaient totalement dérisoires. C'est dans cet état d'esprit libéré que j'ai quitté la maison pour me rendre jusqu'à la plage. Mon maillot de bain enfilé en dessous d'une longue robe en mousseline, j'avais emporté avec moi mon sac de plage dans lequel se trouvait tous les objets nécessaires pour passer une bonne journée à l'air marin.
Arrivée sur les lieux, j'installais ma serviette de plage sur le sable déjà tiède d'Ocean beach. Lunettes posées sur le nez, j'enlevais ma robe pour n'être plus qu'en maillot et je décidais de m'installer afin de me mettre de la crème solaire. Une fois chose faite et après m'être rapidement essuyé les mains, j'ai attrapé mon livre du moment pour reprendre ma lecture alors qu'un léger vent venait faire virevolter quelques mèches de mes cheveux. Je me sentais bien, apaisée et tranquille. Les douleurs internes me paraissaient si loin à présent que l'idée même de leur souvenir était flou. Les gens s'amassaient lentement pour s'étendre sur le sable ou se perdre dans les quelques vagues qui décoraient l'océan pacifique alors que mes prunelles restaient concentrées sur les phrases qui se suivaient les unes après les autres. Ce n'est que lorsqu'un jeune homme a failli faire tomber sa planche sur ma personne que ma lecture fut interrompue. J'avais posé ma main sur mon ventre par réflexe, sans que je n'en ai réellement eu conscience et c'était certainement la première fois que la sensation de protection m'envahissait. Ma frayeur avait pourtant été légère car le garçon rattrapa sa planche de justesse et s'excusa tout aussitôt. Rassurée, je lui ai souris. Ce n'est rien et puis vous l'avez rattrapé à temps ! Je sortis ensuite ma bouteille d'eau pour en boire une gorgée et j'ai repris ma lecture là où elle s'était arrêtée. Après quelques minutes, le jeune homme à la planche m'adressa à nouveau la parole afin de me demander de la crème solaire. Je l'attrapais pour la lui tendre, un nouveau sourire apparaissant sur mes lèvres. Tenez, prenez-la. Je ne pouvais pas m'empêcher de remarquer son accent irlandais. En tant qu'anglaise, ce sont des choses que je remarque très rapidement. Excusez-moi, mais votre accent est bien irlandais, non ? Je lui dis, tout en rangeant mon livre pour me focaliser sur ma nouvelle rencontre.
Heureusement qu’il l’avait rattrapé sa planche parce qu’en y regardant de plus près, il se rendit compte que la jolie demoiselle qui lisait sur sa serviette tout en faisant bronzette avait un habitant sous le nombril. Il repensa alors à Ciara et ça le fit sourire. C’était idiot car la demoiselle ne devait sûrement pas être intéressée par quelque relation étant donné qu’à présent elle attendait un enfant qu’elle avait eu avec un coup d’un soir. Seule sa grossesse occupait son esprit, ce qui était bien normal et de fait, elle ne s’encombrerait pas d’un éventuel amant alors que son temps serait ailleurs d’autant qu’il n’était guère doué à ce rôle. La seule chose qui avait toujours retenu son intérêt était son travail et sa famille. Et encore, s’il accordait autant d’importance à son travail, c’était parce que c’est ce qui lui permettait de prendre soin de sa famille. C’est dire comme il était plutôt obtus d’esprit sur le monde qui l’environnait. Il faudra bien qu’un jour il s’ouvre à tout ce qui se trouvait alentour mais ça lui prendra un peu de temps. Mais qui sait si pour Ciara, il ne serait pas tenter de le faire ? Car l’irlandais se disait n’être guère superstitieux, pourtant il ne put y déceler dans cette rencontre fortuite une sorte de message du destin. Quel pourcentage de chance y avait-il que sa voisine de plage attende elle-aussi un heureux événement ? « Ce n'est rien et puis vous l'avez rattrapé à temps ! » Ils échangèrent un sourire de soulagement et Aedan s’installa sur sa serviette après avoir posé sa planche à plat à ses côtés. Il s’agita ensuite pensant quelques secondes tandis que la miss reprenait sa lecture et finalement, le surfeur lui demanda si à tout hasard elle n’aurait pas un peu de crème solaire à partager avec lui. Visiblement, il n’était pas parti très réveillé pour oublier pareil nécessité sous la chaleur de la Californie. « Tenez, prenez-la. » fit-elle en lui tendant le flacon. « Merci, je vous la rend tout de suite. » Et sans se faire prier, il commença à se tartiner tout en faisant bien attention de ne pas trop en utiliser. C’était déjà bien aimable de sa part de la lui prêter, la moindre des choses était de ne pas abuser de sa gentillesse. La jolie blonde le tira cependant de son sérieux sur l’étalage de crème solaire en lui posant une question qui ne manqua pas d’attirer son attention. « Excusez-moi, mais votre accent est bien irlandais, non ? » Aedan releva son regard vers elle, arrêtant un court instant son geste. « Ah ! me voilà démasqué. » sourit-il, amusé. « Effectivement je suis bien irlandais. Je suis arrivé il y a à peine quelques semaines de Galway. Oh, excusez-moi je ne me suis même pas présenté. Je m’appelle Aedan, enchanté de faire votre connaissance. » C’est sûr qu’avec un prénom pareil, il aurait bien du mal de renier sa terre natale, ce qu’il n’avait aucune envie de faire d’ailleurs malgré un passé en dent de scie plus souvent en pente qu’en monté. Il lui tendit ensuite la main, appuyant par là son désir de faire plus ample connaissance avec elle et espérant faire bonne impression après avoir manqué de l’assommer et la délester de sa crème solaire. Il semblait être bien tête en l’air et maladroit aujourd’hui, heureusement qu’il ne travaillait pas, ça n’avait pas l’air d’être son jour. En revanche faire connaissance avec la jolie blonde était plus que tentant. Le fait est qu’il travaillait beaucoup et qu’il n’avait guère l’occasion de sortir souvent ou très longtemps. Du coup il lui arrivait de se sentir un peu seul dans cette ville d’accueil alors si quelqu’un avait l’amabilité de bien vouloir lui faire la conversation, il n’allait sûrement pas rater cette opportunité. Ayant conservé le bas de sa combinaison, il termina rapidement de se protéger du soleil et rendit le flacon à sa propriétaire. « On dira que je vous en dois une. » sourit-il comme à son habitude en agréable compagnie.
Accueil
