Je me demande bien pourquoi j'ai trop bu ce soir. Je pourrais avoir une mauvaise excuse, mais ce soir j'ai juste envie d'oublier. Oublier quoi ? Aucune idée encore une fois. Je suis totalement blonde, jeune et pour une fois que j'ai deux jours de repos, je ne compte pas m'en privé. Ce soir il y a pas mal de beau jeune homme, beaucoup viennent me parler mais aller savoir pourquoi je les rejettent tous... Merde, mais je veux coucher moi ce soir ou quoi. Mais en fait, je n'ai d'yeux que pour le jeune homme assis à une table avec une fausse blonde affreuse ! Il ne m'a pas vu, j'en suis certaine. Je connais son regard maintenant, comme si je l'avais toujours connu. Même si je l'ai assimilé au regard de mon preux chevalier, je l'ai maintenant assimilé au beau gosse qu'est Alessandro. Et voilà que je ressemble à une jeune fille jalouse en train de mater son mec la tromper. C'est n'importe quoi, lui et moi on est même pas ensemble. On a jamais couché ensemble, même si ça n'aurait pas été pour me déplaire. On ne s'est même jamais embrassé ! Ah si, une fois mais franchement, c'est plus moi qui était en train de lui étudier la bouche avec la langue qu'autre chose. Il a répondu à mon baiser mais... Me l'a-t-il seulement rendu ? Et voilà que je bois, ronchonnant dans mon coin alors qu'il continue de la regarder. Elle rigole, et son rire parient même jusqu'au comptoir. Sérieusement, qui peut avoir un rire forcé aussi moche ?! Elle lui touche le bras, le tripote et je me surprends à avoir envie d'être à sa place. Ce mec me fait terriblement envie, je ne peux plus me le cacher. Ô je ne suis pas amoureuse, je le veux juste dans mon lit une bonne fois pour toute. Et quand ses yeux se tourne finalement vers moi, que son regards se plonge dans le mien, je me sens littéralement fondre. Ô ne pensez pas que je dis ça comme une petite fille toute mignonne qui rougis comme une petite chose fragile... Non, quand je dis que je fond, c'est que c'est littéralement le feu dans ma petite culotte en dentelle. Je le vois bouger les lèvres mais il ne regarde que moi, parfait ! Je redresse mon verre et le bois cul sec... Putain je crois que ça commence à tourner dans mon slip plus qu'autre chose au final... Je finis par me détourner, je crois que je vais vomir. Je me redresse, manquant de tomber à plusieurs reprises. Je ne sais comment mais je réussis à aller aux toilettes avant de vomir. Youhou victoire pour le peuple. Après quelques minutes très désagréables, je finis par sortir des toilettes. Un dernier manquage de cassage de gueule et je sens des mains se poser sur mes hanches. - Wow ! Faut pas prendre la vierge pour une... je me retourne et croise ce regard... Vierge, je finis par murmurer. Je crois que ma phrase ne veut rien dire mais je m'en fiche totalement. Je ne sais plus trop ce qu'il m'a dit, ce que je me souviens c'est qu'il m'a aidé à marcher. Il a voulu que je lui dise où j'habite, et même bourrée mon système d'alarme à retentit dans ma tête. Après avoir dit non, de façon plus ou moins... Lucide, il a finit par souffler. Je me souviens qu'il m'a porté comme une princesse finalement, montant des escaliers et j'ai encore eu l'impression d'avoir à faire à mon preux chevalier. Il l'est mais d'une autre manière... Il a ouvert une porte... Mince comment il a fait pour ouvrir ma porte sans les clés... Et qui l'a repeinte en bleu TARDIIIIS ! Je me mets à rire comme une idiote et me voilà dans un lit... Pas le mien encore... Mais bon sang ce que les draps son doux. Je me mets à faire l'idiote dans le lit, tournant dedans tellement je me sens bien, et deux minutes plus tard, pelotonner dans la couette je me suis endormi... Comment je le sais ? Et bien quand je rouvre les yeux, la boisson est presque totalement parti. Je regarde le réveil à côté de moi, il est presque cinq heures du matin. J'ai un peu mal à la tête et en regardant autour de moi je me demande où je suis. Soudain je sens du mouvement à côté de moi... Oh merde, j'ai fantasmé sur Alessandro et j'ai cru que j'étais rentrée avec lui... Je ne me suis pas endormi, j'ai fait l'amour avec un inconnu... Chiotte ! Ca s'agite un peu plus... trop... Et je reconnais ce genre d'agitation. La panique, la peur et les petits gémissements qui nous échappent. Ce mec fait un cauchemars. Je tâtonne dans le noir, trouvant ce que je cherche, de quoi allumer la lampe de chevet. Je me retourne vivement et me bloque en voyant Alessandro... Bon sang, je n'ai pas rêvé alors ! Et quand il est endormi, son visage semble plus serein... Alors que je peux l'observer comme ça, mon cœur se serre un peu. C'est fou ce qu'il peut lui ressembler quand même. A moins que ça y'est, mon cerveau l'a assimilé à ce jeune homme... Il s'agite encore et je réagis en posant ma main dans ses cheveux que je caresse doucement. Je me penche un peu et murmure : - Alessandro... Alessandro tout va bien. Tu es dans ta chambre... Accompagné d'une sublime créature, je rajoute en souriant légèrement. Réveilles-toi, tout vas bien... Peut-être idiot, mais je crois que c'est la seule chose que je peux faire pour le moment.
« En général, ce sont les souvenirs les plus lourds à porter qui nous reviennent le plus facilement en mémoire. Ces souvenirs-là ont le pouvoir de changer une vie de manière fondamentale et de façon définitive. Et peu importe que vous réussissiez ou non à vous en débarrasser : ils auront laissé en vous des traces indélébiles. »
« C’est à ce moment-là que le réalisateur m’a dit que j’avais les plus belles fesses de Californie ! » Je secoue un peu la tête, amusé. Sans lâcher cette fille du regard. Elles adorent ça alors je leur donne ce qu’elles veulent. Et j’ai souvent un retour plus que satisfaisant. « Tu veux les voir ? » Cette fille a un culot monstre, c’est assez incroyable. Et en plus de son culot, je crois que son taux d’alcoolémie a dépassé des sommets. Blonde, plutôt jolie … Cette fille est un véritable cliché. Ou du moins, c’est ce qu’elle me montre. Et ça me suffit amplement. « Tes fesses ? Crois-moi que je les verrais très bien tout à l’heure. » Elle éclate de rire mais ne dément pas. Parfait. J’aime ces rencontres. Elle me pose des questions, gobe tout ce que je lui dis et moi, je me fiche pas mal de ce qu’elle me raconte. Sans grand intérêt mais ça me suffit pour l’instant. Je sens sa main glisse sur la mienne, ses doigts caressent mon avant-bras encore marqué par ma vilaine coupure. Je la laisse faire, sans broncher, même si ce genre de choses ne me plait pas beaucoup. Et voila qu’elle se met à me raconter son enfance … Waah. Je détourne la tête pour regarder autour de moi. Au comptoir, j’aperçois une autre blonde. Celle-ci vient, semble t-il, de se débarrasser d’un boulet. Des choses qui arrivent … Je croise enfin son regard. Par respect pour la fille en face de moi qui continue de débattre avec elle-même sur l’importance de s’être teinte en blonde, je ne souris pas à Andrea. Car oui, c’est son nom, le vrai … J’ai fais mes devoirs. Angeles est un beau prénom mais Andrea lui va mieux, évidemment. « Et toi ? T’en penses quoi ? » Sans regarder cette blonde dont j’ignore encore le nom, je réponds que je suis d’accord avec elle. Je ne sais absolument pas en quoi je suis d’accord, étant donné que j’ai arrêté de l’écouter au moment où j’ai remarqué Angeles. Mais ce n’est pas si grave. Justement, la jolie italienne se lève et titube un peu. Elle a beaucoup trop bu et ça se voit. Elle disparaît dans la direction des toilettes et moi, je me mordille la lèvre inférieure. Envie de la protéger … Ca ne doit pas être la première fois qu’elle se met dans un état pareil. Mais cette fois-ci, je suis présent et je ne peux pas rester à la regarder sans bouger. Sans réfléchir, sans même penser à la fausse blonde en face de moi, je me lève. « Tu m’excuses, je reviens. » Il y a peu de chances, ouais … Je rejoins les toilettes des femmes, provoquant des regards étonnés de la part de quelques jolies demoiselles. J’aperçois de nouveau Angeles. Elle chancelle encore une fois et je vais rapidement poser mes mains sur ses hanches pour l’aider à tenir debout. « Wooh ! Faut pas prendre la vierge pour une … » Elle lève la tête et je tombe en plein sur un regard fatigué. Magnifique mais fatigué. « Vierge. » Je fronce les sourcils, amusé, et je finis par pouffer de rire. « Je crois bien que la vierge en question a besoin d’une bonne nuit de sommeil. » J’ai insisté pour la ramener chez elle. Impossible de la convaincre. Et j’ai finalement décidé de l’amener chez moi. Impossible de laisser seule et débile de lui payer une chambre d’hôtel alors que j’habite à deux pas. Alors en titubant un peu, nous avons parcouru les nombreux mètres qui nous séparaient de là. Je l’ai prise dans mes bras pour monter les escaliers. Un peu plus et la jeune femme s’endormait dans mes bras. Ce qu’elle pouvait être belle, à cet instant … Totalement oublié cette fille au bar … Cette nuit, je n’ai d’yeux que pour Angeles. Alors que je la dépose sur mon lit, que je lui retire ses chaussures, je crois qu’elle s’est déjà endormie. Un ange, un vrai …
« Tu vas la tuer. Tu vas venger ta mère. Je veux que ça soit fait, ce soir. » Je me vois dans cet hangar, celui où j’ai trouvé Angeles. Mon père est en face de moi, imposant, autoritaire. Il me tend une arme. Je me retourne alors pour voir qui je suis supposé tuer et je croise son regard couleur azur. Elle ne pleure même pas. Angeles ne fait que me fixer de son regard si fatigué. Je crois que ça fait des jours et des jours qu’elle est ici, elle n’en peut plus. « Quoi ? Non ! » Je lance, en retournant la tête vers mon père. Des gouttes d’eau tombent du plafond rouillé. « Tu vas la tuer ou c’est moi qui le fait. » Je répète ma réponse négative et je vois la main de mon père se lever, son arme prête à tirer. Je suis trop loin, je n’arriverais pas à temps pour m’interposer … Je tente malgré tout et le coup part. « NOOOOOOOOOON ! » Je hurle et lorsque je me redresse brusquement, je suis totalement perdu, à ne pas savoir où je suis. Des sueurs froides me font frissonner. Je suis dans ma chambre et je viens de me réveiller en sursaut … Je tourne la tête, tâchant de calmer ma respiration difficile au passage. Angeles est là, près de moi. Son maquillage a un peu coulé, ses cheveux sont emmêlés. Elle me regarde et moi, je me sens con de l’avoir fait assisté à ça. Je n’ai pas seulement hurlé dans mon rêve … Je n’ai pas entendu ce qu’elle m’a dit, je n’ai pas non plus senti ses doigts caresser mes cheveux. Sans attendre mon reste, je repousse la couette pour me lever, allant attraper la bouteille d’eau posée sur un des meubles de la chambre. Encore vêtu de mon jean, je bois de longues gorgées. Ca me calme un peu … Je repose la bouteille et enchaîne rapidement. « Est-ce que ça va ? Je sais pas si tu te souviens mais t’avais bu. Je me voyais mal te laisser dormir dans les toilettes de ce bar … » Je souffle, pour me justifier. « Mais tu devrais dormir encore un peu, il est que cinq heures du matin. » Je soupire, avant de me rasseoir sur le lit. Je baisse les yeux sur mes mains. Elles tremblent encore. Doucement, je serre le poing, le desserre. Je dois me calmer un peu …
Le regardant dormir, ou plutôt s'agiter dans son sommeil, je me sens totalement impuissante face à la situation. Il faut dire que je ne devrais pas être là. Bon je sais, c'est limite égoïste de dire cela, mais c'est la vérité. Aucun de nous deux n'avais l'air décidé à donné son adresse, et ce soir pour me protéger il avait quand même décidé de laisser ses couilles aux vestiaires afin de me laisser dormir chez lui... Il n'est pas mon preux chevalier, celui qui m'a sauvé il y a dix ans, mais il est bel et bien un chevalier. Mais pour le moment je crois que je ne devrais pas me concentrer la dessus. Je n'aime pas voir son visage aussi crispé, ses traits se forcer sous le coup d'une pression inconnu. Il a peur, il est en colère et je sens une certaine impuissance. Comment je peux le savoir ? Et bien je reconnais ce genre de gestuelle. J'ai déjà pu le remarquer chez moi et cela me fait mal au cœur de penser qu'il peut ressentir un dixième de la douleur que j'ai pu vivre. Même si je ne le connais pas encore assez, j'en ai vu beaucoup, et ce que j'ai vu me plaît. Enfin pour le moment je ne vais pas penser à lui nue pendant que je tenterais de lui faire plaisir, j'ai vraiment autre chose en tête pour l'instant. Je murmure quelques mots, comme pour tenter de le réveiller en douceur mais c'est peine perdu. Soudainement, il se redresse vivement et hurle presque « NON » et je me recule doucement, surpris et je dois l'avouer, j'ai un peu peur. Il y a quelque chose d'agressif dans ce simple mot, d'agressif et de menaçant. Je hais ce genre de voix, me rappelant de bien trop mauvais souvenir. La main qui était dans ses cheveux se pose au dessus de ma poitrine alors que je tente de contrôler ma respiration. Je le regarde comme une petite fille qu'on aurait grondé d'avoir fait une bêtise. Il se retourne encore dans un mouvement brusque, repousse sa couette et alors qu'il boit de l'eau, je ne regarde que son dos. Non en fait, je regarde la musculature de son dos crispé, fort, tendu... Je me recroqueville un peu plus sur moi même, me demandant si cela n'est pas juste le plan parfait... Je suis chez lui, il a très bien pu m'enfermer et maintenant que je suis à sa merci, il va me faire du mal... Peut-être qu'enfin la famille Boschetti m'a retrouvé. Pendant quelques instant je me demande pourquoi j'ai fait confiance à quelqu'un aussi facilement... Je n'ai même pas fait de recherche sur lui. Je n'ai pas été précautionneuse depuis longtemps et voilà que je vais le regretter... Il va me faire du mal - Est-ce que ça va ? Là tout de suite, j'ai envie de vomir... - Je sais pas si tu te souviens mais t'avais bu. Je me voyais mal te laisser dormir dans les toilettes de ce bar... Je continue de le fixer absorbant ses paroles... J'ai bu oui... Je me souviens de cela... J'ai vomi, ça je le sens au fond de ma gorge aussi c'est dégueulasse au passage... Il a voulu m'emmener pour me protéger... Pas pour me faire du mal... Mais ça il va me falloir encore quelques minutes afin de me rendre pleinement compte que ma peur est inutile... Je crois... - Mais tu devrais dormir encore un peu, il est que cinq heures du matin. Il se rassoit sur le lit, et même s'il est de dos, je remarque que ses mains tremblent... Pourquoi ? Je me mords la lèvre inférieure et prenant mon courage à deux mains, je m'avance doucement vers lui. Une fois assez proche c'est ma main que j'approche près de lui. Un peu tremblante aussi, je finit par la poser sur son épaule. - Je ne suis pas fatiguée... et c'est vrai. Est ce que toi tu vas bien ? Je penche ma tête pour tenter de croiser son regard. - Je sais ce que tu penses... Que je n'aurais jamais dû voir ça... Que je n'aurais jamais dû savoir que la nuit venu, les démons reviennent... Comment je peux le savoir ? Parce que je vis la même chose. C'est pour cela que je ne laisse personne venir chez moi. J'aime les hommes, mais aucuns ne passent la nuit chez moi, et moi, a six heures du matin je suis partie. Sauf que cette fois c'est différent... - Et j'ai peur, je gémis doucement, avouant ma crainte. Mais je suis là... Et je ne compte pas te laisser... Je souris malgré tout, voulant le rassurer, je ne suis pas certaine que cela marche, mais pour une fois j'ai envie d'être là pour quelqu'un, d'être là pour lui.
« En général, ce sont les souvenirs les plus lourds à porter qui nous reviennent le plus facilement en mémoire. Ces souvenirs-là ont le pouvoir de changer une vie de manière fondamentale et de façon définitive. Et peu importe que vous réussissiez ou non à vous en débarrasser : ils auront laissé en vous des traces indélébiles. »
Cauchemarder comme cela m’arrive rarement. J’étais heureux de me dire que j’avais réussi à passer à autre chose. Car oui, les cauchemars ont été bien présents, principalement au commencement de ma nouvelle vie. Mais ça n’a pas duré. Ils ne reviennent qu’à certains moments. A des dates précises, lorsque quelque chose m’y a fait repenser, lorsque j’ai rencontré la fille qui m’avait décidé à l’époque … Et aujourd’hui, alors que j’ai pris un risque en ramenant cette fille dans mon appartement. Je crains car je ne la connais pas. Elle pourrait avoir toutes les arrière-pensées du monde que je ne pourrais pas le savoir au premier abord. Et je crains également car je sais que je ne devrais pas m’attacher. C’est pourtant exactement ce que je suis en train de faire. Avec n’importe quelle autre fille, je n’aurais pas couru la rejoindre aux toilettes pour m’enquérir de son état. Oh non, je l’aurais laissé vivre sa vie tranquillement. Pour Angeles, je n’ai même pas cherché à réfléchir. Voila exactement ce qui me fait peur. Ne pas réfléchir, faire des choses en étant impulsif, sans aucun contrôle … Je réfléchis à tout cela alors que l’eau froide coule dans ma gorge, m’enlevant une partie de ma nervosité au passage. « Est-ce que ça va ? » Je prends la parole enfin car j’ai vu que la jeune femme était bien réveillée, occupée à m’observer apparemment. Ce n’est pas non plus quelque chose que j’apprécie. D’ailleurs, n’importe qui préférerait garder ce genre de choses pour soi. Là, c’est l’échec le plus total. Alors je me concentre sur autre chose, tout aussi important d’ailleurs. « Je sais pas si tu te souviens mais t'avais bu. Je me voyais mal te laisser dormir dans les toilettes de ce bar … » Je me justifie brièvement. Après tout, Angeles pourrait ne pas se souvenir de sa soirée. Autant que les choses soient claires de suite. « Mais tu devrais dormir encore un peu, il est que cinq heures du matin. » Je rajoute ça. A la fois parce que je le pense réellement mais également car je préférerais être tranquille, qu’elle arrête de me regarder. Lorsque je me rassois sur le lit, je lui tourne le dos, encore une fois. Je préfère ça. D’autant plus que je me rends compte que mes mains tremblent encore … C’est un effet comme un autre des cauchemars. Certains pleurent, moi je tremble. De l’angoisse, de la haine, de l’impuissance. Voila donc le combo des émotions que je ressens à chacun de mes cauchemars. Je sens le lit bouger. Angeles se rapproche un peu de moi et je me prépare donc à tout. Au final, c’est sa main qui se pose sur mon épaule et je fais en sorte de ne pas sursauter à son contact, me concentrant sur l’apaisement de mes tremblements.
« Je ne suis pas fatiguée ... Est ce que toi tu vas bien ? » Je ne réponds pas, même si je m’apprête à le faire. Bien sûr que ça va, voila ce que je m’entends penser. Question de fierté et de défense, à nouveau. Sauf que je croise son regard et je me tais, la voyant prête à poursuivre. « Je sais ce que tu penses ... Que je n'aurais jamais dû voir ça ... Que je n'aurais jamais dû savoir que la nuit venu, les démons reviennent ... » Elle lit dans ma tête. Et ça ne m’étonne même pas. Parce que depuis le début, j’ai l’impression que quelque chose nous lie. J’ai beau lui mentir, lui dire que je ne suis pas resté bien longtemps en Italie, que je ne suis pas du tout l’homme qui l’a aidé dix ans plus tôt. Je sais qu’elle a pourtant la même impression que moi et cette nuit, cela se vérifie. A mes yeux, mon silence veut tout dire. Elle a raison et elle doit le savoir. Ca ne sert à rien de cacher ça … Pas à elle. « Et j'ai peur. Mais je suis là ... Et je ne compte pas te laisser ... » Je sens la douceur dans sa voix. Le pouce de ma main gauche glisse dans la paume de mon autre main, avec force. J’ignore ce qu’elle sait, ce dont elle a conscience. Pense t-elle que je cache des choses ? Je n’arrive pas à le savoir. Mais une partie de moi a confiance en elle. Bien trop, à vrai dire … Mes yeux vont se planter dans les siens et je l’observe pendant plusieurs secondes. « De quoi tu as peur ? » Je demande, à voix basse. Chacune de ses paroles, chacun de ses soupirs, de ses sourires me donnent l’impression que je suis face à une jeune femme qui ne ressemble en rien à son père ou au mien. Je craignais de trop lui faire confiance. A cet instant, je me dis que ce n’est pas si grave … C’est peut-être cet instant qui me mènera à ma perte mais quelle importance ? J’ai quitté l’Italie pour vivre normalement et c’est ce que je vais faire. Sans réfléchir, simplement en regardant ses yeux bleus, je me rapproche un peu plus d’Angeles et doucement, en lui laissant le temps de s’écarter, je vais poser mes lèvres sur les siennes. Je ne lui ai même pas donné le temps de répondre. Peut-être pour lui prouver que de moi, elle n’avait pas à avoir peur … Je n’en sais rien. J’en avais envie, voila tout. Ce baiser ne dure pas longtemps. Il n’est en rien symbole d’un désir physique ou quelque chose d’autre de ce style là … Il était juste nécessaire. Parce que c’est Angeles, tout simplement … De là à affirmer que c’était une bonne idée. Voila bien un autre problème. « Alors, Angeles … De quoi t’as peur ? » Je répète, tout aussi doucement.
Je peux sentir qu'il n'aime pas que je l'observe, mais que suis-je sensée faire d'autre. Me recoucher comme si de rien était et le laisser avec ses démons. Beaucoup de filles ferait ça. Après tout il est un homme incroyablement sexy et je sais qu'il aime se jouer des femmes. Même bourrée je me souvient cette façon qu'il avait de faire succomber cette blonde insipide ! Je sais comment elle aurait agit en une telle situation. Elle aurait fait comme si elle n'avait rien entendu, bien trop fatiguée par sa partie de jambe en l'air, et elle l'aurait laissé. Mais je ne suis pas cette fille pour lui, je ne suis une fille d'un soir. Je me plaît à croire que, si je ne suis pas encore une amie, je suis quelqu'un en qui il peut avoir confiance. Après tout, chaque fois qu'on se rencontre on s'amuse bien, je lui ai parlé de mes cicatrices, je lui ai même dit que j'avais été torturé... Je me demande encore pourquoi je lui ai dit cela. J'aurais largement pu mentir, et pourtant, en perdant ce pari je ne me voyais pas mentir. Après tout, j'aurais très bien pu refuser ce pari, mais je l'ai accepté en lançant ses fichus fléchettes ! Depuis cette nuit, je pense qu'on a passé une certaine étape et que nous sommes un peu plus que de simple connaissance. Et à sa façon de me protéger cette nuit je suppose que j'ai entièrement raison. Il aurait très bien pu me laisser saoul dans les toilettes. Ce n'est pas la première fois que je me retrouve dans cet état, mais c'est bien la première fois qu'un homme ne vient pas m'aider que pour me sauter, qu'un homme se soucis réellement de moi. Et pour le remercier de cette nuit, je veux bien lui rendre la pareille en me souciant de lui. Comme pour lui prouver que je suis pas là pour faire juste plante verte, pour lui montrer que je ne veux pas faire les blondes écervelées et que je peux comprendre parfaitement, je lui dis ce que je suis certaine qu'il pense. Je n'aurais pas dû être là, que les démons viennent quand on se retrouve le plus vulnérable, dans son sommeil... Je connais ça, et même si je fais beaucoup moins de cauchemars qu'au tout début, ceux-ci ne m'ont jamais réellement quitté. Les tortures me reviennent toujours en mémoire. Je suis resté entre leur mains assez longtemps pour m'offrir un éventail de cauchemars aussi effrayant les uns que les autres. Il ne me contredit pas, et même s'il l'avait fait, j'aurais été sûre qu'il ment. Au final, on se ressemble bien plus qu'il ne pourrait le penser, et même que j'aurais pu le penser au départ. Et je lui offre encore une preuve de confiance, lui avouant que j'ai peur. Du moins j'ai eu peur au tout début... Ma main sur son épaule, c'est comme si je voulais retirer ses tremblements par ce contact. Ridicule... Il penche finalement assez la tête vers moi pour que son regard plonge dans le mien. Je ne me défile pas, le fixant en silence. - De quoi tu as peur ? Sa voix n'est qu'un murmure, comme s'il avait peur de réveiller de nouveau le cauchemar. C'est une confession qu'il me fait, une marque de confiance qui me fait chaud au cœur. Et alors que je l'observe, je ne vois absolument pas la suite venir. Il se penche et avant que je ne puisse comprendre, ses lèvres se posent sur les miennes. Un simple baiser, tendre, doux qui dure moins de cinq secondes et pourtant qui a le don de me faire frissonner. C'est notre premier baiser... Oui je ne compte pas celui où j'ai voulu l'aguicher comme une sale fille. J'ai eu malgré tout le temps de fermer les yeux et même quand ses lèvres quittent les miennes je les laisse clos. Dire que j'ai cru que cette homme allait me faire du mal... Comment ai-je pu penser qu'il allait me donner aux hommes afin qu'ils me torturent... Cet homme qui est si doux avec moi, comme jamais aucun homme ne l'a été... C'est vrai ça, et d'ailleurs c'est étrange de le penser... Il faut que ce soit cet homme qui est aussi accro de sexe que moi qui arrive à me renverser le cœur en un simple baiser. - Alors, Angeles... J'ouvre de nouveau les yeux. - De quoi t'as peur ? Je me mords la lèvre inférieure et je baisse finalement le regard. - J'ai... J'ai eu peur de toi, je murmure tout aussi doucement que lui. De tes mouvements brusques... De ton cri... Certaine personnes... Me veulent encore du mal et... J'ai cru que tu en faisais partie pendant un instant, je finis par souffler plus bas. Je redresse le regard pour affronter le sien, rougissant un peu de honte. - Excuse moi...
« En général, ce sont les souvenirs les plus lourds à porter qui nous reviennent le plus facilement en mémoire. Ces souvenirs-là ont le pouvoir de changer une vie de manière fondamentale et de façon définitive. Et peu importe que vous réussissiez ou non à vous en débarrasser : ils auront laissé en vous des traces indélébiles. »
Cette nuit n’est pas dérangeante. J’ai conscience qu’elle ne fera pas partie de ce que l’on appelle les mauvais souvenirs. Parce que depuis dix longues années, je ne me suis jamais senti aussi proche de quelqu’un. J’ai eu des copines, des gens que je considère comme des amis très proches mais rien ne ressemblait à ça … C’est comme si j’avais cette fille dans la peau, comme si elle faisait partie de ma famille. Bon … Ca poserait problème en pratique mais c’est une image. J’ai bien besoin d’en trouver, des images, car expliquer la situation est difficile. Ce qu’elle me dit, après m’avoir demandé si ça allait, résonne en moi comme une vérité. En revanche, sa peur … Je ne me l’explique pas de suite, je ne la comprends pas. Alors je lui demande directement. « De quoi tu as peur ? » Je murmure aussi sans savoir pourquoi. A croire qu’il ne faut pas réveiller cette peur … Le baiser qui s’en suit … Je ne saurais pas vraiment l’expliquer. Mais voir le visage d’Angeles, les yeux fermés, à quelques centimètres du mien … Cette nuit n’est certes pas dérangeante. Mais j’ai l’impression qu’elle est en train de changer ma vie, de me changer aussi. Parce qu’en général, je ne suis pas comme ça. Je ne suis pas particulièrement doux, je ne suis pas attentionné et encore moins patient. Si quelque chose ne me plaît pas, m’inquiète, je fuis, j’évite ou je détruis, c’est selon. Avec Angeles, je n’ai même pas eu ce réflexe là. Et ce n’est pas pour rien … « Alors, Angeles ... » La jeune femme rouvre ses yeux. Leur couleur ne me saute pas aux yeux dans la pénombre. Il est encore trop tôt. Dommage … « De quoi t'as peur ? » Je répète ça car je veux avoir une réponse. « J'ai ... J'ai eu peur de toi. De tes mouvements brusques ... De ton cri ... Certaines personnes ... Me veulent encore du mal et ... J'ai cru que tu en faisais partie pendant un instant. » Elle parle aussi bas que moi mais Angeles baisse volontairement les yeux, au passage. Et je reste un peu surpris, presque choqué par ce qu’elle murmure. Peur de moi … Je secoue doucement la tête. Mon dieu, si elle savait … Je ne suis pas violent de nature. J’ai grandi dans ce contexte pourtant, j’ai été élevé pour le devenir. Mais j’ai finalement cherché à le fuir, en me convaincant que je n’étais pas comme ça. Aujourd’hui, je pourrais tuer quelqu’un de sang froid et je le sais parfaitement. Mon père, le sien, les hommes qui travaillent pour eux … Mais jamais je ne toucherais à un seul cheveu d’Angeles. Jamais. Elle pourrait très bien fournir des informations à son père, ou même travailler pour lui, que ça ne changerait rien. Elle n’a pas de raison d’avoir peur de moi …
De nouveau, ses yeux se lèvent pour affronter les miens et je sens la chaleur émaner de ses joues, j’entends la gêne dans sa voix. « Excuse moi ... » Je fronce rapidement les sourcils. « Ne t’excuse pas. Jamais. » C’est grâce à elle que j’ai quitté l’Italie, que j’ai pu faire ma vie comme je l’entendais. Jamais je ne veux entendre des excuses sortir de sa bouche. Elle a le droit de me faire toutes les crasses qu’elle veut, elle peut me considérer comme un moins que rien, que je n’aurais pas le droit de réagir. L’entendre dire qu’elle a eu peur de moins ne me plaît pas, c’est vrai … Mais je comprends l’idée. C’est mon boulot de lui montrer qu’elle peut avoir confiance en moi. Ce n’est pas à elle de faire l’effort. Ca ne serait pas équitable. « Crois-moi ou non, mais je ne fais pas partie de ces gens-là. Je ne te ferais pas de mal. » Je parle avec une voix grave que je n’aime pas beaucoup. Alors baissant un peu la tête pour continuer de profiter de ses yeux, je souris un peu. « Bon … Si jamais tu cherches à me mettre du vernis sur les ongles de pieds, je serais malgré tout dans l’obligation de me venger, faut le savoir. » Je ris doucement. Je vais beaucoup mieux désormais et petit à petit, mon cauchemar s’éloigne, sans laisser trop de traces. Doucement, je fais basculer Angeles sur le lit, la surplombant de tout mon corps. « Je pourrais faire des trucs comme ça … » Je murmure, avant de me mettre à la chatouiller un peu. Mon léger rire diminue doucement et je soupire, en me laissant tomber à côté d’elle, les yeux fixés sur le plafond. Quelques secondes passent alors et je reprends la parole. « Est-ce que tu veux que je te ramène ou tu veux bien rester ? » Je souffle, sans la regarder. J’ignore ce qu’Angeles préfère. Si elle a peur de moi, peut-être aurait-elle envie de rentrer chez elle ? Ca serait bien compréhensible … Je lui expliquerais bien qu’en vérité, elle ne doit pas avoir peur, que je suis bien celui qu’elle pense … Ca la rassurerait peut-être. Ou peut-être pas du tout. Mais je continue de me taire, sans pourtant me cacher que j’aimerais qu’elle reste.
Je ne sais pas comment me sentir en cet instant. Gênée de devoir lui avouer que j'ai peur de lui, troubler par le fait que cet homme m'ait embrassé sans rien demandé en retour, ou charmé par le fait que l'on veuille préserver le silence qui nous entoure. Il y a bien trop de choses en cet instant qui tourne dans ma tête qu'autre chose... Je ne compte même pas l'alcool qui n'est pas encore totalement partie. Mais lui parler semble pourtant si facile, même lorsque c'est pour lui avouer comme mon secret est assez difficile. C'est comme si je lui avouais que je n'avais aucune confiance en lui et que j'avais peur de ce qu'il pouvait me faire. Et c'est ce que je fais. Et pourtant je lui fais confiance, certainement d'une manière dont il ne se rend absolument pas compte. Je vois bien dans son regard, quand je redresse le mien, qu'il semble surpris. Il ne s'attendait certainement pas à ce que je dise ça. Mais je dois avouer avoir peur de beaucoup de chose, mais là, ce qui m'effrayait quand je me suis réveiller et quand il s'est levé brusquement, c'est bien lui. Je me sens honteuse maintenant de le blesser alors qu'il est si adorable avec moi... Je ne peux alors m'empêcher de m'excuser, comme une petite fille. C'est parfois comme ça que je me sens avec lui. Même s'il n'est pas mon preux chevalier, je me surprend à redevenir à ses côtés la petite fille fragile que j'ai pu être. Moi qui essaye pourtant de me montrer courageuse, forte et sans limite, il arrive à faire tomber mes barrières et connaître la véritable moi. Combien peuvent se vanter de réellement me connaître ? Il en existe, mais je ne les comptes pas sur les doigts d'une seule main. - Ne t'excuse pas. Jamais. C'est à mon tour d'être surpris, et stupidement touchée par cette phrase. Je sens que ce qu'il me dit à un sens caché, un sens que je ne comprendrais certainement jamais, mais qui compte beaucoup pour lui. Il ne veut pas que je m'excuse, il veut que je sois naturelle avec lui, que je ne me cache pas, c'est comme ça que je le comprends et cela ne peux que me toucher un peu plus. - Crois moi ou non, mais je ne ferais pas partie de ces gens-là. Je ne te ferais pas de mal. Sa voix est forte, sonnant comme une promesse j'hoche doucement la tête comme pour lui dire que je comprends parfaitement. Non, je ne connais pas cet homme, pas assez certainement, mais le fait est là. Avant même que je ne puisse me rendre compte, je faisais confiance en cet homme. C'est son regard qui me parle, un regard sûr, tendre, c'est sa voix qui me rassure, forte, sûre d'elle. Il est le genre de présence dont j'ai réellement besoin pour avancer jour après jour. Et le voilà, dans ma vie... C'est certainement idiot de penser ainsi, mais c'est la vérité. - Bon... Si jamais tu cherches à me mettre du vernis sur les ongles de pieds, je serais malgré tout dans l'obligation de me venger, faut le savoir. Je fais une légère moue amusé. - Il faut savoir qu'un jour j'arriverais à te faire mettre du vernis. J'ai perdu nos premiers paris, mais c'est ce qu'ils sont, juste les premiers paris ! Il s'avance vers moi et je me laisse retomber sur le lit alors qu'il me surplombe avec son corps. Je le regarde joueuse, je n'ai plus peur de lui, pas après ce petit moment d'intimité si l'on peut dire. - Je pourrais faire des trucs comme ça... Sa voix n'est qu'un souffle, mais notre tranquillité est vite terminé quand je me mets à hurler quand il me chatouille. Je commence à me débattre à hurler de rire, j'essaye de lui retirer ses mains alors qu'il me chatouille mais franchement, c'est peine perdue. Il s'arrête finalement et se laisse tombe à côté de moi. Je tente de reprendre mon souffle, gardant toujours le sourire aux lèvres. - Est-ce que tu veux que je te ramène ou tu veux bien rester ? Le fait qu'il utilise le "bien" me fait penser qu'il veut que je reste. Et je dois avouer que pour la première fois, si ce n'est avec Sidoine, je n'ai pas envie de partir avant le levé du soleil. Je me redresse mes cheveux allant se glisser sur son torse alors que je pose une main proche de son ventre afin de me maintenir un peu au dessus de lui. Je le regarde droit dans les yeux, comme pour me confirmer qu'il veut que je reste. Je lui souris tendrement et rapproche mon visage. C'est à mon tour d'aller l'embrasser tendrement, quelques secondes de plus que lui, mais je ne cherche pas à l'emballer comme j'ai pu le faire avant. Je me recule, laissant mon nez glisser contre le sien et plongeant mon regard dans le sien. - Je veux rester... Comme tu l'as dit, il n'est que cinq heures du matin... Ce serait bien qu'on partage du temps autre que quand je suis bourrée, je souffle amusée. Je veux réellement rester, je crois qu'il veut que je reste et je me sens bien là... C'est étrange, ça me rends confuse et, même si j'ai déjà eu des petits ami(e)s, ça n'a jamais été aussi... poignant au creux de mon ventre... - Qu'est ce que tu me fais, je murmure, totalement perdue. Je n'aurais certainement jamais dû poser cette question à voix haute, mais c'est sortie tout seul. Le problème de l'intimité, les choses qui sont sensées rester intimes se font savoir un peu trop...
« En général, ce sont les souvenirs les plus lourds à porter qui nous reviennent le plus facilement en mémoire. Ces souvenirs-là ont le pouvoir de changer une vie de manière fondamentale et de façon définitive. Et peu importe que vous réussissiez ou non à vous en débarrasser : ils auront laissé en vous des traces indélébiles. »
« Il faut savoir qu'un jour j'arriverais à te faire mettre du vernis. » C’est ça, rêve, princesse ! Je lui souris en secouant la tête. Si jamais je refuse de dormir avec elle une nouvelle fois, il ne faudra pas qu’elle s’en étonne. Aucune envie de me retrouver avec du vernis aux pieds. Je ne sais même pas comment ça s’enlève, ces conneries ! « Je pourrais faire des trucs comme ça... » Alors voila pour ultime menace que je me mets à la chatouiller, la faisant hurler de rire. Ce rire est si agréable … Il emplit la pièce d’une superbe énergie, quand nous nous forcions jusqu’alors à garder le silence aussi préservé que possible. Ce rire communicatif fait du bien. Et le mien se fait aussi entendre, quelques secondes plus tard. « Est-ce que tu veux que je te ramène ou tu veux bien rester ? » Soit je pourrais lui avoir fait définitivement peur et là … Il y a des chances qu’elle veuille partir. Soit elle veut bien rester et là, je sens que la matinée va être intéressante et franchement bien plus sympa que si je devais rester seul. Angeles se redresse pour se placer au-dessus de moi. Automatiquement, je lève les yeux pour la regarder. Ce dont je n’ai pas le loisir bien longtemps car la jeune femme m’embrasse à son tour. Souffle coupé … Je n’en reviens pas. Et très honnêtement, je dois combattre toutes mes pulsions d’homme pour ne pas demander plus que ça … Je frissonne un peu en sentant ses cheveux chatouiller mon torse et je laisse échapper un petit soupir. Bon sang, elle me tue … « Je veux rester... Comme tu l'as dit, il n'est que cinq heures du matin... Ce serait bien qu'on partage du temps autre que quand je suis bourrée. » La jeune femme continue de me regarder et je hoche alors un peu la tête, pour toute réponse. Evidemment, je suis totalement partant, même si être au lit avec elle me rend les choses difficiles. Pas dans le mauvais sens mais ce n’est pas comme ça que je vois les choses … Si je lui fais peur, en plus … Je vais peut-être éviter de la traumatiser totalement en couchant avec elle. Bon … Pas que je sois un type traumatisant … Oh, et puis merde, j’arrive pas à m’expliquer correctement ! J’imagine simplement qu’il vaut mieux qu’elle ai confiance en moi avant que je n’en veuille plus … Et si ça se trouve, coucher avec moi ne fait pas non plus parti de ses plans. Qu’est-ce que j’en sais ?
« Qu'est ce que tu me fais. » Et voila … C’est le moment où je me perds totalement dans ses yeux magnifiques, le moment où je décide de glisser ma main dans son dos. Avec douceur, je caresse le creux de ses reins. Qu’est-ce que je lui fais ? Je lui fais rien, moi … Le pire, c’est que c’est vrai. En comparaison à mon comportement avec d’autres femmes, avec Angeles, je ne fais absolument rien sinon être naturel et vrai, pour une fois. Parfois, contrairement au proverbe, le jeu d’acteur revient au galop mais ce n’est pas bien souvent … Généralement, j’aime jouer, taquiner, mentir aussi. Je mens assez bien. Ca doit être la force de l’habitude, sûrement. Mais je mens, cette fois, de façon légère. Rien de bien méchant. Assurer que cette robe qu’elle porte lui va particulièrement bien, raconter que j’ai acheté les fleurs alors que je les ai ramassé dans un jardin public, dire que j’ai du aider une petite mamie pour expliquer mon retard alors que je glandais dans la douche … Tout ça pour avoir ce que je veux. Et là, étant donné que je n’attends rien, je ne joue pas. Et ça fait du bien. C’est une pause pour moi. Enfin … Et malgré ça, je lui ferais donc quelque chose ? Franchement intéressant … « Je pourrais te faire un tas d’autres trucs. » Je murmure, en souriant en coin. Ca, c’est de la bonne phrase d’obsédé, tiens. Je secoue doucement la tête, comme pour montrer que je rigolais. Même si ce n’est pas totalement faux. Franchement, je meurs d’envie de la lui retirer, sa robe. « Et toi alors ? Tu m’embrasses comme ça sans autorisation … » Je murmure, en faisant mine de râler un peu. En vérité, je ne vais certainement pas me plaindre pour ça … Bien au contraire ! « D’ailleurs, t’as toujours un petit goût d’alcool. » Je souffle, en souriant légèrement. De clope aussi, peut-être bien. Et ce n’est pas désagréable. Non, la vraie question, c’est qu’est-ce que je lui fais ? Je passe du temps avec elle, en lui mentant. En quoi je peux me vanter être mieux qu’un autre alors que je fais une connerie pareille ? En quoi je peux me permettre de l’embrasser ? De lui assurer qu’elle peut me faire confiance si je ne lui avoue pas la moitié de qui je suis réellement. Personnellement, je sais que ça n’a pas d’importance qu’elle sache ou non. D’une façon ou d’une autre, je reste la même personne. Mais elle, va-t-elle le voir comme ça ? Et si nous continuons de passer du temps ensemble ? Et si je ne lui disais pas ? Jamais … Peut-être bien …
J'adore le voir sourire ainsi, qui aurait cru que quelques minutes plus tôt il était en train de faire un cauchemar. A nous voir maintenant, riant, s'embrassant tendrement, impossible de se dire qu'il était en train de faire presque une crise de panique, qu'il avait peur, que j'étais perturbée, que j'avais eu peur. Non impossible de croire que dans cette chambre où nos rires emplit la pièce il y a eu des démons venus nous hanter. Mais maintenant ce n'est pas vraiment de lui que j'ai peur, mais de ce que je pourrais ressentir. Me voilà l'embrassant de la façon la plus tendre que je suis capable, murmurant doucement, me demandant tout simplement ce qu'il est en train de faire. Il me fixe sans rien dire, et même sans le moindre mot je peux comprendre son langage. Il est exactement comme moi, il ne sait absolument pas ce qu'il se passe entre nous. On ne comprends rien à ce qu'ils nous arrivent mais le fait est là, c'est que nous nous rapprochons naturellement ensemble. C'est tellement agréable, plaisant d'avoir enfin ce genre de contact. Il ne veux pas de mon cul (pour ce que j'en sais) il ne veut pas juste me baiser pour ensuite me laisser partir. Non, j'ai vraiment l'impression qu'il veut me connaître pour ce que je suis. On connaît tous cette expression que c'est la beauté intérieure qui compte... Si peu utilisé, je sens que c'est ce qu'il fait avec moi et c'est follement agréable. Ses mains glissent dans mon dos, tout mon corps semble réagir à ce simple geste. Frissons, une ligne de feu, une sensation agréable. - Je pourrais te faire un tas d'autres trucs. Et voilà, le genre de phrase à me faire mal au bas ventre, mais pas une douleur, plutôt une chaleur des plus agréable, le genre de chose que l'on aime ressentir et que je ressens peu, malgré ma certaine addiction au sexe. Le fixant toujours droit dans les yeux, je réponds amusée : - Abusez d'une fille alcoolisée serait certainement mal venu. - Et toi alors ? Tu m'embrasses comme ça sans autorisation. Oh qu'il a une belle bouille quand il ronchonne. Je me penche de nouveau et l'embrasse légèrement. - Le truc avec moi, c'est que je fais ce que je veux. Ça au moins c'est clair, net et précis ! - D'ailleurs, t'as toujours un petit goût d'alcool. Je ne peux m'empêcher de rire, et j'en aurais presque la tête qui tourne rien qu'en y repensant... J'ai pas mal bu ce soir et là j'ai bien envie de me rendormir. Je me pose un peu mieux à côté de lui, pose une main sur son ventre que je caresse par réflexe, ma tête sur torse et je ferme les yeux. Toujours le sourire aux lèvres je me sens bien là. - Tout vas bien... Et tout iras bien cette nuit... Je suis là pour veiller sur toi, je murmure commençant déjà à me rendormir. Mes doigts continuent leur caresse, mon oreille écoute son corps vivre. La plus belle des berceuses que j'ai jamais entendu...