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Anonymous
Invité
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Lun 14 Avr - 21:00

Quelques heures plus tôt, par un dimanche venteux, j'avais marché à pas pressés, la tête baissée et les mains dans les poches pour me protéger du vent, tout en longeant le Golden Gate Park. Les rues étaient désertes, à l'exception d'un rare taxi. Derrière les fenêtres éclairées des immeubles, je pouvais apercevoir des ombres s'étiraient, mais dehors le spectacle était tout autre : un clochard recouvert de sacs était blotti dans le renfoncement d'un magasin fermé, deux flics dont les talkies-walkies crachaient des voix déformées écoutaient pleurer une vieille femme devant un bâtiment laqué, et des jeunes de mauvais genre squattaient en bordure des trottoirs. Je me demandais ce que je faisais ainsi, moi une femme honnête et respectable, avec une maison bien chauffée, de bons livres à lire, une machine à café, au milieu de ces gens, dans la rue par un dimanche froid ? Je me moqua de moi-même -comment pouvais-je me poser encore la question- et poursuivis mon chemin. Je savais qu'il était inutile de feindre, que j'allais où j'allais.
On aurait presque pu dire que c'était en train de devenir une habitude ; squatter chez l'un ou chez l'autre, pour ne rien faire ou pas grand chose, si ce n'est se soulager à coup de cacheton ou d'autres merdes. La soirée était à présent déjà avancée, et après de longues heures, les effets escomptés étaient là. Adossée contre un mur, la tête appuyée sur l'épaule de Saul, je me sentais toute légère, je me défaisais de tout ce qui me pesait quotidiennement. Doucement, je prenais sa main pour entremêler mes doigts avec les siens. « Chante moi quelque chose. »
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Anonymous
Invité
Invité
Lun 21 Avr - 2:11

Parfois, l'appel des évasions illusoires était plus fort que n'importe quoi. Mes muscles s'engourdissaient sous l'effet des toxines. Elles transperçaient mon sang, s'infiltraient dans mon être pour absorber chaque sensation et faire taire chaque déception. Georgia était là ; sa tête posée contre mon épaule et ses phalanges attachées aux miennes dans une harmonie allégorique. Son contact créait des rivières argentées en moi. Je les sentais filer dans tous les sens, pour finalement les laisser mourir à l'image de ces souvenirs décomposés qui peuplaient mes vides immuables. Ça devenait de plus en plus quotidien ; nos fuites vers l'impossible, nos échappées belles vers des infinis troublés par la confusion. On se laissait simplement emportés par les marées, pendant que les couleurs se diffusaient en nous comme la chaleur indécente d'un plaisir anonyme. Il fallait être fou pour ne pas aimer s'y perdre. Il fallait être fou pour continuer à marcher sans direction et ne pas flancher devant le pire et c'est exactement l'endroit où l'on se trouvait. Ensemble, quelque part où l'univers tout entier ne pourrait pas nous trouver. J'ai appris par cœur les complexités écœurantes qui me poussaient à dépasser mes limites, à franchir les notions de morale que l'on m'avait inculqué mais celles de Georgia restaient coincées derrière l'opacité de son silence et j'étais assoiffé de connaître l'ampleur des méandres qui construisaient son histoire. Peut-être que la drogue amplifiait la force que je pensais percevoir en elle. Un simple effleurement de sa part semblait crier des maux trop longtemps restés prisonniers en elle mais au final, je ne lui demandais rien. Je restais silencieux, avec la patience et l'espoir qu'elle me raconte un jour ces tremblements invisibles, cachés au plus profond de son être. C'est quoi ta chanson préférée ? Je lui demande en laissant ma main libre se perdre dans la couleur chocolatée de sa chevelure. Ce n'était qu'un moment envolé parmi tant d'autres et pourtant, c'était le nôtre. Deux âmes hallucinées, apaisées pour quelques minutes déjà à l'agonie.
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Anonymous
Invité
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Mer 23 Avr - 3:07

Je n'aurai pu décrire cette sensation. Je n'aurai pas non plus pu expliquer comment j'en étais arrivée là, à lutter contre mes démons intérieurs, tout en restant prostrée dans un silence imperturbable. Près de moi, un homme dont les caresses innocentes suffisaient à dissiper tout mal-être. J'étais bien, insouciante, et pourtant je n'ignorais pas que chaque seconde m'était à présent comptée tandis que mon esprit s'embrouillait pour laisser place à un véritable chao. Encore et encore l'Odyssée d'Homère me revenait en tête, et la description de l'Olympe aussi ; un endroit sans intempéries, extrêmement paisible, où les dieux vivaient dans le calme et le bonheur. Chaque fois, dans ce même déroulement précis des évènements, ce souvenir d'un livre que j'avais à peine survolé au lycée me rattrapait. Pourquoi ? Je n'aurai pu l'expliquer. Mais secrètement, je pense que j'avais toujours été, dans un sens, à la recherche d'un tel lieu, dans lequel me sentir sereine ne serait plus une option et où les mauvaises ondes de l'extérieur ne pourraient pénétrer. Un genre de bulle hermétique en fin de compte.
Cependant, j'étais désormais une adulte, hélas, et j'avais perdu tout espoir de le trouver. Et puis, qui pouvait dire que les "paradis terrestres" existaient ailleurs que dans les livres ? Et Dieu -ou toute autre force supérieure quelle qu'elle soit- le savait mieux que nous et nous prenait pour des idiots sous prétexte que nous, pauvres humains, ne voyons pas ce qui se passe là-haut, dans les nuages, au sommet du mont Olympe. Ce lieu devait en fait être un formidable foutoir, un baisodrôme gigantesque, le lieu de télescopage de toutes les passions, excès, débordements, y compris et surtout les pires et moins avouables. C'est ce que l'on trouvait partout, ce que l'on sentait dans tous les coins. Alors pourquoi, pourquoi ne pourrais-je pas emprunter une porte de sortie de temps en temps, quand tout ça me donnait trop la nausée ?
Je ne possédais rien, si ce n'est ces moments, terriblement fragiles et fugaces, dans lesquels l'apaisement se mêlait à l'euphorie, jouaient avec moi, me dominaient sans consentement, et quand bien même, ma volonté toute entière n'aurait pu s'atteler à stopper. Je ne pouvais m'y résoudre. J'avais trop besoin de me sentir délestée de ces boulets à mes chevilles ; et grâce à Saul, j'avais trouvé un échappatoire. « Smells like teen spirit, de Nirvana. » Ma réponse avait tardée à venir me semblait-il, et je me rendais compte que j'avais divagué tout ce temps. Un bref soupir s'échappa alors de mon être, réalisant que cette chanson avait une histoire particulière pour moi, que des souvenirs y étaient attachés et que je n'avais pas plaisir à me les remémorer. Je pensais trop, et s'en était fatiguant, usant, éreintant. « Non ... je préfère que tu me chantes une de tes chansons. »
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Anonymous
Invité
Invité
Jeu 1 Mai - 19:05

J'ai l'esprit troublé. Complètement brouillé par les vagues hallucinogènes. Pourtant, des restes de lucidité décharnées persistent à hurler dans mon cortex, le fissurant comme s'il s'agissait d'un verre fragile et délicat. Tous me disaient de cesser les dommages, de repousser Georgia, de ne plus jamais la revoir et de disparaître de son existence car oui, je l'enfonçais avec moi. Tout autour de nous, il ne restait que les cadavres de produits servant à adoucir la lente descente aux enfers. Pour moi, c'était une habitude. Ça me collait à la peau, même après avoir tenté la désintoxication. Mais Georgia était en train de se perdre. Encore plus à mes côtés. Sa présence rassurante calmait pourtant mes angoisses et décalait constamment mes envies de m'éloigner. J'ai trouvé en elle, une amie aux sources éphémères, bercée par des illusions psychotiques et une sensibilité sûrement trop grande. Son silence me donnait l'impression de l'engloutir tout entière et dans l'obscurité qui semblait la dévorer, je voulais être cette main à laquelle elle pourrait s'accrocher. Cette personne qui lui ferait croire qu'elle n'est pas aussi seule qu'elle peut le croire. Mes illusions se mêlaient à celles de Georgia et ensemble, on bâtissait un nouvel univers où la douceur ne paraissait pas malsaine et où la sincérité pourrait un jour exister. Je divaguais complètement, perdu dans les nuances de son âme et de tout ce qu'elle dissimulait derrière une épaisse muraille. Nous redevenions des enfants emplis d'innocence et de rêveries, même si c'était faux, même si on s'enfonçait toujours un peu plus dans un trou noir sans fond. L'apaisement plastifié, les portes de secours illusoires en laquelle on jetait nos vies abîmées. Je n'arrivais pas à regretter cette envie d'éteindre la solitude. Je n'arrivais pas à regretter la présence de la brune à mes côtés, en cet instant car tout le reste s'est figé. Durant l'espace de quelques heures, nous étions au sommet du monde. Loin des brisures, de la violence et des blessures. Plus rien de tout cela n'existait et s'il fallait se faire mourir un peu ; autant le faire à deux. Au bout de quelques minutes, durant lesquelles mes doigts continuaient leur chemin invisible entre les mèches de ses cheveux, sa voix arriva jusqu'à mes tympans comme un écho lointain qui se rapprochait fortement de celui des sirènes. Les paroles de Smells like teen spirit coulaient dans mon cortex car je les connaissais sur les bout des doigts. Mais elle se ravisa, sans que je ne sache pourquoi et me demandait de lui chanter une chanson qui m'appartenait. J'ai mis un moment avant de choisir celle que j'allais choisir jusqu'à ce que Women me vienne à l'esprit ; je me suis mis à chanter calmement tout en réfléchissant à ce qu'elle m'évoquait et au souvenir auquel elle me renvoyait. Des images anciennes redéfilaient devant mes pupilles dilatées et je crois que les battements de mon cœur s'engourdissaient à mesure que les paroles de la chanson s'envolent d'entre mes lèvres. La nostalgie compressent un peu plus mes poumons, je m'égare dans ma propre histoire ou dans les chimères de ma mémoire. Je me rappelle de cette fille, je pourrais presque sentir les contours de son visage aux extrémités de mes doigts mais ce n'est pas elle, c'est Georgia et je lui souris lorsque mon regard finit par atterrir dans le sien alors que la mélodie s'arrête. Voilà, t'as aimé le spectacle privé ? Un sourire en coin se dessine brièvement sur mon visage et s'efface quelques secondes plus tard. Et puis pourquoi tu as changé d'avis ? La question est peut-être inutile, à vrai dire je n'en sais rien mais elle avait éveillé ma curiosité.
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Anonymous
Invité
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Mar 20 Mai - 3:50

A l'extérieur le monde semblait toujours calme, comme figé dans le temps, et dans mon esprit il n'y avait plus que nous. Comme les survivants d'une catastrophe naturelle, on était des rescapés. Des rescapés de la vie. Et on venait de la mettre KO. Je planais à deux milles et en toute franchise, je crois que quiconque me connaissant bien n'aurait jamais cru ça possible. Peu de personnes savaient que je m'adonnais à ce genre de pratiques, même occasionnellement, et personne ne m'avait jamais vu comme ça, dans un tel état, à l'exception de l'artiste qui se trouvait près de moi. Mais je lui faisais tellement confiance -étrangement même pour une personne qu'en définitive je ne connaissais qu'en surface-, que je n'avais jamais eu l'impression de remettre ma vie entre ses mains, alors qu'au fil des semaines il m'avait peu à peu initiée. Et moi, je me laissais prendre, chaque fois un peu plus, sans opposer la moindre résistance. Son monde de musique paraissait tellement séduisant vu de l'extérieur, et je savais qu'il ne me voulait aucun mal. C'était sa main tendue, cet appel à vaincre la solitude sur lesquels je me focalisais. A sa façon, il m'apportait une aide que personne ne m'avait donné jusqu'alors et je sentais que, désormais, il serait difficile pour moi de faire sans. J'étais dedans jusqu'au cou, mais je l'ignorais encore.
Rapidement je reconnaissais sa chanson, que j'avais d'ailleurs entendue récemment lors du concert auquel il m'avait convié avec les filles, et ne pu m'empêcher d'esquisser un sourire. Je ne pouvais qu'approuver son choix. Cette chanson était merveilleuse, et sa voix l'était encore plus. Il était autant doué pour écrire que pour interpréter. S'en était presque déconcertant, mais je l'admirais d'être aussi talentueux. Est-ce qu'au moins il avait conscience de l'être ? Je n'en étais pas entièrement certaine. La chanson se terminait finalement et mes tympans se heurtaient soudain au silence. « Oh que oui ! Je me sens comme une privilégiée. Et oui, je me rends compte que j'ai l'air d'une sacrée groupie en disant ça. », je me mettais à rire l'espace d'un instant, amusée par ce qui venait de sortir de ma bouche sans que je ne m'y attende réellement, puis haussais les épaules comme pour dire que cela n'avait pas d'importance. Je ne me souvenais habituellement que de quelques bribes de nos conversations post-défonce, qui n'étaient en général pas très sérieuses puisqu'on passait notre temps à refaire le monde, à parler d'un idéal. Du coup, rien ne pouvait m'embarrasser car je risquais d'occulter l'existence même de cette discussion.
"Et puis pourquoi tu as changé d'avis ?" Durant un instant, je me demandais à quoi il faisait référence, avant que toutes les parties de mon cerveau ne se soient reconnectées et que je me rappelle enfin de ma contradiction quelques minutes plus tôt. Bien sûr que ça avait éveillé son attention. Il ne posait pas de question habituellement, mais ça semblait tellement léger qu'il ne devait pas se douter de tout ce que ça cachait. Toujours appuyée contre lui, je laissais lentement glisser mes doigts sur son avant-bras tout en reprenant la parole. « Smells like teen spirit, c'était la chanson qui passait quand j'ai rencontré un de mes ex. Pas vraiment de bons souvenirs. Je crois que ce jour-là, j'aurai mieux fait d'être clouée au lit avec la grippe. » Ca me faisait sourire aujourd'hui, parce que je parlais sans qu'il s'agisse vraiment de moi, sans que ce soit de ma vie dont il était question. C'était simplement quelqu'un qui me ressemblait et dont je connaissais tout, mais pas moi. Alors pour une fois, ma langue se déliait et je commençais à me livrer, sans vraiment m'en rendre compte. On peut dire que c'était une première...
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