T’avais passé la pire des journées hier et tu sentais que cela n’allait pas s’arrêter. Tu revoyais sans cesse ces images. Ton père couché sur le sol, inerte dans un bain de sang. Des débris, des verres cassés qui gisaient à ses côtés. Les images étaient vivides, flou, tout n’était pas très clair pour toi. Tu pleurais, plus qu’à la mort de ta mère. T’allais faire quoi sans lui, sans ton père. T’avais appelé la police, du moins, tu croyais, tu te souviens juste de la police et de Heath qui était là aussi. T’avais dû l’appeler  lui, paniqué. Tout était bien trop flou pour toi. T’avais essayé d’oublier, de pas y penser, mais c’était difficile. Qu’est-ce que tu allais faire maintenant ? Tu étais toute seule maintenant. T’allais hériter de son empire. Tu n’avais même pas encore 21 ans. T’étais majeure mais pas complètement. Ton père avait toujours été là, ce malgré ses voyages d’affaires, ses longues journées au travail, et que tu le détestais pour cela, il restait ton père, ton tout, tout ce qu’il te restait. Oui, tu avais encore tes grands-parents et ton oncle, cousins. Seulement, ce n’était pas la même chose. Qu’est-ce que tu allais devenir ? T’en savais rien. Tu étais trop sous le choc pour réfléchir. Quand la police te posait des questions, tu ne savais même pas quoi répondre. Tu n’avais rien vu, tu n’étais même pas là hier. Tu avais passé la soirée avec une amie, vous étiez sorties pour vous amuser et en rentrant le matin de chez elle, tu avais trouvé ton père et la maison dans cet état. Tu ne comprenais même pas comment les voisons n’avaient rien pu voir ou remarquer. Argh parfois vivre dans ce genre d’énorme villa à côté de voisons aussi haut friqué que soit, ils ne se soucient que d’eux. C’était seulement à l’arrivé de la police qu’ils étaient sortis. La presse était là aussi. Tu n’en revenais pas. T’avais toujours aimé ton monde, mais ce jour-là, tu aurais aimé, être une fille toute à fait normal  pour qu’il n’y ait pas tout cela. Tu te souviens plus trop à quelle heure, tu étais allée chez ta grand-mère. Tu ne pouvais pas rester dans la maison, c’était trop difficile, et à vrai dire, t’avais peur que ceux qui avait fait cela à ton père, viendrait te le faire aussi.

Tu n’avais pas réussi à dormir. T’avais pas fermé un œil de la nuit et ceux malgré tout ce que tu faisais. Tu revoyais sans cesse, les images restaient collées dans ton esprit et les pleurs de ta grand-mère n’aidaient pas. Tu avais ton père, mais elle avait perdu son fils et personne n’avait envie d’enterrer son enfant, les choses ne devaient pas se passer dans cet ordre. Tu ne pourrais pas rester dans cet endroit bien longtemps, c’était trop difficile. C’est pour cela qu’après le petit-déjeuner, tu avais quitté la demeure de tes grands-parents pour aller chez Heath. Tu ne savais pas vraiment où aller en vérité. Tu ne te sentais pas d’humeur d’aller chez une amie de la fac, et Mad, bah c’était Mad. Tu n’avais plus que Heath. Tu le connaissais depuis si longtemps, il était comme un grand frère pour toi.  Il devait être aux alentours de midi que tu étais devant chez lui. Tu sonnais, attendant alors qu’on ouvre. Tu ne savais même pas s’il était là. T’aurais dû appeler avant pour vérifier cela. Peut-être qu’il formait encore. Tu n’en savais rien. Tu sauras bien si personne ne vienne d’ouvrir.

Tu te sers un verre de whisky, posant ta veste sur le canapé, buvant cul sec le contenu de ton verre. Tu regardes la télé depuis quelques minutes, tu venais tout juste de rentrer alors que t'avais passé la mâtiné chez Georgia, à soigner sa gueule de bois. ça t'avait fait rire, de faire ça. En temps normale, c'est elle qui s'occupait de ce genre de chose avec toi. T'entends taper à la porte. Tu sais pas si ta coloc est là, alors dans le doute, t'attends quelques secondes pour voir si elle s'en va ouvrir. Pas de bruit, rien. Peut-être qu'elle est pas là. Alors tu te décides à te bouger. T'attends personne pourtant. T'ouvres et tu tombes sur Emily. Tu réagis pas pendant un court instant, tu t'attendais pas à la voir ici. En sachant ce qu'il s'était passé hier, tu pensais qu'elle avait été prit en charge par un membre de sa famille. Tu sais plus trop qui, la situation t'avait tellement choqué sur le moment que t'avais presque tout oublié de ce qu'il s'était passé la veille au matin, alors que tu sortais tout juste du lit de Lera. Ouais, de la blonde qui t'avait prit pour un con. Même toi t'avais du mal à te faire à cette idée. « Entre. », tu cherches pas à comprendre, vue la tête qu'elle tirait, elle était pas bien et elle venait te voir toi. Tu refermes la porte derrière elle, retournant dans le salon. Tu baisses le sons de la télé alors que tu l'invites à s'asseoir à tes côtés. Tu sais pas ce que c'est de perdre un parent, alors t'arrivais pas à te mettre à sa place. Tu savais pas si il y avait quelque chose de spécifique à faire pour les réconforter, t'es pas doué pour réconforter quelqu'un tout court, en fait. C'est tout juste si tu te soucis de comment tu allais toi, alors les autres. Sauf que là, c'était pas pareil. Tu connaissais son père, enfin toi pas vraiment, mais tes parents surtout. Et puis, c'est pas n'importe qui, c'est Emily. Tu la connais depuis assez longtemps, maintenant, pour compatir rien qu'un minimum à sa peine. Cette gamine, c'est comme une petite soeur pour toi. « Tu veux boire quelque chose ? », que tu dis. Un moyen de lancer la conversation.

Vous connaissez cette sensation de vous retrouver dans une boîte en verre qui se remplit doucement d’eau. Il n’y a pas d’échappatoire et vous essayiez en vain de rester la tête hors de l’eau à respirer le peu d’air qu’il y a, jusqu’à ce que vous vous retrouvez submergés et que vous coulez. C’était exactement ce que tu vivais en ce moment. Tu te sentais couler, enfermer dans une boîte de laquelle tu ne pourrais jamais sortir. Tu n’allais jamais pouvoir en sortir. T’allais faire quoi sans ton père. T’en savais absolument rien. Il avait toujours été ton héros, ton idole et maintenant il n’était plus là, il était mort. T’avais pas bien dormi et cela devait surement se voir sur ton visage. T’avais enfilé des lunettes de soleil pour cacher les cernes en sortant de la demeure de tes grands-parents. Bon, c’était aussi pour éviter la presse, mais tu n’avais pas envie de te montrer aujourd’hui. C’était pour cela que tu t’étais rendue chez Heath. Tu ne savais pas où aller, t’avais l’impression qu’importe où tu allais, on te regardait comme si tu étais une sorte de rat de cirque qu’on exhibitionait dans la ville après quelque chose. Tu détestais cela. Après quelques temps, on vient enfin t’ouvrir. Tu lui lançais un sourire minimaliste, retirant tes lunettes de soleil en rentrant dans son appartement. T’savais même pas quoi dire, t’sais même pas si t’as envie de parler. T’avais juste envie qu’on te retire la peine que tu avais en toi. Est-ce que cela allait partir un jour, cette peine, ce vide ? Tu le suis dans le salon, venant alors t’asseoir à côté de lui sur le canapé. Tu passes ta main dans tes cheveux, tu ne ressemblais à rien. Emily Ross, qui ressemblait à rien, c’était le genre de chose limite impossible, mais si, là, tu portais un simple leggings de sport avec un top un peu trop grand et un vieux pull qui appartenait à ton père. « Si t’as un truc pour me faire oublier, l’horrible nuit que je viens de passer, je veux bien. » Lui répondis-tu avec un rire limite vide d’expressions. Tu te faisais pitié à être comme cela, faible.

Tu souris à sa réponse, un sourire réconfortant. Tu sais pas spécialement ce que tu dois dire ou faire, alors tu pars lui chercher un verre d'eau. Tu connais cette envie de vouloir tout oublier, tu t'es beaucoup de fois plonger dans la bouteille pour ça, et t'as assez bu maintenant pour savoir qu'on n'oublie rien. Au contraire, la blessure reste là et l'alcool qui coule dans le sang ne fait qu'aggraver la chose. Tu retournes rejoindre Emily au salon, posant le verre sur la table basse face au canapé. « Rien de mieux qu'un bon verre d'eau. », en d'autre situation, ça te ferait rire de sortir ce genre de phrase. C'est tellement pas toi de préférer un verre d'eau à un bon whisky. Pourtant là, tu réagis pas. T'as peur de mal faire, elle vient de perdre son père, lui coller ta bonne humeur en plaine face ne fera qu'empirer son morale. Tu te réinstalles à ses côtés, sans parler. T'essayes de te mettre à sa place en essayant d'imaginer ce que tu voudrais que les gens fassent pour toi. Mais t’arrive à rien, tu serais pas dans le même état qu'elle toi. T'as déjà connu ce genre de drame une fois, et t'as pas agis de la même façon. C'était peut-être pas un de tes parents, mais pour toi c'était la même chose. T'inspires doucement, t'as peur que ton souffle dérange le silence pressant dans la pièce. Peut-être que ne pas parler, ça l'apaisera. Tu la revois hier, quand t'es partie la rejoindre après qu'elle t'ait appelé à l'aide. Elle était si.. tu sais pas comment l'expliquer. Tu te demandes comment elle a réussit à se lever, à te parler. « Si t'as besoin de quelque chose, tu sais bien que je suis là. », c'est sorti tout naturellement. Cette petite, tu la connais depuis que t'es gamin. Tu t'imagines pas la laisser seule tomber de ce gouffre. Puis tu poses tes mains sur ses épaules et tu l'attires contre toi. La prendre dans tes bras, ça peut la consoler, au moins rien qu'un instant.