Lera observait autour d’elle en souriant, comme on le lui demandait dans ce genre d’exercice, mais se maudissant intérieurement d’être reléguée à une telle activité. Que diable faisait-elle au milieu de toutes ces personnes tellement hypocrites, qui ne perdaient pas une occasion pour cracher sur leur voisin ? Elle connaissait parfaitement ce monde de faux-semblants et d’apparences pour l’avoir jadis fréquenté, ce qui faisait d’ailleurs d’elle aujourd’hui, une compagne de soirée très appréciable en plus de ses longs cheveux blonds et son visage de poupée. Blondie, voilà comment l’appelaient souvent certains clients alors qu’ils la culbutaient violemment. Blondie. Ce surnom sonnait comme une insulte incrustée sur sa peau au fer rouge. Encre indélébile à la douleur ineffable. Triste destinée de ces gens payés à écarter les jambes. Accueillir en son sein des être qui ne semaient qu’ordures et désolations. Alors, elle fumait, se piquait, sniffait. Tout son fric y passait. Junkie, il lui fallait sa dose quotidienne, alors, elle revenait vulgairement claquer ses talons contre le macadam. Comme dans Pretty Woman, en moins glamour. Après chaque passe, elle dégueulait ses tripes. Enfin, la douleur n’était rien à côté de ce que son cerveau lui infligeait jour après jour, nuit après nuit. Sempiternelle torture dont, encore une fois, la drogue était seule salvatrice. Des sourires par ci, des rires brefs à des plaisanteries vaseuses par là, des hochements de tête par ci, des expressions de surprises savamment calculées et enfin une main qui se glisse de manière possessive autour de sa taille ; elle était sienne. Jusqu’à l’aube. Pour près de mille dollars. Décidément, les gens ne savaient que foutre de leur fric. M’enfin, elle n’était pas à plaindre, elle avait gravi les échelons et était maintenant de pute de luxe. Une fierté, diraient ses collègues moins gradées. Tss, c’était la même chose sauf qu’elle se faisait simplement défoncer et brutaliser dans de la soie, dans une chambre à dix mille balles. Son client s’étant dans une conversation sur la politique extérieure à laquelle il jugeait qu’elle ne comprendrait rien, il l’invita à aller se servir à boire, à comprendre, dégage, je te sifflerai quand j’aurais besoin de ton assentiment machinal. Elle ne se fit pas prier et s’éloigna d’un pas pressé vers le balcon afin d’emplir ses poumons d’airs frais puis de se les bousiller avec une cigarette. Ou deux. Ou trois. Jusqu’à ce qu’il veuille de sa compagnie.

Elle resta un moment songeuse, clope au bec. Comment les choses avaient-elle évolué de la sorte ? Quel train avait-elle manqué ? Elle fixa inlassablement le ciel, comme si ce dernier serait à même de lui fournir les réponses qu'elle faisait mine d'attendre. Après tout, elle connaissait déjà la vérité sur tout ça. Elle savait comment elle en était arrivé là. Des hormones en effervescences, une grande naïveté et un esprit quelque peu idéaliste, voilà, le tour était joué. Elle se retrouvait faite prisonnière d'un homme qui lui avait promis monts et merveilles. Au fond, même si elle n'avait pas obtenu tout cela, elle était heureuse en sa compagnie. Heureuse, ouais. Elle souriait, riait, chantonnait, la tête dans les nuages; Gareth & Lera forever. Quelle stupidité. Elle poussa un soupir, rejetant en même temps la fumée qui encrassait ses poumons. Rien ne servait de s'attarder sur de telles reflexions. Elle aurait franchement dû prendre de ligne de coke que sa coloc lui avait proposé, elle aurait plus en mesure de supporter ce genre de simagrées et ce qui suivait, assurément. M'enfin, le point positif avec les vieux, c'était que ça durait rarement longtemps, malgré toutes les pillules qu'ils pouvaient ingurgiter. Aussi, quelques vas et viens en position missionnaire et papai s'effondrait sur elle telle une masse, la respiration erratique, non sans lui avoir lancé un regard auparavant pour être certain qu'elle a, elle aussi, pris son pied. Lera avait de l'expérience dans ce genre de situation maintenant, cela ne lui était plus difficile de falsifier les faits. Soudain, une voix masculine l'extirpa de sa torpeur et se tenant toujours de dos face à la réception, elle lui lança simplement un regard en biais en tirant de nouveau sur sa clope, priant tous les dieux pour qu'elle se transforme en joint. "Pourtant vous  semblez être très appréciés..." dit-elle simplement pour réponse, éludant sciemment sa question, comme d'habitude. Elle le connaissait de réputation, encore et toujours passionnée de photographie, elle occupait quelques heures de son temps libre en farfouillant un peu les nouveautés et se mettre à jour sur les tendances. Et le jeune homme en faisait parti. Elle ne parvenait pas à se souvenir de son temps, mais de son visage, oui, de même pour ses clichés qu'elle trouvait tout bonnement saisissant. "Vous allez le boire ?" Elle fit un discret signe au verre qu'il tenait en main.

Elle devait bien reconnaître que le jeune homme était plutôt beau garçon. Très beau garçon. Une gueule d'ange pour un physique de rebelle. Tout ce qu'elle appréciait en somme. Si elle n'était pas ici dans le cardre du boulot, sans doute en aurait-elle fait son quatre heures. Ainsi que son dîner d'ailleurs. L'idée était répandue que les artistiques savaient se montrer imaginatif au lit, elle en savait quelque chose. Elle ne lui accorda cependant que de brefs regards, son attention étant happée par l'immensité de New-York, de nuit, cette ville était encore plus belle. C'était pour des vues pareilles qu'elle ne regrettait pas d'y avoir élu domicile. Dieu qu'elle aurait aimé avoir son appareil photo sous la main. "Mh...je vois" dit-elle d'une voix songeuse. Hypocrisie humaine dans toute sa splendeur. Son client aussi en faisait de même. Il ne se gênait pas pour critiquer tous ces bons hommes lorsqu'il se retrouvait au-dessus d'elle, pourtant, le voilà entrain de leur lécher les bottes. C'était fou le nombre d'informations qu'elle avait pu recueillir dans ses passes, elle avait l'impression de connaître ces hommes dont parlaient ses clients sans les avoir jamais rencontrés. "Merci" dit-elle en attrapant le verre et le vidant d'un trait pour le reposer sur le plateau du serveur et en prendre un autre. "Je sais" dit-elle en trempant ses lèvres dans sa nouvelle acquisition "C'est qu'on peut pas vraiment vous louper en ce moment" Elle lui offrit un sourire légèrement moqueur "Ca ne vous servira à rien de connaître mon prénom étant donné que vous l'aurez d'ici demain et que l'on ne se reverra plus jamais" Elle lui fit un clin d'oeil, son sourire railleur toujours de la partie alors que son regard se perdait sur l'homme avec qui elle était venue. Il ne semblait pas avoir besoin de ses services dans l'immédiat, après tout, elle n'était qu'un trou dans lequel il se perdait. "Je crois que vous avez tapé dans l'oeil d'une fille" Elle fit un signe discret en direction de la dite fille, qui était d'ailleurs le style de la blonde. "Je crois qu'elle hésite à venir vous parler à cause de moi...je ferai peut-être mieux de lui laisser sa chance"

Il s'installe sur une des chaises longues présente sur le balcon, Je sais. C'est qu'on peut pas vraiment vous louper en ce moment. Le jeune homme sourit. Ce genre de remarque le flatté. Il aimait être reconnu pour son travail, et puis, si elle savait qui il était, peut-être s'intéressait-elle à son métier. Il ne relève pourtant, ne voulant passé ni pour un vantard, ni pour quelqu'un qui dénigre son travail. Elle accompagna sa remarque d'un sourire moqueur, qui en temps normale l'énerverait. Ca ne vous servira à rien de connaître mon prénom étant donné que vous l'aurez d'ici demain et que l'on ne se reverra plus jamais., il hausse les épaules. Peut-être bien, mais je préfère le savoir par vous. Et puis, peut-être serions-nous amené à ce revoir, qui sait ?, il voulait tellement savoir son prénom qu'on aurait pu pensé que c'était une question de vie ou de mort. Plutôt comique comme réaction de sa part. Mais, moins on lui en disait, plus il voulait en savoir. ça curiosité, on la gagné aussi vite qu'on la perdait en réalité. Je crois que vous avez tapé dans l'oeil d'une fille., elle lui montre avec discrétion une fille qui devait certainement le regarder depuis une dizaine de minutes, mais il n'y prête pas attention. N'essayer pas de changer de sujet., elle rajouta juste au dessus de lui, Je crois qu'elle hésite à venir vous parler à cause de moi...je ferai peut-être mieux de lui laisser sa chance. Il rit légèrement, amuser par cette femme qui essayait à tout prit de l'éloigner d'elle avec le sourire. Asseyez-vous., ce n'était pas un autre, plutôt une demande, mais ça pouvez paraître tout comme. Il ne connaissait pas la jeune femme, peut-être allait-elle s'énerver si elle prend mal ça remarque, il se reprit aussitôt. Si vous voulez bien. Et puis, je n'irais pas rejoindre cette fille. On est pas bien, dehors ?, question qui n'attendait aucune réponse en vérité. Il se contenta de regarder cette fille, attendant qu'elle prenne place à ses côtés. Elle attisait sa curiosité plus qu'autre chose. Qu'est-ce qu'une femme comme vous fait ici ? Je veux dire. Vous n'avez pas l'air comme eux. Il se tait quelques instants, lançant un vague regard à l'intérieur de la salle. Votre prénom alors ? Et puis, que faites-vous de votre vie ? Vous savez mon prénom et ce que je fais en quelques sortes, mais pas moi.

Amener à se revoir ? Lera en doutait vraiment. Peut-être si jamais il en venait à commander une prostituée, chose qu’elle se retint de dire à voix haute. Ou bien encore à une autre réception de ce genre. Elle était tellement habituée à rencontrer des gens une fois dans son existence, à la manière de mouchoirs que l’on balance après usage –ce qu’elle était sûrement- qu’elle avait du mal à imaginer une autre issue possible pour le jeune homme. Elle réfléchit un instant, lançant un bref coup d’œil à l’homme avec qui elle était venue ce soir, celui-ci était emporté dans une de ces discussions auxquelles Lera n’avait pas sa place, bien qu’elle en comprenne les enjeux. Avec eux, on en était resté au fait que les femmes ne s’y connaissaient nullement en politiques, elles devaient écarter les jambes et la fermer sur les sujets dits sérieux. Et elle prit finalement une discussion lorsque le jeune homme l’invita à s’installer, du moins, à la seconde tentative dans laquelle il mit toute la bonne volonté et politesse du monde. « Oui, c’est vrai » répondit-elle à sa question en prenant place près de lui, croisant les jambes dans le même mouvement. « Vous vous rendez compte qu’elle doit sûrement me détester ? Y avez-vous songé ? » Elle avait tourné la tête vers lui, un grand sourire amusé sur les lèvres. Ce ne serait sûrement pas la première à la détester et loin d’être la dernière. On s’y faisait à ces situations, parfois même Lera les provoquait. Être haï était plus aisé qu’être aimé. « Une femme comme moi… » La blonde fit mine de réfléchir « eh bien, dites-moi monsieur le photographe, en quoi serais-je différente de toutes ces personnes ? » Son sourire amusé était toujours de la partie alors qu’elle penchait légèrement a tête sur le côté. « Un peu de mystère n’a jamais fait de mal… » Elle avait remarqué que plus elle essayait de s’y dérober, plus le jeune homme se montrait insistait, ce qui l’amusait elle devait bien le reconnaitre. « Et puis, je pensais que vous étiez le genre d’homme à préférer les femmes mystérieuses, me serais-je fourvoyée ? » voilà que sa voix était désormais séductrice. « Après tout, pour intéresser quelqu’un de votre rang, il vaut mieux éviter de dévoiler son jeu en une fois »

Vous vous rendez compte qu’elle doit sûrement me détester ? Y avez-vous songé ?, Heathcliff sourit à la réflexion de la jeune femme. C'est un risque à prendre, mais dans deux minutes, elles auront cessé de vous détester, ça fonctionne comme ça avec elle., il les connaissait bien les new yorkaises, elles étaient toutes pareils, à force de les fréquenter même si ce n'était rien que pour une nuit, il avait pu faire l'analyse du comportement de chacune d'entre elles. En vérité, il n'y avait pas que les new yorkaises qu'il connaissait bien, Heathcliff connaissait bien toutes les femmes. Qu'importe leur âge, elles se ressemblaient presque toutes. La jeune femme face à lui avait l'air d'être l'une des exceptions. Une femme comme moi… eh bien, dites-moi monsieur le photographe, en quoi serais-je différente de toutes ces personnes ?, il tourne le regard sur le côté, ses yeux posé sur la salle pleine à craquer. Il ne dit rien pendant quelques secondes, portant sa nouvelle coupe de champagne à ses lèvres pour pouvoir en boire le contenu avant de tourner son visage face à la jeune femme. Et bien, toutes ses femmes sont ravie d'être ici, elles essayent de se mélanger, de rencontrer des hommes friqués.. Et vous, vous êtes ici, seule sur le balcon. C'est ce qui me fait penser que vous êtes différente., il sourit en coin alors qu'elle ne lui avait toujours pas dis son prénom. Un peu de mystère n’a jamais fait de mal… Et puis, je pensais que vous étiez le genre d’homme à préférer les femmes mystérieuses, me serais-je fourvoyée ?, puis d'une voix séductrice qui te fis sourire, elle reprit, Après tout, pour intéresser quelqu’un de votre rang, il vaut mieux éviter de dévoiler son jeu en une fois. La situation l'amusé à vrai dire, ne pas savoir à qui il avait affaire. Il venait même à en oublier où il se trouvait. Elle n'avait pas tord, Heathcliff avait toujours aimer les femmes mystérieuses, qui ne se dévoile pas directement à lui. Il trouvait ça plus attractif, largement plus accrocheur qu'une femme qui allait lui expliquer sa vie de a à z en quelques secondes. Vous n'avez pas tord.., nouveau sourire en coin, il finit sa coupe de champagne cul sec, donnant alors le verre à un serveur qui passer par là. Il croise les mains avant d'ajouter, Vous êtes seule ce soir ?