Samedi ! Enfin ! Une journée sans avoir à penser à mes cours ou à mon boulot ! J’étais libre d’aller m’amuser, je n’avais pas un seul cours et c’était mon jour de congé au café. La paix. J’en étais ravie. Qui n'était pas content de pouvoir profiter de la vie sans avoir à penser aux obligations quotidiennes ? J'avais profité de liberté du jour pour dormir plus longtemps ce matin-là. Je m'étais levé et j'avais nourris Luciole, mon chat. Seul compagnon dans mon appartement. Après maintes caresses et gratouilles, je partis dans la salle de bain pour prendre ma douche. Je laissai l'eau tiède couler longuement le long de mon corps. Quel bien fou. Une sensation très agréable. Je sortis, me séchai et m'habillai. Je quittai mon appartement deux ou trois heures pour aller me chercher une tenue. J'allais bientôt devoir partir en stage et il allait me falloir des tenues un peu chics, et surtout qui faisaient sérieuses. Je savais m'amuser mais quand il s'agissait de mes cours et futurs stages, ainsi que de mon job, j'étais très sérieuse. Je ne plaisantais jamais à ce niveau là, c'était important pour mon avenir. J'avais déjà loupé bien assez de choses concernant mon orientation professionnelle et je refusais que ça recommence. J'étais entrée dans une boutique. Je trouvai une tenue mais je lâchai un soupire. C'était beaucoup trop cher. J'avais un capital de côté mais je ne voulais pas l'utiliser. Je voulais vivre normalement avec les moyens que me procuraient mon boulot de serveuse. Ni plus ni moins. Mon capital, je le gardai pour le jour où j'aurais un emploi stable, pour m'acheter un appartement ou quelque chose comme ça. Ou encore si j'avais un gros problème, on ne savait jamais ce qui pouvait arriver. J'avais utiliser une partie de l'argent de la vente de la maison pour acheter une voiture, mais ça c'était arrêté là. J'avais pris une autre partie pour mettre de côté, donc, et le reste pour des associations caritatives. En espérant que je l'emmènerais avec moi au Paradis, comme on dit. Ou qu'au moins, la vie me fera un peu plus de cadeaux. Je finis par rentrer chez moi, un peu déçue. Je chercherais un autre jour.
Finalement, le soir arriva. Après un petit repas, je me décidai. J'allai sortir un peu, pour m'amuser et passer un peu de bon temps. Je m'habillai, optant pour une jupe et un top, avec une petite veste et une paire de bottines à talons. Mes cheveux détachés étaient lissés et retombaient en cascade sur mes épaules. Je me maquillai légèrement, je ne voulais pas me la jouer provocante, ce n'était pas mon genre. Je pris mon sac à main, mes clés, je donnai une nouvelle fois quelques caresses à Luciole puis je quittai mon appartement. Je pris ma voiture et roulai dans la ville, réfléchissant encore à où j'allais passer ma soirée. Je finis par me garer, sortir de la voiture et la fermer à clés. Je fis quelques pas et remarquai une voiture. Une impala. Je m'arrêtai soudainement. Ce n'était pas une voiture très répandue... Mais non, c'était rien. Ce n'était que le fruit du hasard, ça ne pouvait pas être quoi que ce soit d'autre. Je repris ma marche et pénétrai dans le bar. Un endroit un peu plus tranquille qu'une boite de nuit mais qui permettait les mêmes choses. J'arrivai au bar et souriai au barman. J'y venais assez souvent donc il n'avait aucun mal à savoir ce que je prendrais comme boisson. « Un sex on the beach? » J'avais souris et lui avais répondu que oui. Il me le servit. « Merci. » Puis je regardai autour de moi. Allez savoir qui j'allais rencontrer. J'étais loin de me douter que l'impala resterait plus qu'une simple coïncidence...
Gabriel avait travaillé toute la journée. Il avait commencé à 5h du matin, avec une urgence. Il était de garde et avait espéré finir la nuit calmement, mais non. Il avait ensuite enchaîné sur sa journée de consultation, qui s'était relativement bien passée, même si trop lentement à son gout.
Alors quand 16h avait sonné la fin de la journée, il s'était précipité chez lui pour dormir quelques heures.
Il avait finalement émergé avec une certaine amertume au moral... Et c'était loin de lui plaire... Alors il s'était secoué, avait réchauffé une part de pâtes au fromage avant d'aller prendre une douche.
Il se rasa de près, de parfuma, passa du gel dans ses cheveux avant de s'habiller. Un jeans légèrement élimé et moulant, une chemise tout aussi moulante et ses bottes. Ce soir, il allait noyer sa déprime dans un verre et dans les bras de quelqu'un.
Il enfila sa veste, prit ses affaires et monta en voiture pour aller jusqu'au bar. C'était parfait comme ambiance pour passer une bonne soirée.
Il laissa l'impala sur le parking, la verrouilla et entra. Il alla s'asseoir au bar et demanda une tequila sunrise. Un cocktail pour commencer, c'était une bonne idée. Il en commanda une deuxième avec un clin d'oeil au serveur.
Il passa ensuite a la tequila pure, en offrant une au serveur. Ils effectuèrent le rituel accompagnant la boisson en se regardant. Sel, boire d'un trait et claquer son verre sur le comptoir avant de manger le citron. Il obtint ainsi le numéro du serveur.
Une seconde tequila. A un moment, il tourne la tête pour observer un peu les gens et son coeur rata un battement.
Il demanda une troisième tequila qu'il s'enfila d'un trait pour tenter de se détendre... Il regarda de nouveau... Non... ça ne pouvait pas être elle... Et pourtant... Il n'y avait qu'une femme au monde pour affoler son coeur de cette façon, pour être aussi belle, pour lui tourner la tête en apparaissant dans son champ de vision.
L'alcool ne l'aidait pas à analyser... mais c'était bien Charlie qui était sous ses yeux... Il reprit une tequila, pour se donner du courage, et se leva... Il se dirigea doucement vers elle et lui effleura l'épaule pour attirer son attention.
J'espérais que la soirée serait bonne. J'espérais que je pourrais me détendre, profiter de ma tranquillité du jour pour m'amuser. Pourquoi pas pour passer la nuit, ou une partie de la nuit, avec quelqu'un avant de rentrer chez moi. Je ne savais pas exactement ce que j'allais faire mais je n'avais pas l'intention de rester prostrée au comptoir sans bouger. Si je sortais, c'était généralement pour bouger, m'amuser et tout oublier le temps d'une soirée. Un homme se trouvait à côté de moi. Sans doute un peu plus vieux de quelques années, rien de bien extraordinaire. Séduisant. Avec un sourire à tomber. Je me mordillai un instant la lèvre inférieure. Allais-je vraiment le draguer? Il paraît que des couples se forment rapidement en soirée comme ça... Aller, je n'avais rien à perdre de toute façon. Je l'abordai et, rapidement, il me fit rire. J'étais déjà très à l'aise. J'étais sûre que si ça continuait comme ça, la soirée ne pouvait que bien se passer. Attention, je ne parlais pas de forcément passer la nuit avec lui dans un lit. Mais il s'avère que je le trouvais plutôt intéressant, intelligent et très drôle. Loin du genre de types goujat. Il aurait tout à fait pu être mon genre d'hommes. Brun, les yeux marrons, assez bien bâtis, grand,... Bref, vous l'aurez compris, tout se déroulait à merveilles et je ne regrettais pas le moins du monde d'être sortie.
Du moins, je ne regrettais rien jusqu'à ce que je sente quelqu'un frôler mon épaule. Je me retournai et le sourire que je pouvais arborer s'effaça en me retrouvant face à Lui. Non, c'était pas possible. Il ne pouvait pas être de retour... L'impala... L'impala garée sur le parking n'était pas une simple coïncidence alors? Comment réagir? Mon coeur venait de rater un battement, ou peut-être même bien plus. Dix longues années s'étaient écoulées. Dix années que j'avais mise à profit pour l'oublier, tourner la page, mettre toute la douleur et la peine que j'avais eu à son départ de côté. Et voila qu'il était de retour. Que faisait-il là? Pourquoi venait-il me voir? Comment osait-il? Je lui tournai le dos pour boire rapidement mon cocktail. Je reposai le verre. Tout ce que j'avais ressentis pour lui me revenait en plein visage. Je l'avais aimé, c'était indéniable. Et je ne pourrais jamais l'oublier. Il a été mon premier amour, ma première fois,... J'étais heureuse avec lui. Je m'en souvenais comme si c'était hier. Je revoyais rapidement quelques images des moments forts de notre relation, dans l'ordre. Bien entendu, la dernière qui arriva dans ma tête fut celle du jour où il est partis, sans explication. "Prends soin de toi Charlie", m'avait-il dit. Il m'avait dit partir définitivement. Alors pourquoi se trouvait-il en face de moi?
Je m'excusai auprès de l'homme avec lequel je parlais, disant que je ne pouvais pas faire autrement. Je me remis face à lui et ma main partis toute seule. Elle claqua sur sa joue. Cette gifle me fit du bien, mine de rien. Je le regardai: « J'espère que tu ne t'attendais pas à autre chose. » Quelques regards s'étaient tournés vers nous mais personne ne bougea ou ne nous dit quelque chose. Après tout, ça ne devait pas être la première fois. J'étais sûre que plus d'un couple avait déjà fait ça durant une dispute. La seule différence était que Gabriel et moi n'étions plus un couple, et ce depuis longtemps maintenant. « Je croyais que tu partais définitivement? Qu'est-ce-que tu fous là? » Il n'avait pas changé. Il était toujours aussi séduisant. Voir même plus. Il faisait plus mûr. Et son regard... Son regard vert émeraude qui m'avait déjà fait fondre quand j'étais une gosse n'avait pas changé lui non plus...
Il s'était dit que c'était peut être quelqu'un d'autre, qui lui ressemblait beaucoup... Mais non! C'était bien elle... Putain... C'était elle... Merde... Pourquoi il fallait qu'il la croise... Elle... Elle était encore plus belle qu'avant... Et ses yeux... Le même regard qu'il y a dix ans... Déjà qu'il avait repensé à elle en récupérant des affaires dans sa chambre.... Alors là... C'était le pompom...
Surtout qu'elle avait pas du tout l'air enchanté de le voir... Bon... il pouvait comprendre. Elle allait pas lui sauter au cou et l'embrasser... Il aurait bien aimé, mais non... Il voulut revenir d'ou il était, aller se noyer dans sa tequila et les yeux du serveur... Mais il avait pas réussi à bouger.
Et Comme bonjour, il eu droit à la première baffe de sa vie venant d'elle... Et vu comme elle était furieuse, ce serait surement pas la dernière. Elle confirma son impression et il eut un sourire en coin.
"-J'aurais préféré que tu me sautes au cou, mais je ne m'attendais pas à autre chose, non."
Non mais... Gabriel, t'es con ou quoi? Ou alors tu veux t'en prendre une autre? Ouais... surement. Parce que là, c'était à l'opposé du comportement à adopter.
Il plongea son regard dans le sien avant de répondre à la suite.
"-Disons que je suis de retour pour affaires personnelles. Mais je ne compte pas repartir de si tôt"
Hé non Princesse, ton prince charmant n'allait pas de nouveau se tirer rapidement. Même si ça te tente et que tu adorerais ne plus le revoir... Gabriel était revenu.
Le revoir après tant d'années soulevaient pas mal de questions mais ça me permettait aussi de voir la vérité en face. Je ne l'avais pas oublié. J'avais réellement cru avoir tourné la page mais tout n'était qu'illusions. On oublie jamais son premier amour, surtout pas quand on a vécu ce que Gabriel et moi avions vécu. Mine de rien, le revoir faisait battre mon coeur à la chamade et dans mon ventre se battaient des papillons. Il était toujours aussi craquant... Mais je ne céderais pas! Même si son regarde vert émeraude me faisait craquer et que son sourire me faisait fondre, je refusais. Et la colère que j'avais contre lui me permettait de tenir la distance. Au lieu de penser à nos bons moments, je me focalisais sur le mal qu'il m'avait fait, de peur d'oublier le pourquoi du comment je l'avais giflé. "J'aurais préféré que tu me sautes au cou, mais je ne m'attendais pas à autre chose, non." Mais c'était qu'en plus, il était drôlement culotté! Il aurait préféré que je lui saute au cou?! Il cherchait réellement à ce que ma main claque à nouveau contre sa joue ou ce n'était qu'une impression? « Désolée de briser tes espérances. » Je laissai passer quelques secondes en faisant mine de réfléchir pour finalement reprendre: « En fait non, je suis pas désolée. Tu mérites au moins ça. Et encore, je suis juste super gentille là. » Il plongea son regard dans le mien et je le soutins. Je refusais de céder, je voulais l'affronter. Même si c'était dur de garder mes yeux dans les siens, je ne détournai pas le regard.
"Disons que je suis de retour pour affaires personnelles. Mais je ne compte pas repartir de si tôt" Des affaires personnelles hein? Ca concernait quoi, ou qui? Ses parents? Ceux qui du jour au lendemain avaient coupé les ponts avec moi, qui m'avaient laissé sans même me dire ce qu'ils savaient? Je pensais qu'on s'entendait bien mais j'avais dû me tromper. Cela faisait dix ans qu'il était partis, dix ans qu'on continuait à vivre dans la même ville eux et moi et ça faisait aussi dix ans que je n'avais pas eu de leurs nouvelles, ni eux des miennes d'ailleurs. Vous allez me dire que j'aurais pu aller les voir pour parler, essayer de comprendre. Mais quand votre copain vient de vous plaquer, que vous n'avez que quatorze ans, vous ne pensez pas aussi loin. Je pensais surtout à guérir de mon chagrin d'amour, pas à affronter le regard de ses parents. Si ça se trouvait, c'était ma faute et ils m'auraient envoyée promener. Et je crois que la gosse que j'étais n'aurait pas pu supporter ça. Tout simplement. « Oh! Je vois! T'es sans doute venu te taper une petite jeune pour ensuite repartir soit disant définitivement en lui brisant le coeur en mille morceaux et en lui disant en tout et pour tout un simple au revoir, sans explications. » Oui. Oui, j'étais fâchée. La colère face à lui serait ma seule carapace. La seule assez forte pour lui résister aussi longtemps que possible...
Qu'est ce qu'elle était belle en colère... Elle était magnifique de base, mais la colère faisait briller son regard, durcissait légèrement ses traits... C'était masochiste comme pensée, sachant que c'était contre lui qu'elle en avait... Et pas qu'un peu.
Evidemment, il la comprenait... C'aurait été lui qui aurait été largué comme ça, a cette époque la, il aurait tout fait pour la retrouver et n'aurait pas été tendre sur le coup... mais bon... Charlie n'avait que 14 ans, et elle n'avait pas eu le temps de réagir. C'était voulu, il ne voulait pas qu'elle le retienne... C'était cruel et égoïste, mais il aurait été obligé de dire ou faire des choses qu'il ne voulait pas... Et il l'aurait définitivement brisé... Et s'il avait fait ça... Il aurait fini dans un ravin dans les heures suivantes.
Elle répondit à sa provocation. Il ne put s'empêcher de sourire, elle avait de la répartie. Son caractère s'était bien affirmé, et il ne pouvait pas dire que ça lui déplaisait... Non mais il fallait qu'il arrête de la trouver craquante comme ça!
-"Je pense que je m'en remettrais"
Il la cherchait, clairement. Il ne savait pas pourquoi. Mais il le faisait, et pas à moitié... D'habitude, c'était pas auprès des filles qu'il cherchait les emmerdes... surtout pas auprès d'elle...
Peut être s'assurait-il seulement de l'éloigner assez de lui pour ne pas faire le con? Qui sait... Pas lui dans son état.
Il grimaça quand elle lui balança qu'il était surement revenu pour se taper une jeunette. Mmh... ça sentait bon la rancune... Il se mordilla la lèvre en la regardant.
-"Mmh... Non, pas vraiment. Tant qu'a faire, autant viser les petites jeunes qui ont grandit."
Il percuta ce qu'il venait de dire et pâlit un peu. Oh putain le con! Elle allait l'atomiser... Bordel, c'était du rentre dedans de la pire espèce!
"Je pense que je m'en remettrais", me répondit-il. C'était sûr que ça n'était rien en comparé de ce qu'il avait fait. En vérité, c'était rien du tout. Je lâchai un profond soupire. Il n'en valait même pas la peine, au fond. Je me retournai et commandai un autre verre au barman. Le même cocktail. Il me le servis de suite et je le bus rapidement. J'avais besoin de courage et je ne savais pas où le trouver. Il n'y avait personne ici de ma connaissance, pour m'aider à traverser ça. Alors autant que je prenne du courage dans l'alcool le temps d'une soirée. Avec un peu de chance, le lendemain sera plus facile à supporter puisque j'aurais réussis à tout déballer à Gabriel et donc le lendemain, je ne me sentirais plus mal à l'idée de le croiser. Je l'ignorerais, comme il était possible de le faire. Au moins je lui aurais tout dit, tout ce que j'avais sur le coeur. Et pourtant, après avoir bu mon verre, j'eus un doute durant quelques secondes. "Qu'est-ce-que tu fous Charlie? T'aimes t'amuser et boire mais tu ne bois jamais pour prendre du courage, pour oublier et traverser quelque chose. Tu sais très bien que le lendemain n'en serait que plus dur." Puis je me retournai et lançai une nouvelle pique à Gabriel.
Et ce fut sa réponse qui m'acheva. Je comprenais pourquoi il fallait que je bois. C'était pour garder ma colère intacte et ne pas céder à une crise de larme, de peine et de douleur intense. Parce qu'avec tout ce qu'il me disait, j'avais mal. Très mal. Et il ne semblait même pas s'en rendre compte ne serait-ce qu'une seconde. "Mmh... Non, pas vraiment. Tant qu'a faire, autant viser les petites jeunes qui ont grandit." Trop c'était trop. Ma main se logea sur sa joue une seconde fois mais plus fortement que la première. J'aurais dû me douter qu'il ne me présenterait pas ses excuses, qu'il ne me donnerait pas d'explications. Et je n'étais même plus sûre d'avoir envie de les entendre. En dix ans, j'avais vécu des choses et même si mes relations ont été des échecs, je ne m'en sortais peut-être pas si mal que ça. « T'es vraiment qu'un salaud Gabriel! Vas te faire foutre! » Je pris la dernière gorgée d'alcool que j'avais laissé dans mon verre et je pris mon sac pour reposer mon regard sur lui. Je lui lançai un regard méchant: « T'aurais mieux fait de jamais revenir me parler... » Je ne le pensais qu'à moitié. Tout au fond de mon coeur, j'aurais aimé que l'on se retrouve, comme avant. Mais bien au fond de mon coeur. Et surtout, je savais que c'était impossible.
J'étais tellement fâchée que j'eus envie de blesser son amour propre en lui disant que j'avais trouvé un meilleur coup que lui mais c'était tellement enfantin que je m'étais retenue. Je n'étais pas assez éméchée pour parler sans réfléchir. J'avais juste besoin de lui faire du mal mais je savais que j'avais perdu d'avance. Qu'il trouverait toujours autre chose pour me faire plus de mal encore. Et je crois que je ne pourrais pas supporter plus. Pas de sa part, pas comme ça. Je passai à côté de lui pour sortir du bar. J'avais besoin de prendre l'air, de souffler et sûrement de m'isoler dans ma voiture pour pleurer. Devant lui, je me montrais forte et avec une grande gueule mais ça n'empêchait pas que chacun de ses mots m'avaient fait mal. Trop mal...
Sur le moment, enchaîner les tequila était une idée géniale... Mais maintenant qu'il était entrain de raconter des conneries, ce n'était plus si amusant... Surtout que voir la colère dans les yeux de la jeune fille, c'était mignon, mais y voir de la douleur... Non... Il la laissa reboire un cocktail et se mordit la lèvre... Il la poussait dans ses retranchements, et c'était loin d'être une bonne idée...
Comme il l'avait prévu, sa remarque lui valut une seconde baffe bien sentie... et méritée... Parce que putain, il pouvait pas fermer sa gueule? S'il avait voulu lui faire intentionnellement autant de mal, il n'aurait pas réussi! Elle l'insulta et il lui répondit par un petit sourire ironique.
-"Oui, c'était un peu mon intention."
Là, c'était voulu... Mais bordel, il n'avait pas fais ça pour rompre, alors pourquoi maintenant? ça le foutait en l'air d'agir comme ça avec elle... Parce qu'il ne le pensait pas! Parce qu'il avait envie de la prendre dans ses bras et de la cajoler... Même si là, il venait de faire tout pour que ça n'arrive plus jamais... Triple idiot!
Elle lui asséna qu'il n'aurait jamais du venir lui parler... Oui... Surement... Et elle s'en alla... Il ne fit rien pour la retenir, il trouvait qu'il en avait déjà assez fait... Il recommanda une tequila et fixa son verre... Il voulait la laisser réellement partir... Briser cette alchimie qu'il savait encore présente... Il l'avait ressentie au fond de ses tripes... Il but son verre et le reposa... Avant de sortir rapidement pour la rattraper.
C'était trop tard, mais tant pis. Il arriva près d'elle.
-"Charlie..."
Comment allait-elle réagir? Alors qu'il savait très bien qu'elle souffrait, ayant même vu des larmes dans ses yeux... Il se mordilla la lèvre en attendant sa sentence.
Depuis le début, je privilégiais ma colère autant que possible pour ne pas ressentir la douleur, la peine. Je ne voulais pas céder, je ne voulais pas pleurer devant lui. Je voulais qu'il voit que ce n'était pas parce qu'il revenait comme ça, du jour au lendemain, que j'allais pleurer et tout accepter de sa part. Mais maintenant, ce n'était plus que de la colère. C'était toujours de la colère, c'était indéniable! Cependant, elle était mélangée à de la peine. Il m'avait profondément blessée. Il ne se rendait compte de rien. Il ne savait pas tout ce que j'avais vécu après son départ, il ne savait pas comment j'avais fait pour m'en sortir. Merde! J'avais que quatorze ans! Quand j'étais avec lui j'avais pas l'impression, je me sentais tellement plus mûre, plus grande! Lorsqu'il était partis, ça m'était revenu en plein visage! "Charlie, t'es qu'une gamine! Tu t'attendais à quoi?! A faire ta vie avec lui?! C'était sûr qu'un jour ou l'autre il prendrait son envol loin de toi!", m'étais-je dit. Quand on a quatorze, quand on aime - ce que je n'avais réalisé que plus tard - on se sent mal, trahie... Et aujourd'hui, tout revenait en moi. Surtout qu'il n'arrêtait pas de me sortir des piques bien blessantes...
Finalement, après deux gifles, j'avais pris mon sac pour sortir. C'était trop. Je savais que je ne pourrais plus en supporter d'avantage. J'étais devant ma voiture, des larmes coulant le long de joues en silence. Je cherchais mes clés frénétiquement dans mon sac. Il n'avait pas essayé de me retenir. C'était sans doute mieux comme ça. Je les trouvai enfin. "Charlie..." En entendant simplement mon prénom, sachant très bien que c'était lui, je laissai tomber mes clés sur le sol. Je m'empressai d'essuyer mes joues et mes yeux, sans doute légèrement rougis, pour tenter de lui cacher le mal qu'il me faisait. J'étais trop fière pour pleurer devant lui. Pour le moment, je ne voulais pas encore. Pas maintenant, pas devant lui. Je me penchai et ramassai mes clés pour me retourner vers lui. « Quoi?! Quoi Gabriel?! Tu comptes me sortir une autre vacherie?! Parce que si c'est le cas, tu perds ton temps! J'ai plus envie de te parler, t'en as déjà bien assez fait pour ce soir... » Il m'avait brisé le coeur dix années auparavant et, d'une certaine façon, il me le re-brisait maintenant. Et même si je faisais ma fière, je savais que je ne tiendrais plus très longtemps avant d'éclater en sanglots devant celui qui a été mon premier amour, ma première fois, mon premier amant... Celui que j'ai crû être mon âme soeur jusqu'à ce qu'il me plante un couteau dans le dos... Mais merde ce que c'était dur! Et je m'en voulais tellement à moi-même aussi! Je m'en voulais de toujours l'aimer...
Il n'avait pas besoin de la voir de face pour savoir son état. Déjà, qu'elle fasse tomber ses clés... Elle était perturbée, triste, dans tous ses états... Et elle pleurait... Il s'en voulut à mort... A quoi ça avait servit d'être un véritable connard à l'intérieur pour maintenant être la... Il voulait la prendre dans ses bras, la consoler... mais il allait se faire envoyer chier, et elle aurait bien raison.
Elle se retourna vers lui et lui répondit, sur la défensive... Gabriel n'eut aucun mal à voir qu'elle avait bel et bien pleuré... et qu'elle n'était pas loin de recommencer... Entre son nom entre ses lèvres... ça aurait pu le faire frissonner...
Un souvenir lui revint, quand il était au lycée et qu'elle le rejoignait pendant le temps de midi... Il suffisait qu'elle l'appelle à travers la cour pour qu'il n'ait plus d'yeux que pour elle, et ça arrivait souvent qu'elle se jette à son cou dans les secondes qui suivaient...
Il la regarda et avala sa salive avant de répondre...
-"Non... Je sais que j'en ai assez fait pour ce soir..."
Et pour longtemps... ça ne devrait pas être permis de dire autant de saloperies a quelqu'un qu'on aime...
-"Tu n'en voudras pas, mais je m'excuse... sincèrement..."
Il ne savait pas exactement pourquoi il s'excusait, mais il y avait largement assez de trucs pour que ça soit justifié...
J'avais tout fait pour éviter ça mais rien à faire. Tout les bons moments que j'avais passé à ses côtés, nos câlins, nos fous rires ou même simplement les moments que je passais dans ses bras en silence, tout ça me revenait en plein visage. Et mine de rien, j'aurais tout donné pour retrouver ça. Pour retrouver la sérénité qu'on avait, le bonheur que je ressentais, le bien-être que j'éprouvais... J'avais vraiment été heureuse avec lui. Il ne m'avait jamais fait de mal, j'avais une telle confiance en lui que je lui avais donné ma virginité. Vous savez ce que c'est, de donner sa virginité à un homme quand on a que quatorze ans et qu'on est donc encore qu'une gamine? C'est la plus grande preuve de confiance et la plus belle preuve d'amour... Ça veut dire que tout ça est sans limite. Ca peut paraître idiot mais pour moi, ma virginité était importante et je ne voulais pas donner mon corps pour la première fois à n'importe qui. Mais j'avais tellement confiance en Gabriel, j'étais tellement bien avec lui que c'était venu naturellement. Et regardez où j'en étais maintenant... Il m'avait laissé tomber... Moi qui pensais naïvement que ça durerait longtemps... Et même dix années plus tard, j'en souffrais toujours autant de ce que je considérais comme une forme de trahison...
"Non... Je sais que j'en ai assez fait pour ce soir..." Au moins il le reconnaissait. Quelle change j'avais là. "Tu n'en voudras pas, mais je m'excuse... sincèrement..." Il avait raison. Je n'en voulais pas. Ce n'était pas de simples excuses qui changeraient quoi que ce soit à ce qu'il s'était passé. J'avais émis un petit rire nerveux. « Tu t'excuses pour quoi?! M'avoir abandonnée il y a dix ans ou pour toutes les saloperies que tu m'as dites ce soir?! » Je regardai ailleurs avant de poser mon regard sur lui pour lui répondre un peu calmement, plus sur le ton de la déception qu'autre chose. Et de la peine. « Non, t'as raison... J'en veux pas de toute façon... Ça changera rien au mal que tu m'as fais. Ça changera au fait que... au fait que t'étais pas là quand j'aurais eu le plus besoin de toi... » A la fin de ma phrase, je détournai mon regard pour essuyer très rapidement les larmes qui perlaient au bord de mes yeux. Je parlais du fait qu'il n'avait pas été là quand j'avais loupé mon examen d'entrée à la fac de droit, qu'il n'avait pas été là pour me consoler après certaines déceptions, ni pour me soutenir, m'aider à prendre des décisions. Je parlais du fait qu'il n'avait pas été là à la mort de mes parents, ceux-là même qui l'avaient pourtant accepté dans la famille comme si nous avions le même âge, sans différence aucune, sans préjugés. Je parlais de tout ces évènements dont il ignorait même l'existence...
Il la regardait et il se demandait comment il avait seulement eu l'audace de l'abandonner... La connerie de revenir lui faire du mal... La nullité d'être là, à vouloir se traîner à ses pieds... On se rend généralement compte d'a quel point on aime quelqu'un quand on le perd... Gabriel aurait plié sous le poids de cette révélation... Bordel! comme au premier jour... Et pourtant, il s'était poignardé lui même... Comme un gros con qu'il était...
On oublie jamais son premier amour? C'était vrai... Quand un regard suffisait à rallumer des cendres oubliées, on pouvait effectivement considérer que l'oubli était impossible... Mais comment pouvait il prétendre l'aimer après ce qu'il venait de lui dire? Elle ne l'écouterait jamais... Et puis... Elle était son soleil, le centre de son univers, il y a dix ans, il ne voulait pas l'éteindre avec ce qu'il était devenu...
Elle lui demanda avec hargne pour quoi il s'excusait...
-"Pour les deux..."
Il n'eut pas le temps de continuer qu'elle lui disait qu'elle ne voulait pas savoir, que ça ne changerait rien et qu'il n'avait pas été là quand elle avait eu besoin de lui... Cette dernière phrase fit tomber une sueur glacée dans son dos... qu'est ce qui lui était arrivé?
-"De quoi tu parles? Qu'est ce qu'il s'est passé?"
Elle allait l'envoyer chier... Il n'avait même pas le droit de poser cette question, et pourtant, il le faisait... Qu'est ce qu'il avait loupé de si important dans la vie de sa princesse? Il sentait qu'il n'allait pas se le pardonner de si tôt... Comme beaucoup de choses....
Il paraît que la vengeance est un plat qui se mange froid. Alors se venger dix ans après, ce serait bien un plat froid, n'est-ce-pas? J'étais tellement fâchée, peinée, déçue, blessée... que tout ce que je voulais c'était lui faire du mal. Lui rendre la monnaie de sa pièce. Mais étrangement, j'avais beau le vouloir, je n'y arrivais pas. Je n'arrivais pas à continuer à vouloir le blesser comme lui l'avait fait. J'avais pas assez de forces pour ça. J'avais déjà dû faire preuve de beaucoup de sang froid pour résister si longtemps face à lui et ne pas partir en courant. Il s'excusait pour tout. Pour m'avoir abandonnée mais aussi pour tout ce qu'il m'avait dit ce soir-là. Je m'adossai à la voiture. Il venait de me demander ce qu'il m'était arrivé. C'était l'occasion ou jamais de le blesser. « T'étais pas là pour me soutenir quand j'ai loupé mon examen d'entrée à la fac de droit et quand j'ai vu de la déception dans le regard de mon père lorsque je lui ai annoncé. T'étais pas là quand j'ai dû prendre des décisions concernant la maison familiale, l'héritage de mes parents après qu'ils soient décédés dans un accident de voiture. Tu sais, ceux-là même qui t'ont accueillis à bras ouverts alors que n'importe quels autres parents t'auraient foutus à la porte en interdisant à leur fille de te revoir... » Et maintenant que c'était dit, je regrettais. Je voulais pas lui dire ça comme ça, je voulais plus le blesser. Je manquais de tacte, j'étais comme un animal blessé qui tente tant bien que mal de se protéger des attaques extérieures. Je baissai un instant la tête. « Je suis désolée... Je voulais pas te dire ça comme ça... J'aurais... J'aurais eu besoin de toi à plusieurs moment de ma vie mais t'étais pas là... Et on peut pas dire que j'ai eu beaucoup de soutien... » Je faisais référence au fait que les parents de Gabriel m'avait plantée eux aussi. Au fait que mon petit-ami du moment m'avait demandé en mariage à peine deux semaines après la mort de mes parents. Je n'ai plus jamais été aussi bien qu'avec Gabriel. J'étais bien avec Alex, jamais je ne dirais le contraire. Mais ça n'était pas la même chose. Avec Gabriel, j'aurais tout fait. J'aurais décroché la lune s'il le fallait. Je l'aurais suivis partout. Pour lui, j'aurais été capable de tout. D'absolument tout... Même de quitter ma famille pour le suivre si vraiment il voulait partir. Mais j'avais l'impression de ne pas avoir assez comptée pour lui, sinon il m'aurait parlé de ce qui n'allait pas, de ce qui se passait. Je lâchai un soupire suite à toutes mes pensées.
Il s'attendait à tout, sauf à ça... Rater l'entrée à la fac, ça arrive, mais perdre ses parents... Il pâlit dangereusement, assez pour qu'elle puisse le voir... Merde... Oh certes, il n'était pas le beau fils idéal, mais il aimait beaucoup ses beaux parents... Enfin, ex beaux parents...
Il ne savait pas quoi dire... et la culpabilité le prenait à la gorge... Déjà, de ne pas avoir été la pour elle, mais aussi de ne pas avoir été présent pour leur rendre un dernier hommage... Le retour façon grand prince, c'était pas pour aujourd'hui, parce que là... Il en menait pas large du tout...
Elle s'excusa en baissant la tête... Lui expliquant qu'elle avait pas eu beaucoup de soutien non plus... Il lui releva doucement le visage en effleurant sa joue de son pouce avant de rompre le contact.
-"Non, tu as raison... Sur toute la ligne... J'ai pas été là... Et j'ai même pas été au courant pour... tes parents..."
Et ça lui faisait bien plus mal qu'il ne l'aurait avouer... Avoir louper toutes ces choses dans la vie de Charlie... C'est pas comme s'il pourrait se dire "toute façon, elle a pas eu besoin de moi..."... Et le contraire était vrai aussi, il y a quelques fois ou, rétrospectivement, il aurait aimé qu'elle soit avec lui, mais la différence, c'était que lui avait choisit l'absence de la jeune fille, pas le contraire.
Il remarqua qu'il tremblait un peu... Ouais, ça l'atteignait et ça se voyait... Au moins, le jeune fille ne pourrait pas croire qu'il n'était pas sincère...
Une chose était sûre, je me sentais perdue. Je me sentais démunie, désarmée face à Gabriel, cet amour et amant du passé. Les années s'étaient écoulées et j'étais persuadée qu'il ne reviendrait plus jamais à San Francisco. J'étais persuadée qu'il avait refait rapidement sa vie, qu'il m'avait vite oubliée. Il m'avait dit partir définitivement de la ville et c'était ce qu'il avait fait. Il m'avait plantée là, devant chez moi, me laissant seule avec ma peine, ma déception, mon incompréhension... Et avec mes souvenirs. En l'espace d'une minute, tout ce qu'il m'était resté de lui étaient mes souvenirs. Mes souvenirs d'une relation d'un an, qui m'avait rendue heureuse. J'avais mis de longues semaines à m'en remettre. J'avais mis de longues semaines à prendre mon courage à deux mains et à enlever les photos de nous qui avaient une place de choix sur les meubles et les murs de ma chambre, dans des albums. J'avais tout enlevé, rangeant soigneusement tout ce qui ma rattachait à lui dans une boite à chaussure que j'avais glissée au fond d'une armoire à vêtements, espérant vainement qu'un jour, peut-être, j'arriverais à m'en débarrasser. Jamais je n'avais pu les déchirer, les jeter ou les brûler. Lorsque j'étais partis de la maison familiale, j'avais pris mes affaires, dont cette boîte en carton, et je l'avais rangée au même endroit dans mon nouvel appartement. Je l'avais ouverte, une fois. Et j'avais eu tellement envie de pleurer que je n'avais pas tenue cinq minutes avant de tout remettre à sa place pour ne plus jamais y toucher. Si les photos mes faisaient de la peine et me donnaient envie de pleurer, voir Gabriel en chaire et en os m'avait énervée. Du moins le croyais-je. Mais au final, ce n'était qu'une carapace.
Non, tu as raison... Sur toute la ligne... J'ai pas été là... Et j'ai même pas été au courant pour... tes parents..." Je n'en doutais pas. Connaissant Gabriel, il n'avait pas du parler souvent à ses parents et même s'il l'avait fait régulièrement, ils ne lui auraient rien dit. Eux non plus n'étaient pas venus. Sept ans après ma "rupture" avec Gabriel, si je pouvais dire ça comme ça, pourquoi seraient-ils venus? Ils n'avaient pas été capable de garder contact avec moi après le départ de leur fils alors pourquoi seraient-ils venus à l'enterrement de mes parents? Il avait touché mon visage pour me faire relever la tête. Je n'avais rien dit. Mais rien que ces quelques secondes de contact me firent rendre les armes. Je n'arrivais plus à être en colère... Parce que j'étais trop malheureuse pour ça. « Non t'étais pas là... Et t'imagines pas combien j'en ai souffert, même des années après quand, dans un coup de blues parmi tant d'autres, je repensais à l'époque où j'étais vraiment heureuse et entourée des gens que j'aimais... » Je détournai les yeux. « J'espère que t'as réussis à faire ce que tu voulais... » J'espérais qu'au moins un de nous avait réussis sa vie, que notre rupture n'avait pas été un frein mais plutôt un moteur à sa réussite... Au moins, toute cette souffrance aurait servis à quelque chose... Je regardai une seconde le sol avant de me décoller de la voiture pour me retourner et l'ouvrir. J'ouvris également la portière du véhicule. Je laissai une main sur le dessus et m'apprêtais à entrer à l'intérieur quand je m'arrêtai, toujours debout à côté, entre le siège et la portière. Devais-je vraiment ajouter quelque chose? Je lui jetai un dernier regard. Triste. Sans grande expression. Oui, je l'avais aimé... Et je l'aimais toujours au fond...
Gabriel ne savait plus ou il en était non plus... Entre l'alcool, les sentiments qui se bousculaient en lui et l'envie de plus en plus présente de la serrer contre lui... Il ne devait surtout pas lui céder, à celle là... ni tenter de décrypter ses sentiments... Pourtant, sentir le velouté de sa peau sous ses doigts avait réveillé des sensations oubliées... des matins câlins dans l'impala aux réveils tendres dans le lit de la jeune fille, le nombre incalculable d'instants ou il avait effleuré son visage, pour toucher son sourire, essuyer ses larmes, effacer sa colère...
Elle en rajouta, sans le vouloir surement, une couche, en lui disant que souvent, elle repensait à l'époque ou elle était heureuse, le temps ou il était là, avec elle, pour elle... et par elle... Pendant un an, Gabriel avait vécu avec Charlie, pour Charlie et par Charlie... Et la, il se traînerait à genoux pour avoir la chance qu'elle se repose sur lui à nouveau... Mais vu la fierté de la jeune fille, semblable à la sienne au final, il ne fallait pas espéré de trop... Elle détourna les yeux en ajoutant qu'elle espérait qu'il avait réussi à faire ce qu'il voulait... Il avala sa salive et murmura.
-"Oui... Mais on ne peut pas dire que ça me soit spécialement bénéfique..."
Non, son diplôme n'était pour rien dans sa vie actuelle, mais s'il n'était pas parti a Columbia, il n'aurait pas rencontré les deux autres, pas eu son fils, pas quitté Charlie...
-"Je me demande si je n'ai pas perdu bien plus que ce que j'ai gagné la bas..."
Elle se retourna pour ouvrir sa portière, mais arrêta son geste, laissant sa main sur le haut... Sans pouvoir s'en empêcher, sa main se posa sur celle de Charlie au moment ou celle ci tournait la tête... Son regard le bouleversa profondément... Il crispa sa main sur la sienne, involontairement et murmura encore.
-"Je suis revenu... Et je ne t'abandonnerais plus ma puce... Si tu veux encore que je te protège, je serais là..."
Il était trop tard pour lui dire ce genre de choses... Mais c'était ça, ou l'attirer contre lui et l'emprisonner dans ses bras... Il ne supportait toujours pas de voir la peine dans ses yeux...
J'avais peur. Terriblement peur. Peur de retomber sous son charme, peur de me refaire avoir, peur de souffrir comme jamais. Je m'étais déjà ouverte bien plus que ce je n'aurais voulu, bien plus que ce que j'aurais dû... Maintenant c'était trop tard. Oh oui. Combien de fois m'était-il arrivé de repenser à notre unique année passée ensemble? J'avais cessé de compter. A chaque de blues, à chaque coup de moue, j'y avais pensé. Me faisant encore plus de peine à chaque fois. Je n'avais jamais réellement su tourner la page, au fond, maintenant que j'y repensais. Je l'écoutais. Sans vraiment l'écouter. En fait, j'étais ailleurs. J'étais revenue dix ans en arrière, quand il était partis sans un regard en arrière. La souffrance... Personne ne pouvait l'imaginer. Peut-être bien qu'il avait perdu plus qu'il n'avait gagné. Je n'en savais rien. Et je ne voulais pas le savoir. Je voulais juste réessayer de le sortir de ma tête et continuer à lui refuser l'accès à mon coeur de peur de souffrir atrocement encore une fois. Il posa sa main sur la mienne et je les regardai un instant avant de relever mon visage vers lui. Il la serra un peu plus en m'entendant ou peut-être en voyant mon regard. Je n'en savais trop rien. "Je suis revenu... Et je ne t'abandonnerais plus ma puce... Si tu veux encore que je te protège, je serais là..." C'était culotté. Mais au fond, ça me faisait juste du mal. Ce qu'il me disait là ne m'énervait pas non, ça me blessait juste... Profondément. Je chuchotai doucement: "C'est un peu tard pour ça... Tu crois pas...?" C'était dix ans auparavant que j'avais eu besoin de lui, puis ensuite quelques années plus tard, puis il y a trois ans... Je ne le comprenais qu'aujourd'hui mais j'aurais tout donné pour revenir en arrière et changer les choses... Tout faire pour le retenir ou alors essayer de le retrouver... J'aurais tout donné pour retrouver l'homme que j'aimais... "Je le comprends un peu tard je crois... Mais je t'aimais Gabriel... Je t'aimais et tu m'as juste brisé le coeur..." J'aurais pu rajouter que je l'aimais toujours mais je n'osai pas... Je baissai les yeux puis retirai ma main et m'installai dans la voiture... La portière était toujours ouverte pour le moment. Mon regard était triste.
Pourquoi avait-il dit ça? Pourquoi?! Gabriel Chesterfield était entrain de se traiter de tous les noms mentalement... Il en avait pas déjà assez fait? Il voulait quoi au fond? Continuer de lui faire du mal? Se faire haïr? Putain, il était bien parti! Elle lui fit remarquer, très justement, qu'il était peut être un peu tard pour ce genre de discours...
-"Si... Je sais que ça l'est... Bien trop tard même... Et je suis vraiment trop con..."
Mais il avait encore trop de fierté pour se mettre à genoux et implorer son pardon... De toute façon, il ne le méritait pas... Il méritait sa haine, son mépris, ses cris... Pas ses larmes et sa douleur...
Ce qu'elle lui dit ensuite lui coupa le souffle... Oui... Ils s'étaient aimés... C'était plus fort que tout... Et lui avait tout brisé... Son coeur, sa confiance, la relation... Il était parti... Comme un lache, abandonnant son coeur ici et vendant son âme pour la "gloire". Oh qu'il était beau le héros revenu des contrées lointaines... Un sale batard ouais...
-"Je t'aimais aussi Charlie... Et tout ce que j'aurais du comprendre, c'est que je n'avais besoin de rien autre pour être heureux... Je ne te demande pas de me pardonner, mais je suis désolé..."
Elle s'était installée dans sa voiture et il se détourna, avec la ferme intention de partir... Mais il ne put aller plus loin... Merde... Il l'aimait cette fille... Il fouilla rapidement dans sa poche, son portefeuille et en sortit une carte de visite. Il revint vers elle et lui tendit.
-"Je t'en supplie, prends la... Brûle la après si ça te chante, mais prends là... Que je me raccroche à l'espoir de te revoir..."
Avez-vous déjà ressentis cette sensation d'impuissance? Cette impression d'être seul et de ne rien pouvoir faire? C'était ce que j'avais ressentis dix années auparavant et c'était ce que je ressentais à nouveau ce jour-là. Je me sentais seule et je n'arrivais pas à me contrôler. De la colère intense et puissante, j'étais passée à la tristesse et à la peine infinie. Je lui demandai s'il ne pensait pas qu'il était un peu tard pour me dire tout ça. Après tout, c'était à l'époque que j'avais eu besoin de lui. Depuis, j'avais appris à me débrouiller seule. "Si... Je sais que ça l'est... Bien trop tard même... Et je suis vraiment trop con..." Oui, il avait été con. Mais c'était trop tard pour les regrets aussi. Bien sûr, j'en avais. Mais ça changeait quoi d'en avoir? Rien... Malheureusement ça ne changeait rien... Dire à voix haute que je comprenais un peu tard que je l'aimais et qu'il m'avait juste brisé le coeur, ça me brisait de l'intérieur. Oui, carrément, ça me brisait de l'intérieur. J'avais eu du mal à le dire et le prononcer comme ça, ça rendait la chose juste tellement... réelle.
"Je t'aimais aussi Charlie... Et tout ce que j'aurais du comprendre, c'est que je n'avais besoin de rien autre pour être heureux... Je ne te demande pas de me pardonner, mais je suis désolé..." Visiblement, il avait eu besoin de plus. Ce que je regrettais, c'était de ne pas avoir comptée assez pour lui pour qu'il me donne une autre explication, une vraie, à la place de simplement me dire "Je m'en vais. Définitivement. Prends soin de toi." "J'aurais juste voulu avoir compté plus pour toi..." Il se détourna et s'éloigna. Je regardai mon volant. Mon regard était triste. Ou peut-être même vide. J'essuyai rapidement mes yeux pour éviter que les larmes qui germaient au bord de mes yeux ne coulent. J'allais sûrement rentrer et noyer mon chagrin dans une glace à la vanille devant un film romantique... Ou peut-être dans une bouteille de vodka... Ou peut-être même un mélange de tout ça. Il revint vers moi et me tendit une petite carte. A quoi jouait-il? Nous n'en avions pas encore eu assez pour ce soir?
"Je t'en supplie, prends la... Brûle la après si ça te chante, mais prends là... Que je me raccroche à l'espoir de te revoir..." J'hésitai avant de la prendre en silence, le laissant repartir. Je regardai sa carte un instant. Merde Charlie... C'est l'homme à qui t'as tout donné... Celui que t'as aimé comme personne... Je sortis de la voiture pour lui crier un truc, comme il s'éloignait et que je voulais être sûre qu'il l'entende parce que je savais que je n'aurais pas le courage de le répéter. "Je t'aimais et je t'aime toujours Gabriel!" Merde... Et toi Charlie, à quoi tu joues? "Mais tu m'as brisée... Et même si je te considère comme le seul homme que je pourrais aimer comme ça... T'as plus ma confiance et je suis terrifiée..." Je ne pleurais pas. Mais on voyait que j'étais triste de dire ça, que ça me coûtait cher de lui dire cette vérité que nous ébranlerait sans doute tout les deux...
Comment devait-il réagir? Que devait-il faire? Il avait fait le choix de ne pas répondre pour arrêter les frais, quand elle lui avait lancé qu'elle aurait aimé compter plus pour lui... Si elle savait qu'il n'y avait qu'elle à ses yeux... Il s'était encore contredit dans ses actions en lui donnant limite la carte de force... Vouloir limiter la casse, et laisser le pied dans la porte... Il y avait VRAIMENT un souci de cohérence...
Il s'était détourné, avec cette fois, la véritable intention de partir, de la laisser... Il avait parcourut plusieurs mètres, il était presque à sa voiture quand elle lui cria ce qu'il ne voulait pas entendre... Non... Charlie pouvait pas lui faire ça... Et pourtant... Il avait tout détruit entre eux, en elle, mais pas son amour... Était-il à ce point monstrueux pour ne pas avoir su lui rendre proprement sa liberté? Oui... Il était parti, sans une explication, il avait donné un coup de hachoir, net et sans bavure. Mais comme ça, il avait laissé la plaie ouverte, la laissant s'infecter avec les années, la tristesse et l'absence...
Il ne s'imaginait pas que la pire de ses actions allait suivre... Il ne se rendit compte de son mouvement que quand ses mains se posèrent avec douceur sur les joues de Charlie pour plonger son regard dans le sien. Maintenant qu'il était là, il ne pouvait plus reculer... Il ne VOULAIT plus reculer.
-"Tu comptais plus que tout pour moi Charlie, ne me crois pas si tu veux, mais c'est parce que je t'aimais à ce point la que je suis parti... Parce que je... je n'étais plus le Gabriel qui pourrait te protéger, te soutenir... J'allais t'enfoncer... Peut être que j'aurais pu remonter la pente avec toi, surement même... mais... Je ne voulais pas que tu subisses l'épreuve d'un petit ami dépressif et amer..."
Il dut faire une pause et reprit à voix basse.
-"Je ne t'ai jamais vraiment oublié... nos moments ont été un peu comme mon refuge... et te revoir... Merde... Je t'aime Charlie."
Et il posa ses lèvres sur les siennes, doucement. Elle allait le rejeter, c'était normal... Et pourtant, il ne reculerait pour rien au monde...
C'était trop dur. Gabriel... Je ne pouvais pas le laisser partir, pas comme ça! Je l'avais tellement aimé! Je ne le comprenais pas à l'époque parce que j'étais qu'une gosse! C'était le temps et les expériences qui m'avaient tout appris. Qui m'avait fait comprendre à quel point j'avais été amoureuse de Gabriel... Et jamais je ne pourrais le nier, jamais je ne pourrais l'effacer totalement de ma vie! C'était comme ça, j'y pouvais rien! Et aussi fort voulais-je le faire, je ne pouvais pas... C'était trop dur... Il avait été si important pour moi que jamais je ne pourrais le mettre derrière moi... Rapidement, il prit mon visage ente ses mains pour plonger son regard dans le mien. C'était dur... Dur de rester comme ça, dur de garder mes yeux plongés dans son regard vert. Je n'avais qu'une envie, détourner mon regard, me détourner, partir en courant...
"Tu comptais plus que tout pour moi Charlie, ne me crois pas si tu veux, mais c'est parce que je t'aimais à ce point la que je suis parti... Parce que je... je n'étais plus le Gabriel qui pourrait te protéger, te soutenir... J'allais t'enfoncer... Peut être que j'aurais pu remonter la pente avec toi, surement même... mais... Je ne voulais pas que tu subisses l'épreuve d'un petit ami dépressif et amer..." Alors quoi? Sois disant pour me protéger, pour m'éviter de subir une épreuve comme ça, il avait préféré partir sans rien me dire? Sans explications? Qu'il était idiot! J'avais besoin de savoir, besoin de connaître la vérité! J'aurais pu le supporter... D'accord, j'étais qu'une gosse... Mais... Un soupire s'échappa de ma bouche avec toutes ces pensées qui se bousculaient dans ma tête. Je finis par lâcher doucement: "J'aurais pu supporter..." Je disais ça mais une gosse de quatorze ans pouvait-elle vraiment supporter tout ça? Allez savoir... Je restais qu'une gosse au fond, et j'avais beau aimer Gabriel et vouloir l'aider... L'aurais-je vraiment supporter?
"Je ne t'ai jamais vraiment oublié... nos moments ont été un peu comme mon refuge... et te revoir... Merde... Je t'aime Charlie." Non, Gabriel, ne me dis pas ça... Et ne fais pas... Trop tard. Ses lèvres étaient déjà posées sur les miennes. Ma raison voulait que je l'arrête et mon coeur lui hurlait en silence de continuer. Je rendis le baiser un peu plus réel, glissant ma langue contre la sienne... Un simple baiser échangé, une main posée sur sa nuque... Tout aurait pu s'arrêter là... Mais je me détachant, mettant fin à ce geste et je baissai la tête, ma main malgré tout encore posée sur sa nuque. "Je... Je peux pas... T'as pas le droit... C'est..." Je soupirai doucement. Merde. "J'aurais pas dû te rendre ce baiser c'est... J'aurais pas dû..." Quelle garce... Je lui disais l'aimer et je le repoussais... Mais j'avais trop peur. J'avais envie de l'embrasser, de lui sauter dessus, de retrouver l'homme que j'aimais... Mais j'avais aussi beaucoup trop peur...
Il aurait pu parier tout son salaire qu'elle lui répondrait quelque chose de ce genre... Têtue et fière... La petite fille qu'il avait quitté n'avait pas vraiment changé sur ce point, et c'était aussi ce qui l'avait fait craqué jour après jour... Pas que ça, mais ce trait de son caractère le rendait dingue... dans le bon comme dans le mauvais sens, mais c'était aussi parce qu'il était lui même atrocement borné... mais leur opposition trouvait toujours solution...
Il secoua doucement la tête et murmura.
-"Je sais que tu l'aurais supporté, mais à quel prix? Je n'ai pas voulu jouer avec ça... Pas avec ta vie... Alors j'ai fui, égoïstement..."
Oh oui, pour ça, il reconnaissait sans mal qu'il avait été lâche et égoïste... mais dans son état du moment, il ne pouvait rien faire d'autre... Fuir ou mourir... Et il n'était pas du genre à faire marche arrière... Son retour à Frisco en était une preuve d'ailleurs...
Par contre, il démontra une nouvelle fois son égoïsme et son côté fonceur, en embrassant Charlie avec tendresse...Il n'avait pas pu s'en empêcher... Il ne s'attendait pas à ce que la jeune fille lui réponde, liant leurs langues et posant sa main sur sa nuque... Comme elle le faisait avant, pour le faire se pencher avant de l'embrasser... C'était fou comme on pouvait passer des années sans penser à certaines choses, les oublier presque et que tout revienne d'un coup...
Elle rompit le baiser et baissa la tête, bien que sa main soit toujours sur la nuque du médecin... Il l'écouta en silence... Elle avait raison... Il lui releva doucement le visage en lui caressant la joue et lui murmura à son tour, presque desespéré.
-"Je t'en supplie Charlie... Ne me laisse jamais plus te faire du mal... J'ai pas le droit, c'est vrai... Alors ne me laisse plus rien t'imposer... Interdis moi de te voler quoi que ce soit... Protège toi de moi..."
Son regard brillait un peu trop... Il avait envie de pleurer... ça lui faisait mal de lui dire ça, mais ça le détruirait encore plus de la faire souffrir encore...
"Je sais que tu l'aurais supporté, mais à quel prix? Je n'ai pas voulu jouer avec ça... Pas avec ta vie... Alors j'ai fui, égoïstement..." Ma vie... Il n'avait pas voulu jouer avec ma vie...? Mais moi, ma vie se résumait à mes parents, mes cours et lui. En partant, il avait joué avec, d'une certaine façon. Alors... Je soupirai intérieurement à toutes ces pensées. Oui, il avait été égoïste... Oui, j'avais souffert... Mais c'était il y a dix ans. Je n'avais jamais totalement guérie mais au fond, n'y avait-il pas prescription? Peut-être... Mais ça changeait quoi de toute façon? Il n'y avait plus rien entre lui et moi, non...? Alors pourquoi est-ce-que je me battais, pourquoi je lui faisais tout ces reproches? Tout était terminé. Depuis longtemps. Je ne serais plus capable de lui faire confiance, tout ça... J'avais beau dire tout ça, j'avais été la première à lui avouer que je l'aimais toujours. Et c'était vrai. Mais même si nous faisions quoi que ce soit... Rien ne pourrait marcher entre nous. Il y avait trop de blessures, trop de dégâts, trop de non-dits entre nous. Et un baiser. L'espace de quelques secondes, je m'étais retrouvée transportée dix années auparavant, quand je l'embrassais avec envie. Quand je l'embrassais avec amour sans même m'en rendre compte. Quand il était mon tout. Je me détachai, regrettant ce geste. Regrettant parce que maintenant que j'y avais à nouveau goûter, j'ignorais si j'allais pouvoir tenir, rester loin de lui. Je baissai la tête en lui demandant pardon. J'avais vraiment l'impression de n'être qu'une garce ce soir-là. Il releva mon visage et caressa ma joue pour reprendre la parole: "Je t'en supplie Charlie... Ne me laisse jamais plus te faire du mal... J'ai pas le droit, c'est vrai... Alors ne me laisse plus rien t'imposer... Interdis moi de te voler quoi que ce soit... Protège toi de moi..." Et comment pouvais-je me protéger de lui alors que la seule chose que je voulais c'était retrouver l'homme que j'aimais et qui me comblait? Non Charlie, arrête. Arrête tout ça. Arrête de croire que, peut-être, vous pourriez vous aimer comme avant. Il t'a fait beaucoup trop de mal. Son regard... Il était si sincère... J'hochai doucement la tête. J'essayais de me mettre en tête de m'éloigner de lui, de rompre ce contact pour aller à ma voiture et partir, pour ne jamais plus le revoir. Mais je ne bougeais pas. Non, je ne pouvais pas. Je murmurai doucement: "J'ai jamais su me protéger toute seule... Et avant... C'était toi qui me protégeais..." J'essayais de lui faire comprendre que j'étais perdue mais que j'avais toujours besoin de lui, même si je l'avais repoussé, même si je lui disais le contraire depuis toute la soirée...
Pourquoi ne bougeait-elle pas? Pourquoi son regard était-il encore dans le sien alors qu'il venait de se mettre métaphoriquement à genoux pour qu'elle parte... Il ne comprenait pas... Il ne voulait pas la faire souffrir encore, mais elle ne semblait pas avoir elle même la force de s'arracher à lui... Pourquoi?
Sa phrase l'éclaira un peu, bien qu'elle fasse tomber un lourd poids sur son estomac... Non Charlie... Il trouvait qu'il avait déjà fait assez comme ça... Il se força à parler pour lui répondre.
-"Princesse, je... Je te protégerais de tout... Mais je saurais pas te protéger de moi même, parce que ça voudrait dire ne plus jamais t'approcher, finir de briser notre relation pour te dégouter de moi... Mais je peux pas... J'en suis pas capable..."
Il glissa ses mains sur les épaules de la jeune fille. Il avait envie de la serrer contre lui, de l'embrasser encore, de lui dire que tout irait bien...
-"Parce que la seule chose que je désire, c'est d'être avec toi... Mais je suis pas quelqu'un de bien Charlie... Je vais te détruire, comme je me suis détruis... Et je veux pas... Pas encore une fois..."
Il se dit qu'au fond, il avait détruit beaucoup plus de vies qu'il ne le considérait... Il avait détruit ses parents en partant, son frère aussi, bien qu'ils s'en soient remis... Charlie, qui ne s'en était pas si bien remise que ça... Il avait trahi son meilleur ami... Et là, il avait recommencé en revenant... Son fils ne s'en rendrait surement pas compte, mais qu'aurait-il pu lui offrir en restant? Beaucoup de choses surement.. Mais c'était du passé...
Je me retrouvais là comme une idiote. Je n’arrivais pas à m’éloigner de lui, je le lui faisais pourtant clairement comprendre mais à l’entendre, c’était à moi de partir, à moi de m’éloigner pour me protéger moi-même de lui. J’en étais incapable. Je n’arrivais pas à partir, même si cette peur de souffrir m’obsédait. Même si j’étais terrifiée de tomber dans le panneau, de tomber dans un piège, d’avoir une nouvelle peine de cœur ou que savais-je… Je ne savais plus rien… Je n’étais plus sûre de rien… Tout ce que je savais, c’était que je l’aimais toujours, malgré tout, mais qu’à la moindre blessure, au moindre chagrin d’amour provoqué par lui, ou au moindre faux pas, mon cœur serait incapable de s’en remettre. "Princesse, je... Je te protégerais de tout... Mais je saurais pas te protéger de moi-même, parce que ça voudrait dire ne plus jamais t'approcher, finir de briser notre relation pour te dégouter de moi... Mais je peux pas... J'en suis pas capable..." Il posa ses mains sur mes épaules. Je mis plusieurs secondes avant de finalement reculer légèrement pour qu’il ne me touche plus. Alors c’était ça, son truc ? Revenir, me dire tout ça, et me demander de le fuir ? Waouh… Génial. De mieux en mieux… J’hochai doucement la tête en riant nerveusement. De colère, de peine, d’incompréhension. Il reprit la parole : "Parce que la seule chose que je désire, c'est d'être avec toi... Mais je suis pas quelqu'un de bien Charlie... Je vais te détruire, comme je me suis détruis... Et je veux pas... Pas encore une fois..." C’était trop. J’en pouvais déjà plus. « Je crois être assez grande pour prendre mes propres décisions Gabriel ! Je dis pas être sûre de vouloir quoi que ce soit de ta part, mais ce dont je suis sûre c’est que malgré tout le mal que tu m’as fait, malgré dix ans qui ont passés, je suis toujours là à t’aimer comme une idiote ! J’ai d’abord cru que si je t’aimais encore, c’était peut-être pas pour rien mais je commence à me demander en fait si je ne suis pas juste qu’une cruche incapable de voir que l’homme qu’elle aimait est devenu un salop… » Je vis sa larme mais j’avais moi-même tellement envie de pleurer que je n’avais pas le courage d’essayer de lui dire que tout irait bien. Je laissai mes propres larmes couler, silencieusement. « Si c’était pour repartir aussi vite que t’es revenu… C’était pas la peine de revenir… » Je me sentais mal, tellement mal. Je réalisais tellement de choses en cette soirée… Trop de choses. Et j’étais fatiguée de réaliser tout ça, fatiguée de ma journée, de la soirée, de tout…