« Maël ! T’as entendu parler de l’affaire Arkin ? » Wyatt jetait le journal qui l’avait entre les mains sur la table et le faisait glisser jusqu’à moi. Ce jeune homme est un nouveau dans le cabinet, il n’a pas le caractère d’un avocat, mais à vrai dire on ne m’a pas demandé mon avis. Mes sourcils se fronçaient de curiosité alors que je posais mes yeux sur le grand titre. Arkin, faux coupable ? Ah ces journalistes et leurs articles de merde. J’attrapais mes lunettes du bout de mes doigts et les déposais sur mon nez. A ce moment précis, je n’aurais pas pu deviner que cette affaire allait devenir une obsession pour moi. Pour vous dire, j’ai pris un des murs de mon salon et m’en suis servi de tableau. J’y accrochais les photos, les témoignages, les coupures de journaux, les feuilles de dossier et tout ce qui pouvait concerner cet homme innocent enfermé en prison à tort. Autant vous dire que mon salon n’avait plus vraiment l’apparence d’un salon. On aurait presque pu me prendre pour un fou. Je l’étais peut-être après tout. Maintenant que cette affaire est résolue et réglée, j’en ris, mais lorsque je me suis lancé le défi de faire innocenter cet homme, je n’avais pas le temps d’esquisser un sourire. Silas Levi Arkin est un homme de vingt-deux ans qui était accusé du meurtre de Juan Andrews. Le soit disant meurtrier n’avait pas de mobile, un alibi en béton, aucun lien avec la victime et ne possédait aucune arme. Pour ne pas tourner autour du pot, il n’y avait aucune preuve qui reliait Silas à cette affaire de meurtre. Aucune. J’avais donc soupçonné un complot au niveau de la police. Quand on n’arrive pas à trouver un coupable, on en pioche un. Je secouais la tête, agacé. Heureusement, tous les policiers ne sont pas comme ça. Lorsque j’avais posé mes yeux sur ce journal qui parlait de l’arrestation de ce certain Silas, je m’étais fait la promesse de l’innocenter car je savais tout le mal que peut faire la prison à un innocent. Beaucoup de statistiques concernant les innocents en prison vous feraient perdre espoir. Je le sais puisqu’il y a de ça une dizaine d’années, j’avais vu l’espoir disparaître dans les yeux de mon grand-père.

Je lui adressais un sourire. Il me souriait légèrement en retour. Mon sourire disparaissait assez vite alors que mon regard le scrutait. Son visage était marqué par les cernes. Sa barbe devait datée de plus de deux semaines, mais il n’y pouvait rien, les rasoirs étant interdits. Je toussotais en regardant autour de moi. Nous étions dans une grande salle blanche séparée en deux par une immense vitre qui la coupait dans sa longueur. Mon grand-père avait les mains attachées comme tous les autres prisonniers qui venaient parler à des visiteurs. Mon regard désolé se posait sur cet homme que j’admirais tellement. Ces derniers mois étaient passé tellement vite. Mon grand-père a été accusé du meurtre d’un de ses amis. Toutes les preuves l’accusaient, pourtant il me jurait qu’il n’était pas coupable. Je le croyais dur comme fer, mais j’étais le seul. « Tes études ? » Sa voix était rauque et cassée. Je haussais les épaules. « J’ai mes examens dans deux semaines, sinon tout se passe bien. Tu t’arracherais encore les cheveux en voyant mes cours. » Il hochait la tête avec un sourire sur les lèvres. « Pour ce qu’il me reste, tu sais. » Je riais doucement. Dans cette salle, je ne riais ou souriais jamais longtemps. La réalité n’oubliait jamais de me rappeler que mon grand-père allait finir sa vie ici, que je ne pourrais plus jamais le prendre dans mes bras, qu’il ne sera pas là lorsque je recevrais mon diplôme d’avocat, à mon mariage ou encore à la naissance de mes possibles enfants. Je baissais les yeux laissant le silence planait. Quand je venais le voir, la plupart du temps, on restait sans rien dire. Juste le fait d’être là en face de lui, de le voir, me convenait, nous n’avions pas besoin de parler. « Tu as le bonjour de papa et maman, et Dave a dit qu’il passerait te voir dans la semaine. » J’avais eu l’impression d’avoir aperçu un sourire sur son visage. La femme assise à ma droite se levait, laissant son mari retournait à sa cellule. Je la saluais d’un signe de tête avant de jeter un coup d’œil à ma montre. Il était l’heure d’y aller. De plus, j’apercevais du coin de l’œil, le gardien me fixait. « Je reviens te voir la semaine prochaine. Promis. » Je me levais, plongeais mes mains dans mes poches de pantalon et sortait après avoir lancé un dernier regard à mon grand-père. 
Deux jours plus tard, on m’appelait pour me dire que mon grand-père avait mis fin à ses jours. Pour lui, j’ai continué mes études d’avocat et j’ai eu mon diplôme haut la main. Aujourd’hui, je suis avocat et je me bats contre les injustices dont mon grand-père et tant d’autres personnes ont été victimes.

Pour ne pas que ce Silas vive ce que mon grand-père avait vécu, je m’étais engagé pour l’aider à se faire innocenter. J’ai pu accéder à des informations sur l’affaire grâce à une relation que j’ai dans la police : Derek Wilson, un homme honnête qui, après m’avoir écouté, croyait en l’innocence de Silas. Lorsque j’avais demandé de l’aide à ces représentants de la loi, personne ne s’était proposé de peur de se mouiller les plumes dans une affaire classée. Il est le seul qui a bien voulu m’aider et grâce à lui, j’ai pu accéder aux informations de l’enquête ce qui m’a aidé à monter mon dossier. J’ai pu contacter les personnes qui avaient été interrogées et qui avaient témoigné. J’ai une dette envers ce policier qui m’a aidé à faire libérer Silas. Aujourd’hui, il est le seul à être au courant pour les lettres de menace que je reçois depuis la libération de Silas, il y a deux mois. Beaucoup de personnes veulent ma peau depuis que je l’ai aidé à se faire innocenter. Dès que j’en reçois, je le tiens au courant. Au départ, je prenais ça à la légère, mais les lettres se font insistantes et ça commence à m’inquiéter…

« Pose ce chapeau, espèce de gamin » Je riais doucement en regardant mon reflet dans le miroir. Après avoir pouffé et froncé les sourcils, elle me retirait ce chapeau de force en souriant avant de me le lancer à la figure. Ma bouche s'entrouvrait sous le coup de la surprise alors qu'elle tournait les talons et partait en courant dans le magasin. Je récupérais le chariot et courais pour la rattraper. Cette fille après qui je cours, c'est Héliya. En plus d'être l'amie avec qui je passe le plus clair de mon temps, elle est l'infirmière que je consulte régulièrement pour ma maladie cardiaque. On s'est rencontré à l'hôpital, elle avait fini son service, je l'ai invité à boire un verre et on a échangé nos numéros. Tout ça c'est passé il y a trois mois et pourtant j'ai l'impression de la connaître depuis des années. Je grimpais sur le chariot et le laisser rouler jusqu'à elle sous le regard perplexe des clients du magasin. Mon regard se posait sur Héliya qui me fixait également. Elle s'approchait et me tapotais l'épaule. « C'est toi le loup ! » lançait-elle avant de repartir en courant. Je laissais le chariot au milieu du rayon et partais à sa poursuite. Je m'excusais en souriant, amusé, lorsque je bousculais les gens. En tant qu'avocat, il est nécessaire d'être sérieux, concentré et précis. Quand je suis avec Héli, je peux oublier toutes ses règles de bonne tenue stupides, et jouer comme un gamin comme dans le cas présent. Je ne sais pas vraiment ce qui se passe entre nous, mais mes amis disent que lorsque je suis avec elle, je deviens totalement débile. Après tout, c'est possible, je suis fou d'elle et peu importe ce qu'elle me demande, je le ferais.