Pourquoi ne pouvais-je pas ouvrir les yeux facilement ? Je dormais depuis combien de temps ? Pourquoi j'entendais des bruits peu familiers autour de moi ? Lorsque j'ouvris les yeux tout doucement, je découvris un endroit particulier. Il s'agissait d'un hôpital, je crois bien. J'étais à l'hôpital. Cool. Je tentais de me souvenir pourquoi j'étais là et c'était en regardant mon bras gauche que je compris. Je me revoyais dans la voiture, roulant à grande allure sans me soucier des autres conducteurs. La solitude et la peine faisaient des ravages, surtout la nuit. J'avais foncé tout droit alors que le feu était passé au rouge. A ce moment-là, j'avais encore eu de la chance, aucune voiture ne m'avait percuté. Non, le moment fatidique se présentait au niveau de la route qui suivait ce feu. Roulant trop vite, je ne pus freiner à temps pour éviter de toucher la voiture en face de moi. Alors, je percutai la voiture en face. L'airbaig s'était immédiatement déclenché au moment du choc. Je m'en étais bien sorti. J'avais juste un bandage au niveau du poignet gauche. Autrement, je n'avais pas vraiment mal ailleurs. Je tâtais la peau de mon visage pour y découvrir des blessures, mais il ne semblait ne rien y avoir. Tant mieux, je ne tenais pas à être invalide, j'avais besoin de tout mon corps. Je me redressai avec un peu de mal toutefois, je devais retrouver mes affaires, mon téléphone. Je me demandais dans quel état était ma voiture maintenant. Et les personnes qui se trouvaient dans la voiture que j'avais heurtée ? J'appelais une infirmière. Or, au bout d'une dizaine de secondes, je fis face, non pas à un infirmière ou même un médecin, mais à un pompier. Qu'est-ce qui foutait là celui-là ? « J'ai appelé une infirmière, pas vous. » Je continuais à chercher mes affaires, ignorant l'incruste, mais en vain. Où étaient-elles passées bordel ?
J'aimais pas travailler de nuit. En général, il y avait toujours plus de cas graves, une fois le soleil couché. Allez savoir pourquoi. Certains devaient avoir des hormones liés à la connerie qui pointaient seulement le bout de leur nez une fois la lune levée. Je disais ça, mais après tout j'aimais mon job. J'aimais rendre service. Bien que par moment j'avais plus envie de tambouriner le mec qui s'était pris un mur en bagnole à cause de l'alcool que de l'aider. J'étais peut-être un peu colérique comme gars. Étonnant d'ailleurs pour un type comme moi qui avait passé presque dix mois un peu partout et nulle part en même temps, pour ne faire qu'un à la nature. Ces mois loin de tout m'avait fait du bien, après la mort de mon père. J'avais beaucoup appris et même mon âge se rapprochant de la trentaine j'avais encore gagné confiance en moi, en maturité et à savoir complétement me débrouiller... Sans rien. J'avais tout laissé en ville. Toute ma vie à San Francisco. Et je... « Evans. Accident de voiture sur la Roosevelt Street 4092. » Je pousse un bâillement et me lève de ma chaise et me secoue un peu sur place pour remettre dans le feu de l'action. Je rejoins rapidement trois autres collègues dans le hangar en fermant mon uniforme, d'autres accessoires et nous étions partis.
Arrivés sur les lieux, nous fîmes notre travail. Deux voitures sur le lieu. Le conducteur de la première n'avait rien. Le deuxième dans la voiture qui avait percuté la précédente, était inconscient. Quelques curieux des habitations voisines s’étaient rapprochés pour voir la scène. Mes collègues se chargeaient de sortir l’homme de la voiture clairement broyée par le choc. Je réussis à ouvrir ce qui restait de la boîte à gants et y trouvai un flingue et un gros portefeuille. J’eus la sensation d’être un flic pendant quelques instants.
Keith Hemingway, 28 ans, lisais-je sur son passeport. Sentant le poids du pistolet, je pris soin de le décharger, discrètement, parce que j'étais quand même à l'hôpital. Je le glissai dans un sac en plastique et glissai les balles dans la poche de mon uniforme. Je continuais à fouiller ses papiers. Tiens, nous y voilà. Je tombai sur un permis de possession d'arme complétement pourri et dépassé. Je me demandais s'il était au courant. Je n'étais pas un poulet, mais je savais qu'il risquait des emmerdes.
Je décidai d'aller faire ma deuxième bonne action de la nuit et partis vers sa chambre, la 218. Je suivis d'ailleurs une infirmière qui avançait dans la même direction que moi et... Plutôt beau cul. Je l'interpellai et lui demandai si je pouvais aller voir ma grande victime de la route avant elle. S'il y avait un soucis, je la rappellerais. J'entrai alors dans la chambre d'Hemingway. « J'ai appelé une infirmière, pas vous. » J'esquissai un sourire en coin, il est sympa lui. Je le chercher ses affaires. Je levai alors le sac en plastique devant moi. « Vous cherchez ça peut-être ? » Toutefois, je ne lui donnais pas pour autant le sac. Je sortis son permis du port d'armes périmé de ma poche et lui lançai sur le lit. « Faudrait peut-être arranger ça un de ces jours, hein ? »
Le blond qui entra dans ma chambre paraissait particulièrement sûr de lui, comme s'il avait une bonne raison d'être là, et de fermer ma gueule, accessoirement. Mais je m'en fichais, je ne le connaissais pas et n'avais pas envie de le connaître. Alors au moment où il me montra une pochette en plastique avec une arme à l'intérieur, je restai figé sur sa trouvaille, impassible et silencieux. Soudain, toute mon attention reposa sur le jeune homme qui était venu m'emmerder, je le sentais. J'attendais de voir s'il allait me rendre le contenu de sa pochette mais il n'en fit rien. Au contraire, il préféra le garder pour sortir à la place mon permis de posséder une arme. Evidemment, elle était périmée. Je le savais mais je ne pouvais la changer. Je gardai l'exemplaire avec moi pour avoir une excuse toute prête, comme celle que j'étais sur le point de lui sortir. « Il y a quoi avec ça ? » J'attrapais le papier, ayant atterri sur mon lit, pour le lire. Je fis mine d'être intrigué par ce qui était écrit et pris un air surpris en découvrant la date dépassée depuis bien des années. « Je ne comprends pas. Je pensais en avoir pour encore 5 bonnes années. Je ne savais absolument pas que ce papier était périmé. » Je relis le papier une nouvelle fois, passant ma main sur mon visage. Au bout de quelques secondes, je posai mon regard sur le pompier, l'air hagard. « Je ne suis pas de San Francisco, ça se passe comment pour les permis de port d'arme ici ? » Et ça ce n'était pas un mensonge par contre. Je débarquai à SF il y a seulement cinq années de cela, je n'étais donc pas connaisseur de toutes les lois et droits de chaque état américain. Certes, les Etats-Unis étaient fanatiques des armes et défendaient leur droit de posséder une arme depuis toujours, il devait être facile de s'en procurer et d'avoir le droit de le garder, aux yeux de la loi. Pourtant, après maintes recherches, je compris que malheureusement, à San Francisco, il était plus compliqué de jouir pleinement du droit de se défendre par soi-même. Ainsi, j'avais renoncé à renouveler mon permis. Je contemplais le jeune homme, calmement, sans paraître affolé. Curieusement, malgré l'accident et la visite du pompier, je n'étais pas du tout paniqué. Je ne me sentais pas en pleine forme et redoutais les prochaines paroles du monsieur, mais sans plus. Et tant mieux, car j'avais besoin de rester calme et de réfléchir pour m'extirper de cette situation qui pouvait fortement me nuire. Si j'avais de la chance, ce type allait me croire et allait abandonner l'affaire. Si j'en avais moins, il continuerait à m'interroger et là, tout comme moi, il n'aurait pas beaucoup de chance si je devais alors en arriver aux mains. Hmm, il ne m'avait pas l'air méchant pourtant, il serait alors préférable de ne pas en arriver là. Etrangement, je me voyais bien boire une bière avec lui le soir d'un grand match de football diffusé à la télé...
J'avais terminé mon travail à l'hôpital. J'avais accompagné ce type Hemingway, j'avais fait mon boulot je pouvais donc rentrer à la caserne en centre ville. Néanmoins, je préférais rester là pour m'occuper du cas de ma victime. Enfin victime, il s'était mis dans la merde tout seul en roulant à 200 à l'heure en pleine ville. Je m'étais donc rendu jusqu'à sa chambre pour lui rendre ses affaires personnelles et surtout lui rappeler que son permis de port d'armes était plus que périmé ! Je posai le sac plastique avec ses papiers et son arme à côté de moi sur une petite commode. Le permis périmé, je l'avais jeté sur son lit.
« Je ne comprends pas. Je pensais en avoir pour encore 5 bonnes années. Je ne savais absolument pas que ce papier était périmé. » Je le regardais faire et dire. J'étais peut-être blond mais fallait pas me prendre pour un abruti qui croyait tout ce qu'on lui disait. Son permis était périmé depuis plus de trois ans, il était aveugle pour voir que la date était largement dépassé ? Je descendis un peu la fermeture de mon uniforme. « Je ne suis pas de San Francisco, ça se passe comment pour les permis de port d'arme ici ? » Je sortais son passeport du sac plastique et vis effectivement qu'il était anglais de base. Je rangeais le passeport dans le sac et le regardai avant de prendre la parole. « Ici à San Francisco comme à Los Angeles, les permis sont délivrés uniquement aux policiers et ceux qui exercent une profession similaire. » J'avais regardé des informations sur lui, je pus reprendre: « Pas à un agent immobilier. » J'esquissai un petit sourire. Pas du tout pour le narguer cependant. Je n'étais pas de la police, je n'étais pas en droit de lui confisquer son arme, malheureusement. « Si je le pouvais, je vous confisquerais votre arme. » Même si je savais qu'il avait menti un peu plus tôt, il n'avait pas la tête du serial killer. Bien que de nos jours, les serials killers ressemblaient à monsieur et madame tout le monde...
Le petit blond avait compris que je mentais. Il était plus malin qu'il en avait l'air. C'était peut-être sa coiffure et son côté mal rasé qui lui donnaient un air un peu insouciant et sans prise de tête. Non, en vérité, il était chiant. Il me prévint qu'ici à SF, les permis de port d'arme étaient donnés qu'aux flics et autres types du genre. Je le savais, évidemment, toutefois, je pris une mine étonnée, mais ravie d'apprendre que maintenant, je savais. Puis, le pompier avait l'air assez content d'être tombé sur un type qui transgressait une loi, puisqu'il précisa que ma profession officielle, celle d'agent immobilier, ne nécessitait pas de porter une arme sur soi. Avec son sale sourire, j'avais envie de lui foutre une bonne droite dans la gueule histoire qu'il se calme un peu. Mais je n'en fis rien, de toute manière, je n'étais pas prédisposé à le faire. De plus, je me rassurais en me disant que lui non plus, en tant que pompier, il ne pouvait pas porter d'arme. Je repris alors mon rôle de citoyen ignorant les lois de ma ville mais connaissant plutôt celle du pays. « Et le second amendement de la Constitution américaine, on en fait quoi ? Si je ne me trompe pas, on est autorisé à avoir des armes sur soi pour se défendre. Je pensais que c'était la même chose dans tous les Etats. Mais bon, je ne suis qu'agent immobilier, je ne suis ni un juriste, ni un législateur. J'ignorais la loi de SF et LA. » De toute façon, il ne pouvait pas me coffrer et ne pouvait pas non plus insinuer que j'étais au courant de la chose. Je reposai donc mon dos contre les coussins, tranquillement, rangeant mes affaires. J'attendais que le pompier me livra le reste, à savoir mon arme. Il venait de dire qu'il ne pouvait pas la garder avec lui, même s'il en avait envie. Et c'était tant mieux. Toutefois, étrangement, j'avais l'impression qu'il me faisait confiance, enfin si l'on peut dire ça comme ça. Parce que, justement, il pouvait très bien appeler un flic, me dénoncer quoi, sauf qu'il ne bougeait pas. Allait-il me rendre mon arme et faire comme si de rien était ? « Donc vous me la rendez ? » Je me risquai à lui poser la question, histoire d'en être sûr une bonne fois pour toutes.
Qui aurait cru qu'à -je regardais ma montre- à plus de quatre heures du matin, je serais en train de parler des lois américaines sur les flingues avec un inconnu agent immobilier ? La fatigue dans mon corps commençait à se faire ressentir. Quand je ne faisais rien de palpitant, ne bougeais pas, la fatigue me rattrapait rapidement. J'aurais dû me coucher plus tôt la nuit dernière pensais-je. Je me frottais un peu les yeux pour les reporter sur mon interlocuteur. « Et le second amendement de la Constitution américaine, on en fait quoi ? Si je ne me trompe pas, on est autorisé à avoir des armes sur soi pour se défendre. Je pensais que c'était la même chose dans tous les Etats. Mais bon, je ne suis qu'agent immobilier, je ne suis ni un juriste, ni un législateur. J'ignorais la loi de SF et LA. » J'avais pas envie de rentrer un plus dans les détails puis j'étais pas flic, et au final toute cette discussion de lois américaines me cassaient les couilles. Je pouvais me montrer très ronchon quand j'étais fatigué. Je soufflais.« Ecoute...-tez. » Je m'approchais du lit du malade et lui tendis le sac en plastique regroupant toutes ses affaires et surtout le pistolet. « Je vous rends ça et on en parle plus. » Pas envie de me prendre la tête si tard (ou si tôt, ça dépend comment on voit les choses). Je passais une main dans mes cheveux blonds pour me les ébouriffer et fis un signe de la main à Hemingway. « Et la prochaine fois, ne roulez pas comme un sauvage sur la route hein. Allez, ciao. » Je tournais les talons m’apprêtant à sortir de la chambre d'hôpital.
J'étais content de voir que le jeune blond avait l'air bien fatigué et pas du tout intéressé de discuter de lois et de flingues. Tant mieux pour moi. Je m'en sortais bien. Et lui aussi au final, puisque je n'avais pas à le tuer, haha. Trêves de plaisanteries. Le jeune homme me rendit mes affaires, m'assurant qu'il ne dirait rien. C'était un soulagement que je ne laissais pas paraître. Je fis mine d'être moyennement ravi mais surtout, j'ignorais sa dernière remarque sur mon excès de vitesse. Je savais bien que je n'étais pas un chauffard, ce qui s'était passé cette nuit n'était qu'une erreur de ma part, erreur qui ne se reproduirait plus. Enfin, c'est ce que j'espérais. Fallait déjà que je me trouve une autre voiture, ça me faisait assez chier comme ça alors inutile de recommencer l'expérience si c'était en plus pour me faire avoir par un pompier, voire pire, un flic. « Merci.» Je secouais la tête en signe de remerciement puis je le laissai filer jusqu'à la porte avant de l'interpeller. « Puis-je au moins avoir votre nom ? » Cette information pouvait m'être très utile si je voulais le remercier d'une autre manière un jour, car un simple "merci" ne servait pas à grand chose à mes yeux. Je préférais les actes à la parole. Je me devais donc de trouver un moyen de montrer ma gratitude au jeune pompier d'une façon qui me plairait davantage. J'ignorais encore quoi, mais je ferai en sorte qu'il soit au courant, pour qu'il me puisse me proposer un "cadeau" en guise de remerciement. Je souris donc et attendais patiemment sa réponse.
J'étais prêt à partir de là, pour retourner à la caserne, être de garde encore quelques heures avant d'aller me coucher, mais le Hemingway m'arrêta dans mon élan. Je tournai les talons vers sa direction. L'homme voulait connaître mon nom. Je pouvais lui donner non ? Je ne risquerais rien. C'est pas comme si je l'avais traîné aux flics. « Nate Evans. » J'esquissai un sourire en coin [il doit être craquant quand il fait ça **] avant de lever ma main. « Salut ! » Et je repris le chemin de la porte d'entrée dans la chambre pour y disparaître. Il n'avait pas l'air méchant, qui sait peut-être qu'un jour je le retrouverais - et j'apprendrais que je me tape son ex soit-disant passant.