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Death doesn't need us; Charlotte&Harper i'll be fine once i'll get it, i'll be good
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| | Jeu 9 Mai - 18:26 | |
| Daniel m'avait envoyé paître deux heures plus tôt. J'étais tombé sur une mauvaise journée, une de plus. La chimio rendait ses humeurs fluctuantes: un jour il pétait la forme, le lendemain il avait les nerfs à vifs de fatigue. Je lui avais filé la beuh prescrite par le médecin, puis je m'étais eclipsé. Je savais qu'il m'aimait, mais ma présence quotidienne devait lui peser. Après tout, n'étais-je pas celui qui le connaissait le mieux ? Se savoir à la merci d'une maladie n'était pas chose facile, mais qu'en était-il d'une personne ? Au fond, les liens du sang étaient peut-être comme un fléau, eux aussi. Sauf que mon petit frère, je l'aimais. Plus que tout.
Deux heures durant, j'avais été vagabonder à droite à gauche dans les couloirs de l'hôpital, attendant le moment propice pour retourner voir Daniel. Je ne le pus pas, blessé de l'avoir vu se mettre dans un état pareil... bien que cela prouvait plus que jamais qu'il s'accrochait à la vie de toute la hargne dégoulinant de son petit coeur. Ce petit con était bien mon frère, aucun doute: nous étions nés pour nous battre contre la mort. Ridicule, n'est-ce pas ? Pourtant nous respirions alors que tout prognostiques nous voyaient déjà six pieds sous terre.
« Charlotte Marchande » « Mais non Lucy, Marchand, sans -e ! Ou appelle-là la petite capricieuse, ça lui irait mieux tiens. » « Oh tu exagères, elle a quand même tenter de se tuer la gamine. » « Oui et bien le suicide c'est un caprice, je suis désolée ma vieille ! » Wesh les gonzesses, que venez-vous de dire, là ? Un caprice ? Ces infirmières devaient en voir passer des cas de ce genre, mais était-ce réellement une raison pour qualifier un tel acte d'une telle manière ? « Charlotte Marchand, c'est la 346 c'est ça ? » Les deux nanas se retournèrent brusquement, surprise d'apprendre qu'elles n'étaient pas seules dans les couloirs à une heure aussi tardive. « C'est ça, mais les visites sont terminées. » J'hésitai à sortir la lettre de la cancérologue de mon frère, lettre attestant que j'avais bel et bien le droit de vagabonder comme il me plaisait dans l'hôpital, mais elles verraient que ce droit visait à veiller auprès de mon frère et non auprès d'une inconnue. « Je suis un vieil ami de Charlotte, et... » Avant même que j'eusse terminé ma phrase, les deux bonnes femmes tournèrent les talons. Leur silence indiquait clairement qu'elle n'avait pas envie d'entendre ma plaidoirie; je prenais cela pour une invitation.
La jeune fille dormait. Que dirait-elle si elle me voyait ici, à ses côtés, alors qu'elle ne me connaissait pas ? Un black tatoué de la tête au pied à votre chevet en pleine nuit, c'était bon pour un polar ou un film d'épouvante. Pourtant, je pris place dans cette chambre pleine de tristesse. Mon malade ne voulait pas de mi dans l'immédiat, et celle-ci n'avait personne à ses côtés, n'était-ce pas une raison suffisante ? Sans doute pas, mais je restais. Je restais car huit années auparavant, un autre inconnu était resté à mes côtés alors que je me trouvais dans la même situation que cette Charlotte. Vidé, froid, inexistant. J'avais été un fantôme, moi aussi, un fantôme qui refusait la vie et était refusé par la mort. Un entre-deux sans nom, sans saveur. Un endroit où rien n'existait plus et n'avait jamais existé. Un carrefour où un chemin s'arrêtait, et où tous les nouveaux s'offrant à nous parraissaient impraticables.
J'étais d'humeur triste et, d'une certaine façon, l'atmosphère déjà présente dans cette chambre d'hôpital me sciait à merveille. Peut-être qu'avec un black dans les parages, les mauvais rêves me prendraient pour un vigile ou autre connerie du genre et n'infiltreraient pas l'esprit de la jeune femme. D'autres personnes, par contre, me feraient déguerpir à grands coups de pieds au cul s'ils me trouvaient ici, cette Charlotte la première. Mais dans le doute, je préférais me dire qu'en temps que squatteur ou non, seules de bonnes intentions m'animaient. C'était ce que j'aimais le plus chez moi: j'étais le seul à avoir conscience de mes pures motivations et apparaissait, aux yeux des autres, comme un incompris de plus.
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| | | | Sam 11 Mai - 11:09 | |
| harper& charlotte, le 11 mai.
C’était fait. Voila où j’en étais. Je regardais par la fenêtre, depuis le lit que je n’avais pas le droit de quitter. De toute façon j’avais trop mal à la tête pour faire un seul geste. Ma tête avait heurté tellement fort le sol la veille que j’avais l’impression d’être en mille morceaux à l’intérieur. Et c’était peut-être ce que j’étais… Depuis que Gareth avait quitté ma chambre tôt dans la matinée, je n’avais pas dit un mot. À personne. Je voulais qu’on me laisse tranquille. Hier soir, j’avais essayé de trouver la paix, j’avais trouvé la solution pour ne plus faire souffrir personne et même ça il avait fallu qu’on me le prenne. Qu’on m’empêche de faire ça…
Une infirmière m’apporta mon repas vers midi. Comme aux autres, je ne lui adressais pas la parole. J’étais en train de me transformer en une boule de mauvaise volonté, je le savais. J’en voulais à tous ceux qui avaient voulu me sauver. Sauf peut-être Gareth, il m’avait sauvé parce qu’il n’avait pas eu d’autre choix. C’était involontaire de sa part. Je ne touchais pas à mon repas et ce fut en silence que l’infirmière vint le rechercher une heure plus tard, intact.
Dans l’après midi, un médecin passa me voir. C’était l’heure de la psychanalyse à deux ronds. « Bonjours mademoiselle, on peut discuter quelques instants ? » Silence. « Vous allez devoir parler si vous voulez sortir d’ici. » Silence. « D’après ce qu’on m’a dit, les faits de votre accident laissent penser que vous vous être jetée sous les roues de cette voiture. Est-ce que c’est vrai ? » Je tournais la tête vers lui, le regardant pour la première fois. « Mademoiselle Marchand, si vous avez voulu vous suicider, ce n’est pas un tabou, vous pouvez en parler, je suis là pour vous aider. » Bullshit. Il regarda ses feuilles. « Vous avez vingt deux ans, vous avez une bonne situation dans un grand magazine… » D’accord, ils avaient enquêté sur la pauvre suicidaire ? Il leva la tête vers moi et m’observa, avant d’ajouter : « Vous êtes jolie, vous avez l’air d’avoir une vie agréable… pourquoi faire une chose pareille ? » « C’est la réponse à tout vous croyez ? Les jolies filles n’ont pas le droit de se salir les mains ? Allez vous faire foutre. Je veux rentrer chez moi. » Il serra son calepin contre lui en pinçant les lèvres et sortit de ma chambre en hochant la tête.
C’était les premiers mots que j’avais prononcé de al journée, et je pensais bien que ce serait les seuls. Si personne n’avait appelé Camil (et qui l’aurait fait ?) il n’y avait aucune raison qu’il ait l’idée de venir à l’hôpital pour me chercher. Personne ne me cherchait. Je regardais à nouveau par la fenêtre : j’étais totalement seule. Je finis par m’endormir, avec l’envie de ne jamais me réveiller.
Quand je rouvris les yeux, la nuit était tombée depuis semblait-il bien longtemps. Je mis quelques secondes à habituer mes yeux à la pénombre de ma chambre, quand soudain, je remarquais quelqu’un assis à coté de mon lit. Et ce n’était pas Gareth, ni Camil ou Nikita, ou même Khris… Jusqu’à preuve du contraire, je ne connaissais pas ce type. « C’est ma chambre, dégagez. » je lâchais, brutalement.
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| | | | Sam 11 Mai - 18:27 | |
| « C’est ma chambre, dégagez. » Le cul au fond de cette chaise d'hôpital, je ne dis rien dans un premier temps. Alors qu'elle venait de tourner son visage vers moi dans la pénombre de la pièce, jamais mes yeux ne s'habituèrent aussi rapidement à un visage. La raison était bien simple: si je ne connaissais pas cette jeune femme me faisant face, j'avais déjà contemplé des traits similaires, huit années plus tôt. Plus profondes mais moins visibles que celles ornant mes poignets, les cicatrices de mon âme, le temps d'un regard, se rouvrirent. Cette jeune femme, cloîtrée dans sa verbe orageuse, me toucha inexorablement. Je n'avais ni besoin de la connaître, ni besoin de la comprendre: je la ressentais, cette douleur qui avait fleuri en elle. « Arrête de te demander pourquoi t'es encore ici. Si tu devais mourir et si tu le voulais inconditionnellement, tu serais déjà morte. » Je n'avais jamais su si Alicia l'avait voulu, elle. Je crois que oui. Quelle ironie du sort: c'était en oubliant la réalité qu'elle était morte, non pas en cherchant à la détruire. Je m'étais efforcé si longtemps à la nier, me convaincant même que j'étais prêt à quitter cette vie, mais c'était en réalité mal la comprendre. Voilà pourquoi, tout comme Charlotte, ma tentative de suicide avait échoué. J'avais toujours eu trop de convictions, or les convictions étaient de l'ordre de la croyance, peut-être du rêve, de l'espérance sans doute. Elles m'avaient toujours été invisibles, inexistantes, mais mon intinct de survie s'excita au point de les trouver, de s'en abreuver, comme si au fond je moi je n'avais jamais vraiment désirer mourir. Le suicide accompli ne sciait qu'aux esprits privés de tout espoirs humains.
Les blessures causés par la tentative de la jeune femmes ne disparaitraient qu'en partie. Elle allait probablement rester belle comme avant, désirable comme pouvait penser certains. Mais jamais celle du coeur ne pouvait disparaître. Elle se taisait bien souvent mais ne se résorbait pas. Elles étaient infectées par les souvenirs.
« Marchand, c'est français comme nom ?. » Je n'avais jamais été en Europe, mais je me doutais de l'origine du nom. Ma mère avait toujours trouvé les noms français très distingués, et lorsque j'invoquais comme contre-exemple celui d'Edith Piaf, la matrone me rétorquait amèrement que "cette poule là était l'exception qui confirmait la règle". Cependant Marchand sonnait bien. Si ces quelques lettres n'étaient pas habitées par la poésie d'un Chateaubriand ou d'un de Musset, elles restaient cependant agréable de par sa prononciation atypique ici, aux Etats-Unis. Au fond, peut-être cela semblait-il dérisoire de discuter origines et onomastique au détour d'une chambre d'hôpital, mais ça ne l'était en rien. J'avais tout d'abord un être humain devant moi, pas un malade, et ce n'était pas envers ce dernier qu'il fallait avoir de la rancune. A quoi bon se battre contre la douleur ? Il fallait lever le poing pour le meilleur. « J'ai jamais mangé français, peut-être que je devrais essayer à l'occasion. »
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| | | | Lun 13 Mai - 12:52 | |
| harper& charlotte, le 11 mai.
Je n’étais pas sure d’avoir envie de voir qui que ce soit. J’avais envie d’être seule, c’était certain. Enfin, je le croyais. Je me rendais compte que la présence de ce mec dans ma chambre n’était pas totalement en train de me déranger. Il aurait pu rester là pendant des heures. La seule chose dont j’avais peur c’était qu’il ait envie de parler. Et il semblait qu’effectivement c’était ce qu’il voulait. Je me demandais ce que ce mec qui n’avait absolument pas l’air d’être médecin pouvait bien faire à l’hôpital en pleine nuit et ce qui pouvait bien l’autoriser à être là, et encore plus ce qui l’autorisait à être dans ma chambre. On ne se connaissait pas…
« Arrête de te demander pourquoi t'es encore ici. Si tu devais mourir et si tu le voulais inconditionnellement, tu serais déjà morte. » Des larmes se glissèrent aux coins de mes yeux, mais elles restaient là, bien sagement. Je les interdisaient inconsciemment de couler le long de mes joues… Je regardais la lune par la fenêtre. Est-ce que j’avais vraiment envie de mourir ? Oui… Ce que je voulais par dessus tout, c’était que toute cette douleur cesse, qu’elle disparaisse. Je voulais être apaisée, je voulais être calme et sereine. Je ne voulais plus de mes problèmes, je ne voulais plus de pression. Je voulais relâcher tout ça. Je voulais oublier qui j’étais, devenir une autre pourquoi pas, une fille qui n’était pas moi, une fille qui n’avait pas perdue celui qu’elle aimait, une fille qui savait faire des choix, qui ne faisait de mal à personne. Mon total opposé. J’étais un aimant à problème, ce n’était pas nouveau. Avec Eliott, j’avais cru que je pourrais changer, mais c’était peine perdue… Etait-ce pour ça que nous n’étions plus ensemble et qu’aujourd’hui il était heureux avec Ambre, ma salope de demi-soeur. Rien que cette pensée me donnait la nausée.
« Marchand, c’est français comme nom ?. » Le tatoué me tira de mes tristes pensées morbides. Je hochais vaguement la tête, ne sachant pas où il voulait en venir exactement. « J’ai jamais mangé français, peut-être que je devrais essayer à l'occasion. » Je plissais les yeux. Qui était ce type qui tentait de me parler de gastronomie française en pleine nuit, dans ma chambre d’hôpital. « Ben faut aimer les escargots… Y'a un resto français sur Richmond. C'est dégueulasse, mais c'est français à la base.» soufflais-je. J’essayais de me redresser dans mon lit, mais ma tête sonna et je fus obligée de rester allongée, tant pis pour les bonnes manières. « Est-ce que je peux te demander ce que tu fais dans ma chambre en pleine nuit ? Parce que… si t’avais prévu de me kidnapper pour une rançon : y’aura personne pour la payer. Et si tu veux me violer, je pense que tu peux honnêtement trouver mieux que moi. »
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| | | | Mar 14 Mai - 21:41 | |
| Je ne l'avais pas joué fine: la nana avait les larmes aux yeux. Mon franc parler pouvait m'attirer les pires emmerdes comme me sauver de biens des situations: cette nuit là, il me sauva, ou tout du moins quelques temps. Parler de bouffe n'était pas spécialement enthousiasmant, mais cela avait le mérite de s'aérer les pensées, tout comme disserter sur quel était le meilleur pressing de la ville. Cet amas de connerie, c'était une minette de vingt piges qui me l'avait dit la semaine passé alors que je la tatouais. Sur le coup je n'avais pas réaliser la profondeur de ses dires. Ouais, parler de banalités pouvaient parfois nous sauver, une fraction de seconde peut-être, des incroyables emmerdes brisant notre traintrain quotidien. Sauf que moi, je n'aimais pas les habitudes lassantes.
Charlotte tenta de se redresser tant bien que mal mais abandonna rapidement cette option. Elle avait bien raison, qu'elle profite de son lit temps qu'elle en avait un, aussi merdique puisse-t-il être. Pour avoir dormi des mois durant sous des ponts, je l'encourageais mentalement à savourer les couvertures bruyantes de l'hôpital. « Est-ce que je peux te demander ce que tu fais dans ma chambre en pleine nuit ? Parce que… si t’avais prévu de me kidnapper pour une rançon : y’aura personne pour la payer. Et si tu veux me violer, je pense que tu peux honnêtement trouver mieux que moi. » Je tournais mon regard vers elle, amusé par sa réplique. Elle était jeune, belle et pleine de réserve, cela malgré son teint blafard et la détresse dans laquelle elle devait sans doute être plongée. « Oui, tu peux me le demander, mais est-ce que j'ai le droit de te dire la vérité ? » Je ne pus m'empêcher d'afficher ce sourire charismatique, vous savez, celui des black, un peu enfantin, incontestablement charismatique. « J'ai de la famille interné ici, sauf que mon malade à moi en avait marre de voir ma tête. Et pour ta gouverne, ce n'est pas parce que tu portes une blouse dégueulasse que tu n'es pas violable. Je peux toujours te revendre dans un bordel, les brindilles dans ton genre font un tabac dans certains coins » dis-je toujours en souriant. Alors que je tâtais ma poche de veste afin d'en extirper un pétard, je me souvins que les fenêtres des hôpitaux ne pouvaient s'ouvrir entièrement. Pas cons les gars: même s'ils nous recousaient de travers, nous ne pouvions pas faire le grand plongeon et faciliter la tâche à tout le monde.
« Les fenêtres ne s'ouvrent qu'en haut, non ? » Je parlais surtout à moi-même alors que je me levai afin d'illustrer mes dires. Bingo, la fenêtre pouvait s'ouvrir et j'allais pouvoir aérer un minimum la chambre de l'odorante tige que je m’apprêtais à allumer. « Tu fumes ? C'est le meilleur remède que j'ai trouvé aux questions existentielles me pourrissant la tête. » Je n'allumais pas mon pétard mais le sortis, afin de voir sa réaction. Sans doute me prenait-elle pour un barge, comme la plupart des gens. Pourtant je n'étais pas un type pensant à mal, ni un junkie pourrit d'idéaux hippies, ni un pervers défonçant ses victimes à coups de drogues douces. Je n'étais qu'un jeune gars qui avait trouvé dans la fumette un échappatoire aux plaies toujours ouvertes recouvrant mon âme, et cela en attendant leur définitive remède. Mais mon interlocutrice ne pouvait le savoir. Avais-je l'air d'un dangereux psychopathe ? En tous cas, je ne pouvais m'empêcher de rester ici, auprès de cette Charlotte et peut-être au plus prêt de moi-même. Impossible, elle lui ressemblait trop. Je m'étais installé ici par hasard, et voilà que mes bons vieux démons sautaient sur l'occasion pour se réveiller. Oui, mon interlocutrice devait être l'alternative à la réelle histoire, le futur qu'Alicia aurait pu connaître. Charlotte devait vivre car nous étions tous cette junkie dépressive ou encore ce petit black des cités torturé. Elle devait vivre et demeurer l'éclatante preuve que la mort n'avait pas toujours besoin de nous...
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| | | | Mer 29 Mai - 16:50 | |
| harper& charlotte, le 11 mai.
Comme j’aurais pu me douter, j’étais sur le fil. Je parlais de mes émotions. J’avais du mal à contrôler mes sentiments, mes émotions et avec eux mes glandes lacrymales. C’était quelque chose qui ne m’arrivait pas en temps normal. mais de toute évidence, plus rien ne pouvait être considéré comme normal désormais. Je faisais partie de celles qui avaient tenté de mettre fins à leurs jours. J’étais condamnée à essuyer un regard de pitié à chaque fois qu’on allait s’adresser à moi. Merveilleux. « Oui, tu peux me le demander, mais est-ce que j’ai le droit de te dire la vérité ? » Je plissais les yeux. Ce type était vraiment bizarre, est-ce que je devais m’inquiéter ? Non, après tout je ne risquais pas grand chose. Et puis puisque j’avais voulu mourir, je voyais pas ce qui pouvait m’arriver de pire que la mort que j’avais souhaité… « J'ai de la famille interné ici, sauf que mon malade à moi en avait marre de voir ma tête. Et pour ta gouverne, ce n'est pas parce que tu portes une blouse dégueulasse que tu n'es pas violable. Je peux toujours te revendre dans un bordel, les brindilles dans ton genre font un tabac dans certains coins » Je ne pus m’empêcher de sourire à mon tour. Devais-je prendre comme un compliment le fait que je pouvais toujours courir le risque de me faire violer ? Apparemment, oui. « Les fenêtres ne s’ouvrent qu'en haut, non ? » Je secouais la tête, mais Harper découvrit la réponse par lui-même. Bien sur, qui prendrait le risque de faire en sorte que les fenêtres s’ouvrent dans la chambre d’une suicidaire ? C’était tendre le bâton pour se faire battre. « Tu fumes ? C’est le meilleur remède que j'ai trouvé aux questions existentielles me pourrissant la tête. » Ça faisait un moment que je n’avais pas fumé un joint. Enfin… Camil et moi en fumions quelques fois, mais les véritables souvenirs que j’avais de l’herbe, c’était avec Khris. Puisque c’était lui qui avait l’habitude de me fournir. Quand j’étais partie, j’avais donc arrêté. Et quand j’étais revenue, il m’en voulait tellement qu’il y avait peu de chance qu’il accepte de fumer avec moi. Quant bien même, fumer dans une chambre d’hôpital n’était pas vraiment la meilleure chose à faire. Mais peut-être que c’était la solution pour sortir d’ici rapidement. Je restais incapable de me lever, j’attendais donc qu’Harper allume le joint et me l’apporte. Enfin, je tirais une longue latte et fermais les yeux. Ça faisait du bien… J’étais plus calme. Je restais étonnamment silencieuse, mais je n’avais pas l’impression d’avoir besoin de parler. J’avais l’impression que ce n’était pas tant moi qui avait besoin de compagnie, mais Harper. Quelque chose me disait que ma compagnie le rassurait presque autant que l’inverse était vrai…
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| | | | Dim 9 Juin - 13:48 | |
| La fille était silencieuse, observatrice. Ce genre de rencontre n'arrivait que dans les films: peut-être avais-je en moi un peu de cette excentrique graine Hollywoodienne ? Être le héros de ma propre vie me semblait parfois trop rocambolesque, trop épuisant. Et pourtant, j'étais toujours là et savais que je le serai encore longtemps. Comme si j'avais le don d'appeler la mort mais elle, pas le courage de venir me chercher.
Charlotte tira quelques longues lattes sur l'herbe que je lui avais filé. Peut-être faisais-je une norme erreur, peut-être étais-je un total inconscient. Trop de peut-être pour une inaliénable conviction, en vérité: elle avait voulu quitter la réalité de manière brutale, il ne servait à rien de l'immiscer à nouveau dans le monde de la même sorte. L'herbe était une pommade de l'âme, la clé d'une imagination si pure et subtile qu'elle savait donner aux plus paumés les armes pour se battre... de nouveaux espoirs. J'allais sans-doute loin dans la philosophie de la fumette, mais je m'y tenais. Il ne s'agissait pas d'une apologie (l'herbe pouvant pour certaine personne et à certaines doses être dévastatrice) mais d'une réalité. Je savais pertinemment que sans cette plante magique, mon frère Daniel aurait déjà quitté cette sublime et dégueulasse planète.
« Je te fais peur ? » dis-je en récupérant le pétard que mon interlocutrice -bien que silencieuse- me tendait. Une latte, deux, trois. Bingo, arriba-riba, olé, pumpelup et tout le tralala. Je me sentais bien, léger. La gêne occasionnée par le physique de Charlotte s'adoucit, s'envola presque au rythme de la fumée que j'expirais. « A ta place je ne m'aurais pas fait confiance. Non pas que je sois un dangereux psychopathe -libre à toi de me croire ou non-, mais je sais que je peux en avoir l'air. Ca me rendrait presque triste de faire flipper la plupart des gens qui ne me connaissent pas. Encore je ferais un mètre quatre-vingt dix OK, mais du haut de mes cent soixante-treize centimètres... J'ai peut-être un regard vicieux aussi, ça doit-être pour ça .» Je parlais beaucoup, et c'était drôle. J'avais la chance d'avoir la fumette joyeuse, de sentir cette vague de conneries et de rires dès que mon esprit bifurquait sous le poids de la drogue. Ce n'était pas plus mal, d'ailleurs. Qui pouvait aimer fumer juste dans le but de sombrer dans un horrible bad trip néo-existentiel ?
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| | | | | | | | Death doesn't need us; Charlotte&Harper | |
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