Je disparaissais de devant l’ordinateur, énervée. Combien de fois ? Combien de fois ça nous était arrivé ? Des milliers. Une nouvelle crise de jalousie de ma part. Je savais qu’il l’avait fait exprès. D’accord, je n’avais fait qu’envenimer les choses, mais il savait très bien que je le verrais. Khris avait souhaité l’anniversaire de Levanah. Une connerie, j’en étais consciente. Mais Levanah était un sujet sensible pour moi et je n’aimais pas savoir que « peut-être » elle aurait pu avoir toujours des sentiments pour Khris. Je savais que ce n’était pas le cas – du moins, je l’espérais – mais Levanah avait toujours été pour moi une rivale. Elle était celle qui l’avait aimé et qu’il avait aimée. Ils avaient failli vivre ce que Khris et moi vivions. C’était dur.
J’allumais une cigarette et m’approchais de la fenêtre entr’ouverte, en regardant Katie dans son parc à l’autre bout de la pièce. Il fallait que je sorte, j’étais trop énervée pour rester enfermée ici, et je n’avais aucune envie d’être là quand Khris rentrerait. Aucune envie de céder maintenant face à lui. « On va voir Lera, chaton ? » lançais-je à Katie, qui ne me répondait que par un sourire. Mais Katie passait son temps à sourire, c’était difficile de savoir ce qui se passait réellement dans sa tête. Sourire de ma part. J’écrasais ma cigarette pour la rejoignais pour l’habiller d’un manteau, puis de faire de même avec moi. J’arrachais un bout de papier et laissait un mot sur la table basse. « Chez Lera. » Trop d’amour…
Une fois devant chez ma meilleure amie, je sonnais en attendant qu’elle me réponde, Katie dans les bras, à moitié endormie. Lera m’ouvrit la porte, je chuchotais : « Salut, je peux coucher Katie quelque part s’il te plait ? » Tout en m’engouffrant dans l’appartement. Je profitais des quelques secondes de répit qu’il me restait avant l’interrogatoire de Lera à propos de ma dispute avec Khris. Je ne lui avais rien dit, mais je savais qu’elle savait déjà… Elle savait toujours tout dès qu’il s’agissait de moi.

Katie s’endormait à vue d’œil aux creux de mes bras. Quand elle était fatiguée, ça ne lui prenait que quelques minutes pour disparaitre complètement. J’allais directement dans la chambre de Lera et l’allongeant au milieu du lit, un oreiller de chaque coté pour qu’elle ne tombe pas. Je la regardais une seconde et je me surpris à sourire. Je retournais dans le salon à pas de loup. Pendant ce temps là, Lera avait préparé à manger.
J’attrapais l’assiette qu’elle me tendait et me laissait tomber dans le canapé en soupirant. J’étais exténuée de toutes ces disputes. Pourtant, Khris et moi étions incapables de faire autrement, c’était comme ça. Nous avions toujours fonctionné de cette manière là. C’était épuisant, mais c’était notre façon de se dire qu’on s’aimait : ne pas vouloir partager. Même pour « bon anniversaire ». Même si je savais que j’avais totalement abusé sur ce coup là.
« Raconte » dit Lera, en brisant le bref silence qui s’était installé. J’eus un sourire succinct. Mon répit avait été de courte durée. Je pris prix une bouchée, puis regardais sans le vague. Comment faire court ? Je posais mes yeux sur ma meilleure amie, enceinte. Enceinte ! Merde, quelle conne j’étais. « Comment tu vas ? Et le bébé, ça va ? Tout ce passe bien ? » J’avais changé de sujet c’est vrai. Mais c’était totalement involontaire de ma part, en toute honnêteté.
Mon regard se téléporta sur le ventre de Lera, assise ça ne se voyait pas tellement qu’elle était enceinte. Il y a un an, j’étais à sa place. C’était difficile à croire. Finalement, elle qui disait que j’avais énormément changé… elle prenait le même chemin que moi. Je savais qu’elle était terrifiée. Comme je l’avais été. Mais si j’arrivais à être mère, alors elle y arriverait aussi, je n’avais pas le moindre doute là-dessus.

Je regardais mon sandwich entre mes mains avec beaucoup de passion. C’était bizarre de me dire que Lera et moi étions (ou allait devenir, suivant la perspective) maman. Nous avions vécu tellement de choses toutes les deux et tellement de galères que j’avais parfois du mal à comprendre que j’en étais arrivée là et que j’avais la vie que je ne m’étais jamais imaginée avoir et qui pourtant me comblait plus que tout… Etrange. « le bébé va bien, je le traite bien » Je hochais la tête, en pinçant les lèvres. « Tu sais que je suis là, si tu as besoin, pas vrai ? » demandais-je, pour assurer ma présence auprès d’elle à Lera.
« A ton tour, il s’est passé quoi avec Khris ? » Bien sur. Je ne savais pas par où commencer tellement j’étais en colère contre lui. En vérité, je ne savais pas si j’étais plus en colère contre lui ou contre moi-même pour ma façon de réagir. Mais j’avais été au bout et nous nous étions encore pris la tête. « Il a… souhaité son anniversaire à Levanah et… tu connais pas haine invétérée contre cette fille. Il savait que je le verrais et que ça me mettrait hors de moi. Et… » Voila. Qu’est-ce que j’aurais pu dire de plus ? C’était bien résumé la situation dans laquelle nous nous trouvions. Tout le monde savait que Levanah était en tête de ma liste de toutes les personnes que je détestais, ce qui n’était pas un compliment.
Quand j’avais appris que la blonde n’était plus à San Francisco, ça avait été un soulagement pour moi. c’était la première fois de ma vie que je m’étais sentie en compétition avec une fille. Parce qu’elle avait compté pour Khris, et que ça me donnait envie de gerber…