J'ai peur que les choses recommencent à nouveau si on se contente de s'excuser...
Je croisais mes mains devant mon menton et baissais les yeux sans vraiment fixer quoi que ce soit, repensant à ma conversation d'il y a un instant avec Alex.
À cause de mon statut, je sais qu'il m'arrive très souvent d'agir comme si j'avais tous les droits sur tout le monde, même si je dis le contraire. Cependant...
Mon regard se leva vers l'écran et j'ancrais mon attention sur l'image de la jeune femme.
Lorsque tu m'as dis que tu comptais aller rejoindre Keith s'il lui arrivait quelque chose... j'ai vraiment eu peur qu'il t'arrive quoi que ce soit. Pas parce que ça m'aurait fait trahir l'engagement que j'ai envers ta mère, mais parce que ça impliquait l'éventualité de ne pas te voir revenir, tout simplement.
Je soupirais, puis fermais les paupières.
Il y a encore beaucoup de choses que j'aimerais partager avec toi avant que tu meures. Et ça me déplairait vraiment que ce soit à cause d'une balle dans la tête.

Je retins mes mots lorsqu'Eleonora commença à me répondre. Je ne m'attendais absolument pas à ce que son discours soit si long, qu'il aille aussi loin au sujet de son ressenti personnel, mais il n'était pas question que je l'interrompe. Maintenant que j'avais sa version complète des faits, ça me faisait encore plus passer pour un ingrat de premier ordre.

J'allais enfin prendre la parole lorsque la jeune femme détourna la tête, ce qui me fit ouvrir grand les yeux. Son attitude venait de me prendre de court, complètement. Déjà que je n'étais pas particulièrement à l'aise depuis sa dernière phrase où elle venait de me parler de tout ce qu'elle voulait que l'on fasse, mais là... ça m'avait carrément réduit au silence. Je n'arrivais pas à visualiser quoi que ce soit pour le futur, contrairement à Nora, puis-ce que j'étais fixé dans le passé et éventuellement dans le présent.

Je déglutis et pris une grande inspiration en fronçant les sourcils lorsque j'aperçus son regard vitreux, les poings serrés. C'était là une vue particulièrement désagréable et il n'y avait que mes paroles qui pouvaient éventuellement y changer quelque chose, puis-ce que nous étions éloignés, géographiquement parlant, mais je ne voulais pas lui mentir et lui dire que je pensais comme elle, concernant mes projets de vie. Cette fille faisait des efforts. Elle avait été déracinée de chez elle pour atterrir dans une ville qu'elle ne connaissait pas, aux côtés d'un personnages difficile comme moi qu'on lui avait demandé d'apprivoiser... ça faisait effectivement beaucoup de choses à la fois. Une bonne part de désillusions, aussi... n'est-ce pas ?

Ne pleures pas... je te promets que tout ira mieux à partir de maintenant. Je sais que tu veux bien faire et lorsque je te complimente, ce n'est pas par principe, mais parce que je le pense vraiment. Ce n'est pas... évident de parler de tout ça, mais je tiens à toi, sincèrement, moi aussi.

Je m'arrêtais un instant.

J'aimerais pouvoir faire plus que prononcer quelques phrases maladroites... excuse-moi...