En route pour l'appartement de Skye, je désirais passer un petit moment avec elle afin de discuter de nos prochaines séances de danse pendant lesquelles, elle m'apprendrait quelques nouvelles techniques acquises en Australie. Elle était récemment de retour et il me tardait déjà de rattraper tous ces moments que nous n'avions pu avoir ensemble durant ces trois mois. Dans ce même appartement, résidait Lera, avant qu'elle n'emménage ailleurs. J'avais compris par le biais de facebook que la blonde avait quitté son appartement pour une toute nouvelle maison. Je ne risquais donc pas de la croiser, bien que je l'aurais souhaité. Ces derniers temps, c'était plutôt tendu entre nous. Elle n'approuvait pas mon choix de sortir avec Elyes et s'était éloignée de moi, à mon grand regret. Cette situation ne me plaisait guère, j'adorais Lera et ça me faisait mal qu'on agisse comme deux parfaites inconnues désormais. Ce n'était pas un garçon qui allait ruiner notre amitié quand même ? Amitié qui avait toujours été sincère et importante à mes yeux. Lera représentait l'amie qui était toujours là quand il le fallait et qui n'hésitait pas à aider lorsqu'il en était nécessaire. Là, je ressentais le vide que procurait son absence. C'était très... étrange.
Arrivée devant la porte de l'appartement de Skye, je sonnai sans hésitation. Au premier coup, personne n'ouvrit. Je retentai alors, insistant plus sur la sonnette. A nouveau, personne ne vint m'ouvrir. J'appuyais mon oreille contre la porte. Aucun bruit. Il se pouvait qu'elle soit absente. J'allais me retourner pour quitter l'endroit, lorsque j'entendis un bruit provenant de l'intérieur de la maison. Impatiente de retrouver la brunette, j'affichais un grand sourire. Sourire qui disparut aussi vite que j'aperçus avec surprise la personne qui m'ouvrit la porte au bout de quelques secondes. Il s'agissait de Lera. Que faisait-elle là ? Etonnée, je la fixais en fronçant les sourcils. Je ne m'attendais pas à tomber nez-à-nez sur elle. « Lera... ? Tu... Euhm, Skye n'est pas là, je présume ? »
Le moins que l’on pouvait dire c’était que le déménagement était un sacré engagement et exigeait pas mal d’investissement, d’autant plus si l’on voulait le faire aussi rapidement que je l’avais accompli. J’étais bien trop pressée de vivre dans mon premier investissement financier, dont je l’avoue, j’étais plutôt fière et puis, j’aurais plus d’espace ainsi qu’un balcon rattaché à la baie vitrée de ma chambre si bien que je pourrais regarder la mer chaque fois que je le désirais, seule chose étant capable de m’apaiser présentement. Dieu seul savait à quel point la paix se refusait à moi ces derniers temps. Je ne me souvenais plus la dernière fois où j’avais eu une nuit complètement, mes insomnies s’étaient considérablement aggravées ces derniers temps. A chaque fois que je fermais les yeux, j’étais assaillie des douloureuses réminiscences de cette nuit maudite. Je soupirai avant de me passer un peu d’eau sur le visage afin de me rafraichir un minimum et pourquoi pas me redonner un éclat, chose dont je doutais au vu des cernes que je me ballotais. J’avais beau y appliquer des crèmes, celles-ci avaient par ne plus fonctionner au vu du nombre. Sans doute faudra-t-il bientôt m’assommer, avant que je ne m’écroule, ce qui ne saurait tarder.
Je retournai dans mon ancienne chambre prendre mes dernières affaires que j’apportais au salon, avant de m’y engouffrer de nouveau à la recherche des effets que j’aurais pu malencontreusement oublier. Je ne voulais pas m’attarder, puisque j’avais donné rendez-vous à William chez moi dans une heure, j’avais donc tout intérêt à me magner le train si je ne désirais pas le faire attendre devant l’immeuble. En outre, j’étais épuisée, j’avais même du mal à tenir sur mes deux jambes. Soudain, j’entendis la sonnette retentir, n’habitant plus ici, j’hésitais à aller ouvrir, tous mes amis savaient que je me cassais aujourd’hui, donc il ne pouvait s’agir que des relations de mon ancienne colocataire, ce qui ne me regardait en aucun cas. Retournant à mes occupations, la personne insista lourdement sur la sonnette, pour mon plus grand désarroi. Prenant sur moi, j’allais ouvrir pour tomber sur Julie. Eh bien, pour une surprise.
« Tu suppose bien »
Lançai-je simplement, sans animosité. Je m’écartai pour la laisser passer, retournant m’accroupir près de mon carton.
« Je suis simplement venu récupérer mes dernières affaires, tu peux rester et l’attendre, elle ne devrait pas tarder. »
Disant cela, je me relevai, carton en main, prête à partir. Un peu trop brusquement puisque je fus assaillie d’un violent vertige qui me fit lâcher ce que je tenais, me laissant le souffle court. Je fermai les yeux un instant, avisant une Julie inquiète se dirigeant dans ma direction, je tendis une main vers elle.
Quel choc lorsque je découvris une Lera très fatiguée et ennuyée m'ouvrir la porte tandis que je m'attendais plutôt à une brune toute souriante, ravie de me voir. Là, Lera s'enfichait royalement que je sois là. En fait, je ne semblais même pas la déranger. Elle me confirmait l'absence de son ancienne colocataire. Dommage. Tant pis, je repasserai alors plut tard... Sauf que, Lera était là. J'avais envie de la voir, de lui reparler. Il fallait saisir l'occasion qui se présentait à moi. Je rentrai alors à l'intérieur, restant debout à l'entrée. La jeune femme me prévint que Skye serait bientôt de retour et que, quant à elle, elle n'était que de passage. Elle s'était accroupie, autour de ses cartons qu'elle terminait de remplir. Je ne savais pas pourquoi, mais je me sentais quand même triste, face à son départ. Pourtant, il n'y avait pas de raison pour que ce soit le cas. M'enfin, je décidai d'aller m'installer dans le salon, pour patienter. Lera se leva au même moment, carton dans les bras pour s'en aller. Or, dans son élan, elle tomba soudainement par terre. Par réflexe, je m'approchai immédiatement de la blonde. Très inquiète, je vins m'accroupir près d'elle, tentant de la relever. Elle tendit une main vers moi que j'attrapai. Elle essaya de me rassurer en prétextant que sa chute était due à un vertige. Je ne savais pas si elle disait vraie, ou non, mais j'espérais que oui. Puis, je découvris avec horreur des traces très étranges au niveau de son poignet lorsque je pris son bras pour la relever. Et, je remarquais que Lera avait voulu les cacher rapidement, ne souhaitant pas attirer l'attention sur ces affreuses marques. Je fixais néanmoins l'endroit, tout en fronçant les sourcils, avec inquiétude. Ces vilaines traces ressemblaient beaucoup à des scarifications. Tout à coup, j'étais prise d'une panique incontrôlable. «C'est... C'est quoi ces traces à ton poignet ?»
Je tentai vainement de dissimuler les marques sur mon poignet, marque de ma rechute mais Julie fut plus rapide que je ne l’aurais pensé. Eh bien, j’étais présentement dans une impasse, la connaissant suffisamment pour ne plus me lâcher avec ça. Ma stupidité me perdra, de ça, j’en étais certaine. Pourquoi diable n’avais-je pas enfilé un t-shirt plus long ? Je soupirai agacée par ma propre bêtise. Je ne pouvais décemment par sortir l’excuse du chat n’en possédant pas, mais ce serait une bonne idée que d’en avoir un à l’avenir, il pourrait me sortir des situations embarrassantes comme celle-ci. Il faudra que je songe à en discuter avec Jim, bien que je doute qu’il refuse de m’accorder ça. L’on ne refusait rien à une Vilte, la persuasion était comme une seconde nature chez moi. Si tel était le cas, je devais aisément me sortir de ce merdier dans lequel je m’étais fourrée non ? Rien n’était moins sûr, je voyais au regard de mon amie…pouvais-je encore la qualifier ainsi ? A mon sens oui, mais au sien ? Elle devait sans aucun doute m’en vouloir d’avoir réagi comme je l’avais fait lorsque j’avais su pour sa mise en couple et déjà auparavant lors de son altercation virtuelle avec Narcissa, ayant pris parti pour cette dernière bien que je ne cautionnais pas tout à fait ses méthodes. Julie était également mon amie et j’avais le sentiment de l’avoir abandonnée, ce qui était le cas mais je ne pouvais décemment prendre autre parti que celui de mon épouse, que cela me plût ou non, pour le meilleur et le pire dit-on. En outre, même si je trouve que la brune faisait une erreur monumentale avec sortant avec cet Elyes, aussi louche que dangereux, ce n’était pas une raison de la laisser tomber, bien au contraire, mais ça aussi je l’avais fait. Accumuler les bourdes, je savais faire, cela devait être mon talent caché. Enfin…pas si caché que ça puisque j’enchaînais boulette après boulette. Bref, j’avais merdé.
« C’est rien »
Dis-je simplement, m’accroupissant pour ramasser les affaires qui s’étaient échappés du carton et préparant mentalement ma prochaine réponse car je savais que nous n’en resterions pas là.
Il se tramait quelque chose. Je parvenais à le sentir. J'ignorais ce qui clochait chez la blonde, mais il y avait quelque chose qui était en train de la détruire à petit feu... Et je n'aimais pas du tout ça. J'étais plutôt nerveuse de comprendre que quelque chose n'allait pas. Quelqu'un avait déjà remarqué ses affreuses traces au poignet avant moi ? Si oui, cela n'avait pas du influer sur le comportement de Lera étant donné que les marques semblaient être assez récentes, ce n'était pas du tout beau à voir. Et même si je n'eus que quelques secondes pour visualiser ses mutilations, je pus rapidement remarquer qu'elles étaient encore « fraiches » et en grand nombre. Effrayée, je ne savais pas quoi faire, j'étais tout bonnement stupéfaite. La seule chose qui sortit de ma bouche était une stupide question pour savoir ce que signifiaient ces traces au poignet, or je savais pertinemment que Lera allait me renvoyer paitre. Elle me répondit effectivement, de manière désintéressée qu'il ne s'agissait de rien. Impossible de la croire. Et je n'allais pas en rester là. Tandis qu'elle s'accroupissait pour récupérer ses affaires qui jonchaient le sol, je m'avançai vers elle en quête de réponses. Et si elle refusait de collaborer, je trouverai bien un autre moyen de lui tirer les vers du nez. « Lera, ne me prends pas pour une imbécile s'il te plait. Je ne suis pas une inconnue, ne me cache pas des choses aussi graves que celles-ci... » Mon bras alla dans sa direction pour montrer ses scarifications, à l'aide de ma main qui était en l'air durant une dizaine de secondes. J'étais encore sous le choc. Je ne pensais pas que Lera souffrait autant. A vrai dire, j'étais tellement préoccupée par mes propres problèmes ces derniers temps que je m'étais renfermée sur moi-même, sans accorder trop d'importance envers ceux des autres. Il fallait tout de même admettre que Lera s'était comportée de la même manière à mon égard. Elle m'avait bien délaissée suite à ma mise en couple avec Elyes et s'était en quelque sorte opposée à moi, durant la dispute sur facebook avec Narcissa. Bref, nous avions toutes les deux commis des fautes, c'était idiot, mais c'était ainsi. Ce n'était pas le moment pour revenir là-dessus. Je m'assis alors à côté de Lera puis je la contemplais, sans ne rien dire. Comment les choses avaient-elles pu devenir ainsi ? Je l'aidais à ranger deux, trois bricoles qui étaient à ma portée pour les mettre dans le carton. Je ne voulais pas que Lera puisse penser que je lui étais hostile, ce n'était absolument pas le cas. Au contraire, j'aurais voulu tout faire pour l'aider. Je ne désirais pas non plus la brusquer, l'obligeant à me fournir quelques explications. D'ailleurs, j'étais moi-même encore sonnée pour la contraindre à quoi que ce soit. « Tu peux tout me dire Lera. Tu peux avoir confiance en moi. » J'insistai une nouvelle fois pour qu'elle puisse enfin me répondre.
Je savais d’ores et déjà que Julie ne serait pas dupe –honnêtement qui l’aurait été ?- et ne laisserait pas tomber, elle pouvait parfois se montrer tellement têtue. Peut-être l’espérai-je ? Que quelqu’un verrait à travers cette mascarade de bien-être dans laquelle j’étais piégée depuis bon nombre d’années maintenant, encore plus ces derniers temps. Mascarade si bien orchestrée qu’il était impossible d’y voir au travers, enfin pour cela fallut-il qu’on s’y intéressât. Et les gens n’aimaient pas spécialement risquer leur bel état d’esprit pour les soucis des autres, alors se plaisaient-ils à fermer les yeux. Et cela me convenait…j’imagine. Je ne savais plus. Le moins que l’on pût dire était que j’étais complètement perdue. Et Désespérée. Surtout désespérée, peut-être. Vide et abandonnée, bien que j’aie créé une telle situation. Je me sentais prise à mon propre piège, à force de parfaitement jouer la comédie, le doute n’était pas permis. Et dans l’immédiat, je n’avais qu’une hâte, me tirer de cet endroit. Non pas que la vue de Julie m’insupportait, loin de là. Je l’adorais et même si j’avais conscience de n’avoir pas été des plus tendres à son égard, notamment à cause de sa mise en couple avec Elyes, personne que je ne pouvais voir en peinture et je savais la réciprocité vraie, mais je savais que ce n’était pas la manière la plus intelligente qu’il fût puisque j’avais fini par perdre cette complicité qui m’unissait à elle. Et en bonne handicapée sentimentale et relationnelle qui se respectait, j’étais incapable de le lui dire, me plaisant visiblement dans le rôle de la méchante qui fout le bordel partout elle passait. C’était d’ailleurs une des raisons pour lesquelles je me sentais des plus tristes en ce moment précis, je l’avais lâchement abandonnée et pourtant elle, continuait à se montrer présente pour moi, surtout dans un moment aussi difficile même si elle n’en avait pas conscience. J’avais envie de pleurer. D’ailleurs, les larmes ne tardèrent pas à me monter aux yeux. Je fermai un instant mes paupières et me mordis violemment la lèvre inférieure afin de stopper cet excès d’émotion, qui ne me ressemblait pas. J’avais coutume de ne jamais faire d’esclandre sentimental en public, gardant tout cela pour ma salle de bain ou bien encore ma chambre. Je tentais de lui répliquer quelque chose de sec, afin qu’elle me laissât tranquille –réflexion de protection pour éviter de me retrouver en danger émotionnellement parlant- mais j’en fus totalement incapable, sa douceur et sa tendresse m’émouvant au possible. Et puis soudain, sans que je puisse le comprendre, un puissant sanglot m’assaillit et j’allais trouver refuge dans ses bras.
Rapidement, l'ambiance se radoucit. En fait, Lera semblait avoir pris plus de confiance et se sentait prête à se dévoiler. J'étais pourtant consciente que cela devait être difficile de se montrer vulnérable. Je connaissais le caractère de Lera et savais qu'elle était très indépendante et forte, n'aimant pas dévoiler ses sentiments, détestant paraitre faible. Lorsqu'elle vint se blottir dans mes bras, en larmes, je sentais qu'elle était très tourmentée, que quelque chose la torturait. Cela me faisait tellement mal. Je détestais voir une personne souffrir surtout quand il était question d'une très bonne amie. Je la serrais alors contre moi, caressant ses cheveux et tentant de la rassurer avec quelques mots. « Ca va aller, Lera, ne t'en fais pas. » J'étais encore émue par ce qui se produisait sous mes yeux. Aucun autre mot ne sortait de ma bouche, bien que je savais pertinemment qu'ils n'allaient pas soulager la jeune fille. Il nous fallut quelques minutes pour que nous reprîmes chacune nos esprits, notamment elle, qui paraissait si fatiguée et complètement bouleversée. « Qu'est-ce qui t'arrive ? Ou qu'est-ce qui t'est arrivé ? » Je la regardais avec compassion, intriguée. Quelle était donc la source de tous les maux de la blondinette ? Que cachait-elle au monde entier ? Quelque chose d'horrible sans doute, malheureusement, qui justifiait ses scarifications. Je pris alors la main de Lera, pour la rassurer, lui montrer que j'étais présente, à ses côtés, que j'étais enfin de retour, après la période de froid entre nous qui nous avait hélas éloignées... Je souris même pour lui donner envie de prendre la parole, pour qu'elle soit consciente que j'étais avant tout son amie, celle en qui elle pouvait avoir confiance.