Fixant inlassablement mon verre de vodka, je me demandais ce que je pouvais bien faire ici, non pas que l’ambiance était minable, bien au contraire. Simplement, je n’aurais pas dû me retrouver là. En compagnie de cet homme dont j’ignorais tout et qui s’évertuais à me parler de lui. Enfin, il me parlait surtout de ce qu’il avait accompli dans la vie, de ses projets professionnels qui se concrétisaient les uns après les autres, son compte en banque bien rempli, il ne le dit pas dans ces termes mais c’était tout comme. Tout était mis en en œuvre pour m’en mettre plein la vue, sans doute vivait-il selon la définition que la femme était facilement achetable, une promesse de biens et d’une existence paisible à l’abri de tout besoin matériel, et elles succombaient toutes.

« Un autre verre pour la demoiselle, à mettre sur mon compte bien entendu ! »

Lança-t-il au barman en voyant mon précédent verre presque vide. Je me contentai de sourire. Mise à part ce fait de se vanter de sa réussite professionnelle, il n’était pas aussi désagréable que cela et plutôt pas mal physiquement, mais très loin de mon genre alors que moi je semblais, au vu des regards qu’il laissait courir sur moi, être tout à fait son type. Et il ne fallait pas être devin pour savoir comment il espérait terminer la soirée, en compagnie bien sûr, et au vu du personnage, sûrement dans le lit d’un hôtel des plus luxueux afin de me mettre à nouveau plein la vue avec son argent.

« Votre but est-il de me faire boire jusqu’à l’ivresse afin de m’attirer dans votre lit ? »

Ton léger. Expression mutine. Petit sourire.

« Non, bien sûr que non, loin de moi cette idée, navré de vous avoir fait penser une telle chose ! »

Il s’empressa de se confondre en excuses. Mine désolée. Je jetai un œil à sa main droite. Une bague. Homme marié qui délaissait femme et enfants qui le croyaient sûrement encore au bureau pour aller sauter des jeunes filles. Les mensonges et les hommes ne faisaient visiblement qu’un. Je trempai mes lèvres dans ma nouvelle boisson.

« J’espère bien car ce serait vraiment… »

Je me stoppais, reconnaissant une tête familière dans la foule. Alek. Son regard froid rencontra le mien pendant quelques secondes avant qu’il ne coupe le contact entre nous. Parmi tous les bars de San Francisco, combien de chance y avait-il pour que l’on se recroisât dans celui-ci ? Vu son expression, nul doute qu’il m’en voulait le lapin que je lui avais posé, j’aurais sûrement réagi de la même manière. Très mauvaise plaisanterie, apparemment.

« … déplacé. »

Finis-je en m’intéressant de nouveau à mon voisin qui prit mon sourire d’apparat pour une ouverture et en profita pour glisser une main qui se voulait amicale sur mon épaule droite. Une bonne soirée, sans aucun doute.

Spoiler: