C'est le grand jour, je m'évade enfin de cette putain de ville où tout le monde sent mauvais, où l'on trébuche sur des pavés défoncés et mouillés et où j'ai passé les vingt deux dernière années de ma vie. Je prend l'avion dans deux heures et demain je serai partie pour une nouvelle vie. Finit les nuits endiablées au Queen, les après midi shopping et les cocktails chic de fin de soirée avec tout le beau monde parisien. Je suis jeune, je suis belle, je suis une Lockweder. La petite dernière, l'incarnation des Privilèges. Je m'appelle Madison. Je suis fille unique et parisienne. Je passe plus de temps à rester le cul posé sur un fauteuil à attendre que l'on me serve, à incendier des moins friqués que moi au téléphone, à me dorer la pillule au "spa du soleil" ou à dévaliser les boutiques de luxe des Champs Elysées, que vous à trimer au travail pour subvenir à vos modestes besoins. Dans ce triste monde, pour vivre, il faut se battre. Ou bien tomber dès la naissance, dans une famille aisée.


Mr Lockweder... mon père est du genre à prendre des décisions. Il signe, refuse, voyage, vire des gens. Je n'ai jamais su en quoi consistait son job, et je m'en fou. Ma mère... personne ne sait trop ce qu'elle fout de ses journées. Ellle use la carte bancaire de papa. Son rève ayant été d'épouser un homme riche, qui lui assurerait un cadre de vie supportable, et elle a atteint son but il y a une trentaine d'années. Elle se laisse désormais vivre en essayant de lutter contre les ravages du temps. Consciente du manque de sens de sa vie, elle fait de ses journées un éternel recommencement... c'est triste n'est ce pas? Je n'ai jamais été proche d'eux, mais je respecte énormément mes parents. Comment en faire autrement? Je dépend entièrement d'eux. Enfin, de leur compte bancaire. Ils étaient en réalité sur le fil entre une vie d’excès et une vie raffinée, la tune de papa leur permettant de se donner le genre qu'ils souhaitaient arborer aux yeux de leurs amis friqués. Ils m'ont tout de même donné l'une des meilleures éducation possible. Grâce à eux je parle couramment l'anglais, j'ai travaillé ma culture générale, musicale, artistique et la communication globale. Autrement dit, comment paraître le plus proche de la perfection possible, comment se forger une carapace invincible et éloquente à partir de trucages. Avec le temps, on apprend les codes et le protocole officieux qui va de paire avec ce quotidien. Si j'ai toujours été plus riche et plus éduquée que la moitié de mes camarades de classe à l'école, je n'ai jamais été plus heureuse qu'eux. Secrètement, j'aurai aimé passer une enfance plus basique, et plus simple à vivre pour moi.


Je m'en plains mais au fond, ma vie a toujours été douce. Si j'ai un peu manqué d'affection, j'ai toujours reçu beaucoup de reconnaissance de la par de mon entourage. J'ai appris avec le temps à me servir de mes atouts sans pour autant me cacher de mes défauts. L'argent n'achète pas le bonheur et cette notion m’obsède et me pourri la vie depuis mon plus jeune age. J'ai été très seule, isolée de par ma catégorie sociale. Je n'ai jamais eu de réel ami, désintéressé et sincère en tout point. Du coté des amours, le bilan n'est pas fameux non plus. Je crève d’ennui car je n'ai rien à désirer, j'ai déjà tout. Sauf ce que l'on ne peut pas acheter. Une famille aimante et stable, un amour solide et enrichissant, une amitié indestructible et sincère... c'est ce dont j'ai toujours rêvé.

J'ai un cercle de connaissance très étendu, et je m'applique à rester avec un groupe de pimbêches qui n'ont en commun avec moi que l'air qu'elles respirent. Avec elles, le temps me parait toujours aussi long et fade mais au moins je ne reste pas seule dans mon grand appartement. Je sors, je bois, je fais la fête, je dépense. Toujours plus. Ces idiotes me tiennent compagnie, et elles sont loin de me manger dans la main, puisqu'elles sont exactement dans la même situation que moi. Triste réalité.


Je dis stop! Je ne veux pas vivre la vie qu'à vécu ma mère. Je n'aspire pas à la vie dorée et oisive que toute ma famille se tape depuis des générations. J'ai besoin de plus que ça. Je vois la réussite autrement, mais je ne saurai l'expliquer concrètement. Tout est encore flou pour moi. J'ai décidé de fuir cette vie monotone et dénuée de sens. Je ne peux pas renier ce que je suis mais j'espère qu'en partant d'ici, je vais pouvoir m'enrichir d'autres aspects du monde et de la vie. Après avoir touché du doigt l'excellence, je me lance dans une nouvelle et folle aventure: quitter ma France natale, mon Paris à moi, pour aller construire une vie dans la ville de San Francisco, en Californie. Je rejette désormais la facilité liée au physique et à l'argent. Je veux du solide, du profond, du véritable. Peut être qui sait, y trouverais-je l'amour, et de vrais amis ? Ou vais-je seulement me heurter naïvement au dur monde extérieur que je connais pas encore, m'ayant cachée derrière les larges barreaux de ma cage dorée parisienne?