Lorsque l’on est éloigné de la personne qu’on aime, on a l’impression que notre monde s’écroule, que plus rien n’a d’importance. Je ne suis pas fait pour éprouver de tels sentiments. Je me suis toujours convaincu que l’amour n’était pas important, que l’on n’en avait pas besoin pour vivre. Mais, depuis que je la connais, tout me persuade du contraire. Ce n’est pas l’amour dont j’ai besoin, c’est d’elle. J’ai besoin d’être à ses côtés pour me sentir vivant. Des milliers de kilomètres, voilà ce qui nous a séparés pendant de longues semaines. Je me suis accroché à mes souvenirs, à nos souvenirs pour ne pas abandonner. Pour ne pas tomber. Sans sa main, j’aurais été incapable de me relever. C’est fou de dépendre à ce point d’une personne. J’ai toujours cherché à fuir. J’ai toujours préféré lui tourner le dos, à cet amour. J’avais peur. Peur de souffrir. Peur de ne plus être moi-même. Peur de m’adoucir. Peur d’aimer. Peur d’être comme tous les autres. Il suffit de rencontrer la bonne personne pour que notre vie soit changée à jamais. On ne rencontre qu’une seule fois le grand amour dans sa vie. Il peut nous tomber dessus à n’importe quel âge. Très tôt ou tardivement. Aimer, ce n’est pas répéter sans cesse : « Je t’aime. », c’est le prouver. Aimer ce n’est pas dire : « Je ferais tout pour toi. » mais le prouver. L’amour est remplit de promesses, de doutes et de mensonges. L’amour a besoin de preuves pour exister, pour vivre, pour survivre. C’est sans doute pour ces raisons que je suis là, assit dans cet avion. Depuis que l’appareil a décollé, je me sens à la fois heureux et inquiet. Je ne sais pas quelle réaction adopter quand je la verrais. Quand je la prendrais dans mes bras. Quand je pourrais enfin l’embrasser, à l’abri des regards indiscrets. Elle est censée être fiancée. Même si cette relation n’est qu’un mensonge, je ne peux m’empêcher d’éprouver une certaine jalousie. Voilà, c’est comme ça que je ne voulais pas finir : jaloux, niais et tellement prévisible. Il ne reste que dix minutes de vol et à travers le hublot. San Francisco. Je n’aurais jamais pensé que cette ville me manquerait autant. L’hôtesse annonce l’atterrissage. Je frissonne. Elle est sans doute là, à attendre. Narcissa. Mon cœur bat un peu plus vite qu’il ne le devrait. Je ne suis pas l’homme parfait, j’en ai conscience. Je suis très pris par mon travail. Travail qui n’est pas de tout repos. Travail qui a failli me coûter la vie à plusieurs reprises. J’ai beaucoup de défauts et la modestie n’est pas mon point fort. Malgré tout, elle continue de m’aimer. Elle fait abstraction de mes défauts. Elle ne voit que le meilleur. Peu lui importe. Tout ce qu’elle veut, c’est être auprès de moi. Le reste n’a pas d’importance. Alors c’est ça, aimer ? Faire des défauts des qualités ? Ne penser qu’à une seule et même personne ? Avoir envie d’une seule chose : être à ses côtés, pour le meilleur et pour le pire ? Pleurer d’inquiétude quand il ou elle rentre tard le soir ? Se laisser aller pour ne dépendre que de lui ou elle ? Alors c’est ça, l’amour ? N’être qu’une marionnette ? Très bien. Alors, je serais son pantin.
C’est en douceur que l’avion atterrit. L’hôtesse de l’air nous invite à nous lever et à nous diriger vers la sorte. Je m’avance dans l’allée. Je ne veux pas me précipiter. Je ne veux pas être déçu trop vite si jamais elle n’est pas là. J’appréhende secrètement nos retrouvailles. Je passe une main sur mon visage, j’effleure les bleus et les multiples contusions. On pourrait croire que je suis boxeur. Je laisse passer une femme puis descend à mon tour. Je ne peux plus reculer. J’avance. Je ne fais pas attention aux personnes qui m’entourent. Je regarde devant moi. Je la vois. Elle est là. Je sens mon cœur battre de plus belle. Je frissonne. Je ne pleurerais pas, je suis un homme. Les hommes ne pleurent pas. Pourtant, je sens mes yeux s’embuer de larmes. J’arrive à sa hauteur. Sans m’en rendre compte, j’ai précipité mon pas. Elle est là, devant moi, j’ai bien du mal à y croire. Mes bras entourent sa taille et je la serre contre toi. J’enfouis ma tête dans son cou et y dépose un baiser. Elle sent bon. Elle n’a pas changé si ce n’est qu’elle est encore plus belle que dans mes souvenirs. Je ne parle pas. Elle non plus. Je sens une larme couler le long de ma joue, en silence. Je souris. J’avais oublié à quel point c’était bon d’être avec la personne aimée. C'est si bon d'être à la maison.
Attendre, encore et encore, je crois bien que je n'ai jamais été aussi patiente de toute ma vie. Je n'ai jamais autant aimé quelqu'un, autant souffert pour une personne. J'ai passé une grande partie de mon existence à me préoccuper de moi-même, de mon confort, j'ai même brisé des cœurs par le passé, pensant que j'étais le nombril du monde. Seulement il aurait fallu que je le rencontre pour que ma conception de la vie soit complètement chamboulée. Je suis devenue dépendante de lui, pourtant ce n'était pas mon genre, ces dernières semaines ont été les pires que j'ai eu. Il fallait toujours que je fasse semblant, que je sois joyeuse. Alors je m'occupais comme je le pouvais, je suis partie faire la fête, des sorties de temps en temps avec mon faux fiancé et j'ai passé beaucoup de temps à boire, lorsque je me retrouvais seule la nuit et qu'il était temps pour moi d'aller d'endormir. Je me surprenais à avoir des idées très sombres, des flash de Keith mort, tué par balle dans l'une des ruelles de New York, ou ailleurs, je ne savais même pas où il était. Alors je songeais au suicide, à en finir. Comment pourrais-je survivre sans lui ? Il me définit, me complète, certaines personnes ont un besoin urgent de drogue pour se sentir mieux, moi j'avais besoin de lui, rien d'autre. Alors pour chasser ces idées, et me montrer forte, je buvais, jusqu'à ce que je puisse m'oublier. Parce que c'était la seule solution que j'avais trouvé pour.. attendre, attendre son retour. C'était extrêmement frustrant pour moi, ce manque d'information. J’espérais au fond qu'un jour, il puisse me donner de ses nouvelles, son absence m'avait laissé dans l'agonie. Une souffrance intérieure que je ne pouvais même pas exprimer, alors je la refoulais, je faisais la fête, je souriais, je semblait être tellement heureuse, mais au fond, je ressentais un manque énorme. Je ne pensais qu'à lui. Son message via le réseau social m'avait choqué, j'avais peur que ce ne soit que le fruit de mon imagination. Que je sois devenue folle. Mais c'était apparemment bien réel. Il est revenu. Je n'ai pas pu dormir, je n'avais même pas envie de prendre ces somnifères. J'étais euphorique. Je voulais juste le revoir, le toucher, le sentir, et surtout être avec lui. Rien d'autre n'importait. J'ai lu un roman durant toute la nuit, je n'étais pas vraiment concentrée mais je poursuivait ma lecture, le temps me paraissait tellement long. Je voulais que ces fichues heures s'écoulent le plus rapidement possible pour que je puisse le retrouver à l'aéroport.
Très tôt le matin, je me suis préparée puis j'ai quitté la villa pour aller aux studios. Il fallait que je prépare quelques interviews, et que j'aille ensuite voir le résultat de mon shooting photo avec Lera. Plus l'heure des retrouvailles approchait et plus je me sentais stressée, ou peut-être était-ce de l'euphorie ? Je n'arrivais pas encore à réaliser que j'allais le revoir. J'en avais rêvé, et je commençais à perdre espoir, mais il est là, enfin il sera là. Je n'avais même pas déjeuné, je n'avais pas faim, je me contentais de boire un peu d'eau et de manger quelques fruits rouges à la cuisine. Keith hantait mon esprit, je ne pouvais penser à autre chose. J'appelais ensuite mon chauffeur lui demandant de prendre une voiture avec des vitres fumées, pour être discrets. J'y montais ensuite, et après presque une heure de route, je suis enfin arrivée à destination. Mon cœur battait fort, j'étais heureuse mais j'avais aussi peur.. Peur de ne pas le voir, ou de voir ces blessures sur son visage.. enfin peu importe. Je prendrai soin de lui, il ne se blessera plus. J'attendais encore plusieurs minutes avant de le voir apparaître. Il était un peu comme un mirage, je n'en croyais pas mes yeux. Il s'était précipité pour venir vers moi, j'étais surprise, je ne pouvais plus bouger, jusqu'à ce qu'il me serre contre lui. C'est à ce moment là que j'ai vraiment réalisé qu'il était bien là. Je ne pouvais alors pas contrôler mes larmes, qui coulaient à flot. Je le serrais à mon tour, je touchais ses cheveux alors que sa tête était enfoui dans mon cou, y déposant un doux baiser. Je lui relevait doucement le visage, pour pouvoir mieux le contempler, j’effleure sa joue puis ensuite ses lèvres. Il y'avait quelques bleus, et des blessures. J'avais mal, je me sentais coupable, qu'il se fasse autant de mal, et que je puisse rien changer à cela. Je pleurais toujours, m'adressant enfin à lui, un sourire sincère aux lèvres, le premier depuis des mois. « Tu.. tu resteras toujours le plus beau. »