Je garai rapidement la voiture sur une place du parking de la résidence, arrêtai le moteur et essayai de me calmer. Quelque chose de difficile, puisque j'étais tout sauf calme depuis que j'avais quitté la maison il y avait quelques minutes. Non, même avant. Quand j'avais appris .. J'essayai de garder la tête froide. Ce n'était pas trop mon genre de m'énerver comme ça pourtant ! Mais là, c'était tellement bizarre comme situation. Je me sentais plus trahie qu'autre chose en fait. Par Lera et Alek. J'avais appris tout à l'heure qu'ils avaient couché ensemble pendant une soirée. Mes mains se crispèrent sur le volant, j'essayais de me détendre. Au bout de quelques minutes, je fus dans un état à peu près normal, au moins à l'extérieur car des pensées plus tordues les unes que les autres tournaient dans ma tête sans cesse. Je respirai un bon coup, puis attrapai mon sac à main resté sur le siège passager, ouvrai la portière et me retrouvai dehors. Je jetai un coup d'oeil rapide sur le parking, qui était assez près de la plage. Ca devait être assez cool pour endroit pour habiter. Je haussai les épaules. J'en avais rien à faire en fait. Qu'elle habite où elle veut !
Je me mordillai la lèvre, malgré moi je me demandais pourquoi je faisais ça. Je n'y étais pas obligée. Je pouvais laisser passer, faire comme si je ne savais rien et reprendre ma petite vie tranquille. Mais je crois que justement j'en avais assez de ma petite vie tranquille, qu'on se joue de moi. Je ne savais pas encore ce que j'allais dire à Lera, j'y allais vraiment .. en touriste. Il fallait dire que j'avais réagi au quart de tour quand j'avais appris la nouvelle. Furieuse, j'avais décidé de me rendre tout de suite chez Lera. Et puis une partie de moi trouvais que c'était dommage, car ça allait sûrement mal tourner avec Lera, et après tous ces « efforts » pour s'entendre mieux toutes les deux, j'allais sûrement tout gâcher. Comme d'habitude. Un rire nerveux m'échappa. Ce n'était pas vraiment mon jour ..
Je crois que j'étais venue juste une fois, mais je réussis à reconnaître les lieux. Je grimpai les escaliers jusqu'au premier étage et sonnai à la porte. Respirai un bon coup. Attendis.
Un bruit strident. Fort. Puissant. Agaçant. Par pitié éteignez-moi ça. Putain. Je veux dormir. Je suis fatiguée. Bordel, Skye ! Je grogne. Ca continue. Ca prend même de l’ampleur. Ce n’est pas son réveil. La sonnette. Génial. Si on peut même plus faire la grâce matinée tranquille, emmitouflée dans sa couette où allons-nous ? Je n’ai pas envie de me lever alors j’attends. La personne partira peut-être. Allez pitié, cassez-vous. Non, même pas. Elle insiste, encore et encore. Décidément quand les gens décidaient de vous faire chier, ils n’y allaient pas de main morte. Je me lève, de mauvaise grâce, prête à envoyer violemment bouler celui ou celle qui a osé écourter mon sommeil. Je suis tellement épuisée que c’est toute une manœuvre que de quitter mon lit et une autre, bien plus compliquée, que de me rendre jusqu’à la porte. J’ai l’impression d’avoir oublié comment marcher, c’est fou. Un pied. Un autre. Le gauche. Le droit. Eviter les obstacles. Trop tard, je me prends le mur de plein fouet. C’est vrai que ce n’est pas pratique d’avancer les yeux fermés mais je n’ai aucune envie de les ouvrir sinon, me connaissant, je ne pourrais les refermer avant un moment. Aie, j’ai mal. Ceci s’appelle un réveil en douceur. L’importun a intérêt d’avoir une bonne raison de me tirer ainsi de mon lit sinon elle va déguster. J’étais déjà imbuvable en temps normal, imaginez alors après une soirée durant laquelle je me suis littéralement arrachée la gueule au point de finir à l’envers. D’ailleurs en parlant de ça, je ne me souviens plus de rien. Bam. Black-out. Enfin, j’ai le souvenir de la soirée que nous avons passé dans l’hôpital désaffecté, mes danses, mes boissons puis la stupéfiante révélation. Comment j’aurais pu oublier ça d’ailleurs ? Le regard des invités posés sur Alek et moi, dont plus de la moitié me jugeaient. Habituellement, je m’en foutais pas mal de ce qu’on pouvait penser de moi, enfin quand je m’y étais préparée, mais là, ça avait été si soudain que j’ai un peu perdu pied, ce qui explique la manière dont j’ai fini la nuit. Enfin je ne m’étais pas montrée faible face à tout ce monde, bien au contraire, toujours fidèle à moi-même, fière, garce, provocante. On m’avait désormais octroyé un nouveau qualificatif, incestueuse. Génial, comme si j’avais besoin de ça en ce moment. Je me prends autre chose en pleine figure. Aie, mais bordel c’est douloureux. Je frotte doucement mon front puis me décide à enfin ouvrir les yeux. C’est ça ou je me retrouve avec le visage digne d’une femme battue. J’y arrive enfin. Je tourne la poignée. Une blonde. Anastasiya. Qu’est-ce qu’elle fout là ? Elle n'a pas l'air contente Elle ne me laisse même pas le temps de l’inviter à entrer qu’elle y est déjà. Cool, ça nous fera gagner du temps même si j’aurais préféré régler ça là en moins de deux. Tant pis. « Je t’en prie fais comme chez toi. » Lançai-je, faussement narquoise. « Abrège et dis-moi ce que tu fous là, j’aimerais bien retourner me pieuter » je suis sèche, véritablement. Ai-je dit que j’étais imbuvable ? J’espère pour elle que ce qu’elle a à me dire vaut cette intrusion.
J'attendis plusieurs minutes, mais il ne se passa rien. Sentant la colère repointer son nez - bordel, elle était même pas foutue d'ouvrir une porte ! -, je réappyais plusieurs fois sur le bouton de la sonette d'un geste rageur. J'avais toujours été du genre à passer ma colère sur des objets, eh bien cette sonette n'allait pas être épargnée jusqu'à ce que Lera ouvre la porte de son appartement. Je dû réappuyer plusieurs fois encore et attendre quelques minutes de plus pour qu'enfin, je vois la poignée tourner et Lera apparaître de l'autre côté. Sans même attendre qu'elle m'y invite, je franchit le seuil et me retrouvai à l'intérieur. Je me retournai vers elle, essayant de me calmer, mais la vue de cette ... avait fait remonter la colère en moi. Faire comme chez moi ? Oh mais pourquoi pas ! En fait, elle n'avait même pas besoin de me le dire, Anastasiya Tsekhov était chez elle partout, après tout. « Abrège et dis-moi ce que tu fous là, j’aimerais bien retourner me pieuter » me lança-t-elle d'un ton sec en se positionnant face à moi. Elle avait laissé la porte entrouverte, comme si elle espérait que je m'en aille aussi rapidement que j'étais arrivée. Elle voulait que j'abrège ? Tant mieux, moi aussi je préférais, je n'étais pas là pour perdre mon temps. « Est-ce que c'est vrai que t'as couché avec Alek ? » lui lançai-je à mon tour, la regardant dans les yeux.
Si elle espérait que son état allait m'adoucir, pas la peine d'y compter. Je ne savais pas ce qu'elle avait fait hier soir, mais elle était dans un sale état. Peut être avait-elle passé une autre nuit de folie avec son frère ? Rien qu'à cette pensée, je sentis la colère remonter. je m'efforçais de rester calme en attendant sa réponse. Oui, il y avait toujours le petit faux espoir que la rumeur soit fausse. Mais c'était tellement peu problable, que si elle niait je n'allais pas la croire.
Je reste debout, l’observant. J’ai qu’une putain d’envie retourner me coucher, j’ai dormi quoi, trois heures maximum. J’espère pour elle qu’elle a une raison valable pour venir me faire chier de si bon matin…Je ne sais même pas quelle heure il est et au fond, je m’en fiche pas mal. Tout ce que je veux là c’est qu’elle se casse et que je puisse enfin rejoindre mon lit. Elle en vient rapidement au fait, elle non plus ne semble pas vouloir s’éterniser dans mon appartement. Bonne chose, au moins sur ce point nous sommes sur la même longueur d’onde. Son regard reste ancré dans le mien tandis qu’elle pose sa question. Elle a fait tout ce chemin pour m’interroger sur ça ? J’ai du mal à le croire. Un sourire froid, glacial apparait sur mes lèvres. « Attends, t’es sérieuse là ? T’es venue me faire chier pour ça ? »Je ne cherche pas à comprendre. Je m’en fous de ses raisons ce qui m’agace c’est qu’elle ait tout ce chemin pour ça. Soudain, je me demande quelle relation peut bien la lier à mon frère…enfin frère, en voilà un autre terme qu’il faut que je songe à supprimer de mon vocabulaire. Nous n’avons plus rien de fraternel et j’en viens même à me demander si on l’a déjà eu un jour. « D’ailleurs qu’est-ce que ça peut te foutre que j’ai baisé avec lui ou pas ? » Mon sourire s’agrandit et mon ton la défie. Après tout c’est vrai, ce sont nos histoires qui ne regardent personnes d’autres que le principal concerné et moi-même. Et je digère mal le fait qu’elle soit venue me tirer de mon repos pour des broutilles du genre. Sérieusement, il ne faut pas déconner avec ça. Je soupire. Elle ne semble pas vouloir lâcher.« Ouais, j’ai couché avec Alek. »Je lâche avec exaspération. « Tu peux te tirer maintenant à moins que tu veuilles quelques astuces pour votre future baise ? » Une mine angélique. Un sourire narquois. Un regard railleur. Cette journée signera certainement la fin d'une amitié bancale.
Elle ne parut pas en revenir, comme si ma question était si ridicule qu'elle en était drôle. J'ai cru qu'elle allait éclater de rire d'ailleurs à un moment, mais elle ne le fit pas. Elle parut hésiter plusieurs secondes entre l'attitude détachée et blasée ou la froide et glaciale, qu'elle finit finalement par adopter. Oui, j'étais sérieuse. Oui, je venais la faire chier pour ça, et j'assumais mon rôle de chieuse jusqu'au bout. D'ailleurs, un peu plus ou un peu moins je faisais chier les gens, peu importait maintenant non ? J'avais ma réputation, autant la tenir jusqu'au bout. Surtout avec Lera. J'étais en train de foutre en l'air le semblant d'amitié qui était en train de former avec Lera ces dernières semaines et même derniers mois. Peu m'importait après tout. J'avais l'impression d'être détachée de tout en ce moment. Tout ce que je faisais pouvait avoir ces conséquences énormes, je m'en foutais complètement. C'était assez étrange comme sensation, mais aussi agréable. D'avoir l'impression de ne rien contrôler, de tout laisser se dérouler comme ça, sans intervenir. Comme si quelqu'un d'autre contrôlait pour vous. Mais si ça me permettait de faire ce que je voulais, tant mieux, j'irais jusqu'au bout.
Son sourire s'agrandissait au fur et à mesure que les secondes passaient et qu'elle comprenait sans doute ce qui était en train de se passer, pourquoi j'étais venue la voir elle, et pourquoi j'en avais quelque chose à faire qu'elle ait couché avec lui. « Ouais, j’ai couché avec Alek. » a-t-elle lâché au bout d'un moment. « Tu peux te tirer maintenant à moins que tu veuilles quelques astuces pour votre future baise ? » L'hypocrite ! La .. ! J'aurais pu la traiter de tous les noms qui bouillaient dans ma tête, mais il y en avait tellement qu'au final aucun ne sortit. « Merci mais je ne crois pas avoir besoin des conseils de quelqu'un comme toi. » répliquai-je donc d'un ton cinglant. Ok, le quelqu'un comme toi n'était pas très original mais au moins je ne perdais pas le contrôle pour le moment ! Quelqu'un comme elle. Baiser avec son propre frère. N'importe quoi. Je lui jetai un regard blasé comme pour lui montrer toutes l'indifférence qu'elle m'inspirait. Difficile, mais j'y arrivais quand même. « Et si tu crois que je vais te faire le plaisir de partir maintenant ! Tu peux rêver, je viens d'arriver. » A vrai dire, je ne savais même pas pourquoi je me donnais la peine de rester ici, avec elle. Je n'en avais strictement aucune envie, mais en même temps ça me faisait du bien de me défouler sur elle en quelque sorte. J'avais toujours été du genre à passer ma colère sur des objets ou des gens, même si la personne n'était pas concernée. Là je pouvais y aller sur Lera donc, en plus elle était directement visée par l'affaire. Je haussais un sourcil provocateur et retroussai mes lèvres en un petit sourire moqueur.
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