Harriet Beecher Stowe a dit une fois; les larmes les plus amer que l'on verse sur les tombes, viennent des mots que l'on n'a pas dit et des choses que l'on n'a pas faites On dit souvent que l'on ne peut pas savourer pleinement sa vie si on n'a pas frôlé la mort. Je suis plutôt d'accord. Je ne savais pas ce que c'était de vivre avant de me voir tomber lourdement sur le sol dans une mare de sang. Ce sang qui était le mien. Les quinze premières années de ma vie n'ont pas été importantes à mes yeux. Tellement futiles, insipides, que j'ai préféré les oublier. Celui de notre premier baiser, celui de nous deux nous faisant une promesse, j'ai tout oublié pour m'en forger des nouveaux, histoire de remodeler ma personnalité. Beaucoup de psychologues ont tenté de savoir ce que j'avais enfermé dans ma tête. Je l'ai mis si loin que des fois, il me semble incapable de m'en souvenir. Ce jour, ce fameux jour qui a tout fait basculé et qui a fait que plus rien ne serait comme avant.
17 novembre 2002,
banlieue de LondresJe venais de rentrer du lycée. 15 ans, un petit ami, des copines, la belle vie. Mes parents, natifs de Russie étaient venus au pays pour trouver du travail avec un bébé dans les bras et un autre à venir. Une petite sœur de dix ans de moins que moi, un beau chien, une belle maison. Rien ne laissait présager ce qui allait se produire. Après avoir quitté l'homme que je croyais être l'homme de ma vie, que j'étais naïve, je suis rentrée directement chez moi, studieuse. J'avais un contrôle d'une matière dont on a oublié le nom (chimie je crois) et je devais être rentrée avant le diner pour garder ma petite sœur. La nuit était tombée, les rues étaient désertes, il y avait encore de la neige de la tempête de la veille et je marchais vite. Là, on pourrait croire que quelqu'un m'a sauté dessus pour me tuer mais non. Ce qui a suivi fut bien pire. Nous habitions un petit pavillon. La palissade, etc. J'avais toujours mes clés sur moi mais je n'eus pas besoin de déverrouiller la porte, elle était déjà ouverte. Un murmure, j'appelle ma mère dans ma langue natale mais la maison resta silencieuse. On pourrait croire à un cliché mais elle était dans le noir le plus complet. J'entendis rien que mes pas et un bruit régulier de goutte qui tombait sur le sol. Je me décidai à allumer la lumière, inconsciente du danger. Elle m'aveugla quelques instants puis je perçus l'horreur digne d'un épisode de Dexter. Mon père était à terre dans les marches tentant de monter pour rejoindre un point alpha, éventré. Ses viscères étaient sortis de son corps et sur son visage, une expression terrifiée était peinte. Je poussais un hurlement avant de courir dans la cuisine pour vomir dans l'évier. Ma mère y était. Un couteau enfoncé dans le crâne, les mains en croix autour d'elle. Ses globes oculaires reposaient sur le plan de travail et me fixai. Je n'eus pas le temps de me demander si le chien et ma petite sœur avait subi un massacre. Une ombre surgit de derrière moi pour me défoncer le crâne sur le sommet de la gazinière avant de me trainer par les pieds dans le salon. Là, mon agresseur dont je ne percevais pas le visage mais seulement une forte odeur de tabac, de menthe et des yeux d'un bleu perçant me fit m'asseoir dans le siège. Trop sonnée par la précédente attaque, je ne réagis pas, comme une marionette. Puis, là, il sortit un scalpel avant de me l'enfoncer dans la gorge pour me la trancher en deux. Et cela en fut fini de Kathryna.
Sir Peter Ustinov a dit un jour; une surabondance de rêves s'accompagne malheureusement d'un nombre croissant de cauchemars Comment est-ce que j'ai pu survivre à une telle attaque ? Le voisinage avait entendu ma mère hurler et appeler les secours. Ils n'ont rien pu faire pour mes parents mais ma petite sœur, Kayla était cachée sous le lit avec le jeune chiot. Ils ont eu la vie sauve, je fus plongée dans le coma pendant une année entière. Et un seul mot me permit de revenir ;oubli. Après l’épisode de Londres, ma sœur et moi avons pris une fausse identité, protégées par Interpol. Trop curieuse et perspicace, j'ai compris que l'homme qui nous avait attaqués, n'en était pas à son premier coup. Serial killeur, il tuait des familles complètes pour prendre leur place et même encore aujourd'hui, il n'a jamais été arrêté. Nous fume renvoyés en Russie, dans un petit village non loin du Sahara où l'on put grandir avec notre grand-mère maternelle, Magdalena. Sous ses apparences de bonnes vieilles grand-mères, se cachait un véritable loup. Âgée de soixante-quinze ans, ma grand-mère avait tué du nazi avec une carabine (histoire vraie) avant de travailler main dans la main avec les Russes ayant été mariée à un agent du KGB. Mon père, son fils, était quelqu'un de bien. Instituteur, il n'avait pas hérité des gênes meurtriers des racines de ma famille, ma sœur et moi... si. Véritable fardeau, nous avons eu un professeur pour nous aider à combiner ce talent avec la vie réelle.
23 décembre 2004,
petit village de RussieJ'étais assise à table, mon flingue posé devant moi, mes cheveux bruns coiffés en queue de cheval. «
Que vas-tu faire de ta vie Kathryna ? » Je détestai qu'elle m'appelle par mon nom complet. Je la regardai en haussant le sourcil avant de me mordre la lèvre inférieure. Je n’ai jamais eu de tempérament violent bien au contraire. Ma sœur, oui. Moi non, je suis une pile sous médicaments. Dès mon jeune âge, au lendemain des meurtres, je suis devenue hyperactive avec un léger syndrome de Peter Pan. Je refuse de grandir, je reste une enfant et cela me va parfaitement comme ça. Ma grand-mère me laisse donc hors de ses affaires de famille et cela me va bien. «
Fleuriste. » Je veux m’éloigner de toute cette violence, je veux partir loin de ma mère patrie pour aller au pays où tout nous réussit, les Etats-Unis. «
Tu viens avec moi ? » Elle a hoché la tête et nous sommes parties toutes les trois en quête d’un renouveau. D’une renaissance même.
Le poète W.H. Auden a écrit; le mal n'est jamais spectaculaire, il a toujours forme humaine, il partage notre lit, et mange à notre table.Je vois le diable toutes les nuits en rêve. Je n’en dors plus, je ne sais que faire. Me battre mais contre qui ? Bien que je sois fleuriste, Magda a voulu m’apprendre à tirer. A la carabine. C’est d’ailleurs comme ça que je l’ai rencontré. Il ne comprend pas ce que je suis car je ne lui ai pas dit mais j’ai l’impression qu’une ombre plane au-dessus de moi, que mon bourreau n’est jamais loin. Dans la rue, je regarde les visages et je crois sentir son odeur, cette odeur qui ne m’a jamais quitté.
1er janvier 2012,
Philadelphie.
Je déglutis en posant mon regard sur Charlie avant de me gratter la tête. Bien que je l’aimais, je n’arrivais pas à m’accrocher pleinement. C’est comme ci mon cœur appartenait à quelqu’un d’autre. «
Tu veux bien m’épouser ? » Il m’avait maintes fois posé la question mais je ne rendais jamais réponse. J’avais peur de ne plus le revoir à chaque fois. Alors, je pris mon courage à deux mains avant de lui donner ce qu’il voulait. «
Oui. »’ Fiancée, à mon âge. Je m’occupe de ma sœur de 17 ans, de ma grand-mère qui est tout aussi âgée et ce n’est pas facile. « Viens avec moi à San Francisco, le suppliais-je quasiment en larmes. » Il refusa, il devait repartir… Me quitter à nouveau. J’ignorai que cela serait pour toujours malheureusement.
"
Nous sommes nés seuls, nous vivons seuls, nous mourons seuls ce n'est que par notre amour et l'amitié que nous pouvons créer l'illusion d'un instant que nous ne sommes pas seuls." - Orson Welles. San Francisco, ville de tous mes espoirs. Je pensais y fonder une famille, un foyer mais j’ignorai que j’allais y perdre la vie.
3 juillet 2012,
Arrivée à San FranciscoThe show must go on.