Le destin existe. Et la fatalité aussi. Même si les gens vous disent que vous pouvez faire ce que vous voulez de votre vie, vous devez savoir que c’est faux. Au fond de nous, on a tous la conviction qu’on va être obligé de prendre telle ou telle direction dans le futur, et qu’on n’aura de toute façon pas le choix. « Puisses-tu être le digne héritier de ton père », qu’ils m’ont dit alors que je n’avais que seize ans… une phrase qui a scellé ma carrière dès le moment où elle a été prononcée. Si je suis mécontent de celle-ci ? Non, pas vraiment… j’aime mon métier, je suis fier de mon Nom et je compte faire respecter la mémoire de mon paternel encore longtemps. Mais il vaudrait mieux que je commence par le commencement pour que tout le monde s’y retrouve.
Je suis né à Liverpool le 18 février 1989, une date à laquelle aucune excuse n’est assez bonne pour me faire manquer un gâteau d’anniversaire, même lorsque je suis seul en mission. Il faut dire que ma mère, coiffeuse de profession, a toujours tenu aux petites traditions familiales ainsi qu’à une éducation correcte pour son fils, ce qui fait que je suis devenu une personne plutôt équilibrée aujourd’hui. Pour ne pas m’étaler plus longtemps, disons je dois énormément à cette femme, d’autant plus qu’elle a été particulièrement présente du début a la fin pour moi. Concernant mon père, j’avais moins de proximité avec lui en raison du fait qu’il n’était à la maison que de temps en temps, une semaine sur deux, deux semaines sur huit… c’était variable… mais je crois ne pas l’avoir mal vécut en tant que gamin, hormis lorsque mes parents refusaient de m’expliquer pourquoi l’homme de la famille n’était présent que par intermittences. Et wow, j’ai du attendre d’avoir la majorité sexuelle avant de découvrir enfin qui était Oliver Reed ! Super ! 16 ans passés à me demander ce qu’il faisait comme boulot. Je lui en ai pas mal voulu au début, mais lorsque la crise est passée, j’ai mieux compris son choix de ne rien dire : il voulait simplement me protéger.
Bref… quand j’ai eu dix ans, nous avons déménagé à New York et ma mère a cessé de travailler pour se contenter de rester à la maison. C’était rassurant pour moi car j’avais besoin de m’acclimater à la grande ville et elle était mon point d’attache en toutes circonstances. Durant mon adolescence, j’ai enchaîné les écoles privées et me suis rapproché de mon père en partageant plus d’activités avec lui. Malheureusement, impossible de lui arracher un mot concernant son job… il trouvait toujours le moyen de me donner suffisamment d’informations pour que je cesse de poser des questions, mais jamais assez pour que je puisse comprendre clairement de quoi il retournait.
Et là, c’est le moment que vous attendez tous, je vais brièvement vous parler de ce jour maudit où la vérité m’a éclaté à la figure.
Je rentrais tranquillement des cours tandis que devant la maison était garée une voiture noire comme on en voit dans les films - et qui annoncent toujours de mauvaises nouvelles. Bingo. Quand j’ai poussé la porte d’entrée, j’ai entendu des voix dans le salon... ma mère, en larmes, discutait avec deux types en costume. Je suis timidement entré dans la pièce avec mon sac sur l’épaule, et l’attention des trois locuteurs s’est tournée vers moi. C’est là, à ce moment précis, que tout a basculé. Mon père « était mort en mission ». Mon père était agent secret du CIA. Mon père… m’avait caché sa véritable identité pendant plus de quinze ans. Et il était décédé avant même de partager sa vérité avec moi… parti en emportant son mensonge dans la tombe.
Vous devez mieux me comprendre à présent, non ? Pourquoi je lui en ai voulu même s’il était mort. Je me suis posé beaucoup de questions dans les semaines qui ont suivi, et c’était difficile de jongler entre ça et les cours parce qu’il fallait que je m’occupe aussi de ma mère qui n’allait pas bien. Un véritable enfer que cette période ! Quoi qu’il en soit, j’avais besoin de réponses a toutes mes interrogations, et pour les obtenir il n’y avait qu’un seul moyen : suivre les traces d’Oliver Reed. Je me disais que j’en apprendrais sans doute plus sur lui en intégrant le CIA moi aussi, et je n’ai pas eu tort jusqu’à maintenant.
Voila donc l’histoire… et comment j’en suis arrivé a être agent sous couverture, obligé à mon tour de mentir a mon entourage pour ne pas attirer les problèmes sur eux, poussé a voyager un peu partout sur le globe pour des missions. En parlant de ça, il y en a une dont je me souviens très bien et qui s’est passée aux Philippines. Ah, je vais vraiment paraître pitoyable là, mais j’ai rencontré une fille sur place qui m’a fait complètement craquer et qui m’aurait presque donné envie de démissionner pour rester avec elle. Presque. À cause de mon boulot, j’ai été obligé de quitter l’endroit en vitesse pour traquer les suspects qui avaient fini par se déplacer. Pas de nouvelles de ma part du jour au lendemain, rien. J’ai sûrement dû passer pour un gros connard de service à cause de ça. En tout cas, lorsque l’affaire a été bouclée, je me suis permis de prendre un peu de vacances pour –c’est stupide de dire ça bon sang– retrouver Mademoiselle « je t’aime trop, je te suivrai jusqu’au bout du monde, lalalalalalala ». Je crois que j’exagère un peu au niveau de la disproportion de tout ça, non ? C’est qu’une fille après tout. Ark, en plus on sait très bien que James Bond a jamais pu se trouver une copine a cause de son job, alors je vois pas comment moi je pourrais a moins de me reconvertir en éleveur de chats.
Soit, je suis à San Francisco depuis quelques temps maintenant, m’étant arrangé pour être muté là bas. Reste plus qu’à me lancer pour la suite… et essayer de pas me prendre un rateau.