Bliss & Calixte

« Rêvez comme si vous alliez vivre pour toujours. »

" Journée magnifique aujourd'hui sur l'ensemble de l'état. San Francisco profitera d'un soleil radieux et d'une température qui atteindra les 28°C en ce début d'été. Un temps parfait pour aller à la plage donc. La température de la mer, elle, sera de ..."

- Ta gueule.

Calixte sortit la main depuis la porte de la salle de bains, armé de la télécommande et changea la chaîne rapidement. A force de zapper, il tomba sur les dessins animés qui lui étaient plus agréables que la voix nasillarde de la présentatrice météo. C'était un dessin animé récent qu'il ne connaissait même pas, signe qu'il commençait à sérieusement se faire vieux. Devant le miroir, il s'observa attentivement, à la recherche de la moindre trace de cette vieillesse. Trace qui n'apparaissait visiblement pas. Les premiers neurones disparaissaient à partir de vingt ans; autrement dit, même si cela ne se voyait pas, il devenait effectivement vieux ce qui n'était pas pour le rassurer. Et dire que, quand il était jeune, il voulait absolument grandir pour devenir astronaute. Tous ces rêves étaient bien loin désormais; il n'était qu'un pauvre mécanicien qui gagnait certes bien sa vie mais qui n'était pas non plus plein aux as et qui ne faisait pas ce dont il avait toujours rêver. S'il avait étudié plus dur, s'il pouvait revenir dans le passé, peut-être aurait-il pu. C'est en disant que la vie était bien triste qu'il ouvrit son paquet de cigarettes et en sortit une avant de l'allumer avec son briquet qui traînait toujours dans sa poche. Il se rasa, se parfuma et s'habilla avant de se préparer à sortir. C'était rare qu'il sorte quand il faisait chaud mais il ne voulait pas rester dans l'appartement laissé vide par le départ de sa colocataire, partie étudier. Il ferma toutes les fenêtres et éteint le poste de télévision. Il prit ensuite quelques affaires de première nécessité avec lui comme son téléphone portable en cas d'urgence, un peu d'argent, son briquet et son paquet de cigarettes. Il emporta également son vieux mp3 qui marchait encore malgré le fait qu'il commençait à devenir lui aussi assez vieux. Objet de valeur sentimental, il n'osait pas le jeter à la poubelle. Une fois qu'il eut tout pris, il se dirigea vers la porte, inspecta une dernière fois l'appartement bordélique puis ferma la porte. Il chercha les clefs dans ses poches puis, les trouvant, verrouilla l'unique entrée. La dernière chose qu'il fit avant de descendre l'escalier fut de s'étirer, prenant son courage à deux mains pour oser sortir par ce temps qu'il jugeait sordide. Eternel scandinave dans l'âme, il préférait le froid, la neige et la pluie au chaud, au soleil et à la chaleur.

Une fois dehors, il sentit la chaleur s'engouffrer dans ses vêtements, chaleur absolument atroce et chaleur absolument envahissante. Il se demanda soudain pourquoi il avait tant voulu aller dehors par ce temps qu'il trouvait absolument exécrable. Il fallait croire qu'il n'en pouvait plus de l'appartement mal rangé. Il avait simplement besoin d'air. Le Norvégien avait décidé de sortir seul. Il aurait très bien pu appeler un de ses amis à la rescousse pour sortir quelque part, se faire un cinéma ou tout simplement boire quelque chose au café mais il se disait que prendre l'air signifiait aussi s'éloigner de toute contrainte. Dans la rue, pas mal de gens se bousculaient, des gens de toute condition. Calixte leur prêta une maigre attention et se joignit à la foule pullulante d'Américains -et de touristes- bien qu'il n'en ressente pas forcément une grande envie. Il marcha ainsi de longues minutes, sans ne vraiment savoir où il allait. Il laissait ses pieds le guider, sa cigarette dans la bouche à laquelle il touchait à peine. Ces derniers temps, il n'avait franchement pas envie de voir grand monde. Il se demandait s'il devenait asocial ou bien s'il retrouvait un certain goût à la solitude qu'il avait côtoyé de si près quand il était jeune. Alors qu'il levait les yeux pour voir où il se dirigeait, il aperçut de longs cheveux blonds qu'il crut reconnaître. Ce qu'il prit d'abord pour une hallucination se confirma. Il connaissait cette silhouette. Mais, étant donné qu'elle lui tournait le dos, il ne pouvait véritablement savoir qui était cette personne puisqu'en plus de cela, il était tout sauf physionomiste. Il entreprit alors de suivre discrètement la personne. Cal se dit que c'était un peu dangereux et un peu extrême comme méthode. Mais vu qu'il n'avait rien à faire, il se rasséréna en se disant que cela l'occuperait un tant soit peu. Il laissait la silhouette féminine prendre un peu d'avance sur lui afin de ne pas se faire remarquer. Il se glissa parmi les gens, avec assez de discrétion pour ne pas se faire remarquer; il y avait tellement de monde que la tâche ne fût pas ardue.

Ce ne fut qu'après quelques minutes d'observation et une réflexion intense que Calixte percuta que la jeune femme qu'il suivait n'était autre que Bliss. Une amie assez maladroite sur laquelle il veillait quand il le pouvait. Malgré ses efforts, elle l'était toujours et il se demandait parfois comment elle avait réussit à survivre jusque là tant sa maladresse était. C'est donc avec le sourire qu'il continua de la suivre à travers les rues. Parfois, elle s'arrêtait, visiblement pour parler avec des personnes qui étaient sûrement des fans. Cal les regarda de loin, sans ne rien faire. Il ne voulait pas se faire remarquer; déjà que quelques rumeurs couraient sur son amie et lui. Surtout qu'il savait très bien que son amie avait un petit copain qu'elle aimait; le scandinave ne voulait pas dérégler leur vie bien réglée et surtout il n'était pas amoureux de la jeune femme. Bien sûr, il veillait à sa sûreté car il lui avait proposé, il faisait attention à elle comme à un objet précieux car il commençait à la connaître. Elle était timide et elle ne semblait pas à l'aise avec sa notoriété grandiloquente. Il savait qu'à sa place, il se sentirait incroyablement mal à l'aise. Alors, il voulait l'aider, ne serait-ce qu'un peu, alléger le poids de sa vie. C'est, perdu dans ses pensées, que Calixte perdit quelques secondes la vue de la jolie blonde. Se frayant un chemin parmi la foule, il la vit et se rapprocha, décidant finalement d'aller lui parler. Cela faisait quelques temps qu'ils ne s'étaient pas vus ou n'avaient pas parlés et il se dit que, finalement, il avait envie de discuter avec quelqu'un, n'aurait-ce été que pour le plaisir. Il écrasa sa cigarette et se dirigea d'un pas décidé vers elle. Ce fut précisément à ce moment que Bliss glissa sur le sol, visiblement sans raison. Son ami courut et ... La rattrapa juste avant qu'elle ne tombe. La jeune femme aurait plutôt dû s'attendre à se prendre le sol plutôt qu'à tomber dans les bras du Norvégien qui, avait retenu son souffle, terrifié qu'elle se ramène avec une nouvelle blessure ou qu'elle doive encore se faire soigner. C'est avec un grand sourire exaspéré qu'il la regarda mais ne la lâcha pas, de peur qu'elle ne tombe à nouveau.

- Tu me tombe dans les bras, toi maintenant ?

C'est avec un nouveau sourire qu'il la remit sur pied et l'inspecta afin de ne voir qu'elle ne s'était pas blessé en attendant une quelconque réponse. Les gens autour d'eux semblaient les regarder eux aussi avec un sourire; Calixte fut tenté de leur adresser un geste peu élégant mais il se retint, notamment pour son amie dont la notoriété n'était plus à faire. Il ne voulait surtout pas lui emmener de nouveaux ennuis.

Bliss & Calixte

« Rêvez comme si vous alliez vivre pour toujours. »

" Calixte regarda son amie en souriant, sa maladresse était presque maladive. Il fallait dire qu'avec une jupe aussi longue, il n'y avait pas à s'étonner de la chute qu'elle avait failli faire. Et puis, Cal y était habitué désormais. Il était en quelque sorte son garde du corps enfin, il essayait de lui éviter de mourir ou au moins de se blesser. Ce qui trouvait être une tâche assez compliquée avec elle. Mais puisqu'il l'appréciait plutôt bien et admirait son travail d'auteure, cela ne lui posait pas de problèmes. La seule chose qui aurait pu le déranger étaient les rumeurs qui couraient déjà et qui se faisaient de plus en plus nombreuses. Calixte n'y était absolument pas habitué et il ne s'était jamais douté que le monde des médias puisse être aussi dangereux. Bien sûr, il regardait parfois les couvertures de magazine people par curiosité mais ne les lisaient réellement, trop occupé ou se disant que les trois quart de ce qui était écrit était faux. Bref, ce monde de strass et de paillettes était tout sauf pour lui, il n'y connaissait rien et il s'en moquait considérablement. Etre connu impliquait de ne jamais faire d'erreurs, de devoir se cacher parfois, de devoir mentir souvent, de faire semblant d'être parfait devant tous ces gens. Et devoir jouer ce double jeu devait être éreintant. On ne pouvait plus vivre sans être pris en photo. Enfin, c'était ainsi que le norvégien l'imaginait. Peut-être que ce monde avait des qualités qu'il le connaissait pas après tout. Tant de personnes voulaient en être que ce monde devait parfois être merveilleux. Mais il savait que, lui, n'était pas fait pour cela. Il préférait rester dans l'ombre, bien sagement, quitte à mourir tranquillement dans un coin sans que personne ne soit au courant. Cela ne le dérangeait pas. Quand il voyait que son amie avait du mal à gérer sa vie professionnelle et sa vie privée, il éprouvait une grande compassion mais aussi beaucoup d'admiration pour ce qu'elle faisait. Il ne lui avait jamais dit évidemment mais avec ce qu'elle avait vécu, il considérait qu'elle avait beaucoup de courage; lui n'aurait jamais pu faire quelque chose comme cela.

Quand Calixte rattrapa Bliss avec rapidité et précision, il ne put s'empêcher de se féliciter intérieurement d'avoir d'assez bons réflexes. Il s'en serait voulu s'il l'avait vu tombé et qu'il n'aurait rien pu faire à part constater le choc de sa chute. Suite à ce qu'il dit, son amie eut un grand rire qui résonna dans la rue et qui s'éteint doucement. Ce rire lui fit un bien fou et il se rendit compte qu'il était vraiment heureux d'avoir trouver son amie dans la rue bien qu'il pensait vouloir passer sa journée seule. Finalement, il se dit qu'on était toujours bien entouré de ses amis. La blonde le remercia rapidement et lui tapa l'épaule comme pour confirmer ses dires, comme pour un petit animal ce qui retira un nouveau sourire au scandinave. Elle lui annonça qu'elle le nommerait maintenant Superman ce qui le fit rire également. Elle avait toujours ce genre d'idées qui lui mettait du baume au cœur. Pour une journée qui avait mal commencée, tout commençait à gentiment s'arranger, comme dans les films où le héros rencontre des difficultés et rencontre également des amis sur qui il peut compter par la suite. Puisqu'il ne répondit pas, Bliss se mit sur la pointe des pieds -puisqu'elle était légèrement plus petite que lui- et lui fit la bise avec politesse et gentillesse. La seule chose qu'il pensa était les paparazzis mais il ne vérifia pas autour de lui s'il y en avait. Il considérait qu'il avait encore le droit d'être avec une amie et de profiter de quelques moments d'intimité. Puis, levant finalement les yeux, il n'aperçut personne dans la foule avec un appareil photo. Il faut dire qu'il y avait pas mal de monde aussi sa vision le trompait-il mais tant pis. Qu'aurait-il put faire de toute façon ? A part donner une raclée au photographe et écraser l'appareil photo au risque d'attirer d'autres paparazzis n'était franchement pas conseillé. Autant profiter d'un moment au calme.

- Bien Superman, comment va tu ? Que fais-tu en ville ?

Il grimaça en entendant le surnom, il allait sûrement rester désormais; il n'y avait pas à dire, cette fille était réellement imprévisible.

- Si tu m'appelle Superman, je vais me considérer comme un héros et prendre la grosse tête tu sais ...

Il eut un léger sourire qui s'effaça promptement avant de passer sa main dans les cheveux de Bliss pour les décoiffer gentiment puis il jeta un œil à sa tenue. Un débardeur au moins deux fois trop grand et une jupe qui traînait à même le sol, expliquant la chute qu'elle avait manqué de faire. Non seulement elle était maladroite mais en plus elle faisait des choix qui empirait cette maladresse. Il ne put s'empêcher de se dire qu'elle était irrécupérable; mais après tout, c'était comme ça qu'il l'appréciait. Sans cette maladresse, ce serait pas son amie. Parfois, il avait l'impression que c'était un petit animal, un petit animal mignon évidemment comme un écureuil ou quelque comme ça, sur lequel il fallait veiller au risque qu'il ne fasse des bêtises. Après quelques secondes de silence, il prit la peine de répondre aux deux questions qu'elle lui avait posé auparavant.

- Je vais plutôt bien, je m'ennuyais dans mon grand appartement, je me suis dis que de l'air me ferait du bien. Mais il y a un peu trop de monde à mon goût ... Et toi Miss Catastrophe, je te retourne les deux questions.

Calixte tourna soudainement la tête croyant voir un flash d'appareil photo qui disparut instantanément. Il espérait que ce n'était qu'une hallucination et que dès demain, leur photo n'apparaîtrait pas dans un quelconque magazine. Sinon, c'était encore Peter qui lui reprocherait. Il fallait dire que leur relation était tendue; bien que Cal' le taquinait, il comprenait la jalousie qu'il pouvait éprouver. Malgré tout, il faisait pareil alors Bliss n'avait pas à se gêner. Il se reconcentra sur son amie qui lui répondit.