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William H. Weinmeister
William H. Weinmeister
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AVATAR : Theo Hutchcraft
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Sam 19 Mai - 12:02



Le bruit de pluie de la douche s’arrêta subitement, laissant ensuite entendre les portes de la cabine s’ouvrir. J’allongeais un bras pour me saisir d’une serviette et me frotter la tête et le corps avec, puis sortis de la salle de bain en gardant le linge autour des hanches. La météo semblait plutôt clémente ce soir, mais ces beaux jours commençaient légèrement à me taper sur les nerfs car je ne pouvais pas faire quoi que ce soit tant qu’il n’y aurait pas de tempête en ville. Bien que pour l’instant, mes préoccupations principales étaient d’en finir avec l’emménagement des meubles chez moi et de me faire des marques sur mon lieu de travail, j’avais déjà orchestré l’exécution d’un homme sorti de prison le mois passé et ayant déjà reprit ses mauvaises habitudes envers ses enfants. De ce que j’avais récupéré comme informations sur lui, il semblerait que les orages avaient tendance à lui rappeler de mauvais souvenirs remontant à lorsque sa mère abusait de lui certaines nuits, puis l’enfermait dans son armoire a habits. Peu importe les excuses qu’il trouverait pour justifier son comportement envers sa propre descendance une fois qu’il serait ligoté sur la table d’opération que j’avais méticuleusement agencée pour lui, son destin était scellé depuis que je l’avais pris pour cible. De mon côté, tout était déjà prêt, les locaux, l’ambiance, les photos souvenir qui serviraient à le torturer un peu. Je n’attendais que sur la météo pour aller chercher mon patient là où il se trouverait, et l’opération se ferait sans anesthésie générale.

Après avoir enfilé un pantalon et une chemise blanche, j’allumais le lecteur CD de la chambre d’hôtel où je résidais temporairement, puis retournais à la salle de bain afin de mettre ma boucle d’oreille et me coiffer correctement jusqu’à ce qu’aucun cheveux ne dépasse. Impeccable, comme à chaque occasion de m’entretenir avec une personne dont j’appréciais la compagnie. Aujourd’hui, rendez-vous dans une demi-heure en bas du bâtiment où je me trouvais. Même si passer mes soirées avec des femmes juste pour discuter n’était généralement pas mon passe-temps favori, je faisais des exceptions pour certaines d’entre-elles, comme par exemple Ms. Lera. Elle avait obtenu ma sympathie il y a bien deux ans et demi de cela si je ne me trompe pas, mais cela faisait 19 mois qu’on n’avait pas eu de contact. Après tout, nos rencontres passées n’avaient lieu que parce que je la payais pour m’accompagner et me distraire lors des soirées ennuyeuses mais obligatoires pour le bien de ma carrière et le maintien de ma notoriété. Je tenais a ce que le Nom de mon père ne se perde pas après sa mort, c’était donc de mon devoir de garder notre famille en haut des listes d’invités lors de n’importe quelle fête mondaine.

Passons. Je finis de me préparer en fixant une montre à mon poignet et en enfilant un par-dessus sur mon veston, puis lançais un dernier coup d’œil à mon Smartphone pour vérifier mes e-mails. Rien. Parfait, il n’y avait plus qu’à descendre et attendre mon invitée dans le hall d’entrée de l’hôtel, ce que je fis suite a mon rituel de dernière minute qui consistait à ouvrir un porte-cartes dans lequel étaient regroupées une trentaine de petites photos noir-blanc immortalisant des personnes assises sur une chaise et vêtues d’une chemise d’hôpital. J’avais hâte de compléter ma collection…

Après quelques secondes de contemplation du dernier cliché qui m’aida a me remémorer comment s’était passé la mise a mort d’une folle qui avait bien failli me filer entre les doigts, je refermais mon album souvenir et le rangeais derrière un tableau accroché au mur. Bien ! À présent, allons donc aux retrouvailles.
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Lera-Ann Litwinski-Vilte
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Dim 20 Mai - 18:56




WILLIAM & LERA

« MEET AGAIN BETWEEN HEAVEN AND HELL »


Je tirai sur ma cigarette et l’effet fut immédiat, mes muscles se détendirent. J’avais toujours eu horreur des hôpitaux et l’ironie voulait que j’y sois plus souvent que je ne l’aurais désiré. Décidément la vie semblait m’avoir choisie comme jouet personnel. J’en aurais presque été honorée si je ne devais pas constamment faire face aux choses dont je voulais me débarrasser. Je soupirai, lasse et fatiguée. C’était exténuant que de devoir combattre constamment. Ce n’était pas vivre. L’avais-je déjà fait un jour ? Je n’en avais pas le souvenir. Mon existence était un dur et long combat pour me maintenir la tête hors de l’eau. Oui, cela résumait assez bien la situation.

Je jetai un regard à mon portable. 18h45. Je n’avais pas le temps de retourner à l’appartement me changer. Je ne pensais pas que ma visite à Eliott aurait mis autant de temps. Et m’aurait tant bouleversé au point que j’en verse quelques larmes. Je me souvenais que lorsqu’il m’avait appris la nouvelle, j’avais manqué de tomber de ma chaise. C’était si soudain et si brutal. Un accident est si vite arrivé comme dirait la prévention de la sécurité routière et c’était vrai. Tout comme un bon pourcentage d’adolescents et de jeunes adultes, je n’y croyais pas vraiment pourtant c’était vrai. Et le coma, bien que bref, d’Eliott en était une preuve. De même pour sa paralysie passagère. Je m’étais rendu compte que je m’étais réellement attaché à ce jeune homme, bien plus que je ne l’aurais songé. J’avais pour habitude de mettre une barrière entre moi et les autres, même avec ceux dont j’étais proche, un poignard dans le dos est rapide à exécuter, mais je rendais au et à mesure compte que ce n’était plus le cas. C’était effrayant. Je n’aimais pas ça, me retrouver à la merci de quelqu’un, soit-il proche de moi ou non. Je m’étais déjà donnée dans le passé, aveuglement, sans retenu et voyons où cela m’avait menée. Je soupirai une nouvelle fois, balançant ma cigarette dans l’engin prévu à cet effet.

Je fis une brève escale aux toilettes afin de réparer les dégâts de ma visite puisque je ne pouvais retourner chez moi. Malheureusement c’était un combat perdu d’avance. Je n’étais pas comme toutes ces filles qui sortaient toujours avec leur trousse de maquillage, leur brosse à cheveux ou que sais-je encore. Je trouvais cela démesurément stupide, bien que cela ait pu m’être utile aujourd’hui. Je soufflai en fixant mon reflet amaigri aux yeux rouges et à la chevelure paillassonne. Je décidai de m’attacher les cheveux en un chignon haut et m’hydratai un peu le visage puis sortis. Tant pis. Il n’était plus question de perdre plus de temps avec quelque chose qui ne pouvait être modifié et je ne désirais pas être en retard, ayant une sainte horreur de cela.

J’avais rendez-vous avec William, une personne que je n’aurais jamais imaginé revoir, spécialement à San Francisco. En fait ce n’était pas si surprenant que cela, cette ville regorgeait de plusieurs grands hôpitaux, il était donc normal qu’une personne de sa renommée se retrouve ici. Néanmoins, j’avais la désagréable sensation que tous les fantômes de mon passé s’étaient donné rendez-vous dans cette ville. Après Gareth que j’avais cru apercevoir, maintenant William. Un jour croiserais-je ma mère en vie que cela ne m’étonnerait même pas. Je montai dans le métro, toujours dans mes pensées. C’était quand même étrange de revoir son client, dans d’autres situations. On eut dit de vieux amis qui ne s’étaient pas vus depuis longtemps et qui s’étaient donné rendez-vous pour un café. Bizarre. Surtout que William et moi n’étions pas du tout amis. Je n’aurais su décrire la relation que nous entretenions, mais ce n’était pas de l’amitié à proprement parlé. Je l’appréciais beaucoup et je lui serais éternellement redevable pour ce qu’il avait fait pour moi, mais je ressentais également de la peur à son égard. J’avais vu ce dont il était capable et cela m’avait glacé le sang. Malgré tout cela, j’étais en chemin pour le rencontrer. Sans lui je serais sans doute encore la chose de Dashawn. Un autre épisode de mon existence que je souhaitais oublier. Il m'avait sauvée, littéralement, et ce n'était pas un fait négligeable.

Je me dirigeai désormais vers le lieu de rendez-vous et ne me rendis compte du luxe de l’hôtel que quand je fus à l’intérieur. Je ne venais pas souvent dans ce coin et cela ne me surprenait pas que William y ait élu domicile. Lorsque je l’accompagnais dans le passé, c’étaient toujours dans des endroits somptueux et des réceptions aussi ennuyeuses que fastueuses. Je l’aperçus immédiatement, m’attendant dans le hall. Il était toujours aussi charismatique et il se dégageait quelque chose de particulier. Quelque chose que bien des mois plus tard, je n’arrivais toujours pas à nommer. Enlevant mon casque, je m’avançai vers lui sous le regard inquisiteur du personnel et des autres clients. Il était vrai qu’avec mes Docs Martins noires, mon slim de la même couleur, mon débardeur, ma veste cuir et mes yeux gonflés par les larmes, je n’avais pas réellement le profil d’une cliente de l’hôtel. Je fixai une dame sur ma droite qui me lorgnait d’un regard méprisant que je soutins, un sourire impudent aux lèvres jusqu’à ce qu’elle baisse la tête puis reportai mon attention sur William. « Salut ! » lançai-je. Je ne savais comment agir avec lui, je ne savais si je devais lui faire la bise ou lui tendre la main. Je me contentai donc d’un petit sourire amical et d’un signe de la main. « Je remarque que tu as réussi à trouver le chemin du retour. » C’était clin d’œil à la publication sur Facebook sur laquelle il disait s’être perdu dans les rues de San Francisco. Drôle de manière de lancer la conversation, mais je n’avais rien trouvé d’autre. « Comment vas-tu ? » demandai-je en vrillant mes prunelles dans les siennes.
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William H. Weinmeister
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Dim 20 Mai - 20:54


L’arrivée de Lera me fit décrocher un sourire incontrôlé. La revoir me rappelait pourquoi j’aimais passer du temps avec elle et également comment j’étais parvenu à survivre aux soirées lassantes par le passé, en en gardant même de bons souvenirs. C’est que la jeune femme parvenait à me surprendre constamment, et je ne savais jamais dans quel état elle allait se présenter à moi. C’était plutôt fâcheux cependant, j’allais devoir revoir le plan pour ce soir et l’adapter en fonction de sa tenue qui n’aurait pas passé dans tous les restaurants de la ville.

Tout en ignorant les individus autour de nous, je m’approchais de la jeune femme et croisais mes mains tout en posant le regard sur son visage alors qu’elle m’adressait la parole. Un demi-rire m’échappa suite à son sous-entendu concernant mon incident d’hier, et je pris la peine d’ignorer le fait qu’elle semblait se remettre tout juste d’un gros choc émotionnel. Ce n’était pas mon genre de m’attarder sur les malheurs des gens lorsque je savais qu’ils n’aimaient pas en parler, et dans le cas de Lera, j’étais conscient qu’elle préférait sans doute qu’on n’insiste pas sur les siens. De plus, nous venions de nous revoir après un an et demi sans avoir échangé la moindre nouvelle, mieux valait donc laisser le travail de réconfort a ses amis intimes, n’est-ce pas ? Par respect, j’agis donc comme si je n’avais pas remarqué qu’elle était retournée de l’intérieur.

« Oui, en effet ! Heureusement qu’un taxi passait par là ou j’aurais… »


Quelques mots désagréables parvinrent a mes oreilles, et je me retins de tourner la tête en direction de l’imbécile dépourvu de discrétion qui venait de faire un commentaire sur mon invitée bien qu’un sourire parfaitement lisse bien que totalement faux s’afficha sur mon visage.

« Pu croiser la route de madame à ma gauche, puis-ce que je me souviens être passé devant un magasin de perruques de mauvais goût très ressemblantes à celle qu’elle arbore ce soir pour cacher ses problèmes capillaires dus a un mauvais choix de coiffeur *éclaircissement de gorge* bien, sur ce. »

C’est toujours en ignorant la quarantenaire sur le côté qui s’était subitement tue et vérifiait sa coiffe que je m’avançais sur la droite de Lera pour lui tendre un bras et sortir de l’hôtel au plus vite, sans un regard pour qui que ce soit. Une fois à l’extérieur, je me détendis légèrement.

« Navré pour ce qui vient de se passer… »

Je baissais gentiment les yeux sur la demoiselle tout en commençant à longer la rue au pas.

« Pour répondre à la question, je vais bien. Il me faudra cependant quelques semaines pour me faire des marques par ici…»

Je m’arrêtais et levais mon bras libre pour attirer l’attention d’un taxi qui se gara devant nous pour nous laisser monter. Sans attendre, j’ouvris la portière pour laisser monter mon interlocutrice, puis la suivis. Une fois assis, cependant, je me retrouvais très embarrassé par la question du chauffeur qui désirait savoir où il devait nous conduire. Heureusement que j’étais accompagné par une connaisseuse de la ville.

« Je laisse à mademoiselle le plaisir de choisir la destination. »

Ce n’est qu’une fois que le véhicule se mit en route que je pus enfin prononcer la phrase que j’avais été incapable de placer depuis tout à l’heure en raison d’interruptions répétées.

« Quand à vous ? Comment a évolué la situation depuis le temps ? »

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Lera-Ann Litwinski-Vilte
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Dim 20 Mai - 23:23




WILLIAM & LERA

« MEET AGAIN BETWEEN HEAVEN AND HELL »


Le voir sourire et l’entendre rire me confortait dans l’idée que je n’avais pas commis une erreur en acceptant de le rencontrer à nouveau, une année et demie plus tard. Je lui devais au moins cela au vu de ce qu’il avait fait pour moi dans le passé. Il m’avait littéralement sauvée. Certains diront sans doute que je dramatisais la situation mais ce n’était que la stricte vérité. Il était l’un de mes rares clients à avoir conservé un certain équilibre mental. L’un des rares dont j’appréciais d’ailleurs la compagnie, ce qui était très rare. J’avais plutôt tendance à en être dégoûtée. Je secouai imperceptiblement la tête, il était inutile d’y songer maintenant.

Alors qu’il s’apprêtait à me donner une réponse sur son escapade ratée dans San Francisco, il fut grossièrement interrompu par une voix à la fois nasillarde et hautaine. Je tournai la tête en direction de cette femme qui avait visiblement oublié de la fermer et j’eus du mal à retenir un sourire. Elle était l’archétype même du dicton « Avant de regarder la paille dans l'œil de ton voisin, regarde la poutre dans le tien ». Elle osait me critiquer sur ma tenue et mon allure alors qu’elle ne valait guère mieux. Certes ses vêtements étaient sans doute plus chers que les miens, certes étaient-ils sans doute confectionnés par les plus grands couturiers, certes aussi étaient-ils de meilleures qualités que les miens mais diable qu’ils étaient moches. Rectification, la manière dont elle avait décidé d’agencer le tout n’était en aucun cas harmonieux et était de très mauvais goût. Devant un spectacle aussi pitoyable, je m’étonnai qu’elle puisse me critiquer. Je ne pus retenir plus longtemps mon accès d’hilarité lorsque mon compagnon lui lança une réplique qui la laissa muette de stupeur et lui fit monter le rouge aux joues. Ce que je trouvais également drôle, c’était qu’il demeurait dans son langage soutenu, n’usant en aucun cas de mots vulgaires. J’éclatai de rire, lançant un regard moqueur à la dame en question.

Je pris le bras que me tendais William et nous sortîmes. « Navré pour ce qui vient de se passer… » Je souris. « Tu n’as pas à l’être et puis c’était plutôt divertissant. » répondis-je en riant tout en le suivant alors qu’il hélait un taxi dans lequel nous nous engouffrâmes quelques instants plus tard. La raison pour laquelle j’aimais être avec lui, c’était parce que nos mondes étaient tellement éloigné qu’en pénétrant dans le sien, je finissais par me débarrasser du mien. Tout comme Cendrillon cependant, lorsqu’un minuit imaginaire retentissait, je me devais de retourner à mon univers. Mais cette pause de quelques heures me faisait le plus grand bien, surtout à l’époque. Lorsqu’il me laissa le soin de choisir notre destination, ma première pensée fut Ocean Beach. J’adorais plus que tout l’océan ainsi que la plage, surtout le soir. Tout d’abord, c’était moins bondé et le reflet des étoiles sur l’eau était un spectacle que je trouvais tout simplement saisissant. Je craignais néanmoins que cela ne plût pas à William, après tout ce n’était certainement pas le genre d’endroits qu’il avait coutume de fréquenter enfin il ne semblait pas vêtu pour. Sans que je ne m’en rendisse compte, j’avais déjà répondu au chauffeur et la voiture avait depuis longtemps démarré. « J’espère que tu n’as rien contre la plage. » dis-je au brun. Ocean Beach, en plus d’être le lieu de Sunset District le plus fréquenté par les jeunes, c’était un endroit que je trouvais magique une fois la nuit tombée. En outre, puisque je savais que William n’avait pas mangé, j’espérais qu’il trouverait chaussure à son pied avec les différents restaurants qui bordaient la plage.

« Quand à vous ? Comment a évolué la situation depuis le temps ? » La question à un million de dollars. Comment avait évolué la situation depuis la dernière que nous nous étions vus ? A vrai dire je ne m’étais jamais posée la question. « Plutôt positivement » Je voulus ajouter « j’imagine » mais me retins de justesse, il ne servait à rien de partir dans des détails inutiles. « J’ai arrêté le trottoir. » mon ton était à la fois neutre et détaché. D’autres à ma place seraient sans doute embarrassées d’évoquer ainsi leur passé. Rien ne servait de tourner autour du pot, appelons un chat, un chat. Ce qui devait également jouer en faveur c’était le fait que je me fichais pas mal de ce que les gens pouvaient bien penser de moi, m’aimeraient-ils, ne m’aimeraient-ils pas que ce serait du pareil au même. Et puis, c’était une partie de ma vie sur laquelle j’avais tiré un trait, du moins essayais-je de m’en persuader.

Je me perdis dans la contemplation de la ville. C’était beau une métropole la nuit avec tous ces immeubles éclairés comme des morceaux d’espoir disséminé dans l’obscurité. Je trouvais San Francisco nettement plus belle de nuit. Nous arrivâmes à bon port, je descendis pendant que, comme à son habitude, William réglait la note. L’air marin me fit le plus grand bien. « Bienvenue à Ocean Beach ! » M’exclamai-je, sourire aux lèvres. « C’est la plage la plus connue de San Francisco mais contrairement aux autres, je la préfère de nuit, je lui trouve un charme particulier. » dis-je en fixant l’étendu d’eau. J’étais bien contente que tous ne partage pas mon avis sinon il y aurait plus de monde que je ne pouvais en supporter. « Bon je suppose que tu as faim…où veux-tu manger ? Il y a beaucoup de restaurants faisant toute sorte de nourritures tout dépend si tu as une grande ou une petite faim. » Expliquai-je en traversant le rue suivi de près par mon compagnon.

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William H. Weinmeister
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Lun 21 Mai - 21:49






Mon attention s’était tournée aimablement vers mon interlocutrice alors qu’elle répondait à ma question. D’après ce que j’avais lu sur internet, elle travaillait à présent à l’ « Elbo Room », mais sa précision concernant le fait qu’elle avait bel et bien arrêté la prostitution fut ce qui me satisfît. C’aurait été… stupide de sa part de se relancer là-dedans après ce qu’elle avait vécut, et je pense que j’aurais été vexé d’avoir fait ce que j’avais fais « pour elle » -même si dans le fond, ça avait plutôt été une excuse pour sortir ma lame de son étui, à mon avis- en vain.

Durant le reste du trajet qui se fit en silence, je pris le temps d’observer le paysage nocturne de la ville qui n’était pas aussi agréable que l’Europe a mon goût, mais qui avait un charme bien plus évident que New York ou Miami. Je ne savais pas encore combien de temps j’allais passer ici, mais il me faudrait au moins trois ans pour terminer ma spécialisation dans l’esthétique, et j’attendais également avec impatience que mon géniteur soit relâché de prison pour l’intercepter… mais ce ne serait pas avant une dizaine d’années. Au moins, cela me donnait le temps de me décider sur ce que j’allais lui réserver comme traitement. Il n’y aurait certainement jamais de plus grand fantasme pour moi que celui de sentir la chaleur du sang de cet homme sur mes mains, de lui sectionner les bras pour l’entendre hurler de douleur et de finir par lui arracher le cœur comme il se devait. Je voulais sa mort plus que tout au monde, et cette obsession ne me quitterait sans doute jamais. Mon esprit s’était mit à divaguer alors que le taxi nous conduisait, et il fallut que ce dernier s’arrête pour que je revienne a la réalité dans un frisson.

Lera sorti du véhicule et je me passais immédiatement une paume sur le front en fermant les yeux pour me reconcentrer. J’étais sensiblement en « manque » et en conséquent bien trop distrait, mais ça n’était pas le moment d’afficher une attitude nerveuse devant mon invitée. Après avoir rapidement payé le chauffeur, je quittais la voiture et m’approchais de la jeune femme qui me souhaita la bienvenue à Ocean Beach. Par réflexe, je lui rendis son sourire et lançais un coup d’œil au paysage qui s’offrait à nous. L’air frais eu raison de mes idées déplacées comme par miracle, et j’inspirais à fond en enfonçant mes mains dans les poches de mon pantalon.

« Je comprends ce que vous ressentez. »

C’est vrai, cette ambiance avait un réel charme même si on ne pouvait objectivement pas dire que je « ressentais » grand-chose. Ca m’avait juste calmé pour le moment… on avait bien fait de venir ici.

Suite a la remarque concernant la nourriture, je levais les yeux un instant en me pinçant la lèvre inférieure avec les dents, puis suivis Lera pour rejoindre la promenade au bord de la plage. Il y avait tout un tas de commerces illuminés sur plusieurs kilomètres, ce qui était fort charmant comme ambiance. Je n’étais pas du tout habitué à ça… Pas. Du. Tout. Ca me donnait l’impression d’être un enfant qui allait pour la première fois à Disneyworld et qui voulait tout essayer, sauf que mes yeux brillants furent les seules choses qui trahirent mon enthousiasme.

« Je suis Affamé ! » dans plusieurs sens du terme « Voyons voir… »

Un couple passait à notre niveau avec des gaufres en main, et je ne pus m’empêcher de guigner leurs assiettes en carton avant de redresser la tête pour chercher où ils avaient acheté ça. Les odeurs qui parvenaient dans notre direction n’aidaient en rien à apaiser ma faim grandissante.

« Eh bien dites vous que c’est la première fois depuis trois ans que je vais faire ça, je crois bien. Vous assistez à un moment historique. Je vous prie de ne pas vous moquer des pauvres gens comme moi qui ne savent plus manger des choses basiques a force de trainer au restaurant…. c’est déprimant, dit comme ça. »


Un léger rire ironique m’échappa alors que je nous entrainais en direction de la petite cabane qui proposait tout un tas de choses plus gourmandes les unes que les autres. Ici au moins, on appelait une crêpe une crêpe, et non pas dieu sait quel nom imaginé par un chef de restaurant pour au final nous servir sensiblement la même chose mais faire payer 160% du prix parce qu’il fallait compter la présentation. Une fois devant la vendeuse, j’attendis comme toujours que la demoiselle qui m’accompagnait choisisse en premier et en profitais pour lancer un coup d’œil à la carte. Oh mon dieu, comment étais-je censé n’en prendre qu’une seule parti toutes? Il me fallut bien trente secondes avant d’arrêter mon choix sur une crêpe au miel, et lorsque celle-ci fut prête, j’eus l’impression d’avoir l’objet le plus merveilleux du monde entre les mains. Mon rythme de vie me faisait complètement passer a côté des « choses simples », et il m’était impossible de cacher mon enthousiasme dans un moment pareil. Je ne me souviens même plus avoir payé la nourriture… tout ce que je peux vous dire, c’est qu’un gros soupir m’a échappé lors de la première morse.

« Je savais que j’avais bien fais de vous proposer de sortir avec moi. »
« Ce soir, on s’entend bien là-dessus. »


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Lera-Ann Litwinski-Vilte
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Mar 22 Mai - 12:55




WILLIAM & LERA

« MEET AGAIN BETWEEN HEAVEN AND HELL »


Alors que William m’annonça qu’il était affamé, je me mis à réfléchir à l’endroit où nous aurions pu nous restaurer. Je l’avais déjà entrainé dans un lieu dont il n’avait pas l’habitude, je n’allais pas non plus le faire manger n’importe où. Quoiqu’un peu de changement ne lui aurait fait aucun mal. Et j’avais raison à voir la manière dont il bavait sur les gaufres d’un couple qui passa à notre droite. Je pouffai de rire lorsqu’il m’affirmât que c’était la première fois qu’il faisait une telle chose en trois années. Je trouvais cela triste tout de même, avoir de l’argent, être une personne renommée et oublier les choses simples de la vie. Surtout qu’ayant mangé dans ces restaurants dits de luxe en sa compagnie, je pouvais affirmer que la nourriture n’était pas fameuse, disons qu’elle coutait extrêmement cher pour de petites portions et pour un goût qui me laissait, pour ma part, indifférente. Je préférais largement un petit plat mijoté par mon meilleur ami, qui, certes, n’était pas un chef de renom mais se débrouillait plutôt bien. La simplicité encore une fois. Je m’accorderais toujours à dire que les choses simples sont les meilleures.

« C’est assez déprimant en effet. »

Il m’entraina devant un stand gourmand. J’observai discrètement mon compagnon qui ressemblait fortement à un enfant sur le point d’ouvrir ses cadeaux de noël. Ses yeux brillaient et je devais bien avouer que c’était la première fois que je voyais une telle expression chez lui. En fait, c’était la première fois que je voyais une toute autre expression. Il était toujours dans le contrôle de son image, de sa personne, de ce qu’il montrait que son visage semblait ne plus pouvoir exprimer quoique ce soit d’autre. Je l’avais longuement étudié durant les mois passés en sa compagnie et il m’avait toujours paru s’être figé dans cette hypocrisie. Ce n’était pas de l’hypocrisie à proprement parler, en effet, il était aimable pour conserver des bons rapports avec les gens mais pas assez pour se lier d’amitié avec qui que ce soit. Peut-être que si au final puisqu’il ne souciait de rien et se foutait de tout et de tout le monde. Ce n’était pas étonnant vu qu’il était un…Je me donnais une gifle intérieure, ce n’était pas le moment de divaguer. Je me demandais souvent ce qu’il adviendrait de moi s’il savait que je l’avais vu. Inutile de s’interroger plus longtemps, j’avais déjà ma réponse.

Fidèle à sa galanterie habituelle, il me laissa commander en premier. Je jetai un œil rapide à la carte mais rien ne me faisait envie. Mon estomac était trop noué et trop habitué à ne rien avaler pour que je puisse manger. Je décidai donc de prendre une gaufre au Nutella, deux crêpes, l’une aux fruits rouges et l’autre au sucre pour William le voyant indécis, ne sachant que choisir alors que tout lui paraissait appétissant. Pour ma part, je me contentai d’une bouteille d’eau et en pris une autre pour mon compagnon, le sucre avait une fâcheuse tendance à attiser la soif. Je le laissai par la suite la place et ne pus m’empêcher de le regarder encore une fois. Il était tout simplement adorable, un vrai gosse. Il me sembla que les barrières qu’il mettait entre lui et les autres s’étaient effondrées, momentanément du moins. Je le couvrais d’un regard à la fois bienveillant et protecteur. J’en convenais que c’était stupide, qu’il n’en avait nul besoin mais il m’était impossible de combattre mon instinct maternel exacerbé. Nous étions le 18. Avec ce qui était arrivé à Eliott, cela m’était complètement sortit de la tête.

« Ecoute, je suis ravie que cela te plaise, je craignais que cela soit…un peu trop éloigné de ce dont tu avais coutume. »

Je lui souris et nous retournâmes à notre balade. C’était calme. Profondément calme. J’appréciais cela. On eut dit que le temps n’existait plus. Plus de passé. Plus de futur. Simplement le présent. C’était tout ce qui comptait. Voilà pourquoi j’aimais tant la mer, elle m’enfermait dans une bulle protectrice que personne n’aurait pu briser. C’était d’ailleurs pour cette raison que je pouvais y passer des heures sans m’en rendre compte. Nous allâmes nous installer sur des rochers en bordure d’eau. Ce n’était pas un lieu très fréquenté, en effet, c’était un coin reculé de toute agitation humaine et durant les journées ensoleillées, il était plutôt à l’ombre. Personnellement, j’affectionnais beaucoup cet endroit, lorsque j’avais besoin de me retrouver seule, je savais que je n’y serais pas déranger. De plus, c’était la meilleure place pour contempler de merveilleux couchers de soleil.

« Puisque tu semblais plutôt indécis dans tes choix, je t’ai pris quelques bonnes choses dont tu m’en diras des nouvelles. » Je marquai une pause. « Enfin si tu as encore faim, je t’ai également pris une bouteille d’eau. »

Je lui donnai le sachet dans lequel se trouvaient toutes les bonnes choses dont il semblait raffoler et en profitai pour enlever mes chaussures afin de mettre mes pieds dans l’eau. Elle était bonne, mais pas assez pour que je m’y baigne. Une légère brise s’éleva et je fermai les yeux, désireuse de pleinement en profiter. Soudain, je me sentis légère. Ce n’était qu’une sensation et tout comme bonne sensation humaine, elle était complètement erronée. Cela suffisait cependant à faire mon bonheur. Illusions. Je n’avais jamais eu besoin de plus. Et puis, lorsqu’il ne te reste plus que cela, tu apprends à t’en accommoder…même à aimer cela.

« Tu vois, les plaisirs les plus simples sont les meilleurs. »

Je tournai légèrement la tête vers lui et souris. Oui, c’était vrai. Lorsque l’on avait connu l’enfer, lorsqu’on avait touché le fond, lorsqu’on avait cru embrasser la mort, les choses élémentaires prenaient tout à coup une grande importance.
.


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William H. Weinmeister
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Mar 22 Mai - 22:54






Je n’avais pas tout à fait compris pourquoi Lera avait demandé cette grande quantité de nourriture. Ce n’est qu’une fois que nous fûmes assis sur les rochers et qu’elle m’expliqua qu’elle voulait me donner l’occasion de goûter plusieurs choses que devint plus clair dans mon esprit. J’étais assez surprit par son avenance à mon égard, mais c’était assez plaisant de savoir qu’elle pensait a moi… cela me changeait un peu de ce que j’avais l’habitude d’expérimenter avec les gens en général : soit du chacun pour soi.

Tout en terminant ma crêpe, j’observais le paysage, puis ce que faisait mon accompagnatrice. Tremper les pieds dans l’eau, hein ? J’avais l’impression de revenir quinze ans en arrière, quand j’étais encore un adolescent qui s’adonnait à ce genre de petits rituels malgré le fait que j’étais déjà en marge de l’humanité à ce moment-là. Ca n’avait jamais été simple pour moi de m’adapter à la masse et de comprendre tout ce qu’on attendait de moi. Pour être tout à fait sincère, j’avais dû apprendre les « scénarios » sociaux pour ne pas paraître « bizarre » et pouvoir réagir de façon correcte suivant les situations qui se présentaient à moi. Puis-ce que mon système émotif n’a jamais fonctionné comme il faut, j’ai dû m’accommoder à mimer ce qu’on appelle les « sentiments » suivant que les gens autour de moi étaient tristes ou heureux.

Mais parfois, je ressens des choses. Parfois. Mon esprit solitaire reste cependant mon meilleur ami et je sais pertinemment qu’il serait le seul à me suivre jusque dans ma tombe.

« Tu vois, les plaisirs les plus simples sont les meilleurs. »


Tenez, en parlant d’adaptation… Lera me souriait, alors je lui répondis avec le même sourire sans même savoir exactement pourquoi je le faisais. Mais j’aimais bien cette fille. Elle était gentille. Et inoffensive. Je pouvais me détendre avec elle, donc c’était agréable.

Je sortis la gaufre au Nutella du cornet et l’entamais avec enthousiasme tout en surveillant l’expression faciale sur le visage de la jeune femme assise en contrebas. Maintenant que j’y repensais, je ne me souvenais pas de la dernière fois qu’elle s’était montrée aussi douce.

« Vous avez changé. »


Il ne s’agissait pas là d’une critique, bien au contraire.

« Est-ce que travailler en tant que serveuse vous satisfait ? »


Evidemment, je me renseignais sur tous les domaines avant de faire face a quelqu’un, c’est quelque chose qu’on apprenait très tôt a faire dans mon milieu –médecin, bourgeois, tueur en série- et je ne pense pas que Lera était plus surprise que ça que j’aie pris le temps d’étudier son compte facebook. Par contre, je restais persuadé qu’elle avait également apprit beaucoup de choses sur le fonctionnement des gens en me côtoyant. Vous vous doutez bien que je ne pouvais décemment pas la plonger dans un monde qui n’était pas le sien sans l’avoir préparée un minimum, à l’époque… et au fur et à mesure qu’elle travaillait pour moi, sa capacité d’adaptation s’était améliorée. Le revers de la médaille, c’est qu’elle avait été la seule à « m’approcher » autant, à entrer un peu dans ma sphère privée que je savais pourtant bien baliser. J’avais pris un risque, mais tout semblait s’être bien passé au final.

« Et qu’en est-il de vos ambitions ? Est-ce que vous avez prévu quelque chose pour l’avenir ? »

Et tout en lui posant la question, je lui tendis l’autre moitié de ma gaufre sans plus bouger mon bras jusqu’à ce qu’elle accepte de prendre l’assiette en carton. J’imagine que c’était la bonne chose a faire… enfin, c’est ce qu’aurait fait quelqu’un de normal ou de bienveillant en voyant qu’elle ne mangeait rien et en faisant le lien avec ses larmes de tout à l’heure.

« À part revendre les habits et les bijoux que je vous ai achetés a l’époque, on s’entend. »




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Lera-Ann Litwinski-Vilte
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Mer 23 Mai - 22:19




WILLIAM & LERA

« MEET AGAIN BETWEEN HEAVEN AND HELL »


Je continuai de fixer la mer et de jouer avec l’eau. Malgré moi, je retournais des années en arrière. Quinze ans. Une éternité. J’avais changé depuis cette époque. Les personnes qui m’avaient connue en ce temps-là ne m’auraient certainement pas reconnue. Quoique non. J’étais toujours la même. L’innocence et la pureté d’enfance en moins. J’avais dix ans. Jeune. Tellement jeune. Mon père était encore en vie et nous avions décidé de faire une sortie à la mer puisque papa était en permission et devait repartir au petit matin. Pour toujours. Nous nous étions bien amusés ce jour-là. Nous avions pique-niqué sur le sable et avions joué dans l’eau. C’était, je crois, l’un des seuls souvenirs que je conservais de nous trois. Les autres s’étaient depuis longtemps estompés. Ah, la mémoire humaine était d’un éphémère désespérant. Il était inutile d’y penser.

« Vous avez changé. »

Je tournai la tête vers mon voisin et ne pus m’empêcher de sourire narquoisement. J’avais changé, moi et puis quoi encore. J’étais la même. Désespérément identique des années plus tard. C’était la première fois que l’on me disait une telle chose, à tord d’ailleurs. Plus j’y songeais, plus je comprenais sa méprise. Il était vrai que je ne m’étais pas souvent montrée aussi…sympathique, conservant toujours une distance entre nous deux. Entre moi et le monde. Mais nous nous retrouvions dans une toute autre situation. Je n’étais plus sa chose dont il pouvait disposer à sa guise et ce n’était plus mon statut de prostituée qui me définissait. Et puis, malgré les apparences, j’avais toujours été une personne qui prenait soin des autres, un peu trop par moment. Je n’avais pas jugé utile de le lui montrer dans le passé et cela ne l’était pas non plus maintenant mais j’étais bien éreintée pour rester dans le contrôle. On a beau dire mais cela requiert énormément d’énergie que de bâtir une muraille entre soi et le monde ainsi que de la conserver.

« Ah oui ? J’en connais plusieurs qui te contrediraient sûrement. » Dis-je d’un ton moqueur. En disant cela je songeais à Cameron qui, je devais bien le reconnaitre, n’avait pas été gâté. Cela faisait près de deux ans que je le connaissais et je l’appréciais beaucoup, malgré ce que je pouvais montrer. Pourtant il devait constamment se heurter à mon mur de froideur et de méfiance. J’avais été exécrable avec lui depuis le début de notre relation et je l’étais toujours, du moins lorsqu’il essayait de me percer à jour. Encore trois patientes dans mon genre et il arrêtait d’exercer son métier.

« Est-ce que travailler en tant que serveuse vous satisfait ? » me demanda-t-il au bout d’un moment alors que je me remémorerais mes dernières séances avec mon psy favori –le seul. Sa question ne m’étonnait pas plus que cela. C’était dans ses habitudes de se renseigner sur tout et sur tout le monde, enfin ceux qu’ils côtoyaient. J’avouerais qu’au début je trouvais cela quelque peu effrayant. Il m’avait sortie des informations sur mon ex-maque et je m’étais toujours interrogée sur la manière dont il les avait obtenues. Je doutais qu’il soit allé prendre un verre avec Dashawn et que celui-ci lui ait aisément déballé toute son existence. Néanmoins sa question me posait une réelle colle. Aimais-je ce que je faisais ? Je n’en savais rien. Je me contentais de le faire et c’était tout. « C’est mieux que ce que je faisais avant. » répondis-je d’un ton posé après quelques minutes de réflexions. C’était la réponse appropriée. Il valait mieux servir à boire que d’être considérée comme une marchandise, un objet qui n’était là que pour assouvir les fantasmes de pervers aussi en manques que tordus. Et les pervers j’en avais connu. Ils semblaient tous avoir un point en commun, les barbies humaines. Blondes platine, visages de poupées et bien entendu fines. Moi, quoi.

Voyant que je ne mangeais pas, il me tendit un morceau de gaufre que je n’eus pas d’autre choix que d’accepter. En temps normal je raffolais du chocolat, mais là, il ne me donnait qu’une envie, rendre le vide que contenait mon estomac. J’étais dans un état de nerf constant, incapable d’avaler quoique ce fût. « Et qu’en est-il de vos ambitions ? Est-ce que vous avez prévu quelque chose pour l’avenir ? » Décidément, il semblait me poser toutes les questions qui n’avaient au grand jamais traversé mon esprit. Je jouais avec le chocolat, cela m’aidait à réfléchir. L’avenir ? Il n’existait pas pour moi. Je me contentai de vivre au jour le jour. Les projets n’étaient pas mon truc. Avec la vie que je menais, je me demandais même si la semaine prochaine je serais encore de ce monde. Ce serait stupide de faire des plans pour le futur. Soyons honnête, j’étais bien trop lâche pour en faire, cela voulait dire faire des efforts dont j’étais incapable. Si je pouvais, j’irais sûrement à l’université étudié la psychologie mais je voyais difficilement comment, je n’avais même pas terminé le lycée. « À part revendre les habits et les bijoux que je vous ai achetés à l’époque, on s’entend. » m’interrompit-il alors que j’étais sur le point de lui répondre. Je me tournai vers lui et vrillai mes prunelles dans les siennes. Je savais qu’en ce moment précis aucune expression ne transparaissait sur mon visage, mise à part une froideur non dissimulée dans mon regard. C’était certes de l’humour mais je ne pouvais m’empêcher d’être froissée. « Je constate que ton humour est toujours aussi douteux. » Mon ton était plus sec que je ne l’aurais désiré. « C’est vrai que je dois te les rendre, merci de me l’avoir rappelé. » ajoutai-je d’une voix plus calme. J’avais conservé tout ce qu’il m’avait offert dans un carton dans le cas où nous nous reverrions et j’avais eu raison. Je n’aimais pas me sentir redevable envers qui que ce soit et la dette qui me reliait à lui était plus que suffisante. Ensuite, je n’avais jamais considéré ces objets comme m’appartenant. Ils étaient au personnage que je me devais de jouer lorsque je l’accompagnais durant ses soirées mondaines. Rien de plus. Rien de moins. Et même si j’avais eu quelques difficultés financières, l’idée de vendre tout cela ne m’avait même pas traversé l’esprit. Pour moi, ils n’étaient pas miens et je ne pouvais pas en disposer comme bon me semblait.

Je me décidai enfin à croquer un petit bout de la gaufre, mauvaise idée, j’eus un mal fou à l’avaler et mon estomac se mit à me faire mal. C’était psychologique, je le savais. Alors que je reposai l’assiette de façon à ce que si William désirait la finir, le puisse, quelqu’un en bas cria « Blondie ! » Je tournai la tête et vis un jeune homme que je ne connaissais que trop bien, Dylan, à ses côtés, Hercule, son chien. « Bon Blondie tu descends ou quoi ? » dit-il quelques minutes plus tard voyant que je ne bougeai pas. Je l’observais un sourire aux lèvres. « Tu as oublié le mot magique mon chou. » Il me contempla un instant, narquois. « Ramène tes jolies fesses par ici et plus vite que ça ! » rit-il en tapant dans ses mains. « Eh bien tu vois quand tu veux ! » J’allais le rejoindre tout en faisant attention à ne pas me casser la figure entre les rochers. Le jeune homme me prit immédiatement dans ses bras lorsque je fus à ses côtés mais je fis en sorte de m’en dégager sans que cela ne soit vexant pour lui. Je n’aimais pas que l’on me touche aussi facilement, sans me demander mon avis. J’avais été bien longtemps la chose de certaines personnes et je ne désirais pas que cela recommençât.

Il me dit que je me faisais rare ces derniers, il fallait entendre par cela « j’ai vraiment envie de baiser, on se voit quand ? » Je n’eus pas le temps de lui répondre que William nous rejoignit. Dylan s’approcha de ce dernier et lui tendit la main. « Dylan, fiancé de cette jolie blonde enchanté. » dit-il d’un air sérieux. Je soupirai. Il était toujours aussi empli de conneries celui-là. « Arrête de dire n’importe quoi et casse-toi ! » Il me regarda d’un air offusqué et fit mine de vouloir pleurer. Je ne bronchai pas, lui signifiant bien que qu’il ne trompait pas son monde. Je n’arrivais pas à croire que je trainais avec ce genre de personne. Il sourit. Il ramena Hercule à lui et avant de se mettre en route, il me lança un regard bien significatif. « Oui, je passerais. » Je secouai la tête et soupirai encore une fois. Dieu que ce garçon était irrécupérable mais je l’aimais bien. Il me désennuyait. « C’était Dylan et malheureusement il est toujours comme ça. » dis-je à William avant d’aller récupérer mes affaires laissées où j’étais précédemment assise.

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Dim 27 Mai - 22:08






Que dire de plus ? Cette soirée avait lieu le surlendemain de mon arrivée à San Francisco, c’était donc peut-être un peu précipité d’avoir déjà donné rendez-vous à quelqu’un pour passer du temps ensemble, je ne le niais pas moi-même. Peu importe, j’avais passé quelques heures en bonne compagnie, mangé de la nourriture qui réchauffait le cœur et rencontré ce soi-disant Dylan qui m’agaçait et m’ennuyait en fait profondément –bien que je ne le montrais pas le moins du monde-. Cela me fait penser que mon second métier était d’ailleurs celui de comédien. Acteur de tous les jours, simulateur d’interactions sociales que je ne comprenais toujours pas moi-même. J’appliquais simplement ce que j’apprenais au sujet de « comment me comporter dans telle ou telle situation », ni plus ni moins. Quand aux sentiments… ne me parlez pas de sentiments je vous prie. Tout ce que je « ressentais », comme vous dites, c’était des instincts basiques de survie, dont le contentement, et un peu d’affection. La compassion, l’amour, le désespoir… le reste était terré quelque part au fin fond de mon être, ça se trouvait certainement dans un coin de ma tête puis-ce que je restais humain, mais je n’y avais jamais eu accès, je n’avais ni la carte pour m’y diriger, ni la clé pour ouvrir la porte. Ca ne me dérangeait pas plus que ça. Je me contentais tout à fait de ma vie actuelle, elle était bien comme ça. Tranquille, sans complications. Opérer le matin, étudier le soir, passer la nuit avec une femme de temps en temps et faire la chasse aux meurtriers, faire respecter la notoriété de ma famille… je ne demandais rien de plus.

Le seul problème qui se posait était peut-être le fait que ma mère n’arrêtait pas de me demander quand est-ce que j’allais lui présenter ma fiancée et quand est-ce qu’elle allait avoir des petits enfants. Il valait mieux pour tout le monde que je n’aie pas de descendance, je crois… difficile d’expliquer à votre mère que vous n’étiez pas le genre d’homme recommandable pour fonder une famille. Je me voyais très mal lui dire « Je suis un tueur en série, mais ne t’en fais pas ! Papa m’a apprit à ne pas m’en prendre à n’importe qui pour calmer mes pulsions ». Actuellement, mon excuse parfaite restait que je n’avais pas de temps à consacrer à cet aspect de ma vie, et même si elle semblait un peu déçue, elle n’insistait pas.

Pour en revenir à la soirée, celle-ci se déroula tranquillement jusqu’aux alentours de 22heures, quand il a commencé à pleuvoir. Non seulement nous n’avions pas de parapluies, mais je pense que nous avions aussi fait le tour de tout ce qu’il y avait à se dire pour l’instant. Nos affinités n’étaient pas non plus celles d’amis intimes, et après un long moment sans contact, les retrouvailles devenaient pauvres au niveau conversationnel, bien que j’avais été éduqué à toujours trouver quelque chose de plus ou moins pertinent à dire pour ne pas mettre mal à l’aise les personnes qui m’accompagnaient. Que vous dire si ce n’est que j’ai raccompagné Lera jusqu’à chez elle et qu’elle a eu droit à l’un des sourires les plus authentiques que je lui ai jamais offert jusque là. J’étais plutôt content. Ma voix lui souhaita donc de passer une bonne soirée, mais mon regard changea radicalement au moment de se quitter. Oulah, non non non, retiens donc tes ardeurs mon grand, nous savons tous que tu es vorace dans tous les sens du terme, mais… évitons de le rappeler à la demoiselle si vite.

Je baissais rapidement le visage pour fixer le sol et dissimuler immédiatement la lueur dans mes yeux, m’éclaircis la gorge, puis me retournai nerveusement pour descendre les escaliers devant le bâtiment.





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Lera-Ann Litwinski-Vilte
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Mer 20 Juin - 22:21

Je récupérai mes affaires et restai un cours instant à fixer la mer. C’était plus fort que moi. Je n’aurais su rationnellement expliquer cette attraction que je ressentais, surtout que j’avais failli m’y noyer à plusieurs reprises. Attirée par ce qui me faisait du mal, je crois c’était ça ma malédiction. Il n’y avait qu’à voir où en était mes relations amoureuses pour comprendre. Enfin ma seule réelle relation amoureuse en vérité. J’avais profondément aimé une personne qui m’avait plus que détruite et je ne souhaitais qu’une chose, son retour. Du masochisme à l’état pur ou je ne m’y connaissais pas. Se complaire dans sa douleur et sa destruction, il n’y avait que moi pour cela. Souvent, je me demandais ce qui pouvait bien clocher chez moi. Qu’est-ce qui avait bien pu péter lorsque ma mère m’avait mis au monde ? Etait-ce un gène particulier qu’elle m’avait refilé ? En effet, elle n’était pas mal dans le genre non plus. Elle avait mis fin à sa vie pour un homme qui la traitait comme une moins que rien. Je me contentais de répéter inlassablement la mélodie. Malédiction des femmes Vilte. Condamnées à aimer celui qui nous donnera la mort. A la fois triste et pathétique.

Je rejoignis mon…j’ignorais comment je devais le qualifier. Il n’était pas un ami mais était plus qu’une connaissance. Perdu entre deux. Qu’importe, Cela m’avait fait plaisir de le voir, après tout ce temps. Je lui devais tant. Certes, il m’impressionnait et m’effrayait à la fois, ayant vu ce dont il était capable, mais je lui étais reconnaissante. Ce sentiment supplantait tous les autres. Pas exactement, car la peur était bel et bien présente. Néanmoins, j’étais contente d’avoir passé du temps en sa compagnie aujourd’hui, il m’avait ainsi évité un tête-à-tête avec mes angoisses, mes réflexions, mes regrets ou que sais-je encore. L’accident d’Eliott m’avait mis dans un état lamentable. L’idée que j’aurais pu le perdre en l’espace de quelques minutes me hantait. L’on se rendait compte à quel point la vie était fragile et une mort était si vite arrivée. J’aurais pu ne jamais le revoir sans lui avoir parlé auparavant, dire à quel point je tenais à lui, à quel point il était important pour moi…quoique ce dernier point, je l’ignorais encore jusqu’à il y a quelques heures. Cela m’effrayait de voir avec quelle profondeur je m’étais attachée à lui, non pas seulement à lui, mais tous ce dont j’étais proches, ce qui ne m’était pas arrivé depuis…cela ne m’étais jamais arrivé en fait.

Vers dix heures du soir, il se mit à pleuvoir. A torrent. Je serais bien restée sous l’eau mais mon compagnon tint à m’accompagner jusqu’à chez moi, fidèle à sa galanterie habituelle. De toute manière, il n’y avait plus rien à ajouter. Nous avions fait le tour de toutes les conversations que nous pouvions entretenir. Nous étions devant la porte de mon appartement. J’ancrai mes prunelles dans les siennes. Il me sourit. J’en fis de même. Puis il me dit au revoir, faisant le chemin inverse en direction de la sortie. Je ne voulais pas que cela s’arrête maintenant…ainsi. Le revoir m’avait rappelé le plaisir que j’avais eu tout le temps qu’il fût mon client. Je me demandais s’il était possible de remettre cela bien que notre relation fût tout à fait différente désormais. Sans que je ne m’en rendisse compte, mon bras retenait le sien, nous nous embrassions jusque dans ma chambre, refermant la porte nonchalamment derrière nous. La suite tout le monde la connait. Nous couchâmes ensemble. La seule différence était que William n’eût pas à débourser une coquette somme à son départ.
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