Khris sentait depuis un moment qu'il y avait un problème entre Frankie et lui. Ils s'étaient remis ensemble et tout se passait bien jusque là. Seulement des engueulades futiles qui se finissaient toujours bien – au lit -, ils étaient heureux et il faisait de son mieux pour que cela continue. Mais, d'un coup, elle s'était renfermée et semblait l'éviter par moment. Elle l'avait même repoussé plusieurs fois, il ne comprenait pas. Il n'avait rien fait de mal – il s'en souviendrait – et n'avait rien dit non plus. Alors, pourquoi était-elle comme ça ? Khris en avait marre de culpabiliser pour une chose qu'il n'avait peut-être même pas provoqué. Frankie était dans le canapé, encore un de ces moments où il ne semblait plus exister du tout. Il aurait pu retourner l'appartement qu'elle ne lui aurait pas adressé la parole. Il s'assit à coté d'elle, à l'autre bout du canapé, ce qui était beaucoup trop loin. Mais il savait que s'il s'approchait plus d'elle, elle était capable de l'envoyer chier. Vivre avec la personne que vous aimez peut être agréable, sauf quand elle vous rejette de plus en plus. Il savait qu'ils n'auraient pas du se remettre ensemble, elle s'était lassée de lui et n'osait surement pas lui dire. Il pensait trop, beaucoup trop, il fallait qu'il fume. Un joint roulé puis fumé en fixant le plafond, la tête rejetée en arrière sur le dossier du canapé. Il la tourna vers elle, à quoi pouvait-elle penser comme ça ?
- Tu comptes m'ignorer encore longtemps ? Parce que je commence à en avoir marre de vivre avec un mur, un glaçon. Au moins explique toi, y'a un problème avec moi ?
Ne vous imaginez pas un Khris tout à fait calme, disant cette phrase d'une voix douce et confiante. Il était nerveux – ne sachant pas ce qu'elle allait lui répondre – et énervé par cette situation qui l'épuisait. Frankie lui manquait, elle avait beau être à l'autre bout du canapé, elle semblait être en réalité à l'autre bout du monde.
... et puis moi j’veux des enfants, et j’en ai rien à foutre si ça fait des chômeurs de plus, et c’est avec toi que je veux ces chômeurs... parce que je t’aime. je t’aime.
Un nouveau jour où j’étais assise dans le canapé, les jambes relevées contre mon ventre à fixer le vide. Je cherchais encore et toujours un moyen de dire la vérité à Khris. Maintenant, j’étais à plus de deux mois de grossesse. Deux mois de mensonges. L’ultimatum devait être fixé. Je devais lui dire la vérité. Mais j’en étais totalement incapable. J’avais essayé des tonnes de fois, sans qu’aucun mot n’arrive à sortir de ma bouche. Moi-même j’avais du mal à accepter le fait que j’étais enceinte. Quand j’avais eu la confirmation que je l’étais, j’avais vomi et j’avais pleuré. Parce que tout ce que je voyais c’était que Khris allait me quitter. J’aurais pu avorter sans rien dire à personne et oublier ça, mais je n’arrivais pas à faire ça. Cet enfant n’était pas seulement le mien, il était celui de Khris aussi. Mais comment un dealeur et une ancienne pute pouvaient envisager d’avoir une famille ? C’était déjà assez difficile de les imaginer en couple et amoureux, alors avec un enfant. Pourtant, amoureux, c’était difficile mais pas impossible. Comme en lisant dans mes pensées Khris entra dans la pièce et s’assit dans le canapé à l’opposé de moi. Je fermais les yeux et inspirais profondément. J’aurais voulu pouvoir être normale avec lui, mais temps que je ne lui aurais pas dit la vérité, je savais que ça n’arriverait pas. et une fois qu’il saurait la vérité, il y avait de fortes chances qu’il me foute dehors… A la dérobe, j’observais Khris fumer un joint. Depuis que je savais que j’étais enceinte je n’avais pas touché à ça, ni à l’alcool, ni même à une cigarette. Il l’avait forcement remarqué. « Tu comptes m'ignorer encore longtemps ? Parce que je commence à en avoir marre de vivre avec un mur, un glaçon. Au moins explique toi, y'a un problème avec moi ? » La machine était lancée. Il ne fallait pas que je le regarde, parce que si je faisais ça, j’allais me mettre à pleurer. Et ce n’était pas ce que j’envisageais pour lui annoncer que j’étais enceinte. Surtout qu’il allait gueuler vu le temps que j’avais mis pour lui dire. « J’peux me tirer si tu veux. » Quelle conne. Je me frottais le front avec ma main, les yeux fermés. Putain Frankie, juste une fois dans ta vie, réfléchis. Je me tournais vers lui, les jambes toujours repliées sur moi-même. « J’ai un pro… On a un problème. Et… ça fait des semaines que j’essaye de te le dire. Mais j’y arrive pas… Et plus je retarde, plus… » Je laissais un silence, sans savoir quoi dire. « Je t’aime. J’ai pas envie que tu me quittes. »
Il s'inquiétait, il s'inquiétait trop. Il y avait plusieurs options pour la réponse de Frankie mais il n'arrivait qu'à voir les pires. Peut-être qu'elle voulait le quitter, peut-être qu'elle l'avait trompé, peut-être qu'elle ne l'aimait plus. A cette pensée il ferma les yeux de toute ses forces, mais la terre tourna autour de lui et du rouvrir les yeux, s'accrochant un peu au canapé en pensant en tomber. Il n'avait en fait pas bougé d'un centimètre. Et il était toujours assis loin d'elle, repliée sur elle même dans tous les sens du terme. Il était obligé de l'affronter pour que tout ça prenne fin mais, justement, comment out ça allait finir ? Il sentait que ce n'était pas une histoire banale, et qu'elle n'était pas dans cet état pour rien. Il y avait un problème et il était plutôt gros apparemment. « J’peux me tirer si tu veux. », Khris ne dit rien. Il la connaissait, ils étaient pareils, elle se protégeait en le rejetant. Tout comme lui l'avait fait un la quittant, ayant trop peur de souffrir. Mais s'ils continuaient à se faire mal, la conversation ne mènerait qu'à une autre dispute sans raison. Frankie et Khris étaient comme ça, rien ne pouvait les changer. « J’ai un pro… On a un problème. Et… ça fait des semaines que j’essaye de te le dire. Mais j’y arrive pas… Et plus je retarde, plus… » Il ne s'était pas trompé, c'était important. Elle lui cachait quelque chose depuis plusieurs semaines, ça ne pouvait pas être quelque chose de futile. Le silence, un instant ou il ne respira pas, la regardant. « Je t’aime. J’ai pas envie que tu me quittes. », elle l'aimait, c'était déjà ça. Une option de réponse en moins, mais les restantes n'étaient pas mieux. Savoir qu'elle l'aimait ne le soulageait pas, il restait tendu. Et ce qu'elle avait fait n'allait pas lui plaire, puisqu'elle avait peur qu'il la quitte. Khris respira à fond.
- Tu sais bien que je suis incapable de te quitter. Tu pourrais avoir tué Eliott que je resterais avec toi quand même.
Bon, c'était faux, si elle avait tué son frère il l'aurait quittée et resterait amoureux d'elle. Il aurait voulu la prendre dans ses bras, mais il avait trop peur pour ça. Il devait attendre qu'elle lui explique.
... et puis moi j’veux des enfants, et j’en ai rien à foutre si ça fait des chômeurs de plus, et c’est avec toi que je veux ces chômeurs... parce que je t’aime. je t’aime.
Une nouvelle fois, je me heurtais à un mur. Un mur que j’avais construit toute seule. Ma gorge était trop serrée pour pouvoir dire quoi que ce soit. Et j’avais peur. Peur de sa réaction. J’avais peur qu’elle ne soit pas celle que j’espérais. Mais la vérité c’était que de toute façon, je ne savais pas ce que j’attendais de la part de Khris. Je ne savais pas comment je voulais qu’il réagisse. Et puis… je savais que ce bébé n’allait que lui rappeler celui qu’il aurait pu avoir avec Levanah et j’en crevais. J’aurais voulu me rapprocher de lui et faire en sorte que cette conversation disparaisse. Mais c’était trop tard, j’en avais déjà trop dit ou pas assez, mais quoi qu’il en soit, cette fois je ne pouvais plus me défiler. « Tu sais bien que je suis incapable de te quitter. Tu pourrais avoir tué Eliott que je resterais avec toi quand même. » Frankie l’émotive était de retour et mes yeux commençaient à briller. Mais maintenant, j’avais une excuse pour tout ça, je pouvais tout foutre sur le dos des hormones qui me déréglaient. Bien sur il avait réussi à me rassurer un peu. Mais ce que j’avais à lui dire était tellement gros qu’il aurait pu imaginer tout les problèmes du mondes, il n’aurait pas trouvé ça. Il ne s’imaginait pas à quel point c’était dur pour moi à cet instant : je savais quelque chose qu’il ne savait pas et qui – quelque soit la décision qu’on prenne – allait changer nos vies. Je renversais la tête en arrière en inspirant profondément. « Frankie, dis-moi. » J’aurais vendu mon âme pour un joint à cet instant. Juste un. Juste deux minutes… Je savais que cette fois, la vérité allait sortir de ma bouche. J’étais terrifiée. Incapable de le regarder en face, je me levais et lui tournait le dos, inconsciemment ça me facilitait les choses. tu parles… « Je… je suis enceinte… » soufflais-je. Peut-être qu’il n’avait pas entendu. Sois pas stupide Frankie, c’est le genre de chose qu’on entend. Je n’avais plus qu’à attendre maintenant que j’avais lâché ma bombe. Attendre qu’il me dise de prendre mes affaires et de me tirer. Attendre qu’il me dise que j’étais qu’une conne et que j’avais qu’à faire gaffe. Attendre qu’il me dise d’avorter parce qu’il ne voulait pas de ce bébé. Et moi, est-ce que je le voulais ?
Pourquoi ne disait-elle rien ? Frankie restait muette et il attendait de la même façon. Plus elle attendait pour lui dire plus il s'imaginait tout et n'importe quoi dans sa tête. Son cœur battait trop vite, à cause de l'anxiété. Il respirait lentement, pour se calmer, mais rien n'y faisait. Il voulait savoir, et jusqu'au moment où elle lui dirait, il serait dans cet état. Mais il serait surement encore plus mal après ce moment-là. Qu'est-ce qui la rongeait au point de le rejeter ? Au moins, cela n'avait pas l'air d'être sa faute et la culpabilité inutile s'était donc envolée, ce qui laissant encore plus de place à Khris pour s'inquiéter d'avantage. Il n'aurait jamais réussi à garder un secret aussi longtemps qu'elle l'avait fait, il n'aurait jamais tenu face à elle, il lui aurait avoué tout de suite. Parce qu'il était faible, à cause d'elle. Elle se leva, lui tournant le dos - qu'il fixa. Le silence toujours aussi pesant, comme si même dehors personne n'osait passer en voiture. Juste la respiration de Khris et ses pensées, sa propre voix dans sa tête qui ne cessait de se poser des questions. Tout ça s'arrêta lorsqu'elle parla enfin. « Je… je suis enceinte… ». Il resta là, à la fixer, sans rien dire, sans même respirer. Il ne reprit son souffle que lorsque la terre tourna encore une fois autour de lui. Il se leva, s'appuyant contre le canapé, se rapprochant d'elle. La terre tournait toujours beaucoup trop vite, il lui attrapa doucement le bras pour la retourner vers lui. Il se concentra sur son visage et la terre ralentit, peu à peu jusqu'à ne plus bouger. Mais ses pensées reprirent le dessus, encore plus affolées qu'avant. Un bébé. Frankie. Elle était enceinte. De lui. Khris prit le visage de la blonde entre ses mains, doucement, pour lui relever la tête vers lui. Il la regarda, un mélange indescriptible d'émotions dans les yeux.
- C'est vrai.. ?
En y repensant, ils n'avaient rien fait pour que ça n'arrive pas. Il aurait du s'en douter, mais c'était comme impossible pour lui. Ils allaient avoir un enfant, une pute et un dealer. Tous les deux drogués. Il comprenait mieux maintenant pourquoi elle ne fumait ni ne buvait plus. Il réfléchit à depuis combien de temps elle avait changé, plus d'un mois, peut-être deux. Comment avait-elle put lui cacher ça aussi longtemps ?
... et puis moi j’veux des enfants, et j’en ai rien à foutre si ça fait des chômeurs de plus, et c’est avec toi que je veux ces chômeurs... parce que je t’aime. je t’aime.
En bonne fille de mauvaise fois, j’essayais juste de me dire que je n’avais pas menti à Khris, j’avais… juste omis de lui dire la vérité ? Ce que j’avais à lui dire, c’était pas que j’avais pas fait les courses ou une autre connerie dans ce genre ; c’était beaucoup plus radical… Je restais maintenant de dos. J’attendais l’apocalypse, ou un truc du genre. Je savais que j’allais devoir expliquer pourquoi je n’avais rien dit, alors qu’il n’y avait pas d’explication pour ça : je n’avais juste pas réussi. Je me disais qu’une fois que j’aurais tout avoué à Khris, je me sentirais plus légère et pourtant, ce n’était pas le cas, c’était presque tout le contraire… Je m’attendais à des cris… qui n’arrivaient pas. Tous mes sens en éveillent reconnurent les pas de Khris dans mon dos. Il me retourna vers lui et je baissais la tête incapable de le regarder. Il était trop calme. Pendant que moi j’étais perdue… Il me releva la tête et je plongeais mes yeux dans les siens. Le temps de quelques secondes, j’oubliais tout. J’étais apaisée. Seul Khris était capable de ça avec moi. « C'est vrai.. ? » Je ne répondis pas. La réponse était implicite. Je n’avais pas besoin de répondre, bien sur que c’était vrai et je savais qu’il l’avait compris. Instinctivement, je posais une main sur mon ventre, c’était la première fois que je le faisais devant quelqu’un. Khris semblait réfléchir, j’attendais silencieusement la suite. « Deux mois, et tu m'as rien dit avant ? » Voila ce que j’avais redouté. Les explications… Je le suppliais du regard. Excuse-moi, excuse-moi. « Je… j’y arrivais pas… » Je soupirais doucement. « Et je savais pas quoi faire. Enfin, je sais toujours pas mais… » Je le regardais. Est-ce qu’il allait me laisser ? Putain, non… « J’ai besoin de toi… » Mes yeux brillaient toujours autant et j’avais toujours ma main posée sur mon ventre. C’était comme si le dire à Khris avait rendu la chose beaucoup plus réelle. Je commençais à me sentir mal… Je contournais Khris et retournais m’asseoir sur le canapé. Par réflexe, je relevais mes jambes devant mon ventre.
Comment Khris et Frankie allaient-ils élever un enfant ? Quels bons exemples il allait avoir : un père qui vend de la drogue dans des ruelles, qui en consomme quotidiennement, une mère ancienne prostituée, reconvertie en organisatrice de soirée. On peut dire que la blonde s'en sortait mieux que lui, elle avait réussi à sortir de tout ça. Mais, lui, n'en avait pas envie, il voulait rester comme il était. Et puis il ne serait pas le premier père fumant de la beuh en ayant une famille « normale ». Il pensa au bébé qu'il aurait pu avoir avec Levanah, il n'avait apprit qu'elle était enceinte seulement lorsqu'elle fit sa fausse couche puisqu'elle ignorait qu'elle portait son enfant. Dans tous les cas, ni Frankie ni Levanah ne l'avaient prévenus. Et il stressa d'avantage, et si elle perdait cet enfant ? Il ne s'en remettrait pas, il avait déjà trop souffert la première fois, et puis cette fausse couche les avait fait rompre avec Levy. Il ne voulait pas que ça arrive avec Frankie, il l'aimait trop pour devoir se séparer d'elle. « Je… j’y arrivais pas… », il la regarda dans les yeux. « Et je savais pas quoi faire. Enfin, je sais toujours pas mais… », elle aurait du lui dire, elle aurait du le mettre au courant. Il était le père, pas n'importe qui. Khris lui en voulait pour ça, mais il n'arrivait pas à se mettre en colère. Il voulait crier, mais ses cordes vocales restaient bloquées. Ce qu'elle lui avait annoncé l'empêchait de s'énerver. Il ne savait pas ce qu'il aurait fait à sa place et au final il comprenait. C'est pas le genre de choses qu'on annonce au petit déjeuner entre deux tasses de cafés et un joint, « Tiens, au fait, j'suis enceinte. Bon j'vais au travail, à ce soir. ». Sérieusement. « J’ai besoin de toi… », elle alla s'asseoir, encore une fois repliée sur elle même. Il se frotta le visage un instant, essayant de réfléchir du mieux qu'il pouvait. Il alla la rejoindre sur le canapé.
- Tu veux le garder ?
Il lui posait la question parce qu'il n'arrivait pas à se décider, ses pensées étaient une fois de plus trop embrouillées pour ça. Il n'osait pas la prendre contre lui, alors que c'était la seule chose qu'il avait envie de faire.
- Quoi que tu décides, je serais d'accord.
Même si la perspective de perdre un nouvel enfant l'effrayait.
... et puis moi j’veux des enfants, et j’en ai rien à foutre si ça fait des chômeurs de plus, et c’est avec toi que je veux ces chômeurs... parce que je t’aime. je t’aime.
Je ne savais pas comment on faisait pour être maman. Je n’avais jamais eu d’exemple de famille modèle : mon s’était tiré alors que j’avais trois ans, ma mère avait trimé toute sa vie pour nous faire vivre mon frère, ma sœur et moi. Pour moi, une bonne mère emmenait son enfant à des gouters, elle faisait des tartes aux pommes. Alors que Dieu était témoin que j’étais incapable de faire un plat de pâtes sans tout faire cramer. Je passais ma vie à naviguer entre les joints, les pilules et l’alcool. Quel exemple je pouvais être pour un enfant ? Je n’avais pas la fibre maternelle, je n’avais jamais pensé avoir un enfant, avant… Avant Khris. Le fait que ce bébé soit le « notre » changeait tout ; changeait le fait que je n’arrivais pas à avorter, changeait le fait que je ne me sentais pas prête… C’était notre bébé et ça me suffisait pour me faire douter. N’importe qui d’autre m’aurait mis enceinte j’aurais avorté. Mais là, tout était différent, c’était le bébé de Khris. J’avais essayé de vivre comme si ce bébé n’existait pas ces deux derniers mois, je n’arrivais pas à l’accepter malgré tous les efforts que je faisais. Pourtant, maintenant que je l’avais dit à Khris, il me semblait plus réel et même j’avais l’impression que je l’aimais. De toute évidence je ne savais pas comment on faisait pour aimer quelqu’un qui n’existait pas encore, alors je n’étais pas sure ; mais j’avais vraiment l’impression qu’en l’espace de quelques secondes, j’avais accepté cet être qui grandissait en moi. « Tu veux le garder ? » Perdue dans mes pensées je ne l’avais pas vu me rejoindre sur le canapé. Je le regardais tristement. J’en sais rien, si tu savais à quel point je suis perdue. Je voulais Khris et ses bras autour de moi, parce que c’était la seule façon pour moi d’être bien ; mais la situation empêchait ce genre de chose. « Quoi que tu décides, je serais d'accord. » Pourquoi ? S’il avait pris la décision à ma place, les choses auraient peut-être été plus simples… « Toi, tu veux le garder ? » Je plongeais mes yeux dans les siens… « Je sais pas comment on fait pour élever un enfant, pour être mère, pour être un bon exemple pour… C’est juste que… c’est pas un bébé, c’est notre bébé, c’est nous. Et je peux pas tuer le résultat de « nous ». Sinon j’aurais déjà pris cette décision là. Mais c’est notre bébé, et pour moi… ça change tout… » soufflais-je. Je me rendais compte que j’étais à demi-mots en train de dire que je voulais garder ce bébé. Que je voulais ce bébé. Et je me rendais aussi compte qu’au fond, c’était peut-être aussi ce que je voulais vraiment. Khris, un bébé et moi. Une famille. Non, notre famille. Est-ce qu’on était prêt pour ça ?
Khris réfléchissait, trop. Il était mort de peur et son cœur aurait pu lâcher dans la seconde, mais il tint bon. Malgré l'angoisse grandissante qu'il ressentait, il fallait qu'il soit là pour Frankie et qu'elle ne voit pas à quel point il était mal. Bientôt il devrait veiller sur elle et leur enfant, veiller à ce qu'ils soient heureux et ne manquent de rien. C'était apparemment ça d'être père, enfin, il ne savait pas vraiment. Le sien n'était pas vraiment un exemple sur lequel s'appuyer. Jamais à la maison, ne parlant presque pas à ses enfants. En réalité, Khris se demandait souvent s'il avait eut des parents. Non, ils n'étaient que deux étrangers pour lui, des géniteurs rien de plus. Il ne voulait pas que son enfant pense la même chose de lui, il ferait tout pour ne pas reproduire les mêmes erreurs que ses parents. Il allait devenir un.. père ? C'était difficile à associer avec l'imagine de Khris, ses tatouages, son attitude, son métier, sa consommation de drogue. Mais il s'en foutait, s'ils gardaient l'enfant, ils seraient une famille spéciale. Il n'avait jamais fait les choses normalement, pourquoi commencer maintenant ? Et puis, du moment qu'il était avec elle, tout irait bien, il en était persuadé. Même s'ils ne seraient pas des parents exemplaires, même s'ils n'étaient pas la petite famille américaine parfaite avec une grande maison et un chien, il seraient heureux. Il en était sur, et ça malgré toute ses appréhensions. « Toi, tu veux le garder ? », sa voix le tira de ses pensées et il soutint son regard. « Je sais pas comment on fait pour élever un enfant, pour être mère, pour être un bon exemple pour… C’est juste que… c’est pas un bébé, c’est notre bébé, c’est nous. Et je peux pas tuer le résultat de « nous ». Sinon j’aurais déjà pris cette décision là. Mais c’est notre bébé, et pour moi… ça change tout… », un petit sourire s'accrocha aux lèvres de Khris, ils pensaient la même chose, encore une fois. D'après ce qu'il avait comprit, elle voulait le garder, inexplicablement il était plus qu'heureux à cet instant. Il baissa les yeux vers le ventre de Frankie, leur bébé.. Il respira un grand coup avant de lui dire sa réponse.
- Je ne sais pas comment on fait non plus, mais je veux essayer, parce que je t'aime assez pour ça. C'est notre bébé, je serais incapable de te demander de le tuer, parce que c'est nous, le résultat de notre amour.. Il soupira en pensant à l'innocence de ses paroles. Je veux une mini-Frankie, aussi belle que toi, en espérant qu'elle n'hérite pas de ton caractère..
Il lui sourit une nouvelle fois, il décida de se détendre, maintenant qu'ils savaient un peu mieux ce qu'ils allaient faire. Khris attira la blonde contre lui, l'entourant elle et le bébé de ses bras. Ils allaient être une famille, il ne savait pas s'ils y arriveraient, mais il essaierait. Parce qu'il se sentait capable de tout pour elle.
... et puis moi j’veux des enfants, et j’en ai rien à foutre si ça fait des chômeurs de plus, et c’est avec toi que je veux ces chômeurs... parce que je t’aime. je t’aime.
N’ayant jamais eu d’exemple de famille saine et équilibrée, je n’avais pu faire qu’imaginer ce que c’était. Pour moi une bonne mère n’était pas droguée, elle n’avait pas passé cinq ans sur le trottoir. Une bonne mère faisait des tartes aux pommes, Dieu seul savait à quel point j’étais incapable de cuisiner quoi que ce soit. Je nous voyais Khris et moi et je savais très bien qu’il comprenait pourquoi j’avais peur. D’un certain point de vue on n’était déjà pas vraiment capable de s’occuper de nous même, alors d’un enfant ? Un père dealeur et une mère anciennement pute. Pourtant je n’avais pas pu me résoudre à avorter. Depuis le début j’avais eu cette option en tête et jamais je n’avais réussi à passer à l’acte. Parce que je ne voulais pas perde ce bébé au fond de moi et je savais pourquoi : c’était le bébé de Khris. Et tout ce qui concernait Khris me laissait dans le doute et ne me faisait jamais agir comme je l’aurais fait en temps normal. Depuis le début nous n’avions rien fait normalement, en suivant les règles. Le fait qu’on soit juste ensemble était quelque chose de surprenant, alors un enfant ne faisait qu’appuyer le fait qu’on était hors normes mais aussi qu’on en était capable. « Je ne sais pas comment on fait non plus, mais je veux essayer, parce que je t'aime assez pour ça. C'est notre bébé, je serais incapable de te demander de le tuer, parce que c'est nous, le résultat de notre amour.. » Je souriais doucement. La décision était prise alors ? On allait avoir un bébé. « Je veux une mini-Frankie, aussi belle que toi, en espérant qu'elle n'hérite pas de ton caractère.. » Je relevais mes yeux vers lui, pleine d’espoir en tout ce que cela signifiait désormais. Khris m’attira contre lui et posa ses mains sur mon ventre. C’était la première fois que quelqu’un touchait mon ventre depuis que j’étais enceinte. Des frissons me parcoururent, mais je savais que je n’avais plus à avoir peur. Je posais mes mains sur celles de Khris, appuyée contre lui, le regard sur mon ventre entouré des bras tatoués de Khris. Je relevais la tête vers lui en souriant. « Si c’est une fille et que tu te retrouves avec une autre comme moi, tu vas en chier. » lançais-je. Je me redressais un peu et passais mon bras derrière son cou pour l’embrasser. Avec cette distance que j’avais mise entre nous ces derniers mois, j’avais l’impression de le retrouver vraiment et ça me faisait du bien. Tout était différent. « Je t’aime. » soufflais-je contre lui.
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