Moscou, Russie. Une ville froide et déprimante, seulement appréciée par les touristes chinois et leurs appareils photo hors de prix. Pas du tout le genre de ville où tout le monde rêve d'aller, une ville historique banale sans doute. Une ville où se côtoient pauvreté et richesse. Nikita est née entre les deux, un père avocat fan de politique et une mère secrétaire dans le cabinet de son père, rien de bien passionnant jusqu'ici. Elle était une petite fille parmi les autres, ni trop jolie ni trop intelligente. Peu de gens la remarquaient, elle se faisait toujours discrète et détestait qu'on lui parle, elle ne répondait jamais lorsque quelqu'un lui adressait la parole, toujours rêveuse. On arrivait parfois à oublier sa présence tellement son silence était continu. Vous pouviez vous estimer heureux si elle vous disait trois mots dans la journée en dehors des classiques « oui » et « non ». Elle avait du mal à se faire des amis et n'osait pas aller vers les autres, elle restait donc toujours toute seule, mais cela ne la dérangeait pas - au contraire. Elle n'aimait pas trop les gens en général, être seule était beaucoup plus calme et simple. Elle était pourtant une petite fille adorable et bien élevée, un vrai petit ange, mais personne ne semblait se rendre compte de son existence hormis ses parents et elle ne faisait rien pour attirer l'attention de tous ces inconnus. Elle était également effacée physiquement, ce qui n'arrangeait pas les choses : plutôt petite et maigre, des cheveux châtains lui tombant jusqu'aux hanches, une peau extrêmement pale, des taches de rousseurs au niveau du visage et des yeux bleus clairs. Tout pour faire un joli fantôme. Elle n'attirait pas le regard, elle n'aurait pas pu être un de ces enfants qui font des pubs pour des marques de vêtements, non. Elle était plutôt celle dont on oubliait toujours le prénom et qui devenait invisible sur les photos de classes. Comme dans chaque classe il y a un solitaire ; eh bien, c'était toujours Nikita. Oh, bien sur, elle avait des amis. Mais ils ne se voyaient jamais en dehors des cours, elle préférait s'enfermer dans sa chambre après être rentrée de l'école et fixer le plafond pendant des heures, s'imaginant des vies beaucoup plus passionnantes que la sienne. Une vie où elle serait riche et adulée de tous, une vie où elle ne passerait pas inaperçu. Une vie où son prénom résonnerait dans toutes les bouches, dans toute la Russie, dans le monde entier. Mais ne c'était que des rêves, elle ne prenait rien de tout cela au sérieux, commet pourrait-elle devenir connue de toute façon ? Nikita était très heureuse comme ça, avec juste son père et sa mère dans une petite maison comme les autres. Une vie bien rangée et tranquille qui ne méritait aucun effort physique ou mental surdimensionné. Se fondre dans le moule sans réfléchir, sans se demander qui on est vraiment pour continuer d'avancer avec le troupeau, sans se fatiguer les neurones. Elle pensait pourtant différemment de la masse, au fond elle voulait être différente des autres, mais avait trop peur de leurs jugements et regards hautains. C'est pour cette raison que pendant toute son enfance elle resta la petite fille oubliée, cette petite chose qui traine au fond de la salle de cours, qui écoute sans écouter, qui dessine dans sa marge et ne lève jamais la main pour répondre aux questions. Elle aurait pu vivre une vie paisible de cette façon, mais le destin en décida autrement.
C'est lorsque Nikita eu douze ans que sa vie changea du tout au tout. Son père qui n'était qu'un avocat – réputé oui, mais seulement un avocat – se lança à corps perdu dans la politique. Son charisme naturel et son aisance à parler en public étaient ses meilleurs atouts, et pour avoir défendu pas mal de victimes contre la mafia lors de procès : il n'avait peur de rien. Ses qualités le firent vite connaître et d'élections en élections il grimpa les échelons, sans trop de problèmes d'ailleurs. La politique qui n'était autrefois qu'un passe-temps, une passion, était devenue en quelques années son gagne-pain (en plus de l'argent qu'il amassait en étant le propriétaire de son cabinet d'avocat, bien sur). Plus personne n'ignorait le nom de Mikhaïl Kuznetzov en Russie, jusque dans les petits villages de trois habitants au fin fond des trous les plus glacés du pays. La richesse faisait à présent partie du quotidien de Nikita, sa maison s'était changée en un duplex luxueux dans un immense immeuble de Moscou, dans le quartier le plus huppé de la ville. Elle avait échangé son lycée banal contre un remplit d'enfants de riches, plus riches qu'elle parfois. Elle n'était plus cette petite fille effacée que personne ne remarquait, elle était cette petite fille avec un sac Dior qui était mystérieuse. Remarquez à quel point l'argent changent vos défauts en qualités aux yeux des autres. Ses camarades la collaient, elle était nouvelle et puis c'était la fille de Mikhaïl Kuznetzov, pas n'importe qui. Elle avait des « amis » maintenant, elle ne leur lâchait pas un mot, les autres prenaient sous silence pour du dédain, mais restaient avec elle par rapport à son statut. Mais c'est à peu près quand elle eut quatorze ans que tout dérapa, l'adolescence révélait la beauté de Nikita et les paparazzi l'adorait. Elle était de plus en plus prise en photo : en sortant de chez elle le matin, en rentrant de l'école, lorsqu'elle s'approchait d'une fenêtre. Elle était devenue la parfaite petite russe aux yeux de tout le monde, tous les parents auraient aimé avoir une petite fille comme elle. Mais elle supporta tout ça, pendant deux longues années elle supporta le fait que tout le monde soit autour d'elle, à épier ses moindres faits et gestes, à devoir être parfaite tout le temps sans rien dire. Durant ces deux années elle changea peu à peu, son caractère était changeant et lorsqu'elle était seule elle était prise par des crises de terreurs, de haine ou de joie. Ses parents avaient peur, une adolescente que l'on entend rire seule dans sa chambre sans qu'elle ne parle à personne, c'était effrayant. Mais bien moins effrayant que de la voir au bord de sa fenêtre à la limite de sauter du treizième étage. Le peuple ne se doutait de rien, on n'aurait jamais montré à la télévision ou dans les journaux que la parfaite petite russe avait essayé de mettre fin à ses jours trois fois dans le mois qui venait de passer. On l'emmena chez le médecin et le verdict tomba : Cyclothymie, une sorte de bipolarité légère. On la mise sous cachet, mais bientôt les cachets ne firent plus rien. Alors elle demanda à un gars de sa classe de lui donner de l'herbe, mais aucun changement. Puis des pilules de couleurs, qui firent leur effet pendant un temps puis plus rien. La petite Russe parfaite se décolora les cheveux en blonds, puis ils devinrent roses. Elle s'habillait de façon provocante et choquait le public avec ses usages de drogues à répétitions. Les cicatrices de mutilations sur ses avant-bras étaient flagrante et cette fille qu'on indiquait comme modèle à ses enfants devint en seulement deux petites années l'exemple à ne pas suivre, la honte de la Russie. On l'envoya à l'hôpital pendant un an, mais aucun changement n'apparut, alors son père décida de la ramener à la maison. Elle alla une autre année en centre de désintoxication, mais rien ne changea là non plus, elle trouvait toujours un moyen d'être défoncée. Son père, complètement désespéré, décida de l'envoyer en Amérique, pour qu'elle voit du pays et peut-être, avec un peu de chance, qu'elle aille mieux. Mais il ne l'aurait jamais envoyé seule là-bas, il fallait bien qu'il la fasse accompagné. Et il choisit apparemment de lui coller un gorille blond d'1m95 aux cul pour qu'elle reste en place, mais ne vous inquiétez pas, elle compte bien le semer après avoir posé un pied sur le sol américain.