Lundi 16 avril 2012
« Pas de jeans, surtout pas de pantalons ». J'observais d'un air dubitatif l'intérieur de mon dressing. Quand je faisais du shopping, j'avais énormément de mal à ne pas acheter tout ce que j'essayais. Tout ce que je voyais, d'ailleurs. C'est pour ça qu'à chaque fois, je suis obligée de m'organiser un petit briefing. Je regarde tous mes vêtements un à un, chacune de mes paires de chaussures et un maximum de mes bijoux. Non pas pour être sûre de ne rien acheter en double, mais simplement pour essayer de ne pas essayer de tout acheter. Bon, je vous rassure, ça marche rarement. Voir pas du tout, en fait. D'ailleurs, à ce moment-là, assise en plein milieu de mon dressing, en jogging large et soutif', j'étais justement en train de me dire qu'aujourd'hui, je n'allais pas bien m'en tirer. La tête entre les mains, les cheveux en un chignon flou, je commençais à perdre espoir. Enfin, perdre espoir, ce n'est qu'une façon de parler. J'avais vraiment trop trop hâte de sortir de chez moi et rejoindre Night pour me lamenter là-dessus.
Nous ne nous connaissions pas depuis si longtemps que ça. C'est cette année seulement que j'ai fait sa connaissance, après mon entrée à l'université de San Francisco. Pourtant, nous étions déjà très proches. En général, je suis du genre sociable et je m'entends assez vite avec tout le monde. Mais là, c'est différent. Nous avons tellement de points communs qu'il serait difficile de ne pas nous entendre comme nous nous entendons. Elle est une véritable amie sur qui je sais que je peux compter n'importe quand. En retour, je ferais n'importe quoi pour elle, quoi qu'il arrive. Chaque moment passé avec elle reste un souvenir mémorable. C'est pour ça qu'aujourd'hui, nous avions décidé de nous voir: une journée entière de shopping, de 10h à n'importe qu'elle heure, c'est toujours génial!
Sautant sur mes pieds, je me mets à la recherche d'une tenue potable pour mettre les pieds dehors. Il fallait que je prenne en compte plusieurs choses. Un coup d'œil dans ma chambre, vers la fenêtre de mon balcon entre-ouverte, m'appris qu'il faisait beau. Pas aussi beau qu'en plein été, mais au moins il ne pleuvait pas et le ciel était à peu près dégagé. Un petit vent frais soufflait sur la ville, mais ce n'était pas bien méchant. Ensuite, il fallait aussi que je pense au fait que nous allions passer la journée à arpenter les rues, à essayer des vêtements, des chaussures et peut-être même à courir afin de ne pas perdre de vue un beau jeune-homme venu acheter une magnifique veste en jeans. Oui, je craque complètement sur les mecs avec une veste en jeans. Enfin bref, il me faudrait donc quelque chose de confortable, de pas trop chaud, mais de pas trop léger non plus. Bon, eh ben avec ça, on n'est pas bien avancé. Mais je n'avais pas le choix: quand il faut y aller, faut y aller. Je retournais dans ma chambre, près de mon lit et actionnait mes enceintes. C'est Beyonce qui commença à s'égosiller à travers la pièce. J'admets que je commence à m'égosiller avec elle. Pour ma défense, ça me donne de l'inspiration... Je choisis un débardeur violet pâle, presque gris, que j'enfilais sous un pull violet foncé. En bas, je choisis un simple slim gris. J'enfilais une simple paire de tennis rouge, avant d'enfouir un short dans mon sac. On ne sait jamais que tout à coup, le soleil décide de brûler la ville! Un petit passage dans ma salle de bain et me voilà maquillée et coiffée. Je jetais un dernier coup d'œil à l'intérieur de mon dressing et je me décidais à favoriser les chaussures. J'avais beaucoup trop de pantalons et de bijoux. Les hauts, c'était même pas la peine; j'en avais même découvert que je n'avais pas mis depuis l'année précédent mon séjour à Londres. Donc les chaussures. Pleins de chaussures. Chopant mon sac au vol, je sortais en trombe de ma chambre, dévalais les deux volées d'escaliers et sortais dehors.
« Prendre la voiture ou marcher? Le bus peut-être... » Je regardais ma mini bleue électrique et dans un haussement d'épaules, commençais à marcher vers le campus. J'envoyais un SMS à Night pour la prévenir. Je marchais d'un pas pressé, ayant trop hâte d'y être, pour flâner tranquillement. Je me repassais dans ma tête la phrase que j'avais décidée de me faire tatouer, mon premier tatouage à San Francisco. Et je réfléchissais si je devais le faire aujourd'hui, avec Night, ou bien attendre encore et trouver un bon tatoueur toute seule. Quand j'arrivais à notre point de rendez-vous, je ne m'étais pas encore décidée. Je laissais donc ça de côté, essayant de ne pas oublier de me rappeler de lui en parler tout à l'heure, quand elle arrivera. Ou après nos achats. Parce que le shopping, ça fait réfléchir, non?

Un quart d'heure. Ou peut-être une demi-heure. En y repensant, ça devait bien faire 45 minutes que je poireautais devant le centre commercial. En même temps, c'était de ma faute. Depuis le temps, je devais savoir que les rendez-vous matinaux avec Night, ce n'était pas le bon plan. Je le savais, je le savais! Ce n'était pas la première fois qu'elle me faisait le coup, et à chaque fois je me disais qu'il fallait arrêter de se donner rendez-vous le matin. A chaque fois. Mais non, je persistais à oublier d'une fois à l'autre que la demoiselle n'était pas du matin. Moi, même avec une soirée arrosée et une nuit de seulement trois petites heures, je pouvais être debout et en pleine forme à huit heures tapantes. Bon, peut-être pas, mais neuf heures, c'est sûr. Je tiens bien l'alcool et je suis une lève-tôt quoi qu'il arrive. Les grasses mat' jusqu'à midi, c'est pas pour moi. Après, bien sûr que j'aime glander dans un lit douillet, enfouie sous cinq couvertures avec la musique à fond et l'odeur de petits pains au chocolat. Mais pas en dormant. Par contre, j'aurais dû me souvenir que la blondinette n'était pas du matin. Avec la chance que j'avais, elle avait dû se coucher tard, avec une bonne série de verres alcooliser. Et je serais donc là, à l'attendre, encore pour une bonne demi-heure. Après, je ne dis pas que c'est de sa faute. Loin de là. D'ailleurs, je ne remettrais jamais rien sur le dos de Night. C'était une fille tellement génial que, la connaissant, je ne pouvais tout simplement pas la critiquer. J'avais beau essayer, c'était impossible. Et puis en même temps, très peu de gens sont comme moi, vaccinés contre les nuits blanches et arrosées.. Et je les comprends franchement.
Tout ça pour dire que j'attendais mon amie devant le bâtiment, assise sur l'un des petits murets de l'entrée. Les gens qui sortaient et entraient dans le bâtiment me jetaient de drôles de regards. Comme s'ils n'avaient jamais vu quelqu'un de tout à fait normal attendre toute seule devant un centre commercial. En y réfléchissant bien, je n'avais pas vraiment l'air tout à fait « normale ». Mon casque sur les oreilles, je dodelinais de la tête au rythme de ma musique, un sourire totalement inconscient sur les lèvres. Je tapais du pied sur le sol, sifflotant quelques notes à l'occasion, ou commençant carrément à chanter si l'envie devenait trop forte. Et puis avec mon bandana dans les cheveux et mon épaule dénudée, j'effrayais certainement les grands-mères. Mais on n'est pas censé être en Californie là??! Où se trouve la liberté d'expression et de... d'habillement!!?
Une silhouette connue apparue alors dans mon champ de vision. Je me redressais d'un bond sur mes deux jambes et commençais à aller vers elle. Un sourire aux lèvres, je traversais les petits groupes qui se trouvaient sur mon passage. Arrivée à quelques pas de ma cible, je me repris et pris une mine faussement énervée avant de tendre mon bras sur l'épaule de Nightingale. Elle se retourna alors pour me faire face, m'ayant apparemment déjà reconnue. Il est vrai que j'avais pris l'habitude d'acheter un bracelet dans chaque nouvel endroit que je visitais, alors mon poignet en était recouvert.
« Désolée pour le retard mais je me suis laisser entraîner par Diego en boîte hier et je te laisse deviner la suite. Bad trip total. J’avais zappé ton petit sms d’hier.»

Elle appliqua une bise sur ma joue avant de reculer à nouveau. Un instant, je m'étais remise à sourire, mais il fallait que j'essaie de garder mon sérieux pour lui montrer que j'étais capable de lui en vouloir. En plus, elle venait de m'avouer qu'elle m'avait « zappé », alors ça ne devrait pas être bien difficile de se concentrer dessus. Même si je n'y arrivais jamais, à chaque fois que Night arrivais en retard, je faisais de mon mieux pour essayer de paraître en colère, ou juste un peu énervée. Malheureusement, chaque fois j'éclatais de rire, ne pouvant tout simplement pas m'empêcher de lui sourire ou de lui rendre sa bise. En plus, elle trouvait tout le temps le moyen de me faire craquer. Là par exemple, une moue faussement désolée, un peu comme le chat dans Shrek, recouvrit son visage. Gardant mon calme, je respirais et inspirait profondément afin de rester impassible. Malheureusement, elle plaqua une autre bise sur ma joue. L'effet fut immédiat et je la serrais dans mes bras.

« Tu m’as vraiment manqué. »
- Toi aussi tu m'as trop trop manqué!

Je lui déposais à mon tour un bisou sur la joue avant de passer un bras sous le sien. D'un pas similaire, nous rejoignons le flux des personnes entrant dans le centre commercial. Certains paraissaient bizarrement stressés, d'autres essayaient tant bien que mal de garder leurs cinq enfants autour d'eux, pendant que quelques malheureux marchaient seuls, poussés par la foule, un air désespéré sur le visage, puis il y avait nous deux, Night et Apple, un grand sourire aux lèvres, avançant d'un pas qui en disait long sur notre humeur joviale, sans faire vraiment attention aux personnes qui nous entouraient tellement nous avions attendus cet instant avec impatience.
Les couloirs du bâtiment étaient remplis de monde, même s'ils n'étaient pas pleins à craquer. Nous avions largement la place de circuler, mais nous ne pourrions pas courir en ligne droite d'un bout à l'autre du centre sans avoir à zigzaguer entre les clients des différentes boutiques. En même temps ça tombe bien, ce n'était pas dans mes attentions. Quoi que, ça aurait été super marrant, une petite course d'obstacles... Les yeux brillants, je regardais les vitrines qui couvraient d'un côté et de l'autre les murs du centre commercial. Par où pouvions nous commencer... L'enseigne d'un magasin de chaussures attira mon regard et, sans prévenir Night, je bifurquais vers l'entrée de la boutique en l'entraînant avec moi. Que la fête commence!