J'avais connu des jours meilleurs, c'était indéniable. Je m'étais réveillée des milliers de fois avec le cœur plus léger. Et pourtant, ce sourire en coin ne quittait pas mes lèvres, comme s'il était mon arme pour affronter tout ça. S'il ne me protégeait pas de la réalité, il pouvait encore contrer les questions habituels sur mon état, aussi bien lorsque je discutais sur Skype avec la bande de New-York que lorsque je faisais face à Alexa et mes nouveaux amis. J'évitais les « Ça va ? Tu fais une de ces têtes... » Et j'en étais ravie. Je pouvais cacher ce qui n'allait pas, le passer sous silence. Je prenais doucement mes marques. Trop doucement à mon goût cela dit, puisque j'avais l'impression de tourner en rond et l'envie de faire mon come back plus tôt que dans la grosse pomme se faisait de plus en plus sentir. C'était incroyable... Jamais encore je n'avais été aussi peu sûre de moi. Même avec ma mère qui me mettait des bâtons dans les roues et qui me harcelait au téléphone, j'avais eu bien plus d'assurance à New-York. Là, je m'interrogeais sans cesse. Peut-être parce que les raisons de mon déménagement n'étaient pas celles que je prétendais et que les actualités de Facebook me fendaient le cœur depuis une petite semaine déjà. J'étais peut-être trop respectueuse pour exprimer clairement mes sentiments, mais quel cœur amoureux ne se serait pas soulevé puis littéralement retourné face à de telles démonstrations d'affection ? Ça aussi, je le gardais pour moi, nourrissant inconsciemment un espoir qui se voulait de plus en plus maigre. Mais il était toujours là, dans un petit coin de ma tête.
Je n'avais pas beaucoup dormi la nuit dernière, tout ça à cause de quelques messages, qui avaient eu raison de mon moral. Maël n'allait pas bien, ce qui à mon tour me mettait dans un drôle d'état. Nerveuse, mais aussi frustrée de ne pas pouvoir occuper la place que j'avais eu pendant toute une année, veillant sur lui à ma manière. J'y avais pensé, durant des heures entières, m'en rendant presque malade. Le résultat ne pouvait échappé à personne, j'avais des cernes bleutées sous les yeux et je fournissais des efforts gigantesques pour me montrer aimable et agréable. Des journées aussi pourries que la la veille, il y en aurait sans doutes encore quelques unes à venir et j'espérais silencieusement qu'elles seraient peu nombreuses. Sans quoi, je n'allais pas faire long feu. Sans caféine, c'était probablement la journée que je n'allais pas passer. C'est donc bien fatiguée que je poussai la porte d'entrée du petit café dans lequel je me rendais dès que j'avais un peu de temps. Mes Ray ban sur le bout du nez, le sac sur l'épaule, je jetais un rapide coup d'œil à la salle. Je craignais toujours de le croiser, cet idiot de première catégorie. J'étais plutôt du genre posée, douce et compréhensive. Mais ce type était tellement agaçant, qu'il avait le don d'user et d'abuser de ma patience. Il se prenait probablement pour le Roi du monde, et il pouvait toujours courir pour que je lui déroule un tapis rouge à chacune de ses apparitions. Un simple accrochage avait suffit pour que je le prenne en grippe. En même temps, qui ne l'aurait pas fait à ma place aux vues du ton qu'il avait employé à mon égard, m'aboyant littéralement dessus sans attendre mes excuses. J'étais maladroite, j'avais renversé du café sur son t-shirt, je me serais fait pardonner d'une quelconque façon, en lui offrant sa prochaine consommation par exemple ! Au lieu de ça, il avait tapé un véritable scandale et j'avais perdu mon petit job à mi-temps. Il fallait toujours que je le croise en ces lieux, à croire qu'il attendait que je me pointe pour ramener ses fesses et me soûler. Tenant à ses foutues excuses, il cherchait à me faire péter une durite. Et lui ? Il s'était excusé pour mon licenciement ? A tous les coups il devait trouver ça normal et mérité, cet abruti !
Oui, ce matin, j'étais remontée... La petite nana en manque d'amour que j'étais n'avait pas envie d'être sympa ce matin. Je n'avais pas envie de faire des efforts, car j'en avais toujours trop fait. J'avais besoin de souffler, et j'allais commencé par le faire au dessus d'une tasse de café parfumé à la noisette. Une chance pour moi, il n'y avait pas beaucoup de monde à cette heure plutôt avancée de la matinée. Qu'il était bon de ne pas avoir d'examen aujourd'hui ! M'avançant jusqu'au comptoir, j'adressai un léger sourire à la serveuse, qui avait été une collègue l'espace de quelques jours d'essai. « Un café noisette s'il te plait... - Sur place ou à emporter ? - Oh euh... Sur place... Merci. » Réglant ma commande au centime près, je patientai quelques instants. On finit par me tendre mon gobelet, et je me retournai pour aller m'asseoir. « Hey ! » J'avais manqué de percuter une nouvelle fois quelqu'un. Relevant la tête, je ne pu retenir un soupir, lourd de sous-entendu. « Ce n'est pas possible. Tu cherches à provoquer l'accident ou quoi ?! Je peux volontiers t'ébouillanter avec mon café si c'est ce que tu veux ! » Encore lui ! Je vous l'ai dit... Il semble être mon ombre dans ce café !
Se réveiller alors que ses heures de sommeil n'avaient pas fait le tour du cadrant, était une chose que Matthew détestait au plus haut point. Lorsqu'il ouvrit un œil ce matin, il jeta directement un coup d'œil à son iPhone qu'il décolla de sa joue et en constatant que l'heure du déjeuner n'était pas encore arrivée, il avait faillit se rendormir tranquillement. Oui, il aurait largement pu finir sa nuit, si seulement il se trouvait dans son lit bien douillet ; chez lui. Et s'il y avait bien une chose de plus que Matt détestait, c'était bien de passer la nuit chez les autres. Mais à vrai dire, il avait été bien trop feignant pour rentrer chez lui en plein milieu de la nuit alors que des draps soyeux l'attendaient et étaient prêts à l'accueillir à bras ouvert. Par contre, partir comme un voleur dès la première lueur du soleil était bien le style de Matthew, laissant cette jolie créature à la chevelure dorée seule dans les bras de Morphée. Attendre qu'elle se réveille ? Mais pour quoi faire ? Elle allait vouloir le prendre dans ses bras, lui offrir le petit déjeuner, lui donner son numéro de téléphone, lui proposer de rester un peu plus longtemps... Mouais non merci ça ira, Matt n'avait aucune envie de devoir entretenir une conversation ce matin, ni aucune envie de devoir lui expliquer le pourquoi du comment est-ce qu'ils ne se reverraient plus jamais. Une fuite sans laisser aucune trace ni aucun mot, était bien plus radical et il n'y avait besoin d'aucune parole pour que le message soit clair, net et précis.
Une nouvelle journée débutait, et elle ne ressemblerait ni à celle d'hier, ni à celle d'avant-hier. Après avoir remis ses affaires sur le dos, Matt avait traversé l'appartement qui lui était quasiment inconnu à tâtons, pour s'enfuir à l'extérieur et découvrir le beau soleil qui brillait sur la ville de San Francisco, en plein mois de Janvier. Il n'habitait pas du tout dans le coin et il lui faudrait plus de forces que ça pour se rendre dans son bel appartement. Le pas lent, Matt s'arrêta devant un café dans lequel il se rendait de plus en plus souvent depuis qu'il y avait trouvé une attraction: une jeune brunette affreusement maladroite qui se croyait plus maligne et plus caractérielle que lui. Rien que de penser à elle, Matt en eu le sourire aux lèvres. Il poussa la porte de l'établissement, les yeux cernés et le visage pâle, tellement pâle qu'on aurait dit qu'il venait de croiser un fantôme. Décidément, le manque de fatigue commençait à se marquer sur son beau visage. Un café, un café, vite un café... une jeune fille se retourna brusquement contre lui alors qu'il arrivait telle une furie, d'un pas particulièrement pressé. Mais ce n'était pas n'importe quelle fille, c'était LA fille. Et ça changeait tout. Contrairement à elle qui avait l'air épuisée de tomber une nouvelle fois nez à nez avec lui, Matt semblait quant à lui amusé, bien qu'un peu irrité tout de même.
- Ce n'est pas possible. Tu cherches à provoquer l'accident ou quoi ?! Je peux volontiers t'ébouillanter avec mon café si c'est ce que tu veux ! - Et oh, du calme... t'es pas le centre du monde tu sais, j'me lève pas le matin avec pour seul but dans la journée de te rendre la vie misérable, Dieu merci j'ai autre chose à faire. Haussement de sourcils puis sourire malicieux. Quoique, ça pourrait être intéressant !
Matthew se passa nerveusement une main dans les cheveux, il avait autant envie de l'écarter de son chemin d'un coup de bras brutal, que de rire de cette situation qui l'amusait tellement. Et là, ni une ni deux, action-réaction, le cerveau du jeune homme eu l'air de se mettre en route pour la première fois depuis qu'il avait ouvert un œil ce matin. A vrai dire il était entré dans le café en mode zombi encore à moitié endormi et épuisé, il ne s'était pas imaginé une seconde tomber encore sur cette folle furieuse. Et plusieurs fois, il s'étaient recroisés ici, et plusieurs fois, cela avait été chamaillerie... Matt ne s'était pas dit qu'il allait changer de tactique pour qu'elle se décide enfin à s'abaisser à lui et à rentrer ses crocs ? Ouais... ben t'as mal commencé pour aujourd'hui mon gars... Il commanda un café et avant qu'elle n'aille s'assoir à une table, Matt l'a rattrapa par le bras, contre toute attente. Une grosse inspiration, allez Matt, tu peux le faire, concentre-toi. Un petit sourire charmant, il se décida à bouger les lèvres.
- Hey... excuse-moi j'ai un peu mal réagit. Longue pause, Matthew en profita pour observer son interlocutrice avant de reprendre. J'crois qu'on est partit sur de mauvaises bases tous les deux, on devrait reprendre à zéro tu ne crois pas ? Dit-il en haussant les sourcils, l'air étonnamment convainquant. Se surprenant lui-même dans son jeu d'acteur, Matt décida de continuer dans sa lancée, de toute manière il n'avait rien à perdre, juste à y gagner... Moi c'est Matthew, et toi tu es...?
Du calme ? Il venait réellement de me demander de me calmer ou avais-je eu une hallucination ? Venant de lui ça me donnait presque l'envie de rire... Jaune cependant, car je n'étais absolument pas d'humeur à plaisanter lorsque je croisais ce mec. Avait-il fait preuve de patience et de compréhension lorsque j'avais maladroitement renverser ce café la première fois ? Absolument pas, et il l'avait fait savoir à tout le monde, y compris à mon responsable. Résultat des courses, j'avais été virée avant même d'avoir pu prétendre occuper officiellement le poste de serveuse. Donc non, je n'avais pas envie de me calmer. Ce café, je l'avais payé de ma poche, et je ne tenais pas à ce qu'il finisse sur mon t-shirt. Sans emploi, pas de salaire. Sans salaire, peu de café et surtout pas de note de pressing en plus des frais quotidiens ! A ses mots, je levai les yeux au ciel. Encore heureux que je n'étais pas le centre du monde, sinon ce dernier aurait été dans un sacré pétrin aux vues de mes soucis actuels et des mes coups de blues ! Et puis j'espérais bien qu'il ne se levait pas avec l'envie de me pourrir la vie. Bien qu'il avait autre chose à faire, visiblement il avait toujours le temps pour venir ici quand il ne fallait pas, soit en même temps que moi ! Il revint sur ses paroles, émettant alors l'idée que ça pouvait être, je cite : "intéressant". Bien sûr, cela me donna aussitôt envie de littéralement lui arracher la tête. Ce sourire en coin et ce trop plein d'assurance avaient le don de m'agacer au plus haut point ! Je soupirai, laissant échapper un juron entre mes dents, bien décidée à me trouver un coin tranquille, loin de ce pauvre type !
Mais qu'avais-je bien pu croire ? Que c'était encore Noël ? Que de naïveté franchement ! Il ne manqua pas de me retenir, m'attrapant le bras alors que je le contournais pour me frayer un chemin jusqu'à une table. Je m'en dégageai rapidement, et lui lançai un regard noir et méchant. Il n'avait pas à me toucher, j'étais suffisamment remontée et rancunière pour taper un scandale et lui attirer des ennuis. Mentir ne faisait nullement parti de mes habitudes, encore moins lorsqu'il s'agissait de causer du tort à quelqu'un, mais je n'avais pas tellement digéré ses excès et son attitude. Si encore il m'avait laissé tranquille par la suite... S'il m'avait totalement ignoré... Ça serait passé ! Mais il insistait pour que je lui fasse des excuses et de ce côté là je n'étais pas prête de lui céder. Hors de question de lui faire ce plaisir ! Je le fixai, attendant qu'il se décide à me décrocher un mot. Je lui laissais trois secondes. Passé ce délais, je lui collais une gifle, c'était certain ! Il commença par s'excuser, et cela me surpris comme jamais. Lui ? S'excuser d'avoir « un peu » mal réagit ? Machinalement je lançai un regard autour de nous. Avait-il planqué une caméra pour se moquer de moi ce demeuré ? J'étais méfiante face à un tel retournement de situation !
Je restai silencieuse un moment, détaillant son visage d'un simple regard, sans pour autant déceler quoique ce soit qui pouvait m'amener à croire qu'il se foutait ouvertement de moi. Arquant légèrement les sourcils, je ne pouvais pas détacher mon regard du sien. Je tentais désespérément de comprendre ce qui pouvait lui passer par la tête à cet instant précis. En vain, je n'y parvenais pas. Et lui, il poursuivait en faisant le constat de notre très mauvais départ. « Non tu déconnes ?! » -ai-je failli lui balancer en pleine face. Mais j'étais trop préoccupée pour me lancer dans une joute verbale maintenant. C'était louche, et pourtant, il semblait sincère. « Moi c'est Matthew, et toi tu es...? - … sceptique. -lançais-je, froidement. Je me donnais encore quelques secondes pour me demander si je pouvais lui faire confiance et finalement, secouant doucement la tête, je revins à la raison. Je n'allais pas devenir paranoïaque ! Pas maintenant ! -Eum pardon... Je m'appelle Emma. Dis-moi, t'es réellement bipolaire, ou tu fais semblant ? » lui demandais-je en faisant référence à son changement d'humeur et d'attitude à mon égard. Ça n'était pas pour autant que j'allais devenir amicale et gentille. Ses excuses, il pouvait courir pour les obtenir !
Honnêtement ? C'était tellement plus enrichissant d'interagir avec une personne qui avait du répondant que quelqu'un qui n'avait aucune personnalité et ne réagissait pas. Matthew avait toujours été désintéressé par ce genre de personnes... quel était l'intérêt d'avoir une discussion si c'est pour ne rien avoir de spécial à dire et se tourner les pouces au bout de deux secondes ? Et parfois, plutôt que de se contenter de son entourage déjà bien agité, Matt allait chercher lui-même d'autres personnalités qui pourraient l'occuper. Souvent, il créait lui-même les rencontres, les disputes, les déclarations, peu importe, tant que cela créait de l'animation.
- Moi c'est Matthew, et toi tu es...? - … sceptique. Eum pardon... Je m'appelle Emma. Dis-moi, t'es réellement bipolaire, ou tu fais semblant ?
Le jeune homme arqua un sourcil sans pour autant montrer un quelconque signe d'énervement. Non, ne t'agites pas maintenant, ce serait trop dommage après l'effort que tu venais de faire. Bipolaire ? Plutôt que de se vexer, il en rit intérieurement... mais il était vrai qu'il était le seul des deux à savoir que son changement radical d'attitude n'était qu'un petit jeu ; un petit jeu qui occuperait sa matinée et lui ferait oublier de s'être levé du mauvais pieds. Après avoir inspiré profondément, il sourit à Emma, puisant toute l'énergie de son corps pour que celui-ci paraisse le plus naturel possible.
- Emma, je suis surpris, c'est très joli comme prénom.
Il n'avait pas dit cela sur un ton ironique mais plutôt sincère. Ben ouais, il ne s'attendait pas à ce que cette petite teigne qui avait osé lui répondre et lui tenir tête pouvait porter un prénom aussi doux qu'Emma. Et, c'était également une très bonne tactique pour détourner le sujet et oublier le fameux "bipolaire." Il fit quelques pas en avant et se laissa glisser sur la banquette d'une table qui se trouvait juste à côté, déposant sa tasse de café brûlante sur cette dernière. Puis, il releva le regard en direction de la brunette, un petit sourire en coin qui paraissait loin d'être faux.
- Allez viens t'assoir... Emma. Une fois que t'auras aussi posé ton café sur la table on ne risquera plus d'se les renverser dessus, dit-il d'une voix grave mais tranquille. Il stoppa son sourire et haussa les sourcils, avant de reprendre: De toute façon, qu'est-ce que tu risques ? On est dans un lieu publique, j'vais pas te manger...
*Même si t'es très appétissante.* Hum, ouais... encore une fois heureusement qu'il était bon acteur et avait réussit évincer de son visage le genre de regard affamé qu'il avait l'habitude de lancer. Pas avec elle. Ce qu'il fallait qu'il soit, c'était gentil, aimable, généreux ; pas séducteur, charmeur et arrogant. Ouep ben ça allait être difficile mais il tiendrait bon... Il réussirait à être comme cela tant que ce petit jeu l'amuserait encore. C'était incroyable la façon dont il avait su changer d'attitude, en quelques secondes. C'était en réalité tout psychologique, une question de volonté, il fallait de l'entrainement certes mais Matthew avait tendance à souvent utiliser cette technique avec ceux qui l'ennuyait ou l'irritait... Il savait se calmer en une fraction de seconde pour ne pas arracher la tête à celui qui le cherchait et il savait aussi changer d'attitude juste... pour s'amuser un peu. Il empoigna sa tasse de café détournant son regard de la jeune fille, comme si finalement il ne lui portait pas plus d'intention que ça... Il savait comment ça marchait, plus tu t'accroches et plus t'es lourd, et plus elle te fuira. Mais si tu commences à jouer avec l'indifférence, elle devrait finalement se laisser glisser sur la banquette en face de lui. Enfin, a priori...
Surpris ? Vraiment ? Mon prénom le surprenait ? Je me demandais comme je devais le prendre, puisqu'il soulignait au passage que c'était un joli prénom. Avais-je la tête de la nana bonne qu'à porter un prénom banale à souhait, plutôt simplet pour ne pas dire moche ? J'étais sur la défensive et je me retenais de lancer une question des plus piquantes, qui m'aurait fait repartir au quart de tour. Me montrer agréable ne me coûtait rien, et puis je me devais d'être tout aussi courtoise que lui. Peut-être davantage d'ailleurs, afin de lui laisser sa place de « méchant » dans cette histoire. Inverser les rôle ? Très peu pour moi ! D'ordinaire très réservée avec des inconnus, je m'étonnais moi-même de lui accorder ne serait-ce que quelques instants, et plus encore de lui décrocher quelques mots. En temps normal j'aurais eu vite fait de tourner les talons et de lui offrir un vent mémorable. Je le fixais, d'un air un peu perplexe, attendant peut-être qu'il se rattrape. J'en avais presque oublié ma précédente question. Certes, le changement d'attitude du jeune homme était trop important pour passer inaperçu, mais je n'insistais pas, lui donnant le bénéfice du doute. Peut-être était-il réellement sincère. Après tout, qu'avais-je à perdre à lui faire confiance ? Rien. S'il était bon acteur et véritablement débile, je ne tarderais pas à le savoir. Ne dit-on pas qu'il est inutile de chasser le naturel, puisque ce dernier revient au galop ? Matthew était peut-être un cheval de courses, je n'en savais encore rien...
« Merci... » Difficile de faire mieux en guise de réponse... Je tentais de me montrer pleine d'assurance, à mon aise, mais ça n'avait rien d'évident. Je me souvenais parfaitement des précédentes altercations que j'avais eu avec lui. Mon sang chaud et mon caractère bien trempé avait eu raison de ma patience. Et pourtant j'étais sacrément fournie de ce côté-là ! Si bien que je n'arrivais plus à le percevoir comme un type lambda ; un gars que je pouvais parfaitement ignorer. Sa présence me mettait inconsciemment les nerfs... Et là, il était si... avenant ! Ça changeait de la facette qu'il m'avait toujours montré de sa personnalité.
FLASH BACK « Je ne bougerais pas d'ici tant que tu ne te seras pas excusé... - Tu peux toujours courir ! » Il me barrait le passage. J'aurais dû me résigner et lui balancer ces satanées excuses à deux balles ! Juste pour avoir la paix ; pour qu'il arrête de me les réclamer à chaque fois que je venais acheter un café. Sauf que j'étais bien plus têtue que ça. Et puis je n'avais absolument pas besoin d'un sourire en coin satisfait et ostensiblement agaçant pour démarrer ma journée. Je tentais de l'esquiver par la gauche, sans succès. Puis la droite, pour terminer sur un nouvel échec. Exaspérée, je le fixais jusqu'à ce qu'une serveuse nous demande de nous décaler pour passer. J'en profitais, faisant un léger demi-tour afin de la suivre. Impossible pour lui de me stopper sans manquer de bousculer la demoiselle et son plateau. Il avait déjà fait renvoyer une serveuse, il allait limiter la casse, non ? Je lui adressais un large sourire hypocrite, et m'empressais de regagner la sortie. « Je les aurais mes excuses ! - Oui, oui, c'est ça ! » -lançais-je en laissant la porte se refermer derrière moi, sans prendre la peine de lui adresser le moindre regard. Un signe de main suffisait. Content ou non, ça n'allait rien changer ! FIN FLASH BACK
Il semblait avoir changé du tout au tout ! C'en était assez impressionnant ! Il me laissait tranquille, allant s'asseoir à une table un peu plus loin. Il m'invita même à le rejoindre... Et il mettait en avant d'assez bons arguments. Je ne risquais rien. Encore heureux qu'il n'allait pas me manger ! Et puis quoi encore ?! J'hésitais quelques instants et je finis par m'asseoir. Mais je ne décrochais pas le moindre mot, comme si j'étais soudainement concentrée sur ma boisson caféinée. C'est fou comme un gobelet peut devenir intéressant quand on ne sait pas quoi dire. Il me perturbait, je ne savais plus comment réagir face à lui. Ma rancune s'était fait la malle !
Comme il se l’attendait, Emma finit par craquer et vint s’assoir en face de lui. Le problème, c’est que jusqu’à maintenant, leurs conversations n’avaient été que disputes, méchanceté et indifférence. Il n’en avait rien à faire d’elle, et elle n’en avait probablement rien à faire de lui. A priori, le plus simple pour eux serait d’essayer de s’éviter au maximum jusqu’à ce que cette histoire se tasse et que chacun reprenne sa petite routine. A moins qu’ils aient réellement envie, chacun de leur côté, de repartir sur de bonnes bases et pourquoi pas apprendre à vraiment se connaitre… Seulement, ce n’était pas comme ça que ça s’passait. Matthew se fichait éperdument d’elle, j’veux dire, qu’est-ce qu’elle pourrait bien lui apporter de plus ? C’était une fille banale, comme les autres, sauf qu’elle avait du caractère et c’était sans doute ce qui l’avait retenu. Pourquoi perdrait-il son temps avec elle ? La vie était tellement ennuyeuse, c’était aussi simple que ça… Emma serait sa distraction de la journée et pourquoi pas d’autres jours même… C’était quelque chose de nouveau, de frais, d’excitant et il savait d’avance qu’il n’allait pas s’ennuyer avec elle vu l’état de leur « relation. » Alors plutôt qu’il boie son café tout seul, autant qu’on lui tienne compagnie. Autant qu’il s’occupe en parlant à quelqu’un. Enfin, pour avoir une conversation, encore faut-il que les deux protagonistes ouvrent la bouche, et Emma avait l’air d’avoir perdue sa langue, tout à coup.
Matthew bu une gorgée de café, tranquillement, attendant de voir si elle allait se décider à dire quelque chose. Puis, il passa ses doigts sous ses cernes violettes. Ses yeux brûlaient de fatigue et d’excès et bien qu’il soit plutôt habitué à cette sensation, il pria pour que le café fasse très vite effet et lui redonne un peu d’énergie. Il se laissa tomber au fond du dossier et fixa son regard sur celui d’Emma.
- T’es devenue moins bavarde tout à coup, qu’est-ce que ça fait du bien à mes oreilles, lâcha t-il dans un soupire. Oh. Merde. Merde, t’avais pas dit que tu serai « gentil » et « sympathique » ? A croire que c’était vraiment pas dans sa nature… Il se redressa brusquement, se rendant compte que ses paroles n’allaient pas vraiment dans le sens du « on repart à zéro ? » Enfin, j’suis sur qu’on pourrait bien s’entendre si on arrêtait d’se faire la guerre à chaque fois qu’on s’voit. Surtout que ça risque d’arriver encore souvent vu qu’il est clair qu’on chérit cet endroit l’un comme l’autre.
Un petit sourire en coin, qui n’avait pas l’air si forcé que ça, et il se laissa retomber au fond du dossier, après avoir avalé une nouvelle gorgée de café. Il ne dit rien pendant quelques secondes, prenant le temps de réfléchir à ce qu’il pourrait bien lui raconter pour être « gentil. » Il reporta son regard sur elle, au cas où l’inspiration lui viendrait comme par magie. Le truc, c’était qu’il n’avait aucune envie d’être friendly avec elle et de parler de la pluie et du beau temps. Sérieusement, ce serait plus ennuyeux qu’autre chose et quitte à s’ennuyer, autant le faire seul. Ouais, c’était définitivement un mauvais plan de vouloir faire ami-ami. La seule chose qu’il aurait bien envie de faire d’elle, c’était la mettre dans son lit parce qu’elle avait un physique plus que convenable et des lèvres pulpeuses. Il était en train de la dévisager comme si elle était une côte de porc ou un truc dans le genre, il arrivait presque à en sentir son odeur appétissante et se mordit la lèvre inférieure. Oh merde, j’crois qu’elle a capté. Mais il n’était vraiment pas du genre à rougir ou à ne plus savoir ou s’mettre, au contraire, il croisa les bras naturellement et continuait de fixer Emma, d’un regard un peu plus léger. Il haussa les sourcils et se décida à bouger les lèvres.
- Ouais… t’es définitivement plus intéressante quand tu parles pas.
Il était bon acteur, certes il aurait pu continuer sur sa lançée d'être quelqu'un d'adorable, reconnaissant ses fautes et voulant réparer ses erreurs. Seulement ça promettait d'être d'un tel ennui ! Et voilà, ce jeu de vouloir l'attendrir l'avait déjà lassé et le naturel revenait au galop, pas sur qu'elle apprécie.