Dernier partiel du semestre bouclé, Peneloppe allait enfin pouvoir souffler. Et reprendre sa petite routine. Cours magistraux en matinée, faits par des médecins l’après-midi avec parfois visite des services de l’hôpital de San Franscico pour voir un peu de pratique, fin d’après-midi et début de soirées à scanner des articles et à encaisser des chèques au Wall-Mart en compagnie de BJ, avec pour but de trouver de nouveaux moyens de communication sans que le manager s’aperçoive de leurs stratagèmes, et soirées voire nuit en compagnie de ses amies, voire de son petit ami du moment. Et ces derniers temps, la jeune femme arrivait de moins en moins à rester en couple. Depuis a rupture douloureuse de la fin de la terminale, elle n’arrivait plus vraiment à s’ouvrir à ses petits amis, et avait des difficultés avec la plupart des gestes, des câlins qu’implique le fait d’être en couple. Elle était souvent distante, avait du mal avec les démonstrations d’amour en public, et avait une petite, toute petite, tendance à rompre dès qu’elle sentait que le garçon pouvait s’attacher à elle et songer à la présenter à ses amis, à ses parents, à officialiser leur couple. C’était plus fort qu’elle, elle n’arrivait pas à rester en couple plus de six semaines d’affilé avec la même personne. Beaucoup de garçons lui reprochaient son attitude et refusait de la revoir par la suite, certains faisaient même courir la rumeur qu’elle serait lesbienne pour se venger de la rupture. Tous sauf un.

Peneloppe avait eu une courte relation avec Liam lors de l’année passée. Là encore, tout semblait allait pour le mieux. Il était charmant, drôle, intelligent, séduisant, avait reçu l’approbation de la plupart de ses propres amis qu’il avait pu rencontrer lors de soirée, il avait tout pour plaire. Mais comme à son habitude, la jeune femme avait rapidement rompu. Pendant quelques mois, elle n’avait pas eu de nouvelles de lui, et elle l’avait classé dans la catégorie des garçons qui l’ignoraient à présent. Sauf que ces derniers temps, elle avait cru l’apercevoir dans les couloirs de la facultés, au Wall-Mart, dans la file d’attente du cinéma. Elle avait aussi reçu ce texto où il lui demandait si prendre un verre avec lui, en amis, la tenterait. Elle n’avait pas osé y répondre. A vrai dire, cette situation n’était jamais arrivée, et elle ne savait que dire ou que faire.Ces derniers temps, elle avait pris l’habitude de regarder souvent autour d’elle, à la recherche de sa tignasse brune dans laquelle elle aimait passer ses doigts quand ils étaient au lit. Ou du pullover rouge qui lui allait si bien. Ces tics ne lui ressemblait, elle que ses ex rendaient pour la plupart du temps indifférente.

En quittant l’amphithéâtre, elle s’arrêta quelques secondes sur la marche du haut, pour jeter un œil, mais ne voyant de tête familière, elle resserra son écharpe autour de son cou et entreprit de descendre les marches rapidement, pour profiter au maximum de l’heure qui lui restait avant qu’elle ne doive aller travailler.

Le mois de janvier était en général plutôt doux en Californie, mais cette année, Peneloppe avait l’impression d’avoir tout le temps froid. Elle n’avait plus mis de jupe depuis la fin de l’automne, alors qu’elle en portait en général tout au long de l’hiver avec une paire de collants fin et ses bottes fétiches. Elle était même en train de se demander si elle n’avait pas s’acheter une paire de gants, voire un bonnet cette année. Ca pouvait être un achat considéré comme inutiles pour beaucoup, mais elle préférait avoir chaud quitte à être un peu ridicule. Et puis ridicule, originale, elle l’avait été pendant tout le lycée, elle était toujours celle qui était décalée, qui ne suivait pas la mode, qui n’arrivait pas à assortir les couleurs entre elles …

Complètement perdue dans ses pensées, la jeune femme ne regardait pas vraiment devant elle. Elle longeait le bâtiment des étudiants en droit, et en voulant tourner à gauche, elle faillit rentrer dans un étudiant. A quelques secondes près, les spectateurs autour auraient pu avoir droit à la scène classique mais efficace du garçon et de la fille qui se rentrent dedans, qui laissent tomber les livres qu’il tiennent en main, qui se penchant en même temps pour les ramasser et qui se cognent le front. Ils en riraient, ce serait le début d’un conversation et d’une histoire d’amitié qui aurait débuté par un coup de tête au lieu d’un coup de foudre. Peneloppe leva les yeux pour voir sur qui elle aurait pu foncer, et s’excuser de sa maladresse par la même occasion, mais elle restait presque bouche bée en se rendant compte de qui était debout en face d’elle … C’était Liam.
Elle ne l’avait pas vraiment revu depuis leur rupture, c’était l’an dernier. Il n’avait changé. Ses cheveux toujours ébouriffés, pas vraiment coiffés, ses yeux, son sourire. Tant de choses qui aujourd’hui encore la faisait vibrer. Il lui plaisait toujours autant, elle ne pouvait le nier. Mais elle savait aussi que ce serait une erreur de se relaisser tenter. Ils risquerait de s’attacher trop vite, et la rupture serait encore plus difficile. En le regardant mieux, elle s’aperçut qu’il souriait et qu’il n’avait plus l’air surprit qu’il avait il y a deux secondes. Il était heureux de la voir … Il lui dit quelque chose, mais elle n’écoutait pas vraiment. Elle devait rester forte, partir avant de craquer …

« Euh salut Liam … J’ai …. Hum … je n’ai pas vraiment le temps … Le wall-mart et tout … une autre fois hein ? »

La fuite, dire que sa solution était la fuite. Elle le contourna et elle reprit son chemin, en essayant de marcher aussi vite que ses jambes le permettait. Pourquoi est-ce qu’elle ressentait tout ça ? Elle avait à la fois envie qu’il la laisse tranquille, de ne plus jamais le voir et de passer à autre chose, et en même temps, elle avait envie qu’il la rattrape, qu’il la retienne. Elle avait ressenti les mêmes sentiments contradictoires quand elle avait reçu son texto, elle voulait à la fois l’effacer, pour faire comme si elle ne l’avait jamais lu, et à la fois lui répondre, lui dire oui. Et sans s’en rendre compte, elle ralenti. Serait-ce son subconscient qui laissait à Liam une chance de la rattraper ?

La jeune femme ralentit d’ailleurs tellement que Liam s’était décidé à la suivre, et l’avait rattrapée. D’un geste, il lui effleura le bras, et elle ne put s’empêcher de frissonner, et non pas à cause du froid. Elle se mit pendant dix secondes à imaginer ce que pourrait être sa vie si elle lui redonnait une chance, jusqu’à ce que l’idée d’être une « vrai couple » l’effraye à nouveau. Parfois, elle avait vraiment envie de redevenir une fille normale, envie d’avoir des relations saines, plus longues, envie d’avoir le temps de vraiment connaître les gens, envie de profiter des dimanches entiers dans un lit à papoter. Mais elle avait tellement peur d’être déçue à nouveau … Joyce et ses amis avaient beau essayer de la convaincre qu’elle devait se laisser aller, se laisser aimer … Et pendant dix autres secondes, Peneloppe se dit qu’elle aimerait que Liam soit celui qui lui redonne confiance dans les hommes. Après tout, il avait eu le mérite de continuer à essayer de lui parler même un an après, il s’accrochait à elle.

Le jeune homme marchait à présent à sa hauteur, ses pas calqués dans les siens. Il avait l’air déterminé cette fois. « j’aurais juste aimé savoir si tu voulais prendre un verre…en ami bien sur… Elle s’arrêta net. Elle avait envie qu’il lui demande quelque chose du genre il y avait encore quelque secondes et maintenant qu’il l’avait fait, elle était de nouveau prête à refuser et à s’enfuir. Elle se tourna vers lui, et le regarda dans les yeux. Il avait l’air déterminé oui, mais aussi presque persuadé qu’elle allait refuser, comme d’habitude. Elle ne dit rien, pendant presque deux minutes, qui semblèrent durer une éternité car aucun des deux n’osait bouger et parler. Et tout ce qu’elle réussi à dire au bout de ces deux minutes fut « D’accord » Le premier pas était fait pour elle, le plus dur, réussir à dire oui, réussir à lui donner une seconde chance de la séduire, de la convaincre de lui faire confiance, qu’il ne lui fera pas mal, qu’elle peut compter sur lui. « Je veux dire d’accord pour le verre … ». Mais elle ne réussit à rien ajouter d’autre, elle avait besoin qu’il fasse le premier pas, qu’il la guide petit à petit…