Je ne peux pas dire que j'aimais cette fille à cent pour cent. Je veux dire par là que oui, j'étais amoureux d'elle. Cependant, je savais que je ne finirais pas ma vie avec elle. Faut dire aussi que je ne croyais pas vraiment à l'amour absolu. Je m'imaginais mal passer toute ma vie avec une même personne. Et puis je voyais mes parents être toujours ensemble après autant d'année de mariage, puis je me demandais sérieusement comment maman faisait pour endurer mon père lorsqu'il se fâchait pour rien, où bien comme lui il faisait pour endurer celle-ci lorsqu'elle se laissait faire par les mecs qui tentait de la charmer. En tout cas, pour l'instant, j'étais avec cette fille et j'espérais sincèrement l'aimer un peu plus, un jour. Et j'espérais aussi que ça se fasse tout seul, parce que je n'avais pas assez de vouloir pour tenter de l'aimer davantage. Elle se tenait devant moi avec un visage de zombie. Ça faisait cinq mois qu'on était ensemble, j'avais seize ans, elle en avait quinze.
« Logann, j'ai quelque chose à t'annoncer. » Vous voulez que je sois honnête? Bah, j'espérais sincèrement qu'elle me dise qu'elle m'aimait plus en ami. J'en avais marre de passer pour le connard qui quitte toutes ses petites amies.
« Bah vas-y, princesse. » Faut pas croire que je suis gentil. Ouais, je l'avoue, le 'princesse' c'était juste pour qu'elle se sente encore plus coupable de me laisser. La ruse, la ruse -À ne pas confondre avec la russe, la russe-.
« J'suis enceinte. » La face que j'avais fait lorsque j'avais entendu ça valait un million de dollars. Du coup, j'étais tellement surpris que je me souviens avoir réfléchi à la date qu'on était cette journée là question de voir si on n'était pas le premier avril.
« Tu .. » Un 'tu' qui voulait tout dire. J'avais la conviction qu'elle n'allait pas le garder. J'en étais tellement certain que ..
« J'ai l'intention de le garder. » .. J'ai voulu crever, quoi. J'avais serré les dents, et j'voulais toujours autant crever. Elle se prenait pour qui, han? J'avais seize ans, elle en avait quinze, quinnnnze, bordel de merde!
« Non, tu peux pas. » Elle me regardait avec toujours la même et unique poker face, comme si elle faisait ça que pour me faire ch*er.
« Si, je peux. Et je veux absolument le garder, peu importe ce que tu vas me dire. » Moi qui n'avait jamais réellement paniqué, là, je peux vous assurer que je paniquais comme un chef. Même que j'étais en colère qu'elle ne prenne pas en considération mon avis. J'étais le père, je n'avais pas le droit de dire ce que moi, je voulais?
« Eh bien, bonne chance pour l'élever seule, et va te faire foutre, en bonus. » Trait de caractère numéro deux : impulsif. Je l'avais quitté en une parole nébuleuse pour ensuite quitter la pièce avec le coeur qui battait toujours aussi vite. Je n'étais peut-être pas l'homme le plus délicat de la planète, mais .. Arf. Tant pis pour les explications.
J'ai vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans sans trop me soucier du fait que j'avais un enfant à quelque part dans ce monde. J'avais habité Chicago jusqu'à l'âge de dix-sept ans, puis aussitôt que j'avais atteint dix-huit, j'avais décidé d'aller vivre seul à San Francisco. Le gros changement, me direz-vous? Vraiment. J'étais tellement plus confortable à l'idée de savoir que 'l'enfant' -et la mère qui vient avec- se trouvait loin de moi. Vraiment loin de moi, en fait. Exactement une journée et neuf heures de route selon google map. Ma vie était pas mal, j'avais mon appartement, des amis & un job qui me plaisait. J'étais mannequin pour une petite ligne pas trop connue encore, mais qui apparaissait tout de même dans les vitrines. Je sortais le soir, je me trouvais souvent une fille question de satisfaire mes besoins de mâle, mais je restais célibataire, ça oui. Cette fille m'avait un peu foutu la trouille, même si c'était une histoire ancienne. Dix-neuf ans, un job, une vie, des potes et .. La mère de mon 'enfant' qui me .. Trouve.
« Qu'est-ce que tu fais à San Francisco? Pourquoi.. Pourquoi t'es ici, hein? » Elle venait tout juste de briser brusquement la bulle que j'avais construit tout autour de ma tête pour l'oublier, elle et .. Et la petite. En plus, ma 'fille' se trouvait juste à côté d'elle. J'agissais comme si elle était un enfant comme une autre, je niais que j'étais bel et bien son père. Elle avait deux ans et elle se tenait debout, avec son petit regard illuminé, toute contente de voir son papa pour la première fois, ne réalisant même pas que je ne voulais pas d'elle.
« J'habite ici depuis un mois avec la petite. » Je n'osais même pas la regarder dans les yeux et je ne baissais surtout pas la tête de peur de voir la fillette.
« Mais t'as que dix-huit ans! » La panique que j'avais laissé à ses pieds la dernière fois que nous nous étions vus était réapparue. Je ne savais pas quoi dire, quoi faire, quoi penser, quoi regarder.
« Et toi, t'avais pas dix-huit ans quand t'as déménagé? » Je me souvenais tellement à ce moment-là pourquoi je ne l'aimais pas tant que ça.
« Comment t'as fait pour savoir que j'étais ici? » Ça allait tellement bien, sans elle.
« J'savais pas que t'étais ici, Logann. Même si j'aurais bien aimé être au courant. » J'sentais que j'allais être condamné jusqu'à la fin de mes fucking jours.
« Alors qu'est-ce que tu fiches ici? » « J'ai vu une photographie de toi dans une boutique. Si tu savais à quel point je l'ai fixé longtemps. J'ai même quasiment été fière de voir que t'étais devenu mannequin. Mais j'te déteste trop pour ça. » « Va-t'en. » « Ta fille voulait seulement voir à quoi ressemblait son connard de père. J'espère que ça ne t'embête pas. » « Va-t'en, tout de suite. » Puis sans même poser un regard sur la fillette, j'avais fermé la porte, me mettant à pleurer pour l'une des premières fois de ma vie.
03. |
now you still speak of day old hate, though your whole world has gone up into flames, and isn't it great to find that you're really worth nothing and how safe it is to feel safe. ✘ DAY OLD HATE, CITY AND COLOUR. |
Vingt-ans. Ça faisait un an que j'y pensais à chaque jours. J'suis peut-être pas le plus gentil mec de la terre, mais oui, je me sentais infiniment coupable. Et surtout lorsqu'elle m'a confronté pour la deuxième fois, sonnant à mon appartement. Cette fois-ci, elle était seule, heureusement. Je ne voulais pas me souvenir davantage de cette enfant. Sauf que bien évidemment, elle était revenue pour me rappeler que j'étais père.
« Soit tu payes des chèques de pension pour le restant de tes putains de jour, où soit tu prends sa garde une semaine sur deux. » Elle était tellement en colère, elle avait même osé entrer dans mon appartement sans permissions, comme ça, par l'impulsion.
« Calme-toi, bordel! » « Ouais, clairement, je vais me calmer! Ça fait surtout trois ans que je n'ai plus de vie, que j'ai de la difficulté à payer les chèques de fin de mois, pendant que toi, tu vis comme si tout était parfait, comme si t'avais pas une petite fille qui me demande sans cesse à quoi il ressemble, son papa! Eh bien, va te faire foutre, Logann, VA TE FAIRE FOUTRE! » « Écoute.. » Eh puis une longue conversation avait suivit, jusqu'à ce que .. Jusqu'à ce que j'accepte la garde partagée. Ça a changé ma vie? Oui, tellement. Malgré que je suis toujours aussi irresponsable. J'suis pas un bon père et j'en suis conscient. J'aimerais m'améliorer, parfois, mais c'est tellement plus facile de s'en foutre. Je lui fais des biscuits aux chocolats et je lui achète des vêtements chilly chilly parce que sa mère n'a pas de goût. J'ai maintenant vingt-trois ans, la petite a cinq ans. Ça fait trois ans que je l'ai une semaine sur deux et je ne suis toujours pas capable de lui faire un câlin ou de simplement lui dire que je l'aime. Je ne sais pas comment elle fait pour m'aimer, parce que oui, elle m'aime. Peut-être que lorsqu'elle sera plus vieille, elle réalisera que je l'ai abandonné? Peut-être. Et j'ai quasiment hâte, parce que les enfants, c'est pas mon truc. J'aurais aimé l'aimer plus que ça. Elle et moi, c'est un peu comme moi et sa mère, dans le temps. J'suis pas capable de lui donner ce qu'elle me donne. D'ailleurs, rares sont les personnes qui sont au courant que je suis père. J'ai honte d'elle. J'ai vraiment honte d'elle. J'ai honte de moi, surtout. Parce que j'suis un putain de lâche. Un irresponsable. Parce que j'suis un enfant.