J’ai peu de souvenirs de cette vie où tout allait bien et où tout était beau. Apparemment, j’étais heureux dans ces temps là, quand mes parents étaient toujours en vie je présume. Je n’en sais rien, je ne me souviens pas. La mort…. Je leur en ai longtemps voulu d’être mort stupidement dans cet accident de voiture. Je leur en ai voulu de m’avoir abandonné à mon sort. Je leur en ai voulu de m’avoir laissé avec cet enfoiré qui ne trouvait mieux à faire que de nous battre moi et mon cousin. Pourquoi ma tante demeurait-elle avec cet homme? Je n’ai jamais compris. Comment un homme pouvait-il être aussi violent et sans cœur envers son propre fils et son neveu? À moi il ne faisait pas aussi mal qu’à Ahren, soyons honnête. Je présume qu’une fois Ahren sur le sol, il ne voyait plus autant l’intérêt de me mettre hors service moi aussi. Alors j’assistais à tout. Toute la scène. Ma tante, stupide, faible, insignifiante qui ne bougeait pas et ne faisait que pleurer. Mon cousin, fort, entêté et endurant qui restait debout face à cet homme jusqu’à la dernière minute. Et je n’y pouvais rien. Pour m’être interposé quelque fois, je savais que la suite n’en serait que pire. Nous étions encore trop jeune pour répliquer correctement.

Cela a forgé mon caractère néanmoins. Ma façon d’être, de voir les choses. Tout ça n’est que merdier. Combien de fois Nikolaus suppliait de mourir? Combien de fois j’aurais voulu pouvoir faire quelque chose? Subir. C’était notre seule option. J’étais amer. Amer de cette vie qui ne montrait aucun signe de lumière. Aucun signe de rédemption possible. Qu’avions nous fait pour mériter un tel sort? Dieu nous avait mit de côté, c’est certain. Nous n’étions pas pauvre et ne manquions pas de nourriture, mais j’aurais souhaité de nombreuses fois que tel soit le cas plutôt que de vivre comme nous vivions. Étant plus âgé qu’Ahren, je me voyais obligé de le défendre. Non pas obligé, ce mec était comme mon frère, c’était mon frère. Je devais et voulais le faire. Personne n’avait le droit de se moquer de lui. Personne ne pouvait l’approcher ou le toucher sans passer ensuite par moi. Combien de mec se sont retrouvés terrifié par ce que je leur ai fait subir. Des coups et des blessures, j’en avais vu d’autre et lorsqu’il était question d’une personne chère à mes yeux, je ne voyais plus rien. Tout devenait noir et je n’arrêtais qu’un peu avant de tuer ce pauvre gars qui s’en était prit à la mauvaise personne. J’étais violent, impulsif et sans limites. Personne n’osait même aller se plaindre de peur que je ne réplique à nouveau.

Je n’avais pas vraiment d’amis non plus. J’étais solitaire et c’était bien comme ça. La seule personne qui était vraiment importante pour moi était Nikolaus. Il était le seul qui comptait vraiment parce qu’il était le seul à ne jamais m’avoir trahis. Mes parents par leur mort, mon oncle par sa violence et ma tante par son insignifiance. Aucun d’eux ne méritait mon affection, mon attention même. J’avais arrêté de pleurer mes parents un mois à peine après leur mort alors que je recevais mes premiers coups. Et j’avais oublié ce qu’était l’amour après avoir vu la relation qu’entretenait mon oncle et ma tante. Heureusement, le porc a fini par mourir –Dieu s’est momentanément souvenu de nous-. L’amour n’était rien. C’était de la merde, un paquet d’embrouille. Des faux espoirs, des rêves envolés, du vent, rien de plus. Les filles m’aiment pourtant. Mon allure bad boy, sûrement. J’avais 14 ans et déjà la clope au bec. Ce n’était donc une surprise pour personne que toutes ces nanas tombaient à mes pieds. C’est évident, tout ce qui vous fait peur vous excite.

Je n’ai jamais connu le nom de la première nana que j’ai baisé. Je ne me souviens pas non plus de la couleur des cheveux de la deuxième et j’ai arrêté de compter à partir de la troisième. Je n’ai aucune idée de ce que des sentiments heureux ou amoureux peuvent être. Comment ils nous font sentir. La seule chose que je n’ai jamais ressentie était la haine, la colère, l’envie de vengeance et la honte. Pour avoir vu Ahren tomber amoureux, je n’avais aucune envie de tenter l’expérience. Il a été trahi par cette garce et j’aurais voulu aller la buter cette salope juste pour ce qu’elle avait fait à mon frère. C’était la preuve ultime que toutes les femmes de cette terre ne méritaient pas notre attention. Moi et Nikolaus étions supérieurs. Plus importants, plus intelligents que tous ces connards. Il blessait de ces mots et je blessais de mes poings. Ensemble, nous étions imbattables. Aucune femme n’irait désormais plus loin que notre lit et aucun sentiment n’atteindrait jamais notre cœur –si une telle chose subsistait encore à l’intérieur de nous-.

Un jour ma tante a décidé de reprendre sa vie en main, si on peut dire ça comme ça. Elle a épousé un gros bonnet américain et nous n’avons eu d’autre choix que de déménager à San Francisco. Il était hors de question que je laisse Niko y aller seul et je n’avais d’autre famille qu’eux de toute manière. Je supportais bien la solitude, mais j’avais besoin de mon frère.