-Ça, fils, ça s’appelle un accord. Ecoute bien!
Mon père passa les doigts sur les cordes de sa guitare, prenant garde d’avoir toute mon attention tournée vers lui avant d’effectuer le moindre geste. Enfin, les cordes vibrèrent sous ses doigts, me laissant émerveillé et complètement sous le charme des doux sons que j’entendais. Mes yeux restèrent fixer un long moment sur les mains de mon paternel, essayant de détailler chaque mouvement, chaque endroit où il plaçait ses doigts. Mais pour être honnête, j’avais beau essayer de tout retenir de toutes mes forces, mon esprit était déjà transporté ailleurs au son de la musique.
-Tu reconnais les notes ?
Me demanda-t-il, les jouant une dernière fois pour m’aider un peu. Je fis "non" d’un mouvement de tête, la peur au ventre de le décevoir par mon ignorance. J’avais un peu peur de le décevoir, je ne voulais décevoir personne… Mon père eut un sourire compréhensif et ébouriffa mon épaisse tignasse blonde en riant.
-C’est pas grave Ash’, un jour tu connaitras ça sur le bout des doigts !
J’affichais à mon tour un petit sourire gêné et fort heureusement, ma mère vint me tirer de mon embarras en entrant dans le salon en riant à l’adresse de mon père.
-Chéri, laisse donc ton fils tranquille ! Il n’a que 6 ans, c’est l’époque où on joue encore aux petites voitures et qu’on s’amuse à tirer sur les couettes des filles ! Il a bien le temps pour apprendre à jouer de tout et n’importe quoi…

...

Maintenant que j'y repense, j'ai toujours eu une vie facile. Tout à toujours été pour le mieux pour moi. J'ai toujours eu une famille aimante, des amis plus ou moins dévoués, un bon lit dans lequel dormir et faire des tentes avec les draps... A mon souvenir, les plus gros drames de mon enfance se déroulaient principalement en cours de méthématiques et les jours où je devais aller chez le coiffeur. Alors je n'irais pas vous raconter que ma mère est morte dans d'atroce souffrance après s'être faite violée quinze fois par... je ne sais qui. Ni que mon père la battait ou était un alcoolique sévère avec ses enfants. Car ça n'a jamais été le cas. Ma vie à cette époque n'était peut-être pas parfaite, je n'ai jamais eu le petit chien que j'ai toujours voulu pour Noël et la double ration de glace au chocolat m'était interdite mais elle me convenait. Parfaitement. Et je souhaite à chacun d'avoir une enfance comme la mienne qui en peu de mot, se résuma à boire du sirop de grenadine les après-midis étouffant d'été et à jouer dehors en débatant sur le sujet ô combien crutial qu'était les filles.
Je m'adonnais à deux activités principales. Non pardon, trois. Manger, dormir et la guitare. Pour cette dernière, mon géniteur y fut pour beaucoup. Et pour dire la vérité, je le faisais surtout pour ne pas le décevoir. N'allez pas vous y méprendre, j'adorais la guitare, vraiment; mais il y avait tellement de choses à faire! Comme l'école, les devoirs, voir mes amis, jouer au football... Faire des paris stupides...
-Allez Ash'! Fais le si t'es un homme!
Je jaugeais du regard la cacahuète que mon ami me tendait avec suspicion. J'étais allergique aux arachides depuis toujours. La moindre petite particule me faisait suffoquer dès que je l'avalais.
-Quoi? T'es une poule mouillée c'est ça?! T'as peur d'une cacahuète de rien du tout? Va donc rejoindre ta soeur pour jouer à la marelle avec elle si t'es pas un homme..
​Le regard de tous mes camarades d'école réunit en cercle autour de moi me fixait, avide de savoir la suite. A douze ans, aucun petit garçon, aussi allergique soit-il ne flanche devant un défit. Aucun. Même pas moi.
-C'est bon je vais la manger! File moi ça!
Je la lui pris des mains et la fourrai dans ma bouche en un temps record. Je fermai les yeux un grand coup et croquai. Un fort sentiment d'angoisse et d’oppression s'empara de moi. Je me sentais avoir chaud, froid en même temps, comme si j'étais malade d'une mauvaise grippe et que j'étais sur le point de faire une chute de tension. Ma main alla agripper fébrilement l'épaule d'un de mes camarade et je fis une pause pour prendre une longue inspiration. Longue inspiration qui me resta coincée dans la gorge. J'émis un long bruit rauque dans ma tentative de respirer et portait ma main à ma gorge. Des visages inquiets m'entouraient alors que je tombais par terre, j'entendais crier, quelqu'un qui réclamait l'infirmière sans doute... En l'espace de quelques secondes tout devint flou alors que je perçus le raisonnement du choc de ma tête contre le béton de la cour de récréation. Et puis plus rien.
Je fus réveillé par la pression d'une main dans la mienne et une vive lumière blanche qui attaquait mes paupières. J'essayai d'ouvrir les yeux mais l'intensité de la lumière finit par m'en dissuader.
-Il a eu beaucoup de chance Mme O'Callaghan, disait une voix. Ses voies respiratoires étaient presque complètement obstruées quand il est arrivé ici. Vous nous avait fait un battant!
Pa certain de comprendre, je tendais davantage l'oreille.
-Faites en sortes qu'il ne refasse pas ce genre d’exploit. On a pas souvent de la chance comme il a pu en avoir aujourd'hui! Mais vous savez ce qu'on dit... Boys will be boys...
Des pas m'indiquèrent que quelqu'un sortait de la pièce. Un peu plus accoutumé à la lumière, je tentais une nouvelle fois d'ouvrir les yeux.
-Ma..Maman..?
-Je suis là mon chéri...
Je sentais dans sa voix qu'elle avait un peu envie de me disputer pour ma bêtise.. ma grand bêtise. Mais qu'elle se retenait, vu mon état.
-Je... Je suis désolé... Je voulais prouver à tout le monde que j'étais... que j'étais un homme, un vrai de vrai! Je voulais pas...
Elle eut un léger sourire.
-Tu as réussis. Et tu sais pourquoi? Parce que tous les hommes, les vrais, font de terribles bêtises qui les emmènent à l'hôpital un jour ou l'autre. Tu as juste été plus rapide que les autres à le faire!

...

La vie est courte mes amis. Et sans vouloir être défaitiste et morbide, vous pouvez vous retrouver sous les roues d'un bus alors que vous traversez la rue. La mort est une fatalité qui arrive plus ou moins vite en fonction de chacun. Et la mienne a pointé le bout de son nez plus tôt que prévu, lorsque j'avais douze ans. Depuis ce jour là, j'ai décidé de passer plus de temps à m'occuper de la musique. Parce que c'était ce que je voulais vraiment faire, même si je n'avais pas réalisé cela plus tôt. Par la même occasion, je me mis également à la batterie, moi qui avait toujours aimé taper sur tous les ustensiles de cuisine de ma mère. J'avais soif d'apprendre... tout et n'importe quoi! Le genre de soif intarissable qui vous fait lever pendant la nuit dans une tentative de l'étancher.
Le lycée fut comme une révélation. Bien que cette période soit vraiment un pur enfer et un bordel sans nom, j'y trouvais cependant de bon amis comme un certain Duke Finnigan. Ce mec était sans doute l'un de mes meilleurs amis et de plus, nous avions un énorme point commun : La musique. Elle avait une part immense dans sa vie comme dans la mienne. Si bien qu'à l'époque, nous avions finis par monter un groupe, un truc pour s'occuper et franchement... on se ​débrouillait plutôt pas mal! J'aimais vraiment ce que nous faisions, ce groupe était devenu en un temps record quelque chose de très important pour moi, quelque chose qu'il fallait préserver.
Le lycée passa, ce qui ne se fit pas sans peine! Mais une fois le diplôme en poche, les grandes et lumineuses portes de l'avenir m'offrirent milles possibilités de carrière. Par où commencer? Je décidai de rejoindre Duke et les autres à San Fransisco : The City by the Bay! J'y suis depuis... pas mal d'années désormais! Et vous voulez savoir le meilleur de l'histoire? Le groupe marche à merveille! Mieux que ça même! La célébrité... Si je m'étais attendu à ça! Fou, c'est complètement fou! Mais vous savez ce qui fait un bon groupe? Ce n'est pas tant la musique, les paroles des chansons, même si tout cela à une grande importance. Un groupe, c'est surtout une amitié très forte, des individus soudés les uns aux autres par un lien unique. Et je ne vendrais pas le mien pour tout l'or du monde.