HISTOIRE !
Assise à une table au milieu du campus entouré de camarades de classe, Anastasia était plongée dans ses bouquins. De loin, elle aurait presque pu passer pour une fille studieuse. Mais elle ne l’était pas. Certes elle aimait étudier, et la psychologie criminologique était passionnante à ses yeux, mais elle n’avait le comportement de quelqu’un dit de studieux. Elle n’était pas la personne la plus assidue qui soit, et puis, elle rendait constamment ses devoirs en retard. Mais malgré tout ça, elle était sortie, l’an dernier, major de sa promo. « Excusez-moi. Vous êtes bien Anastasia Dolohov ? » La jeune femme leva la tête et regarda l’homme qui était face à elle. Elle le dévisagea. Brun, plutôt baraqué et un regard impénétrable. Il avait la gueule de ces agents de la CIA qu’on voyait dans les films. Lunettes noires en moins. « Hum ? » Il prit cette réponse pour oui puisqu’il enchaina. « On pourrait parler ... en privé ? » Elle tourna la tête vers ses amis, enfin le mot ami était peut-être un peu exagéré. Mais sans un mot, elle se leva et suivit cet homme sur quelques mètres. Mais brutalement elle s’arrêta, les bras croisés sur la poitrine. Surpris, l’homme s’arrêta aussi. « Bon… Maintenant vous allez me dire ce qu’il se passe. On ne se connait pas et vous débarquez là comme si c’était la fin du monde. » Il fut apparemment pris de cours, puisqu’il bégaya quelques mots. Sa franchise faisait souvent cet effet-là. Mais rapidement, il se reprit. « Ce n’est pas une chose facile à annoncer Mlle Dolohov… Mais enfin. Votre père est mort » « Je vous demande pardon ? » Sans sourciller l’homme continua « Il a été victime d’une attaque cardiaque il y a peine quelques heures, à son bureau. Je suis sincèrement désolée. » Le regard d’Ana était fixé sur celui de l’homme venant de lâcher une bombe. Elle était comme paralysée. Comme si elle ne mesurait pas l’importance de cette nouvelle. Elle ne bougeait pas, ce qui semblait inquiéter le gros malabar. « Mademoiselle ? » Il s’approcha, posant une main hésitante sur son épaule. Mais elle ne fit aucun mouvement. Seule une larme coula le long de sa joue. Sans un mot, elle partit. La solitude l’avait toujours apaisé, mais elle se doutait que là, ça ne serait pas aussi simple. Elle semblait calme, et pourtant, à l’intérieur c’était une véritable explosion. Elle avait l’impression qu’on venait de lui arracher le cœur. Son père était pour elle. Il lui avait pourtant promis qu’il sera toujours là pour elle. Alors évidemment Ana savait pertinemment qu’elle perdrait un jour, pour cause de vieillesse. Mais aujourd’hui, il lui avait été tout simplement arraché. C’était trop tôt, beaucoup trop tôt.

Après trente minutes de marche, Anastasia arriva devant chez elle. Elle poussa la porte et vit sa mère assise dans le salon face à de nombreux hommes. Pas besoin d’être médium pour savoir qui ils étaient. Avocats et notaire. Elle ne perdait pas de temps celle là. « Ana chérie, vient par ici. » La jeune femme leva les yeux au ciel. Voilà qu’elle voulait faire bonne impression. « Excusez moi, pourriez vous nous laisser seul cinq minutes… » Les hommes présents hochèrent la tête en signe de confirmation et se dirigèrent vers le jardin. Sa mère la prit alors dans ses bras, tentant sans doute de faire bonne figure et lui donner une accolade réconfortante. Rapidement, Ana se dégagea de son étreinte. « Cinq minutes, c’est le temps qu’il t’a fallu pour te remettre de sa mort ?! » Demanda-t-elle méprisante. La réaction de sa mère ne se fit pas attendre, elle la gifla. Ana sourit. « Je ne te permets pas Anastasia ! » « Et bien moi j’me le permets. Franchement, tu veux faire croire à qui que ça te touche ? Tout le monde sait que ce qui t’intéressait chez lui, c’est son fric. Bah bingo, t’as même plus besoin de le baiser pour prétendre à quoique ce soit. » Sa mère ne sourcilla pas. Au fond, elle savait que ce n’était que pure vérité. Et c’est bien ce qui dégoutait sa fille au plus haut point. Son père avait d’abord fait fortune en développant les biotechnologies ici, à San Francisco, et puis rapidement, ils s’étaient mis à investir dans diverses entreprises et avait fait de lui un homme d’affaire puissant et respecté, qui, il fallait bien l’avouer, n’était parti de rien. « Qu’est-ce que j’ai fait pour avoir une fille pareille ?! Insolente et désagréable. » Ana s’assit sur le canapé, attrapant les quelques papiers des avocats qui trainaient sur les tables, et les lus en diagonal. Elle les reposa finalement, et regarda sa mère, souriante. « Estime-toi heureuse. T’aurais pu avoir une fille écervelée, dépourvue de tout naturel, et avide d’argent ne passant son temps qu’à dépenser l’argent durement gagner par d’autres… Comme sa mère. » Les rapports entre Anastasia et sa mère n’avaient jamais été bons. Mais plus le temps passait, plus ils s’envenimaient… Bien qu’avant Cassiel Dolohov, père et époux des deux femmes, semblait calmer le jeu entre elles. Ce qu’il ne pouvait désormais plus faire. « Rassure toi, tu ne m’auras pas sur le dos bien longtemps. Je repars dès ce week-end à Milan pour le lancement de ma nouvelle création. » « C’est bien, tu ne perds pas le nord. Et puis… surtout, restes-y. C’est pas comme si on s’appréciait réellement. Et faut bien l’avouer, la seule personne qui nous liait n’est plus là. Alors reste là-bas. Reste avec tes collections de merde. Tu l’as toujours fait, je ne vois pas pourquoi ça changerait maintenant. » Sans dire un mot de plus, Anastasia tourna les talons et s’en alla. Pour aller où ? Bonne question, elle-même n’en avait aucune idée. Elle avait juste besoin de sortir de cette foutue baraque.