Quelle journée. J’aurais du me douter ce matin que ça n’allait pas aller. Déjà, je reprenais le boulot à Camption Place et MON DIEU comme je n’avais plus envie de travailler là-bas. Le fait que je vomisse à ma pause de midi, aurait du aussi me mettre la puce à l’oreille. D’ailleurs, ça l’avait fait. J’avais filé à la pharmacie, pour acheter ce que j’avais espéré ne jamais acheter de ma vie, ou au moins pas avant quelques années. J’avais repris le boulot, mais bien sur, tout l’après midi, cette petite boite que j’avais acheté n’avais pas quitté ma tête. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser à Lilas et ce qui lui été arrivé. Tout le monde était tombé enceinte dans mon entourage, et visiblement, c’était contagieux. Le test que j’avais fait à 17 heures me l’avait confirmé. Bordel.de.merde. ces deux petites barres ne voulaient pas quitter mes yeux. Elles me narguaient « Regarde-toi, pauvre fille ! T’es enceinte ! T’es enceinte de ton copain avec qui tu es depuis un mois. » WAIT ! J’avais pas demandé ça. J’aimais pas les enfants, du moins, je savais que j’aimerais mes enfants, mais ceux des autres… non. Et là, c’était vraiment pas le moment. Je m’étais effondrée sur sol des toilettes. Et j’avais fait la seule chose que j’avais à faire : envoyer un sms à Eliott. Et puis, j’avais jeté le test dans la poubelle. Et puis, j’avais vidé la poubelle. Et puis, j’avais vomi. Une nouvelle fois. J’avais plus que ça à faire. Lui annoncer… Lui annoncer par la même occasion que je partais vivre avec Lilas quelques temps. Ça allait faire beaucoup à encaisser. Comment j’allais faire ? A 19:30 je quittais Camption Place et prenais la direction de la fête foraine. Je devais y retrouver Eliott. J’avais appelé Enora en chemin. Pourquoi elle ? Pourquoi je lui avait tout dit ? J’en avais pas la moindre idée. Arrivée, le stress me gagnait. Je coinçais une cigarette entre mes lèvres. Et, le briquet entre les doigts, au moment de l’allumer, je m’arrêtais net. La flamme dansait à quelques millimètres de ma cigarette. Je regardais dans le vide. Je ne voulais pas de ce bébé, d’accord. Mais je n’arrivais même pas à allumer une cigarette, maintenant. Les larmes brouillaient ma vue. Je ne bougeais plus. Qu’est-ce que j’allais faire ? Comment j’allais annoncer à Eliott dans la même soirée, que je partais vivre avec ma meilleure amie, qui avait besoin de moi et que j’étais enceinte, mais ne voulais pas garder ce bébé ? Pourquoi tout ça me tombait dessus. Pourquoi ça nous tombait dessus. Quelqu’un me bousculait, je sursautais. La cigarette s’échappa de mes lèvres et tomba par terre. Je la fixais. Pour moi, cette cigarette intacte, par terre signifiait tellement de choses. j’avais l’impression que c’était moi qui venait tomber. Je me détestais à cet instant. Ma meilleure amie avait perdu un bébé qu’elle voulait et moi, tout ce que je voulais c’était me débarrasser du mien. Est-ce que j’étais un monstre ? Oui. Mais j’étais consciente que j’étais incapable de m’occuper d’un bébé, j’étais déjà pas capable de m’occuper de moi. Je ne lâchais pas des yeux la cigarette sur le sol, les yeux plein de larmes. Je sentais les gens autour de moi, je sentais qu’ils marchaient, qu’ils profitaient de la fête foraine. Parfois l’un d’eux me bousculait un peu, mais je ne lâchais toujours pas des yeux la cigarette.
Je me réveillais, la place de Charlotte dans mon lit vide. Je n'étais pas surpris de son absence, ça arrivait parfois qu'elle soit absente lorsque je me réveillais, souvent même. Enfin, c'était normal après tout car je me levais tous les jours ou presque vers midi ou même 13h ce qui mangeait déjà la moitié de la journée. Je soupirais et réfléchissais à l'enjeu de ma journée. Aujourd'hui je devais me présenter à un entretien d'embauche, je ne l'avais jamais fait, et c'était peut-être la dernière fois que je faisais la grasse matinée avant un petit bout de temps, enfin jusqu'au week-end en fait.
Je me levais donc, faisait tout mon petit bazar. Je me faisais propre, me rasais, faisais tout pour que toutes les chances soient de mon côté lors de ce fameux entretien d'embauche qui pourrait briser ma routine et me permettre de mener une vie correcte sans être tiraillé de trop par les factures tous les mois. Parce que papa et maman avaient beau être riches, ça ne m'empêchait pas de vouloir mener une vie indépendante d'eux. Bon, je n'allais pas non plus aller jusque devenir SDF non plus ... De toute manière ce poste de journaliste me plaisait et j'estimais qu'il était temps que je sorte de cette routine car elle pouvait finir par être mauvaise pour moi.
Une fois l'heure arrivée je me présentais à mon entretien et essayais du mieux possible de plaire au chef du journal tout en dissimulant au maximum mon stress. J'étais pétrifié et évidemment impressionné par un tel homme si ambitieux et qui avait si bien réussit dans sa carrière professionnelle. J'étais admiratif mais oubliait cette partie et me laissait envahir par mon stress. Je n'aimais pas ce genre d'oraux, je n'étais vraiment pas à l'aise. Il fallait absolument que je reprenne confiance en moi.
A peine ressorti de mon entretien d'embauche j'allumais mon portable, que j'avais pris soin d'éteindre car je me doutais qu'il avait pu sonner et donner une mauvaise image de moi au chef du journal, et découvrais effectivement un message de Charlotte. Je le lisais attentivement, était assez heureux qu'elle me demande de la rejoindre à la fête foraine, voilà quelque chose qui allait me détendre aisément. Tout allait bien jusqu'au moment où je vis ceci : Je dois te parler ... Ça ne sentait pas bon ... Je fronçais les sourcils et lui répondais avant de monter dans ma voiture et de débarquer à la fête foraine.
Une fois arrivé, je m'arrêtais à un stand à tir et décrochais une peluche que je prévoyais d'offrir à ma petite amie. J'y arriva assez rapidement et me précipitais donc à la recherche de Charlotte. La fête foraine était bourrée de monde, il s'annonçait compliqué de retrouver une jeune fille dans cette pagaille. Finalement ça ne le fut pas tant que ça : Elle était plantée là au milieu d'une allée en train de se faire bousculer par tout le monde. Elle avait l'air ... Immobile, froide. Ça ne sentait pas bon du tout. Je m'approchais doucement d'elle, posais une main sur son épaule avant de me placer devant elle avec un léger sourire. Hey je suis là.
Pendant que j’attendais Eliott, et que j’étais là ; à fixer le sol. Quelque chose à laquelle je n’avais pas pensé me frappa : de qui j’étais enceinte ? D’Eliott ? Ça m’avait paru tellement évident. Et soudain, plus du tout. J’avais couché avec quelques garçons à Paris, des anciennes connaissances… Mais j’étais certaine d’avoir toujours fait attention. Comme si j’avais besoin de ça, en plus. C’était vraiment, vraiment la catastrophe. Une fois de plus j’allais tout gâcher. Quelle conne, mais quelle conne. Au bout de quelques minutes, quelqu’un posa sa main sur mon épaule. Je reconnu tout de suite Eliott. Intuition féminine ? J’en savais rien. Mais sans même lever la tête je savais que c’était lui. La tête encore baissée, je ravalais mes larmes, reniflais et je levais finalement les yeux vers mon petit-ami. Je dessinais un sourire sur mon visage. Je ne savais pas comment j’allais m’y prendre. Cette soirée allait devenir un calvaire pour lui. Je m’en voulais tellement. Il était plus grand que moi, je me mis sur la pointe des pieds, posais mes mains dans son cou et l’embrassais. J’avais l’impression que c’était la dernière fois que j’allais l’embrasser. Je voulais faire durer ce baiser le plus longtemps possible, en profiter chaque seconde. Après quoi, je me remis à plat sur mes pieds et attrapais sa main. « Ca te dit un tour de grande roue, avec moi ? » lui demandais-je, tout en l’entrainant vers l’attraction. Qu’est-ce que tu fais Charlotte ? Tu retardes l’inévitable. Espèce d’imbécile. Par chance, il n’y avait presque personne qui faisait la queue. Sauf devant nous… un couple, avec une petite fille. Tout à coup, il n’y avait plus rien autour. J’avais les yeux fixés sur cette petite fille blonde dans les bras de sa mère. A eux trois, ils étaient beaux. Ils étaient en famille, ils étaient ensemble à la fête foraine et ils étaient heureux. Est-ce que c’était ça que je voulais ? Oui. Mais pas maintenant. Je passais ma main libre (l’autre tenant toujours celle d’Eliott) sur mon visage et me tournais vers lui. Je devais être trop bizarre, à ces yeux. Soudain, je me rappelais son message. « Au fait, ton entretien ? ça c’est bien passé ? » C’était la moindre des choses que de m’inquiéter de ça. En plus, ça m’intéressait vraiment. j’espérais sincèrement que tout c’était bien passé pour lui. Je repensais aux paroles d'Enora tout à l'heure. « S'il t'aime, il comprendra. » Elle avait raison. Je devais tout lui dire.
Lorsque je m'approcha de Charlotte, la première chose qui me frappa fut ses yeux, rougis. Avait-elle pleuré ? Aux reniflements qu'elle fit et à son regard baissé, je devinais que la réponse était évidemment oui. Je n'eus pas le temps de la questionner sur quoi que ce soit à ce sujet car Charlotte m'embrassa et ce incroyablement longtemps. Je ne me détachais pas de ses lèvres et appréciais ce moment même si au fond je réalisais que quelque chose qui m'échappais se tramait. C'était plus que louche. Qu'est-ce que Charlotte pouvait bien me cacher comme ça ? Après tout on était censés se dire tout quand on vivait une vie de couple, non ? J'espérais qu'elle m'en toucherait deux mots bientôt mais n'estimais pas nécessaire de faire le premier pas : Elle m'en parlera lorsqu'elle sera prête. J'avais peur qu'en lui demandant ce qui n'allait pas je puisse la mettre fortement mal à l'aise, alors je préférais garder le silence à ce propos pour le moment. Cependant, si elle ne m'en parlait pas au bout d'un certain temps, alors je lui en parlerai car ma patience avait tout de même des limites.
Je ravalais ma curiosité alors qu'elle ravalait ses larmes sous mon air intrigué et quittais ses lèvres pour mettre fin à ce baiser alors que Charlotte me prit la main. Elle me proposa alors directement d'aller faire un tour de grande roue. Elle m'avait dit ça sous un ton presque impératif, mais cependant doux. Je n'avais pas le choix, et elle ne me laissait pas le temps de parler, de riposter ou encore même de lui demander quoi que ce soit. Je ne pipais pas une remarque et la suivais alors jusque la queue de la fête foraine heureusement pas trop longue. J'aimais bien les manèges, mais j'aimais nettement moins la file d'attente. c'est vrai. Charlotte me cachait donc quelque chose d'important, c'était flagrant. Elle réagissait exactement comme j'avais déjà pu le faire avec Constance, et je me questionnais alors longuement sur ce qu'elle avait à me dire. Je ne voyais absolument pas ce qui pouvait se tramer, et j'avoue que cela commençait légèrement à m'inquiéter : Je devais m'attendre à tout et n'importe quoi avec Charlotte vu l'imprévisibilité dont elle faisait part et son don pour se mettre dans des histoires loufoques.
J'essayais de décrypter le moindre de ses gestes et observais le moindre de ses regards et paroles. Je la voyais dévisager le jeune couple accompagné de leur petite fille blonde, et me demandais ce à quoi elle pouvait penser à ce moment précis. Elle réagissait vraiment étrangement, trop étrangement. C'était trop louche ce petit regard mais je ne savais pas ce qu'il pouvait signifier ou cacher. Je laissais tomber mon interprétation et répondait à la question de Charlotte qui devait sûrement être encore une ultime manière de détourner mon attention. J'ai franchement vu mieux, je suis sur que je vais pas être pris. Le patron a du me prendre pour une mauviette, je tremblais comme une feuille, enfin c'est pas grave j'aurais essayé. Je soupirais et lui faisais ma petite moue souriante. Et toi ta journée s'est bien passé ? Qu'est-ce que t'as fait aujourd'hui ? Je lui demandais sincèrement comment s'était déroulée sa journée, mais espérait au fond qu'elle me donne un indice ou m'avoue la vérité. Je ne pouvais pas la forcer au fond, elle pouvait me dire ce qu'elle voulait. Si elle me mentait comment pourrais-je le deviner après tout ? J'entraîna alors Charlotte par la main, la serrant fort et monta avec elle dans le manège d'un air détendu.
Je n’avais pas attendu la réponse d’Eliott avant de l’entrainer dans la file de la Grande Roue. J’étais consciente que je devais avoir l’air complètement à l’ouest à ses yeux. Mais c’était plus fort que moi, j’avais du mal à réfléchir clairement. Il m’avait parlé de son entretien, je lui souris du mieux que je pouvais. « Je suis sure que ça c’est bien passé. » Après quoi, il me demanda à mon tour comment c’était passé ma journée. Des flashs me revenaient : la pharmacie, le test, les deux barres… Une horreur. Avant que j’ai eu le temps de répondre, Eliott m’avait entrainé dans l’espèce de cage de fer qui allait nous emmener en haut et surplomber San Francisco. Une fois assise à coté de lui, je lui répondis, enfin. « Difficile… » Avant qu’Eliott n’ai pu poser la moindre question, je m’étais retournée vers lui. Mais je ne le regardais pas pour autant, je n’y arrivais pas. « J’ai eu une mauvaise journée. Je sais pas par où commencer. » Tout doucement, en regardant au loin, j’ajoutais. « Tu vas me détester de toute façon. » Je ne laissais encore pas une seconde à Eliott, je voulais tout lui dire, c’était maintenant où jamais. Soudain, une fois arrivés en haut de la Grande Roue, celle-ci s’arrêta. Il parait que c’est normal. Il est vrai que j’étais déjà montée dans une Grande Roue, et toutes c’était arrêté au moins une fois arrivée en haut. D’habitude, ça me stressait, mais cette fois je n’y prêtais pas attention. J’avais beaucoup trop d’autre chose en tête pour pouvoir me préoccuper de ça. Je regardais toujours San Francisco qui s’étendait, plus bas. « Je vais partir. Enfin, partir vivre chez Lilas, quelques temps. Elle a besoin de moi ; c’est ma meilleure amie. » Puis je soufflais. « Je pars demain… » Cette fois, j’osais enfin plonger mes yeux dans ceux d’Eliott. C’était que le début. Je détournais à nouveau le regard, et tomba sur une cage devant nous. Le couple, à nouveau. Ils étaient assis l’un à coté de l’autre, la petite entre eux deux. Instinctivement, je posais une main sur mon ventre, puis regardais le mini espace entre Eliott et moi. Je ne savais vraiment plus où j’en étais.
Charlotte était persuadée que mon entretien d'embauche c'était bien passé. Elle se trompait, j'étais à mon tour persuadé du fait que je n'allais pas être pris et même que j'allais immédiatement être recalé. Mais c'était la vie, et on n'allait pas en faire une affaire d'Etat. La seconde chose dont j'étais certain c'était que Charlotte me cachait quelque chose. Tout son comportement m'amenait à y penser. Elle me fuyait du regard, ne m'affrontait pas. Comme si elle avait honte de quelque chose qu'elle avait pu faire, comme si elle avait peur de mon jugement. Alors quand je lui demanda à mon tour comment s'était déroulé sa journée, sa réponse confirma mes pensées. Difficile. Difficile, pourquoi difficile ? J'étais certain qu'elle devait me dire quelque chose, quelque chose de très important et qui pourrait peut-être même me décevoir.
Qu'avait-elle fait ? Avait-elle encore touché à la drogue alors que je le lui avais défendu et qu'elle m'avait promis de ne pas le faire ? Tout était envisageable, de A à Z. Avait-elle écrasé quelqu'un ? Aussi fou que ça pouvait paraître ça en devenait presque possible aussi. Alors que notre cabine se stoppait en haut du manège, surplombant San Fransisco et nous donnant l'occasion d'admirer la ville depuis le ciel, Charlotte affirma que j'allais la détester. Mon coeur se serrait. Je ne m'imaginais pas détester Charlotte, je l'aimais tellement, que ce soit amicalement avant que nous ne sortions ensemble, que maintenant que nous étions en couple. Cette perspective me paraissait incroyable et impensable. Ma gorge se serrait à son tour et je murmurais sur le même ton qu'elle. Mais non Charlotte. Elle avait la tête tournée vers la fenêtre et semblait avoir le regard perdu dans le vide. Je n'aimais pas ça, vraiment pas.
Après un petit moment de silence, Charlotte prit son courage à deux mains et prononça deux phrases qui eurent l'effet d'une bombe dans mon esprit. Charlotte partait vivre avec Lilas ? Je savais très bien, enfin je crois, ce qui était arrivé à Lilas et je m'inquiétais beaucoup pour elle aussi. Je savais qu'elle avait besoin de soutien de la part de ses proches, et estimais que je ne remplissais pas totalement ma part du contrat. Aller vivre avec Lilas, n'était-ce pas trop ? Est-ce que Charlotte n'avait pas vu là l'occasion de s'échapper de chez moi ? Est-ce que quelque chose clochait entre nous ou est-ce que j'avais fait quelque chose de mal ? Charlotte plongea enfin son regard dans le mien alors que je m'égarais à mon tour dans mes pensées. Mes pensées envahissaient mon esprit et m'empêchait de lui répondre jusqu'au moment où une question me brûla la gorge. Je devais la poser. J'ai fait quelque chose de mal, c'est moi que tu fuis comme ça ?
Est-ce qu’un jour j’aurais un enfant, un enfant que j’aurais voulu ; et que j’amènerai à la fête foraine, comme ce couple. J’imagine que oui. Ce jour là, je ne pourrais pas m’ôter de la tête cette soirée, c’était certain. Je n’avais pas pensé une seule seconde à ça. Au fait qu’Eliott puisse penser que je partais à cause de lui. Ça me paraissait improbable. Bien sur j’aurais aimé rester chez lui, malgré ce que je m’apprêtais à lui dire. Mais je devais aller vivre avec Lilas, c’était ma meilleure amie, je l’avais abandonné pendant ces années où elle s’était fait enlevée, je ne l’avais jamais oublié. Je ne pouvais pas la laisser tomber une seconde fois. Ça m’était impossible. « Non, bien sur que non, je te fuis pas. » soufflais-je à mon petit-ami. Je dessinais un petit sourire sue mon visage. Puis je le fis disparaitre tout aussi rapidement. La machine n’avait toujours pas reprit. C’était maintenant ou jamais. Je pris une profonde inspiration et fermais les yeux. Mes mains tremblaient. « Aujourd’hui, c’était vraiment… vraiment une journée horrible. J’ai… » Peur. Voila ce que j’avais. J’étais terrifiée à l’idée de tout dire à Eliott, comment allait-il réagir ? Par chance, il ne parlait pas. « Je suis enceinte, Eliott. » Les larmes avaient repris leurs places au bord de mes yeux. Ma vue était troublée. Je m’en voulais de lui faire vivre ça. D’abord, j’avais été indécise ; ensuite, Gossip Girl avait à son tour foutu la merde entre nous et maintenant… maintenant je lui annonçais que j’étais enceinte. Tout à coup, le dire à Eliott rendait la chose beaucoup plus réelle. Je posais mes deux mains tremblantes sur mon ventre et baissais les yeux vers celui-ci. Un tas de question se bousculait dans ma tête : étais-je enceinte d’Eliott ? Si non, avais-je encore le temps d’avorter ? Comment j’allais faire si c’était trop tard ? Je n’avais jamais pensé à ça. Dans ma tête il était clair que j’allais avorter, mais si c’était trop tard ? Les larmes se mirent à couler sur mes joues. Si c’était trop tard, comment j’allais faire… ? Je levais la tête vers mon petit-ami, le visage baigné de larmes. J’entendais en bas les musiques de la fête foraine, parfois, les lumières fluorescentes arrivaient jusqu’à nous. C’était la joie en bas et ici, c’était le silence. « Je suis désolée. » murmurais-je.
Ma curiosité débordante avait laissé place à une panique poussée que j'intériorisais. J'aurais aimé que tout ce qu'elle me raconte soit des mensonges, pour une fois, que ce soit une grosse plaisanterie ou encore un énorme cauchemar qui disparaîtrait après m'être réveillé en sursaut. J'aurais volontiers réclamé une bonne claque à Charlotte, histoire de vérifier, mais rien qu'à la situation je devinais aisément que ce n'était pas une blague, loin de là, et que tout ce qu'elle me racontait était sérieux et réel. J'étais persuadé que Charlotte voulait me fuir, que quelque chose se passait mal entre nous, ayant l'habitude de reporter la faute sur moi ou de m'imaginer un scénario de cinéma abracadabrantesque. Charlotte me rassura, enfin si on peut en dire ainsi, et affirma que je n'y étais pour rien et qu'elle ne voulait pas me fuir. Ma deuxième hypothèse avait été qu'elle avait vraiment le sentiment de besoin de rejoindre Lilas, et celle-ci s’avérait vraie. Le stress que j'avais pu ressentir redescendait progressivement au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient accompagné d'un petit sourire de Charlotte qui ne fut que bref.
Ce sourire, elle le dissimula rapidement pour montrer à nouveau une expression faciale triste. Je n'aimais pas voir mes proches comme ça, et c'était affreux de ressentir la tristesse de sa petite amie. J'étais censé la rendre heureuse et à la place j'avais la forte impression de ne pas remplir mes parts du contrat. J'étais nul comme petit ami, je m'en doutais depuis le début que ça n'allait pas être si simple. J'aurais aimé que ça le soit, mais entre Charlotte et moi ça n'avait pas été simple. Il y avait eu la difficulté à ce que nous nous avouions nos sentiments, puis Gossip Girl qui était venue apporter son petit grain de sel touchant stratégiquement mon manque de confiance en moi et imposer un conflit entre Charlotte et moi. Et maintenant Charlotte qui partait. Ça n'allait encore sûrement rien arranger, je ne pouvais pas m'empêcher de penser aux conséquences que cela pouvait avoir et cette perspective m'attrista particulièrement.
La grande roue restait en haut un petit moment, bizarrement, et je restais silencieux à mesure que je plongeais dans mes pensées. J'étais incapable de murmurer un mot supplémentaire pour le moment, et je n'étais pas plus capable de réconforter Charlotte qui paraissait particulièrement triste. Pourquoi être triste d'aller vivre chez Lilas ? Ce n'était pas logique, il n'y avait là aucune perspective de drame pour le moment. Tout ce que j'arrivais à comprendre, c'était que Charlotte ne m'avait pas encore tout dit. J'allais recevoir l'effet d'une deuxième bombe, je le sentais. Charlotte continua de parler la voix toujours aussi attristée et m'annonça qu'elle était enceinte. La voilà la deuxième bombe. Je lâchais la petite peluche que je tenais derrière mon dos depuis le début et la laissais tomber à terre. Le choc. Je ... Je ... Je ne savais plus quoi faire ni quoi dire, voilà où j'en étais : j'étais complètement perdue à cette nouvelle. Au bout de quelques longues secondes qui me parurent une éternité, je n'effectuais aucun mouvement et ne trouvais pas le courage de sécher les larmes de ma petite amie. Rien, j'étais incapable d'agir. Je la regardais alors la voix tremblante et la gorge serrée. De moi ? Depuis combien de temps Charlotte était-elle enceinte ? M'avait-elle trompé ? Je n'osais l'imaginer. Avait-elle couché avec quelqu'un à Paris, était-elle enceinte de Khris ? Khris ? murmurais-je la voix toujours chancelante.
L'impression d'être dans un cauchemar m'envahissait, et j'espérais qu'à ce moment quelqu'un me jete un grand seau d'eau et me réveille dans une paisible réalité. Mais c'était impossible, ce genre de choses ne devaient arriver que temporairement ou alors à long terme dans les romans ...
Je me posais la question : est si j’avais été enceinte, plus tard, d’Eliott, est-ce qu’on l’aurait gardé ? Ou est-ce qu’encore, j’aurais voulu avorter ? Est-ce que je n’étais pas juste incapable de m’envisager avec un enfant ? (Soit dit en passant, franchement ? Charlotte Marchand avec un enfant ?... On aurait pu en rire…) Je savais que si je faisais ça je prenais des risques et diminuais mes chances d’avoir un enfant plus tard. Mais là, non, c’était beaucoup trop tôt pour moi, j’étais beaucoup trop instable. En plus de ça, j’avais envie de vomir en me rendant compte que je ne savais pas de qui j’étais enceinte. Il était fort peu probable que ce soit d’Eliott, pas aussi vite et surtout, on avait couché qu’une fois ensemble. Le constat était facile. J’étais enceinte d’un garçon avec qui j’avais couché à Paris. Ça voulait dire que lorsque je m’étais droguée l’autre soir avec Kaylee, j’étais déjà enceinte. J’avais envie de me donner des claques, comment j’avais fait pour ne me rendre compte de rien ? Et surtout, j’étais surement enceinte de presque mois. Est-ce que c’était trop tard ? Non. Il le fallait. Je ne pouvais pas garder un bébé que je ne voulais pas et que je n’avais même pas conçu avec mon petit-ami. Soudain, Eliott mentionna le nom de son frère. Je levais la tête précipitamment. Bien sur que non ! Je n’y avais même pas pensé. Entre nous soit dit, j’adorais Khris vraiment, mais si j’avais été enceinte de lui, s’aurait vraiment été le comble (et il y aurait eu fort à parier que cet enfant auraient eu des problèmes, si on commençait à combiner nos gènes). En d’autre circonstance, j’aurais rigolé de l’éventualité ; mais là, c’était impossible. « Non, bien sur que non, pas Khris. Je t’ai tout dit à propos de ça, j’ai jamais recouché avec Khris. » essayais-je de rassurer Eliott. C’était la vérité, et c’était la chose la plus positive que j’avais l’impression d’avoir dit depuis le début de cette soirée. Il fallait bien aussi que je lui dise tout, au point ou j’en étais… « Je crois que, je suis enceinte depuis… depuis Paris. Enfin, je veux dire, j’ai… » Couché avec un mec à Paris, qui m’a mise enceinte, je ne pouvais pas décemment lui dire ça. « Je vais pas le garder… J’ai encore le temps de…» lâchais-je, d’une toute petite voix. Je n’arrivais pas à le dire à haute voix « avorter », je n’arrivais pas à le dire. Maintenant, c’était impossible pour moi de le regarder dans les yeux. Et qu’est-ce que j’attendais de lui, hein ? Qu’est-ce qu’une fille en cloque d’un autre que son petit ami, en haut d’un Grande Roue, pouvait attendre de la part de celui-ci ? Qu’il la réconforte ? J’aurais été stupide de penser ça. Et quand on y réfléchissait, ça faisait un bon moment, que j’étais stupide.
Mes yeux ou plutôt mon regard se posa sur le petit ventre de Charlotte, ce petit ventre où elle y avait posé ses mains. Nous étions trois, et cette petite personne qui se tenait entre nous était peut-être de moi. J'étais peut-être papa, à 19 ans. Je n'arrivais pas à y croire. Charlotte était trop jeune pour déjà avoir un enfant à mon goût, et je l'étais aussi. Comment est-ce que ça avait pu arriver ? Cet enfant ne pouvait pas être le mien, c'était impossible. Je m'étais aventuré une fois à faire l'amour avec Charlotte, une seule fois et nous nous étions protégé, j'en étais certain. C'était impossible. Cette phrase résonnait dans ma tête, impossible c'était tout simplement impossible.
Une crainte m'envahissa, une crainte supplémentaire. Et si elle était enceinte de Khris ? Cette perspective ne m'arrangeait pas et j'en étais plus paniqué à cette idée. Khris faisait toujours tout avant moi, tout avec tout le monde. Et voilà que Charlotte était enceinte, ce qui signifierait que je pourrais ... Je pourrais être l'oncle de ce gamin. L'oncle du gamin, quelle bonne blague ... L'idée que Charlotte avait un petit-être en soi m'effrayait, l'idée qu'elle puisse l'élever m'effrayait encore plus, et l'idée d'élever un enfant qui n'était pas de moi me tétanisait davantage car je savais quel regard je pourrais porter sur lui. Le regard d'un étranger face à un enfant qu'il ne reconnaît pas.
Charlotte me confirma qu'il ne s'agissait pas de Khris, ma réaction fut de souffler intérieurement ( c'était déjà ça. ). Comment tu peux en être sûre ? répliquais-je. J'étais sur le vif, et j'estimais ça normal même si ce n'était pas forcément une réaction adéquate vis à vis de Charlotte qui avait plus besoin de moi qu'autre chose. Je soupirais, ayant envie de me foutre une claque, et me rapprochais d'elle pour la prendre dans mes bras. Je la serrais contre moi fort. Finalement, je m'en fichais de qui était le père, je m'en fichais totalement, ce que je voulais c'était que Charlotte n'ait pas peur et qu'elle soit heureuse, et ce n'était pas gagné. Mes seuls mots furent par la suite Je suis la Cha'.
J’avais vu les yeux d’Eliott s’arrêter sur mon ventre. Ça ne m’avait pas choqué, je m’étais juste dit que ce n’était pas ça que je voulais. Pendant 9 mois, que les gens s’arrêtent sur mon ventre. Et les entendre dire que j’étais inconsciente d’avoir un enfant. Soudain, je pensais à mes parents, à Paris. Je ne leur disais jamais rien, il était certain que ceci serait à ajouter sur liste des choses que je ne leur disais pas. Je savais qu’ils se foutaient de ma vie, que je la menais comme je voulais ; après tout, ils avaient mis un moment à se rendre compte que j’avais quitté la France & ils n’avaient même pas daignés me voir ne serait-ce qu’un jour cet été. Je savais qu’ils s’en fichaient, mais s’ils apprenaient que j’étais enceinte, c’était le retour illico à Paris. J’avais prétendu partir pour quitter mes démons français et voila que j’étais enceinte. Je regardais en dehors de la cabine ; j’avais ma vie ici, mes amis, mon petit-ami (s’il acceptait de le rester), un job (que je voulais quitter, mais passons…). Non vraiment, je n’avais aucune raison de vouloir partir. J’écoutais Eliott sans rien dire. Il m’avait pris dans ses bras. Je m’y sentais bien. Je fermais quelques secondes les yeux, puis, je réalisais : il ne me croyait pas à propos de Khris ? Vraiment ? J’étais certaine que ce n’étais pas Khris, c’était la seule chose dont j’étais sure. Je me dégageais de ses bras. « Tu me crois pas ? Je SUIS sure, c’est pas suffisant ? » répliquais-je, sur la défensive. Comment je pouvais être aussi conne ? Il m’avait pris dans ses bras, il avait fait cet effort après tout ce que j’avais annoncé et moi, je me permettais encore d’être méchante ? J’espérais pouvoir mettre ça sur le compte des hormones. Je plaquais ma main sur mon front et fermais les yeux. « Pardon… » m’excusais-je. Pitié, qu’il ne m’en veuille pas. J’étais vraiment éparpillée. Eparpillée, c’était exactement ça. Je ne savais plus où donner de la tête. Soudain, je sursautais et regardais autour de moi, la Grande Roue avait repris.
Je devais être là pour Charlotte, coûte que coûte, peu importe ce qui arrivait. On peut dire que Charlotte était dans son tort, mais ce n'était pas tellement de sa faute non plus, elle n'avait pas fait exprès, ça se voyait que Charlotte n'était pas pour cette grossesse. J'essuyais ses larmes et la serrais contre moi. C'était le moins que je puisse faire. Après tout, nous n'étions certes pas mariés, mais lorsqu'on se marie on jure d'être là dans le meilleur comme le pire non ? Un couple restait un couple, et je restais le petit ami de Charlotte. Ça va aller, on va surmonter ça ensemble. soupirais-je alors.
J'étais dans le droit de croire que Charlotte était enceinte de mon grand-frère, ça pouvait coller puisqu'elle avait couché avec peu de temps avant que l'on se mette ensemble, alors pourquoi pas ? J'étais dans le droit de douter selon moi. Charlotte se nicha dans mes bras pendant un instant puis se reculait et m'assassina de paroles. J'étais déjà assez sur les nerfs que Charlotte en rajoutait encore une couche. Et comment tu peux être sure, t'as couché avec juste avant qu'on se mette ensemble, ça peut très bien être lui ! Criais-je presque. Je soupirais et me mettais sur la banquette en face, à l'opposé de Charlotte. C'était assez, Charlotte m'avait balancé en pleine figure que j'étais peut-être le père d'un gosse que je n'avais pas désiré alors que nous avions couché seulement une fois ensemble, j'essayais d'être la pour elle et tout ce qu'elle trouvait à faire c'était de m'engueuler par dessus le marché ?
C'en était assez pour aujourd'hui. Je prenais ma distance avec Charlotte, et malgré mes excuses je restais de mon côté sans un mot. C'était effectivement assez débile comme réaction, mais avec moi c'était comme ça. Un peu ça va, trop ça passe plus. Tandis que le mouvement de la grande roue reprenait, je restais donc immobile et silencieux de mon côté à penser.
Le silence s’était installé dans la cabine, pendant que celle-ci finissait son tour. Juste après qu’Eliott ait crié. Je ne répondais rien. Qu’est ce que je pouvais dire ? Bien sur c’était faux, Khris et moi avions couché ensemble il avait des mois de ça, c’était impossible que je sois enceinte de lui. Mais tout ça Eliott ne le savait pas. J’avais gardé le silence, et fermé les yeux. Je ne les rouvrais que pour regarder en bas, la fête foraine qui s’agitait. De là haut, ça ressemblait à une fourmilière. Au bout de quelques minutes, nous étions arrivés en bas. Je laissais sortir Eliott avant moi. je le suivais, en silence, toujours. J’avais posé mes mains sur mon ventre. C’en était trop. Il était passé de « je vais t’aider » à « tu m’as menti » Bien sur je le comprenais, mais je ne pouvais pas supporter ce froid entre nous. Et qu’est-ce que ça voulais dire ? Que c’était fini entre nous ? Comment aurais-je pu le blâmer ? il avait une copine depuis un mois, elle s’était retrouvée enceinte alors que ni l’un ni l’autre n’avait demandé quoi que ce soit. Je pouvais concevoir que ça faisait beaucoup pour lui. Eliott était devant moi, dans la foule. Je m’arrêtais, et attendait qu’il sente que je ne le suivais plus, qu’il se retourne pour parler. J’aurais voulu avoir une voix calme, mais je ne l’avais pas… « Tu sais rien de ce qui s’est passé entre ton frère et moi. J’ai pas couché avec lui depuis des mois, alors tu vois, c’est physiquement impossible que je sois enceinte de lui. Parce que j’ai pas couché avec lui à Paris. Jamais. J’ai jamais recouché avec lui. » Je reprenais ma respiration. « Alors que tu m’en veuilles je peux le comprendre, d’accord ? Bien sur que je comprends. Mais que tu penses que je suis enceinte de ton frère, ça non. C’est pas lui, point barre. » Je me rapprochais un peu. Ma voix s’était enfin radoucit. « Je vais pas garder cet enfant, je veux pas. il faut que tu m’aides, je pourrais pas aller à l’hôpital toute seule… » Ma voix se brisait. « S’il te plait… » Et maintenant tout ce que je pouvais faire c’était attendre. Attendre qu’il me pardonne. En espérant que tout n’était pas trop tard, et que je n’avais pas vraiment tout gâché.
Je préférais garder le silence car j'étais sur que si l'on commençait à me parler, je n'aurais pas été d'humeur et j'aurais pété mon câble et aurait commencé à délirer et ce n'était absolument pas la meilleure solution à adopter, j'en doutais fortement. Je fuyais donc coûte que coûte le regard de Charlotte et ne faisait aucun bruit ni aucun mouvement afin d'imposer une distance entre nous pour le moment, car j'en avais besoin. Une fois que le tour de grande roue fut terminé et que celle-ci s'arrêta, je sortais en premier toujours sans aucune parole ou geste, et marchais droit devant moi sans vraiment trop savoir où j'allais, j'étais ailleurs, quelque part où il n'existe aucun problème. Mais il était temps de redescendre sur terre, et ce Charlotte me le fit vite comprendre en m'interpellant et brisant ce silence qui devait commencer par la ronger.
J'étais trop ailleurs pour comprendre que Charlotte s'était arrêtée tandis que je continuais à avancer seul, je le compris seulement quand j'entendis sa voix légèrement plus éloignée que d'habitude. Je me retournais, la considérais, et l'écoutais au début sans rien dire, la laissant s'énerver seule au début. Je n'avais pas le coeur à me maîtriser, pas le coeur à baisser le ton et à redevenir doux comme un agneau, c'est pourquoi je recommençais à parler d'un ton presque agressif. Ah oui, parce que ton test t'as indiqué où le bébé a été conçu ? Qui te dit que t'es pas enceinte de je sais pas, cinq mois, et que tu t'es pas rendu compte avant, que t'aies fait un déni de grossesse ? Qui sait, ce gosse il est peut-être de Khris, personne n'en sait rien et on le saura pas avant que t'ai fait ce fichu test, c'est tout.
Charlotte se rapprocha de moi, elle devait penser que ça allait m'inciter à me calmer. Elle se trompait, c'était presque pire. Je la regardais, croisais les bras et me reculais légèrement de manière peu visible et lui répondais. Je viendrai avec toi à l'hôpital, tout ce que j'ai dit ça annonce pas une rupture entre nous, mais tu dois comprendre que j'ai besoin de temps pour avaler tout ça, et que c'est pas facile pour toi certes, mais c'est pas facile pour moi non plus. Réfléchis-y, moi j'ai besoin de temps aussi pour réfléchir.
Cette situation m’épuisait, physiquement. J’étais à bout de force. Je n’avais plus envie de me défendre face Eliott. Qu’est ce que je pouvais faire, s’il ne voulait pas me croire quand je lui disais que je n’étais pas enceinte de son frère ? Je lâchais un soupir à la fin de ma tirade. C’était à mon tour d’écouter Eliott. Ce qu’il me disait aurait pu me mettre dans une colère noire, si je n’avais pas été aussi épuisée, et effrayée à l’idée que cette grossesse nous sépare. Comme si on galérait déjà pas assez tous les deux. Je m’exclamais, plus fortement que je l’aurais voulu. Je ne contrôlais pas l’intensité de ma voix. « Je ferai pas de test ! Si tu ne veux pas me croire quand je te dis que je suis sure, c’est ton problème. Moi je suis persuadée que je suis pas enceinte de ton frère, alors je ferai aucun test. C’est pas la peine, puisque de toute façon, JE VAIS PAS GARDER CE BEBE ! » Des larmes coulaient sur mes joues. Je devenais incontrôlable. C’était désagréable cette sensation que j’avais, d’être une sous-merde. J’avais l’impression que j’étais incapable de contrôler ma voix, mon cerveau. Et que si ça m’avait déjà fait tomber enceinte comme une inconsciente (que j’étais), j’étais en plus, en train de perdre mon petit-ami. J’avais donc arrêté de contrôler ce qui se passait à l’intérieur de moi, et en l’occurrence je laissais les larmes dévaler sur mes joues. Lorsque je m’avançais vers lui Eliott reculait. C’était le premier choc. Je l’écoutais sans rien dire. Deuxième choc. J’analysais la situation : il voulait réfléchir ; c’était certain, il allait se rendre compte que j’étais la pire petite-amie du monde… Je ne dis rien pendant quelques minutes et puis finalement, soufflais. « Et bien… peut-être que le fait que je parte demain chez Lilas est une bonne chose, alors. Tu pourras réfléchir… » A quoi voulait-il réfléchir ? Au fait qu’il était avec une fille qui avait été incapable de fermer ces cuisses cet été & qu’elle se retrouvait enceinte, aujourd’hui. Si c’était, il y avait fort à parier que la réflexion n’allait pas allez plus loin. A sa place j’aurais jeté la copine. Est-ce que c’était ce qu’il allait faire ? Est-ce qu’il ne voulait juste pas le dire maintenant. Je n’évoquais même pas le fait, qu’avec une amie que je connaissais depuis peu, j’envisageais de faire une colocation avec elle. C’était une idée de Shell, j’avais d’abord été dans l’optique de refuser. Mais la situation venait de changer… J’allais surement, finalement accepter. Depuis tout ce temps, les larmes avaient continué de couler sur mes joues. J’aurais du m’attendre à tout ça. C’était bien fait pour moi. Je m’essuyais les yeux, comme une gamine de six ans en reniflant. Et je regardais Eliott. Excuse-moi, s’il te plait. Excuse-moi…
Charlotte n'allait pas faire de test, comment ça ? Comment ça tu va pas faire de test ? Je ne disais pas ça dans le sens où il fallait qu'elle fasse un test pour voir si c'était Khris, mais je disais ça plutôt pour savoir si c'était moi ou si ça ne l'était pas, même si elle ne le gardait pas. Je n'avais pas la force d'en dire plus, elle aurait trouvé ça inutile puisqu'elle ne compte pas le garder. Je soupirais et lui répondais : Ok si tu veux. Je ne pouvais m'empêcher de penser à ce petit être dans son ventre, ce petit être qui aurait pu grandir et qui aurait peut-être pu me ressembler, tout ce genre de choses, une vie harmonieuse. Et a la place c'était le chaos entre Charlotte et moi. Je m'étais reculé de quelques centimètres, et je vis à son visage qu'elle l'avait remarqué et plutôt mal pris. Mes soupçons furent confirmés lorsqu'elle me lança une phrase cinglante. Moi qui m'apprêtait à la prendre dans mes bras pour sécher ses larmes car j'estimais m'être plutôt mal comporté, car après tout elle avait besoin de moi et non que je m'en aille en lui disant que j'allais réfléchir. Je la considérais, agacé par sa réplique. Elle savait que le fait d'aller vivre chez Lilas et me laisser seul me déplaisait, si l'on voyait ça d'un point de vue égoïste. Et elle s'en servait pour me casser on dirait.
Je prenais une bonne inspiration pour essayer de calmer mon énervement et pendant quelques secondes la regardait en silence d'un regard tranchant. Ce regard s'adoucissait au fur et à mesure que les secondes s'écoulaient, Charlotte était face à moi en larmes telle une petite fille et je n'étais même pas capable de mettre ma colère de côté pour la réconforter, moi son copain ne remplissait pas son rôle. Je savais que j'allais être nul comme copain, je le savais. On aurait dit que je n'avais pas de coeur, dur comme une pierre, et ce n'était pas moi. Non ce n'était pas moi, et je devais certainement décevoir Charlotte ... Je grimaçais à cette perspective puis soupirais légèrement et comblais les centimètres qui nous séparaient pour la prendre dans mes bras. Je suis nul, je suis désolé.
J’en pouvais plus de cette soirée. Bien sur je savais que je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même, mais je n’avais pensé que ça irait jusque là. J’avais envie de rentrer, de me coucher, et de me réveiller le plus tard possible. Je ne répondais plus rien à Eliott, parce que je savais que j’allais être désagréable avec lui. Et je ne pouvais pas me le permettre. C’était mal venu de ma part de lui en foutre plein la gueule, alors qu’il n’avait rien demandé à personne. Je devais me mettre à sa place. Et je savais très bien ce que j’aurais fait dans ce cas, et c’était ça qui me faisait peur. J’avais peur qu’il veuille me quitter. Ça aurait été légitime de sa part, mais je détestais l’idée. Cette grossesse mise à part, j’essayais de faire des efforts depuis qu’on était ensemble. je crois même que je m’en sortais pas trop mal. Si je n’avais pas tout gâché ce soir. Je posais mes yeux au sol. Je ne voulais pas le regarder, pas maintenant que je pleurais (même si c’était pas difficile pour lui de deviner que j’avais les larmes aux yeux). Je sentais son regard sur moi, je n’avais pas besoin de lever la tête pour le confirmer. Mes joues étaient feux. J’oscillais entre la tristesse et la colère. A vrai dire, je ne savais même plus comment je me sentais… J’eus un petit sursaut quand Eliott me prit dans ces bras, je ne m’y attendais pas. D’abord je ne fis rien, je le laissais mettre ses bras autour de moi. Puis je blottis ma tête dans son cou et passais mes bras dans son dos. Une question me brulait toujours les lèvres. « Est-ce que… tu vas me quitter ? » murmurais-je. Je posais cette question, alors qu'au fond, je savais très bien je que je voulais pas entendre la réponse, surtout si ce n'était pas celle que j'attendais En bougeant le moins possible des bras d’Eliott, je m’essuyais les yeux. Comme par magie, dans ses bras, j’étais calme.
J'avais fait le premier pas, et c'était certainement la meilleure chose à faire dans ce cas là. J'avais beau être rancunier, je ne pouvais pas blâmer complètement Charlotte, parce que bien que je ne couche jamais avec personne, ça ne me choquait pas spécialement. Ca devenait tellement fréquent de nos jours, et puis ça pouvait arriver de tomber enceinte, Charlotte n'était pas la première, loin de là. Je tentais de calmer mon espèce de colère qui m'envahissait, après tout ça ne servait à rien. Que je m'énerve ou non, qu'est-ce que ça changeait après tout, ce n'était pas en m'acharnant contre elle et la poussant à bout que ce bébé disparaîtrait et que la situation s'améliorerait, au contraire, alors je décidais de me calmer pour le bien-être de tout le monde, de notre couple, de tout.
Je passais mes bras autour d'elle, et la serrais très fort. Je m'en voulais au fond, je me sentais particulièrement responsable de ses larmes et je détestais la voir pleurer ou tout simplement déprimer ou se sentir mal. Je n'aimais vraiment pas cette situation, j'aurais voulu me frapper pour la faire davantage souffrir et enfoncer le couteau dans la plaie. Sur le coup Charlotte ne réagissait pas, je me demandais s'il fallait que j'abandonne l'idée et finalement le reporte à plus tard. Finalement elle me serra à son tour dans ses bras, dans ses petits bras fébriles, et posait sa tête dans mon cou. Je passais une main à la hauteur de sa nuque et la posais sur ses cheveux avant de la câliner. Je répétais mes dires après l'avoir embrassé tendrement sur la tempe. Je suis désolé, je me suis comporté comme un con aujourd'hui.
Après lui avoir posé cette question, Charlotte renchérit et en posa une autre à son tour. Si je voulais la quitter ? Ce n'était pas du tout dans mes plans, je n'y avais pas pensé une seule seconde, pas même dans la grande roue. J'avais été, certes, visiblement agaçé mais j'étais bien au fond avec Charlotte : Sa présence me calmait et me rassurait, elle m'apportait beaucoup en plus de ça. Sur le coup je restais surpris à l'entente de cette question alors je ne répondais rien et stoppais le petit mouvement de main que j'exerçais sur ses cheveux. Je sentais Charlotte contre moi qui s'essuyait les yeux, qui essuyaient les larmes que j'avais fait coulé, et je reculais un peu ma tête pour la considérer du regard. Tu crois vraiment que je vais te quitter ? Je n'en avais pas l'intention Charlotte. Si Charlotte croyait que je voulais me séparer d'elle c'était bien qu'il y avait un problème entre nous alors, ou alors qu'elle manquait de confiance en elle.
Je savais qu’il fallait que je me calme. Qu’il fallait que j’arrête de pleurer comme une gamine, je détestais ça. Que j’arrête de gueuler aussi. Contre Eliott qui finalement n’y était pour rien, sur qui la situation venait de tomber comme un fardeau. Je m’en voulais tellement de lui faire subir ça. Je me demandais combien de temps il allait encore supporter de sortir avec une fille comme moi. Mais je ne voulais pas qu’il me laisser. Je ne voulais plus. Je savais très bien ce qu’il était en train de se passer ; je tombais amoureuse de lui. Je le savais et s’il me quittait, alors qu’est-ce que j’allais faire ? Je préférais pas y penser, même si c’était la question que j’avais posé. Eliott me serrait dans ses bras, et je reprenais une respiration normale et régulière. Pour la première fois depuis que j’avais fait ce fucking test de grossesse, je me sentais sereine, et j’oubliais un peu ce qui s’était passé depuis ce matin. Je serrais mes bras autour d’Eliott, après m’être essuyé les yeux et avoir posé la question que je n’aurais pas du. Il me caressait les cheveux, je le laissais faire, je n’aurais bougé pour rien au monde. Je respirais, les yeux fermés. Puis je sentis Eliott éloigner sa tête, je levais mes yeux rougis vers lui, avec appréhension. C’était vraiment pas moi, je ne me ressemblais pas. Je n’avais jamais eu peur de décevoir qui que ce soit, c’était comme ça. Mais là c’était différent, je ne savais pas si j’arriverais à supporter le fait qu’Eliott me quitte pour ce que j’avais fait. Eliott me rassura. C’était tout ce que j’avais besoin d’entendre : que tout ne s’effondrait pas complètement autour de moi. Qu’une chose restait (à peu près) stable : lui. Je lui fis un sourire timide et passait mes bras autour de son cou. Je me mis sur la pointe des pieds et enfouie mon visage dans son cou. « Je suis vraiment désolée pour tout ça… » soufflais-je, un peu rassurée qu’il ne m’abandonne pas.
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