Le 27 juin 1988, c’est le jour que choisis pour pointer ma petite tête dans la ville de Leipzig, Allemagne de l’Est. Une atmosphère chaude, et surtout lourde de pression, envahissait le monde dans lequel je naquis. Un monde à part, un monde clos, un monde sans issue. Ma mère me racontait cela d’un air nerveux, j’avais alors 6 ans. Comment faire comprendre à une gamine de cette âge que 5 ans plus tôt un mur s’écroulait et laissait tomber avec lui une souffrance accumulée durant de multiples années simplement à cause d’une tension entre deux blocs continentaux. Tout était désormais à reconstruire, l’Allemagne de l’Est était largement en retard face à l’autre région allemande. C’était comme si nous avions été entassés du mauvais côté de la frontière. Mon père avait eu la chance de s’échapper de l’autre côté après avoir établi de multiples stratégies. Il avait risqué sa peau, mais il avait réussi. Ma mère avait trop peur pour essayer quoi que ce soit et préférait rester là, à Leipzig, jusqu’à ce que les tensions s’apaisent.
A ce moment-là nous rejoindrions mon père alors parti avec mon grand frère. Quand le mur tomba, ma mère et moi avons rejoint l’autre partie de ma famille et avions tenté de tout reconstruire, de tout rattraper. C’était tellement complexe, ma mère avait sauté au cou de mon père et moi, intimidée n’avait rien fait. J’étais encore jeune, mais j’étais habituée à vivre en la seule compagnie de ma mère. Le mot « papa » n’existait pas pour moi, il n’y avait que ma mère. Comment comprendre à trois ans qu’on a un grand frère, un père, et qu’on n’en savait rien ? C’est difficile pour un enfant, du moins ça l’a été pour moi, et particulièrement avec mon père. En grandissant un lien s’est tissé avec mon frère, alors plus sage que moi. Seule ma mère arrivait à me faire plier sous ses ordres, mon frère m’engueulait seulement après chaque connerie et me touchait au plus profond sans pour autant que je l’exprime. Je faisais la grande fille, la femme forte, depuis toute petite et estimais que c’était moi qui devait faire ma propre vie.
Je n’ai jamais changé de philosophie mais comprenait en grandissant qu’il y avait des limites à ne pas franchir. Je le savais, et pourtant j’adorais les dépasser. J’aimais faire des conneries, j’aimais faire la fête, je répondais à mes profs en cours et en faisait le moins possible tout en arrivant à m’en sortir convenablement, j’aimais me faire remarquer. Et pour ce faire, j’adoptais un style vestimentaire tout à fait original par rapport à ceux des autres. Jeans complètement destroys, maquillage rock ou flashy à petite dose, talons hauts, robes et jupes plus ou moins courtes, et j’en passe. Ce genre de choses que personne n’osait porter mais que moi je portais. J’aimais charmer, et mon look ne faisait que m’aider en soirée à dénicher de nouvelles proies.
Mes envies se calmèrent en grandissant et je devenais plus sérieuse et raisonnable alors que je me découvrais une passion pour la mode. Alors que je faisais du shopping dans un grand magasin de mode berlinois, à l’occasion d’un week-end, un agent me découvrit et me proposa un contrat au bout de quelques essais. Je pris vite mon envol à San Francisco afin de faciliter ma nouvelle vie et me passionnais pour mon nouveau métier. J’intégrais une école de mode à la fois afin de développer mon sens de la mode et venais à rêver de devenir un grand créateur ou un fameux modèle.