-Statson t'as fini de taper ce rapport ? J'te l'ai filé y'a une demi heure , ça peut pas prendre autant de temps ?!
Ses lèvres remuaient sans que je n'y prête la moindre attention. C'était toujours la même rengaine : les mêmes paroles, les mêmes gestes. Mon coéquipier était réglé comme du vieux papier à musique. Six mois déjà s'étaient écoulées depuis notre première rencontre. Il ne se passait pas une seule journée sans qu'il ne m'aboie à la figure. Il est certain que j'aurai aimé lui mettre mon poing dans la gueule seulement pour être honnête, une partie de moi appréciait le lien indicible qui nous unissait, profondément incomplet.
-Statson, laisse tomber le rapport , prends plutôt la déposition du Junkie-alcoolo qu'on vient tout juste de coffrer, fais gaffe : il mords ! - T'en fais pas pour moi , j'y vais avec une muselière !
Mon sens de l'humour subissait l'influence de mes fréquentations. Grivois, il était devenu. Un humour grossièrement policier. Je m'étais très vite adaptée à l'ambiance suintant la testostérone, l'orgueil et l'après rasage bon marché. J'évoluais au même rythmes que les phénomènes qui squattaient les locaux. De pauvres imbéciles bedonnant qui représentaient -désormais- une seconde famille. Qui se ressemble, s'assemble. Nous étions des paumés en manque d'ambition qui par dépit avions choisi de servir notre partie. Pas assez courageux pour la guerre mais assez pour jouer les patrouilleurs dans les ruelles insalubres où prostiputes et toxicos se pavanaient sans gêne.
J'attrapais le trousseau de clé accroché au mur devançant les cellules tandis que mes pas me menaient face au " trou" n° 5. Jetant un rapide coup d'œil , j'aperçus une vielle connaissance. Un sourire étira mes lèvres sans que je ne le veuille vraiment. J'allais commencer à croire qu'il faisait tout pour me revoir. Vérifiant la position de mon arme, parée à l'éventualité d'une agressivité, j'entrepris d'ouvrir la cellule, lançant au passage - à bon entendeur - un :
- Monsieur Keynes , visites de courtoisie ?
Ma première rencontre avec cet homme lui avait valu un tour derrière les barreaux , depuis ce jour , c'était devenue une habitude. Une fois toute les deux semaines, il passait pour ainsi dire saluer la " flicaille " que nous étions, avec toujours autant de politesse.
Parfois je ne comprenais vraiment pas mon meilleur ami. Il était amoureux de ma sœur. Super comme nouvelle, je vous le jure. Je sais pas ce qu'il m'a pris de faire cette connerie-là. J'avais déjà commencé à boire lorsque Khris m'avait annoncé son truc. Je n'arrivai pas à me mettre ses mots dans la tête. Après avoir vagabondé dans les rues, je m'étais finalement retrouvé sur l'autoroute. J'aimai bien ça. L'adrénaline montait enfin dans mon cerveau. Je me sentais bien avec mon joint et ma bouteille de Jack. Oui jusqu'à ce que les flics arrivent et m'embarquent. Il était une heure du matin et je me retrouvai au poste. Ça promettait bien ma nuit. je me demandai toute fois si l'officier Statson serait de garde ce soir. Depuis notre première rencontre, il y a maintenant quelques mois, je prenais un malin plaisir de la taquiner. Ce soir, j'étais sure que ça allait être la même chose surtout vu mon état. Je souris lorsqu'elle entrait dans ma cellule et à sa remarque.
Vous savez qu'il n'y a que vous qui compter dans ma vie, ma chère Statson.
Piqué un fard, je n'avais pas pu m'en empêcher. Il faut dire qu'il avait une façon bien étrange de me regarder . Et puis, sa voix : gutturale , rauque. Mes sens , en sa présence , étaient mis à rude épreuve. Je retenais un rire , voulant avant tout garder mon sérieux. Même si en toute franchise, je ne pouvais résister à l'envie de rentrer dans son jeu. D'accord, je suis faible. J'eus exactement la réaction escomptée , d'une voix tremblante, grand signe de mon émoi , je répondis alors -tentant tout de même de garder une certaine contenance- :
- Ça ne marchera pas ...
Je le vis esquisser un sourire , arquer un sourcil en ma direction, je poursuivis :
-...essayer de me brosser dans le sens du poil, Monsieur Keynes.
Je me retournai , donnant le dos au détenu. Grossière erreur : ne jamais tourner le dos à l'ennemi. Trois ans en Académie , n'avaient toujours pas porté leur fruit en ce qui concernait cette doctrine. J'ajoutais, la démarche dextre en direction des bureaux :
- D'ailleurs, évitez les " ma chère " , nous ne sommes pas intimes.
J'avançais, murmurant plus pour moi même un " pas encore, en tout cas ".
Une fois, l'officier Statson à l'intérieur de ma cellule je me levai du banc. Bizarrement, j'étais contente que ça soit elle qui s'occupe de moi. Totale paradoxe parce qu'en faite, je prenais un malin plaisir de la taquiner depuis le début. Elle était vraiment charmante et je dois dire qu'elle me plaisait bien. Oui plaire, fin plutôt, j'avais bien envie de me la faire. OK pensé complétement déplacée vu l'endroit où j'étais mais je m'en fichai un peu. le sexe c'est le sexe. Il ne doit pas y avoir obligatoirement des sentiments derrière. Mentalité de bâtard? ouais mais j'étais comme ça. No strings attached ever. Elle me tourna le dos. Parfait. Je m'avançai et au moment même que je voulais passer mes bras autour d'elle, elle s'avança. La salope, j'avais envie de lui dire. Toute fois, je me retiens et la suivit dehors. J'esquissai un sourire à sa réponse sur le "ma chère". j'avoue avoir été un peu fort mais c'était drôle. C'est dommage. Je vous aime bien murmurant Harley, son prénom. Et oui j'avais réussi à obtenir son prénom. Passer des nuits ici, ça aider de temps en temps.
Quel effronté ! Où est-ce qu'il avait bien pu choper une information pareille ? Serrant la mâchoire , je retins une exclamation de surprise, ne relevant pas sa remarque. Il semblait en savoir plus sur moi que ce que je pouvais bien penser ! Couillon, soufflais-je , irritée. Alors comme ça il savait comment je m'appelais , et ? Je détenais également des connaissances sur sa petite personne. Arrivée face à mon poste, je lui montrai brièvement la chaise sur laquelle il devait poser son p'tit cul d'insolent. N'empêche, il avait un beau ptit cul, l'insolent. C'était ça l'histoire de ma vie. Lever tout les matins, veiller jusque tard dans la nuit et essuyer les remarques et regards déplacés d'individus supposément rebelles. J'étais décidée à lui montrer qu'en ces murs, c'est moi qui détenais le pouvoir et qu'il n'avait d'autre choix que de se soumettre à mon commandement. Je portais une plaque, moi.
- Je suis censée prendre votre déposition Alan , cependant d'après ce que je peux constater , vous n'êtes pas tout à fait frais. Peut être qu'une nuit entière derrière les barreaux ne pourrait que vous faire du bien.
J'insinuais par là, qu'il n'était pas bon pour lui de consommer autant de substances , davantage de les mélanger. De toute façon, je doutais qu'il puisse comprendre que sa façon de vivre puisse m'importer , après tout : nous étions étrangers l'un à l'autre. Qu'est-ce que ça pouvait bien me foutre de le savoir ou non en danger ?
Et puis, pourquoi souriait-il ainsi ? En coin. Une gifle, ce geste me démangeait. Une petite torgnole en plein dans sa face m'aurait certainement soulagée. Dingue, ce mec attisait mes nerfs.
Je connaissais déjà le processus. Toute les fois où j'avais été arrêté. Je commençai même à le connaître par coeur ce protocole et cette déposition. Je m'assis alors sur la chaise toujours avec un petit sourir au coin.Surement l'alcool et le joint qui faisait encore effet. J'étais vraiment pas frai mais je ne voulais absolument pas passer la nuit ici. Les lits étaient tellement inconfortables. Si vous restez avec moi alors je veux bien passer la nuit dans le trou. Putain Alan, qu'est-ce que tu viens de dire? Je suis dans la merde voilà ce qui allait se passer. Insolent, saoul et câmé. Oui absolument parfait comme situation pour finir la nuit au poste.
Je devais bien lui reconnaitre du cran. Bien évidement, son bagou était grandement aidé par la drogue douce qu'il avait dû fumer mélangée à....mes yeux se posèrent sur les lettres qui clairesemaient le bout de papier négligemment posé devant moi : d'après ce qui y était écris, Monsieur s'était fait pincer à errer sur l'autoroute une bouteille de Jack à la main. Il avait émis une opposition. Le contraire m'aurait étonné, je souriais. Au moins, il avait bon goût niveau tise.Un imbécile doublé d'un sacré dragueur , voila ce qu'il était. Le pire : c'est que ça fonctionnait. Remarquez, j'étais assez sensible au charme qu'il dégageait. Surement l'effet des tatouages qu'il arborait fièrement. Arrête, du con.. Bingo ! Il ressemblait à mon ex, voila pourquoi.
" Si vous restez avec moi alors je veux bien passer la nuit dans le trou."
S'il savait , pensais-je .Mais , étant en service, j'étais dans l'obligation de remettre les pendules à l'heure. Pas ici. Je me penchais donc, et chuchotais , d'une voix calme et enrouée :
- Écoutez, j'finis mon service dans une demie heure comme vous j'en ai ras l'cul d'être ici, alors plus vite vous coopèrerez plus vite je pourrai rentrer chez moi. J'tombe de sommeil ...et non, je ne suis pas en train de vous inviter à venir passer le reste de vot' putain de nuit avec moi !
Vu comment il s'était mis à me fixer, je m'étais sentie obligée de clarifier la situation. Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté. Même si de toute évidence, ambiguïté il y avait.
Je devais sérieusement être con pour encore regarder Harley avec un sourire béa. Je crois que c'était plus le mélange horrible d'herbe et alcool et le fait que je n'avais pas mangé de la soirée. Super, j'étais bien placé pour passer la nuit ici. Encore une fois. Apparemment ma remarque n'avait pas très bien plu à l'Officier Statson. Tant mieux je dirai même. Je lui répondis par une sourire et à nouveau une remarque déplacé. C'est dommage. J'aurai bien voulu finir la nuit avec vous. Je ne sais pas ce qui m'a pris de répondre cela à l'Officier mais je savais que c'était bon pour que je passe la nuit ici.
Agacée, je frappais du poing sur la table. Crachant un juron et fusillais le jeune homme du regard. Cette réaction était un tantinet exagérée, certes, pour ma défense, je manquais de sommeil et sa façon de parler ( sans la moindre trace de respect envers ma personne) commençait sérieusement à me faire péter un plomb.
"C'est dommage. J'aurai bien voulu finir la nuit avec vous".
Trop c'était trop. Je me relevais d'un bond, toisant Keynes de ma hauteur. Croisant les bras sur ma poitrine, je lançais d'un ton autoritaire :
- Vous êtes doué ! Allez debout, vot' déposition on s'en passera , de toute façon c'est toujours la même : Alcool, Alcool, Drogue, Alcool et Insulte à agent !
Est-ce qu'il croyait qu'il pouvait badiner avec moi ouvertement ? Ouai , il pouvait Non, il pouvait pas !
- Vous êtes doué ! Allez debout, vot' déposition on s'en passera , de toute façon c'est toujours la même : Alcool, Alcool, Drogue, Alcool et Insulte à agent !
Putain Alan t'es con. Voilà ce que je pensais pour le moment. Je n'avais pas du tout envie de passer la nuit au poste et j'avais quand même réussi à devoir la passer ici. Je me levai donc devant l'Officier Statson. Maintenant, je la depassai de beaucoup. Elle était plus petite que moi. Tant mieux je dois dire. Je me balançai sur mes talons juste assez pour faire un pas en avant et que mes lèvres touchent celles de la jeune femme. Gagné Alan. Je rompis les 'baiser' aussi vite qu'il fut arriver et sourit à Harley. merci.
Il s'était relevé , étrangement docile. J'aurai dû m'en douter. Ce genre de geste aussi spontané qu'irréfléchi demeurait aléatoire. Ses lèvres vinrent m'octroyer un bécot aussi furtif que concis. Bien dommage. Quelques minutes de plus , n'auraient certainement pas été de refus. C'est moi qui ais dit ça ? Quoiqu'il en soit - désormais- il me dominait de sa hauteur et cette proximité aussi déroutante soit-elle me parut agréablement dangereuse.
" Merci "
Pour qui se prenait-il ? Encore et toujours cette question qui martelait mon esprit fatigué d'officier stagiaire. Non. Il fallait que je mettes un terme à cette mascarade grotesque. Sa nuit au poste était inévitable. De toute manière, je ne lui aurais absolument pas rendu sa liberté , pas après qu'il ait été contrôlé à 0,70 g/l d'alcoolémie. Certainement pas. Mon poing se contracta , réflexe d'agent de police , lui décochant un uppercut au visage. Ça c'est pour m'avoir embrasser sans ma permission.
Tandis qu'un large sourire prenait place sur mes lèvres :
- Vous ne l'avez pas volé ! ( je me tournais vers un collègue ) Burk , occupes-toi de cet idiot , ça fait deux minutes que ma garde est finie !
- Vous ne l'avez pas volé ! Burk , occupes-toi de cet idiot , ça fait deux minutes que ma garde est finie !
Bon j'étais près à passer la nuit ici. Je savais très bien que je le méritai surtout vu ma réaction envers l’Officier Statson. Seulement, elle me plaisait bien et j'étais un peu défoncé. Ok un peu est le mauvais, j'étais complètement défoncé. Le dénommé Burk - putain comment on peut s'appeler comme ça sans avoir honte de son propre prénom - attacha mes mains derrière mon dos, et m'entraîna de force. Je lançai un dernier regard à Harley avant de me faire entraîner dans une cellule par ce Burk.