« Les gens ne m’aiment pas. Je suis totalement le genre de gars qui fait tout de travers. Je suis pas quelqu’un de fiable, quelqu’un sur qui on peut compter. J’ai tellement peur que je fuis sans arrêt. Je me protège autant que je peux, du moment que je peux sauver ma peau. Je n’ai pas confiance en eux, parce que je sais parfaitement qu’on est tous pareil. On est tous ici pour se protéger à n’importe quel prix, peu importe si l’autre est touché ou non. Je suis effrayé, je suis incapable de garder les gens proches, parce que j’ai peur qu’ils partent loin de moi pour toujours. Je flippe, putain. J’ai peur d’être laissé seul, alors je reste seul. L’attachement me donne envie de mourir. Je suis scotché sur place à chaque fois, je suis incapable de bouger, de comprendre quoi que ce soit. Je ne sais pas comment m’y prendre. J’agis dans la précipitation, je fais n’importe quoi. Tout ce qui arrive, tout ce que je provoque n’est jamais ma volonté propre, ce n’est jamais des actes réfléchis. Je suis quelqu’un de manipulateur en règle général, mais en dehors de ça, il y a des choses que je ne contrôle pas. J’ai jamais le temps de me préparer, je n’ai jamais le temps de prouver ce que je vaux. Je suis pris de cours, alors je déçois forcément les autres. Je veux être partout, je veux satisfaire tout le monde, mais c’est trop pour mes épaules de pauvre type faible. Alors je rate tout ce que j’entreprends. Je tombe sans cesse. Je me drogue, je fuis, je blesse les gens, je me blesse moi-même. Je rate absolument tout. C’est affligent. Parfois, j’aimerais appuyer sur pause, quelques minutes, quelques heures, quelques jours. J’ai besoin de m’arrêter, de prendre mon temps. Je peux plus avancer. Je peux plus me prendre toute ces claques, je ne peux plus affronter les regards désappointés de tout ces gens qui ont voulu croire en moi. Je ne peux plus supporter ça. Je suis désolé. »

Si vous regardez ce garçon dans les yeux, vous n’y trouverez aucune flamme. Vous n’y trouverez pas de gaité, pas d’espoir, pas de joie. Désillusionné avant l’âge, Edward Zeppelin Liebestoll fait parti des personnes qui ne croient plus en rien. On ne peut pas dire de lui qu’il soit dépressif -quoi que l’on s'en rapproche, mais il est plutôt de ceux qui n’attendent plus rien de la vie. Alors qu’il regarde le paysage défiler sous ses yeux, à travers la fenêtre du car qui le transporte à San Francisco depuis près de deux heures, il ressasse toutes ces choses qui font de lui la personne qu’il est aujourd’hui, à vingt cinq ans.

Edward manque d’inspiration pour ses nouvelles chansons. En se détachant de son groupe afin de séjourner à SF pour une durée indéterminé, il fait la promesse aux membres de sa bande de revenir avec de nombreuses compositions et surtout avec un meilleur état d’esprit. Sur le chemin, il se demande ce que cette ville va lui apporter. Il sait qu’il va y revoir des personnes qui lui sont chères et il sait aussi que certaines choses pourront être mises au clair, une bonne fois pour toute. Faire la paix avec ses démons est son objectif premier. Son avenir se joue dans cette ville immense et étrangère et il est déterminé à réussir.




Edward n’a jamais connu sa mère. Étant atteinte d’une grave tumeur, celle-ci à perdu la vie durant sa dernière opération et les chirurgiens ont été forcés d’arracher Edward de son ventre. Profondément bouleversé par la mort de sa femme, Malcolm, le père d’Edward, ne s’est jamais réellement remit de sa disparition. Lorsque les docteurs sont venus lui dire qu’ils avaient fait leur possible pour sauver son épouse, mais que seul son fils avait survécu, il a pensé qu’elle avait donné sa vie pour son enfant et non pas parce que sa maladie demeurait inopérable. Depuis sa naissance, le petit porte alors la mort de sa mère sur ses frêles épaules. Son père a sombré dans l’alcool et c’est sa tante, la sœur de sa mère, Callie, qui s’est occupé de lui. Lorsqu’il veut bien se rappeler de son enfance auprès d’elle, il n’en tire alors que des bons souvenirs, qu’il a vécu auprès de sa cousine, qu’il considère depuis toujours comme sa sœur. C’est d’ailleurs chez elle qu’il se rend, aujourd’hui.

Jusqu’à son entrée au lycée, Edward n’a donc jamais vraiment été confronté à son père. Celui-ci enchainait les cures et se débrouillait tant bien que mal pour rester sobre pendant quelques temps, avant de craquer de nouveau. Ils se voyaient tout les deux de temps à autre, mais ne s’échangeaient jamais plus de deux mots pour ne pas que cela éclate en dispute. Leur relation a toujours été très conflictuelle et Edward n’a jamais vraiment pu remédier à ça. Malgré les tentatives maladroites qu’il a entreprit pour faire comprendre à son père qu’il n’était en rien le coupable de la mort de sa mère, le dialogue n’a jamais été rétabli et même après tout ce temps, son père ressent toujours cette éternelle rancœur envers lui. Même si il ne le montre pas vraiment, Edward est quelqu’un de très sensible. Avec la mort de sa mère et l’abandon de son père, il est devenu quelqu’un de très vulnérable, malgré la présence omniprésente de sa famille maternelle.




Quand il est entré au collège, il a commencé à se droguer pour oublier ce qui n‘allait pas. Il a commencé avec des joints et puis il s’est peu à peu tourné vers la cocaïne ou l’ecstasy. Pendant une longue période de deux ans ils se mutilait et fuguait pendant quelques jours dans l’espoir de susciter l’attention de son père, en vain. Après cette passe difficile, et quelques séjours en hôpital psychiatrique pour prendre du recul, Edward s’est calmé. Malgré le regard désapprobateur des autres élèves qui le considéraient comme une mauvaise fréquentation -pour sa dépendance aux drogues dures et les cicatrices massives le long de ses avant bras, certaines personnes ne l’ont jamais laissé tombé. Ayant plus ou moins cerné sa personnalité et ayant capté sa sensibilité à fleur de peau, autour de ses dix sept ans, Edward ne comptait dans son entourage que sa cousine et deux frères et sœurs : Silver et Enora.

Deux nouveaux arrivants, plus ou moins paumés. Enora avait à ce moment là seulement onze ans et Silver en avait dix sept. Malgré leur classe d’écart, les deux garçons se sont très vite rapprochés grâce à leurs goûts musicaux et à leurs centres d’intérêt, notamment. Ils se sont rencontrés dans la salle d’attente qui précédait le bureau du principal, dans leur lycée de l’époque. Ils ont commencé à discuter et depuis cet instant là, ils ne se sont plus lâchés.

Rapidement, leurs liens se sont renforcés et tout le monde disaient d’eux qu’il étaient de parfait meilleurs amis. Evidemment, il y avait bien plus que ça entre eux. L’histoire de Silver et son précédent mode de vie passionnait Edward, alors que celui-ci restait plutôt discret sur son passé. Quand ils ont tout les deux quittés le lycée, ils n’ont pas cessés de se voir. Ils ont fréquentés la même université pendant plusieurs mois, le temps qu‘Edward trouve des membres afin de former son groupe de musique rapidement. Il passait le plus clair de son temps auprès de la famille Hendrick. Ils étaient la seule famille qui lui restait, bien qu’il avait un contact permanent avec sa tante.

Tout allait pour le mieux, il en oubliait presque tout ce qui l’avait fait souffrir jusque là. Il découvrait l’amour, ce qu’était que se sentir bien et à l’aise au milieu des autres. En y repensant, aujourd’hui, il ne peut plus se souvenir de l’effet que le bonheur lui faisait. Il se souvient de l’effet de plénitude que procure la drogue, mais le véritable bonheur dans toute sa splendeur était quelque chose de totalement étranger pour lui. L’histoire était allée tellement loin et elle était tellement douloureuse qu’il n’était plus en mesure de se concentrer sur les meilleurs instants qu’il avait passé en compagnie de cette famille. Le bonheur est bel et bien éphémère et il ne laisse aucune trace face au malheur, face à la tristesse. La roue a tourné et il était temps pour Edward de replonger dans ce qu’il s’était donné du mal à repousser au fond de lui.





Quand sa tante a déménagé pour San Francisco, Ed s’est retrouvé seul à Bâton-Rouge. Bien évidemment, il avait ses amis, mais aucuns d’eux ne connaissaient sa véritable situation et encore moins celle de son père -même pas Silver. Ceux-ci l’avaient toujours connu proche de sa tante et ils avaient toujours pris sa cousine pour sa sœur. Quand elles sont toutes les deux parties sans lui, beaucoup se sont posés des questions. Leur départ a impliqué le fait qu’Edward est retourné de force chez son père. La descente aux Enfers a recommencé à ce moment précis. Il s’est renfermé et malgré le fait qu’il tombait amoureux de Silver, il refusait de le voir la plupart de temps.

La première personne a qui s’est confié Edward fut Enora. C’est là que leur relation a évolué. Au départ, Ed ne la voyait que comme la sœur de son petit ami, mais dès lors qu’ils ont commencé à parler et à se rapprocher, les choses ont rapidement changées dans son esprit. Le lourd passé d’Edward les liait étroitement et bientôt ils n’eurent plus aucun secret l’un pour l’autre. Malgré son jeune âge, elle était la personne la plus mature qu’il ait jamais rencontré et elle était la seule fille de qui il était proche, la seule personne, après sa cousine qui connaissait tout de sa vie.

Dans une période de flottement telle que celle-ci, avec la drogue qu’il consommait et l’ignorance de son père, l’aide précieuse que lui apportait Enora, réveilla les sentiments du jeune homme et ceux-ci commencèrent à tanguer dangereusement. Il était certain d’aimer Silver, ils étaient même officiellement ensemble, tout les deux… Mais il restait tout de même possessif envers la petite rouquine et même avec leurs cinq années d’écart et sa relation avec son grand frère, il ne pouvait refouler l’attirance qu’il éprouvait à son égard. Il était tellement perdu qu’il ne se posait plus aucune question et faisait exactement comme il l’entendait. Sans penser aux conséquences, sans penser au fait que cela pourrait faire énormément de mal aux autres, Edward a dépassé les limites et ses écarts ont brisé une famille.

« On ne peut pas tout prendre pour acquis. Tout ce que la vie nous tend, c’est quelque chose qu’elle nous prête. Et nous les humains, avons pour habitude de nous approprier n’importe quel prêt. J’avais l’amour d’une personne, puis d’une autre et… Le fait n’est pas que je ne me contentais plus de l’amour de Silver pour avoir besoin de celui de sa sœur, seulement… c’est simplement que j’ai voulu que tout le monde soit heureux, que tout le monde ait ce qu’il voulait. Voilà, c’est précisément ça, qui se passait dans ma tête. Tout le monde doit avoir ce qu’il veut, même au détriment d’une autre personne. J’ai raisonné de manière stupide avec mon cerveau ravagé par la drogue dure que je consommais en puissance, à l’époque. Je les ai tous détruis. Je comprends pourquoi est-ce qu’elle me déteste autant désormais. J’ai tout foutu en l’air. En voulant faire bien, j’ai fais mal et maintenant, je paye. J’ai longuement essayé de recoller les morceaux, de réparer mes erreurs. Je mourrais de honte, j‘étais moi-même dévasté. Quand il est mort, j’ai fuis. J’avais enfin de quoi partir, alors je l’ai fais. J’ai pris ce billet au hasard, pour cette destination complètement aléatoire. Je me suis installé dans une ville, j’ai monté mon groupe et j’ai disparu pendant un moment. Je ne donnais plus de nouvelles à ma cousine, avec qui j’avais conservé ce lien si fort. J’ai voulu qu’on m’oublie, j’ai voulu m’oublier moi-même. Mais en fin de compte, je ne suis jamais en paix au fond de moi. Cinq ans après, maintenant bien conscient de toute la vérité, je suis prêt à tout affronter. Je ne peux pas l’emporter avec moi. Je ne peux pas. »