Je reculai immédiatement le téléphone de mon oreille. La voix de Julie résonnait à présent dans ma tête et j'avais l'impression qu'elle se déplaçait comme une balle de ping-pong infernale. Du coup, je n'avais pas vraiment entendu ce qu'elle m'avait dit. Je toussais un dernier coup avant de répondre avec un petite voix.

"Hey... Oui c'est moi. Je suis désolée pour hier..."

Parler m'était devenu aussi difficile que de me taper un sprint sur 800 mètres.

"Je suis pas bien mais t'inquiète... Je vais revenir euh j'sais pas trop quand."

"Je suis ma..." J'éternuais d'un coup. Dieu soit loué, je n'avais rien sur la main."Malade."

Je me redressais un peu dans mon lit, tout en tirant la couette sur moi. Daisy m'avait posé une nouvelle gélule contre les maux de tête sur la table de chevet, avec un verre d'eau. Je mis mon téléphone en haut-parleur et le posai au niveau de ma cuisse. Je partis en quête d'attraper le médicament.

Je choppais la petite pastille et l'avala tout rond. C'était pas très grand, comme l'ecstasy, ça s'avale tout seul. Je tombai un peu des nues quand Julie m'agressa. Je repris le téléphone, vers ma bouche.  

"Mais quoiiiiii ?" Ma voix partit en couille sur la fin de ma question. Je frottais mon front avant de pousser une sorte de couinement. "Julie, je suis malade. J'ai mal partout, au crâne, je tousse, j'ai froid, j'ai chaud... Je vais mourir." Je partie dans les aigus pour le mot "mourir". J'étais ironique évidemment. Enfin, je crois.

Je fermais les yeux et me concentrai sur le fait que je n'étais pas malade comme un chien mais que j'avais passé de superbes journées au plus proche de la nature. Comme avant. J'avais enterré la petite peluche qui aurait dû être pour mon fils dans un endroit joli, près d'un court d'eau, entouré d'un paquet d'arbre. J'avais enterré également sa lettre d'adieu. J'étais prête, prête à tourner la page. Quelques larmes glissèrent au coin de mes yeux, alors que j'entendis Julie qui me parlait de came. Pourquoi ? Je me mis à tousser à plusieurs reprises, avant de reprendre avec ma petite voix.

"Putain Julie, qu'est-ce que tu me parles de came ?" Je regardai dehors par la fenêtre. J'y voyais que des arbres. "Je ne sais pas trop où je suis. Vers Yosemite, sans aucun doute mais après... J'sais pas. De toute façon, je suis entre de bonnes mains, je reviendrais quand je serais guérie."

Je redescendis dans mon lit, pour être bien au chaud sous la couette. J'éternuais à nouveau et cette fois-ci pas de bol... J'en avais sur la main. Je lâchai un petit "beurk" avant de saisir un mouchoir que j'avais glissé dans ma manche de pull.

"Non, non. Je suis venue seule, je reviendrai seule." Je me calai bien dans mon lit et soupirai: "Je vais te laisser, faut que je dorme."

"Julie, ne t'en fais pas. Je gère la fougère. Jusqu'ici tout se passait bien. Je loge chez un couple de vieilles personnes, ils sont vraiment adorables avec moi." Je m'impressionnais d'avoir parlé autant d'une traite. "Je suis exténuée, faut que je dorme. Si tu veux, demain, je t'enverrai un sms pour te donner un signe de vie ?"

Je souris faiblement, touchée par ce qu'elle me dit.

"T'inquiète pas que j'aurais préféré être malade à la maison, au chaud dans mon lit, plutôt qu'ici." Je me cale sur une hanche et ajoute: "Allez, je suis une nana tenace, dans deux jours ça ira mieux. Je vous fais des bisous à toi et Gwen."

Je souris faiblement, touchée par ce qu'elle me dit.

"Je vais prier le petit Jésus pour que je retrouve vite la patate." Je voulus rigoler -parce que moi prier un Dieu, c'était pas vraiment mon genre à moins que ce soit le Dieu de la forêt ou je ne sais quoi- au final, je toussai. "Gros bisous, love ya."

FIN DE L'APPEL