Ça y est ! C’est fini. Les dernières notes venaient de retentir et je me laissais tomber à terre pour simuler la mort du cygne. Tandis que les applaudissements retentissaient dans la salle, je n’avais pas pleinement conscience qu’on m’applaudissait moi. Salutations, sourire poli tandis que le metteur en scène vint me dire à quel point j’ai été « grandiose ». Je suis surtout très fatiguée. Alors, je me traine comme je peux à ma loge pour me changer, poster sur Facebook que tout est fini avant de retourner voir les autres. Je n’en revenais pas. Quelqu’un vint me donner un bouquet de fleurs et je le regardai bouche bée. Pendant les ballets, si une danseuse recevait des fleurs c’est qu’elle a très bien dansée. Abasourdie, je le remerciai avant de voir le frangin au loin. « Tiens moi ça deux minutes s’il te plait. » Veillant à ne pas me casser la gueule et marchant comme un canard, je m’approchai de William pour le prendre dans mes bras et le serrer jusqu’à l’étouffement limite. « Merci d’être venu, frérot. »

Impressionnant. C'était le mot, ni plus ni moins. J'avais passé la matinée au travail, mais mon après-midi de congé avait été encore plus épuisant avec Katniss qui stressait dans la salle de bain. J'avais essayé de la faire sortir en lui parlant, puis en l'ignorant lorsque ma patience eut atteint ses limites, mais ce ne fut qu'en l’appâtant a coup de pommes qu'elles finit par ouvrir la porte. Après tout, elle parlait non stop de ce fruit, j'en avais donc conclus qu'il s'agissait de son point sensible.

Quoi qu'il en soit, la performance qu'avait donné ma cadette ce soir avait été remarquable et je ne me suis pas retenu en applaudissements à la fin de le représentation, tout en remarquant la présence de Mrs Wells dans les balcons.

Avant que tout le monde commence a sortir dans le hall, je m'éclipsais pour descendre les escaliers et attendre la sortie des ballerines jusqu'à ce que Katniss apparaisse. Elle était le centre de toute l'attention, et une certaine fierté émergea en moi de la voir ainsi mise en avant par tout le monde. Il ne fallut pas plus d'une minute avant qu'elle me remarque et vienne me prendre dans les bras, ce qui... n'était pas vraiment le geste auquel j'étais le plus doué. Il me fallut faire un effort pour l'étreindre à mon tour avec une retenue flagrante malgré mon enthousiasme. Je posais les yeux sur elle par la suite avec un sourire aux lèvres.

« C'est tout a fait naturel. Puis tu l'as bien dis toi-même, il aurait fallut un médecin dans la salle dans le cas où tu te serait évanouie. C'était pourtant parfait, mes félicitations Katniss! »

Je sentis cependant le regard de plusieurs personnes faire pression indirectement pour obtenir quelques mots avec "le cygne".

« Tu devrais profiter de ton heure de gloire pour le moment, mais sinon, rentres-tu avec moi? Si c'est le cas, je t'attendrais? »

Nuage. J'avais l'impression de flotter tandis que j'avais plus ou moins volée sur scène. Dès que le rideau est retombé, nous avons tous poussés un soupir de soulagement avant de nous laisser tomber au sol. L'entrainement avait été éprouvant et je ne regrettais pas d'avoir pousser cette connasse dans les escaliers même si je m'en suis mordue les doigts pendant toute l'après-midi, enfermée dans la salle de bains. C'est vrai que je ne devais mon salut qu'à mon frère finalement. William était pas si mal finalement. On s'y habitue. C'est un ours mais y'a un cœur sous cette fourrure -il n'est pas poilu, c'est une métaphore- et j'avais fini par m'attacher à cet animal. Aussi sauvage que moi, je me suis rendue compte qu'un test ADN n'était pas possible. Et tandis qu'il me rendait maladroitement mon étreinte, je me rendis compte que j'avais tout ce que je voulais pour une fois. Une vraie famille. Même si nous avons quelques désordres mentaux. William semblait normal. Il se dégagea de moi avant de m'adresser quelques paroles tandis qu'un sentiment de soulagement passait sur mon visage. « C'est plutôt maintenant que je risque de m'évanouir. En tout cas, merci. Je sais pas comment t'exprimer ma gratitude. Peut être en cessant de squatter ta salle de bains ? » J'éclatais de rire tandis qu'une foule venait d'affluer autour de nous. Je restai sans voix avant de hocher la tête à l'affirmative. « Je suis trop fatiguée pour ramper jusqu'à mon lit... expliquai-je tandis qu'on me rendait mon bouquet de fleurs. »

« Je vois... dans ce cas, je vais aller trouver quelques personnes ennuyeuses de mon réseau de connaissance que j'ai repérées tout à l'heure pour leur parler en attendant que tu sois prête à partir. »

Ah, se faire des contacts... ce que c'était merveilleux, j'adorais jouer à ce petit jeu du "qui sera le plus superficiel" pour se mettre des gens dans la poche. Sur ce, c'est après avoir passé une main derrière la tête de Katniss pour l'attirer légèrement vers moi et ainsi pouvoir embrasser le haut de son front que je m'éloignais de mon côté. Ne vous méprenez pas... ce n'était pas de l'affection. Je voulais juste que les gens sachent que nous avions un lien tous les deux et que je n'hésiterais pas à ne faire qu'une bouchée des personnes malveillantes quand à la carrière de la jeune femme.

J'acquiesçai tandis que je le regardai partir encore toute rouge de mon effort avant de répondre aux éventuelles questions pour les journaux. « C'est votre copain ? » Non, mon frère. « Son nom ? » Jean-Pierre De La Tour. Les journalistes franchement. Quand j'eus deux minutes, je repartis dans ma loge pour essayer de joindre mes amis en France qui ne répondaient pas au téléphone mais squattaient sur Facebook. Heureusement que j'ai un netbook hein. Après un échange plus au moins froid avec le frangin, je grognais avant de serrer les dents pour refermer l'ordinateur en le claquant nettement avant de balancer mon sac par-dessus mon épaule et repartir pour me frayer u chemin jusqu'à celui dont je partageai les gênes avant de le fusiller du regard pour aller m'asseoir un peu plus loin et commander un verre d'alcool fort. Putain, ça désinfecte ce genre de trucs !

Je n'avais pas hésité a surveiller ce qui se passait sur mon téléphone connecté a facebook - source d'informations extraordinaire et l'enthousiasme de Katniss me faisait sourire. Cependant, elle avait toujours cette tendance a s'emporter rapidement lorsque je "baissais mes barrières", ce qui m'avait présentement poussé à lui rappeler que je n'étais pas un de ses amis qui partageait d'étranges conversations avec elle. Visiblement, elle n'a pas apprécié. Comment je le savais? Elle m'était passé à côté pour aller s'asseoir au bar et commander un verre d'alcool. Par réflexe, je la suivis et m'assis en face d'elle. Durant une longue minute, le silence fut maître mot.

« Tu boudes. »

Quand le sentis venir s'asseoir à côté de moi, je me contractais par automatisme. Je suis en mode radar people alert. William m'avait cassé mon euphorie et désormais, j'avais envie de mordre quiconque s'approchait trop près de moi. Certains me qualifiaient de bête sauvage et il n'avait pas tord. Seules quelques personnes avaient réussi à me faire descendre de mon piédestal pour leur accorder mon amitié ou autre chose. Mais avec William, ça soufflait le chaud et le froid et bien que j'aimais les démonstrations d'affection, je n'aimais pas qu'on me prenne pour une cruche. Donc quand il me posa la question à savoir si je faisais la gueule ou non, je me contentai de fixer droit devant moi en resserrant ma prise autour du verre pour feuler comme un chat en colère.

Mes yeux s'ouvrirent un peu plus grand sous l'effet de la surprise. Je ne rêvais pas, elle venait d'imiter le bruit du chat énervé ou était-ce juste mon imagination? Après quelques secondes qui me furent nécessaires pour me remettre de cette découverte comportementale chez ma sœur, je croisais les mains calmement, puis fermais les paupières. En soupirant.

« Tu vas pas non plus te vexer parce que je n'ai pas envie de te laisser parler en public de mon... bref. Propriété privée, hey »

Ah il m'énerve décidément. Je me retiens de lui balancer mon verre d'alcool dans la figure mais ça serait gâcher un bon whisky à la place je l'écoute parler. Putain mais qu'il est con. Franchement. J'éclate d'un rire sonore. « Putain... t'as cru que je parlais de... » Je me n'arrivais pas à parler tellement la situation était cocasse. L'imbécile. « Tu es un crétin. Asperge veut dire grand et mince pas synonyme de pénis » Je descends de mon tabouret avant de lui tapoter sur l'épaule. « Faut sortir grand-père, ou baise un bon coup merde. C'est moi qui m'envoies pas en l'air et c'est toi qui vois des allusions perverses partout. J'savais que t'étais un coquin au fond. »

............................... ah, ouais.

« Eh m...ince »

J'avais l'air très intelligent maintenant. Automatiquement, je plaquais une main devant mon visage et baissais légèrement ce dernier sur le côté.

« En même temps, au vu de ton super délirium avec Abbey que j''ai préféré éviter de commenter, c'est normal que je... »

Je finis par relever la tête et m'éclaircis la gorge.

« Il y a encore beaucoup de choses que tu risques d'apprendre a mon sujet vu comment ça se passe. Je suis en désarroi face à la rapidité à laquelle tu en apprends tous les jours sur ma personnalité. »

J'interceptais un serveur pour payer la boisson de Katniss. Geste tout a fait normal, c'était la moindre des choses de lui offrir un verre après son succès.

« Tu peux dire merde, ça fait du bien des fois. » Mon frère qui s'efforçait d'avoir une convenance alors que je suis une brute épaisse. Je plaignais Liam d'avance qui ne savait pas dans quoi il mettait les pieds. « Ouais mais moi, c'est moi. Je parle que de ça. Mais c'est souvent ceux qui en parlent le moins qui en font le plus. Et pis, j'assume ! Sauf qu'en fait, j'suis une sainte qui couche pas parce que je ne veux pas passer pour une trainée. » Y'a un peu de ça oui. Je lui lance un sourire tandis que je le vois payer. La prochaine fois, c'est moi qui l'invites. « Comme toi. Est-ce que tu jugerais que ta sœur qui est une brute accro aux pommes et qui ne sait pas cuisiner soit capable de jouer un cygne blanc et noir à la fois ? Surpriise. Bref on y va ? J'suis fatiguée et j'veux dormir. » Je me rapprochai de lui avant de l'embrasser sur la joue. « Et merci pour la boisson, tête de nœud. »

« Tu peux dire merde, ça fait du bien des fois. »

#Oh, mais t'imagines même pas tout ce que je suis capable de dire parfois#

C'était bien connu, les personnes qui ouvraient le plus la bouche étaient souvent les plus inoffensives à l'arrière, c'était un moyen d'intimider, ou de se donner un genre. Et si l'on suivait se principe pour me l'appliquer à moi-même... mieux valait ne pas m'avoir en ennemi, n'est-ce pas? Quoi qu'il en soit, je préférais que Katniss n'aille pas coucher à tout va avant de s'en vanter comme pas mal des filles qui l'entouraient. Ça manquait cruellement de classe, et je n'aimais pas les salopes.

« Comme toi. Est-ce que tu jugerais que ta sœur qui est une brute accro aux pommes et qui ne sait pas cuisiner soit capable de jouer un cygne blanc et noir à la fois ? Surpriise. Bref on y va ? J'suis fatiguée et j'veux dormir. »

Je claquais mes mains l'une dans l'autre en riant.

« C'est sûr que tu ressembles à une autre personne une fois sur scène, j'ai été stupéfait en te voyant faire. Bon. »

Nous rassemblions rapidement nos affaires et je proposais à Katniss de lui tenir son sac avant de sortir du bâtiment pour aller appeler un Taxi. Je n'aimais pas venir avec ma voiture à ce genre d'événements, c'était plus agréable de se laisser conduire...

« Combien de représentations sont encore prévues? Est-ce que vous allez jouer ailleurs aussi? »

Un véhicule s'arrêta et j'ouvris la portière pour laisser entrer a cadette.

C'est dingue comment nous nous étions rapprochés en si peu de temps William et moi. Mais bon, j'ai toujours rêvé d'avoir un frère donc je n'allais pas le laisser s'échapper comme ça le gaillard. Et pis bon, il pourrait bien être un tueur en séries que je m'en foutrais pour la simple et bonne raison: que nous sommes 7 milliards sur Terre alors il peut en tuer quatre cinq, cela ne gênera pas beaucoup. « Beaucoup d'années de pratique et une vie sexuelle carrément vide et tu me retrouves en cygne. Bien sûr, je ne vais pas être totalement transformée comme l'autre schizo mais bon, je me débrouille bien. » Je lui tendis mon sac avant de me remettre debout difficilement car j'avais mal au jambes. Quelle horreur. Je le suivis péniblement avant de finir dehors et la bouffée d'air frais me fit du bien. « Six représentations. Et eux oui, mais pas moi. Comme j'aurai beaucoup danser et que je risque d'obtenir l'étoile, il préfère préserver l'oiseau plutôt que de le tuer à la tâche. »