| Mar 5 Juin - 23:28 | |
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don't look back in anger ♬ Jeudi 07 Juin 2012. Le deuil. Qu’est-ce que c’était que ça, le deuil ? Une connerie qu’on se doit de subir à chaque fois qu’une partie de nous s’en va et nous laisse là sur place. Je crois que c’est une manière de nous rappeler qu’on n’est définitivement que de passage sur cette terre… et ça fait mal. Bon sang ce que ça fait mal. Moi qui pensais que le coup d’Evelyn m’aurait largement suffit car j’avais gardé la plaie au fond de moi et qu’elle ne s’était toujours pas refermée. Moi qui pensais qu’ils étaient tous invincibles, mes proches. Pourtant Lundi, j’apprenais le décès de Sierra. Putain de drogues. Qu’est-ce qu’ils avaient, tous, à s’en aller si jeunes ? Qu’est-ce qu’ils avaient demandé ? Rien ! Juste une vie meilleure que personne n’avait voulu leur donner. On était juste impuissants face à la réalité.
J’étais arrivé hier matin à San Francisco, et il m’avait été impossible de penser à autre chose qu’à mon amie qui s’en était allée. Je ne savais d’ailleurs plus ce qu’elle faisait depuis des mois. Quand est-ce qu’on s’était parlé pour la dernière fois ? Dans quelles circonstances ? Ca me faisait chier. J’aurais voulu lui dire plein de choses encore… moi et mes discours sur la vie. C’était que des mots tout ça, c’est tout ce que je savais faire ; des mots. Et quand il s’agissait d’agir… ? J’étais pas là. J’avais pas été là. Pourquoi est-ce que c’était arrivé ? Pourquoi…
Ma tête menaçait d’exploser depuis le début de la semaine, alors pour m’évader un minimum, j’étais parti acheter deux bouteilles de gin et me dirigeais vers Castro aux alentours de 21 heures, tout en entamant la boisson au goulot. Mes jambes me conduisaient d’elles-mêmes là où j’avais vécus après avoir quitté l’appartement de mon père. Ce deux pièces miteux qui tenait debout malgré le temps qui passait et dont je ne m’étais jamais séparé même aujourd’hui… y’a quelques années de ça, lorsque j’avais encore ma colocation avec Sierra, c’était un endroit particulièrement vivant même s’il resterait maintenant vide à jamais. Il n’y aurait plus de rires, plus d’engueulades qui finissaient constamment de la même manière parce qu’on était jeunes et qu’on s’en fichait de s’aimer vraiment ou pas tant qu’on se comprenait. Elle était tellement belle ma ptite Sierra… dire qu’on ne la reverrait plus. Je ne lui avais pas dit quoi que ce soit pendant tellement longtemps, mais mon dieu ce qu’elle me manquait. Elle nous manquait sans doute à tous.
C’est en silence que j’ouvris la porte de l’appartement pour y entrer et aller m’asseoir au salon qui sentait le renfermé. Mon regard vide balaya la pièce, j’avais cette boule à la gorge qui m’empêchait de prononcer le moindre mot mais pourtant pas d’avoir envie de pleurer. Ouais, c’est ça, j’avais envie de pleurer. Parce que j’étais triste et franchement découragé par ce que l’avenir réservait aux gens qui étaient encore de « mon côté du miroir ». Commençons par Tamara. Elle m’avait fait comprendre que c’en était fini pour elle. Parallèlement à ça son frère pouvait très bien décéder d’ici un an comme dans dix suivant comment il prenait soin de lui. Imogen. Puis il y avait Levannah et sa leucémie… j’arrivais même à penser qu’Andrew avait lui aussi claqué dans son coin à cause d’une overdose. Tout était tellement fragile, alors pourquoi est-ce qu’on se battait en vain ? J’avais tellement envie de laisser tomber, ça devait trop dur. C’était effrayant, le futur. Je voulais revenir dans le passé, je voulais rentrer chez moi, en sécurité dans ma chambre parce que je savais que mon père serait là pour s’assurer qu’on ne me ferait jamais de mal. Oh Rob, pourquoi t’es parti à la conquête de ton avenir ? Tout ces gens que t’aime seront bientôt plus là.
« T’es bien là où t’es, au moins ? C’est mieux qu’ici ? »
Je fermais les yeux et me passais une main devant pour chasser les larmes qui s’y étaient accumulées, puis bu une longue gorgée d’alcool avant de m’allonger sur le sofa, visage caché sous mes paumes.
« T’es avec ton frangin cette fois? Y t’m’anquait, hein ? Je sais que t’as jamais pu te pardonner sa mort, à celui-là. C’t’ait pas ta faute… »
Je sentis un sanglot m’échapper et me tournais immédiatement contre le dossier du canapé comme pour cacher ceux qui suivirent. Cette mort était bien trop brutale pour que je puisse l’accepter. Non non, c’était injuste. Totalement injuste.
« T’aurais pu dire au revoir. Ca me fout l’envie de me tirer aussi. Mais j’peux pas… trop de responsabilités sur les épaules, tu vois. J’suis plus libre comme avant… bon sang ce que j’aimerais que ce soit le cas, pourtant. T’as toujours été comme un ptit nuage qui se déplace et qu’on peut pas attraper, toi… c’était peut-être le mieux à faire ? »
Je craquais une seconde fois, agrippant mes doigts dans mes cheveux jusqu’à menacer de me les arracher. Un hurlement de rage raisonna dans la pièce. J’étais tout autant en colère que désemparé et effrayé. Triste. C’était un mélange particulièrement difficile à supporter. Émotionnellement parlant, ce décès m’avait éreinté. Quand au point de vue psychologique, je sentais que je décrochais à mon tour après de nombreuses personnes. Que ce soit Imogen, Mia ou Ange, Keenan ou Yuri, tout le monde avait finit par déconnecter à un moment donné. Et pendant tout ce temps j’avais réussi à garder la tête froide. J’étais pas humain d’avoir tenu aussi longtemps… ou alors j’en sais juste plus rien. Je veux que tout ça s’arrête.
La peur de perdre mes amis me donnait mal au ventre, mais malgré les tremblements et l’angoisse provoquée par cette terreur, j’ai trouvé un moyen de me rasseoir pour finir la première bouteille de Gin et m’assommer, littéralement. Avec l’esprit anesthésié par l’éthanol, je pus enfin aller me coucher sur le lit de la chambre du fond en gardant le regard fixé sur une photo de Silver que Sierra gardait précieusement dans sa table de chevet. Elle était sûrement bien là-bas… elle aurait plus de crises de manque ni rien. Je n’avais pas trop envie de l’attrister, mais c’était juste trop me demander cette fois-ci. Elle allait me manquer… elle allait nous manquer à tous. On l’oubliera pas. a ptite Sierra… moi je l’aime comme ma famille ou presque, comme ma petite amie la plus importante avec qui j'aurais toujours gardé contact. Une partie de moi venait de me quitter avec son départ, j'avais le cœur brisé, et cette fois je le ressentais plus que jamais. Sa mort, je n'allais pas m'en remettre de sitôt, parce que cette fille...
Cette fille, c'est celle qui t'accueillait toujours avec un immense sourire, celle qui courait dans tous les sens pour s'occuper de tout le monde même si au fond elle ne savait pas quoi faire de sa vie, celle qui était toujours de bonne humeur. C'était le rayon de soleil de tout le monde, ma Sierra, et je haïssais du plus profond de mon être la personne qui lui avait administré cette drogue. Aujourd'hui elle avait pourtant la paix, mais je ne pouvais pas me contenter de me dire ça comme pour la mort d'Evelyn, parce que notre rouquine aimait trop la vie pour partir comme ça. Dire qu'elle m'avait contacté y'a pas longtemps pour me dire qu'elle s'était trouvé une vocation et un job, j'étais tellement content pour elle... son sourire resterait gravé dans mon esprit.
Sierra... bonne nuit Sierra...
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