Love at first sight

J’avais passé une bonne partie de la journée au lit. Chose, que je n’avais pas pu faire depuis bien longtemps…depuis la sortie de mon livre, en fait. C’est drôle comme tout s’était déroulé vite, depuis ce jour-là. Moi qui avais pris un boulot au Burlesque pour pouvoir payer mes fins de mois parce que personne ne voulait publier mon livre…aujourd’hui, des tas de gens voulaient m’ajouter dans leurs amis sur facebook et quand je pointais le nez dehors, je sentais toujours quelques regards indiscrets sur moi. Il m’arrivait même, qu’on me demande des autographes, c’était incroyable non ? Moi qui pensait que ce que j’avais écrit ne valait pas grand-chose…c’est vrai quoi…ça n’est pas tellement un chef d’œuvre non plus. Ce roman, je l’avais d’abord rêvé. Enfin, j’avais rêvé la fin, mais ce rêve, je l’avais fait il y a quelques années. Je m’étais même réveillé en pleine nuit, et je l’ai directement noté sur un petit carnet afin de ne pas oublier, me disant que cela pourrait peut-être me servir, un de ces jours. Et il y a environ un an, j’avais retrouvé ce carnet et j’avais décidé d’essayer d’en faire quelque chose. Faire de l’écriture son métier, ça n’est vraiment pas facile et comme tout auteur, je rêvais d’écrire quelque chose que les gens aimeraient lire, quelque chose de reconnu dans la littérature. Malheureusement, pour ça, il fallait une dose de talent, et une immense dose de chance et de persévérance. Je me demande encore aujourd’hui comment j’ai pu trouver la patience pour ça d’ailleurs. Mon roman, un roman de quand même quatre cent pages environ, racontait l’histoire d’un homme qui avait fait un « pacte avec le diable » pour pouvoir revoir la femme qu’il aimait et qu’il allait épouser avant qu’elle ne meurt prématurément dans les attentats du onze septembre, à New-York. Tous les jours, il était alors condamné à revivre éternellement la journée du onze septembre, afin de pouvoir la voir, encore et encore.

Encore une fois, bizarre de faire un roman d’une histoire d’amour alors que moi-même, je ne savais pas tellement ce que c’était, l’amour. J’avais eu quelques copines, au lycée en Angleterre, mais jamais rien de bien sérieux, en tout cas, ça n’était certainement pas pour les sentiments que je m’étais mis avec elles. Bref, j’avais passé ma journée enfermé dans mon appartement, j’avais aussi pas mal parlé à Oxana, ma colocataire…parlé d’Anna. Anna, c’était une fille que j’avais accepté sur facebook sans même la connaître et aujourd’hui, les choses étaient vraiment…étranges entre nous. Est-ce que c’était ça, de tomber amoureux ? Non, la vraie question s’était plutôt, est-ce que c’était possible de se sentir autant attiré par une fille qu’on a jamais vu ? On se téléphonait tous les soirs depuis une semaine presque, et elle me plaisait beaucoup. Mais attention, pas comme une fille peut vous plaire quand on la croise dans la rue non c’était…vraiment flippant.

Je me préparais en dernière minute, vers seize heures, nous avions rendez-vous à dix-sept heures dans un café près d’Alamo Square. J’avais mis une chemise et un jean, avec des converses. Je me suis mis en route à pieds, ça n’était pas trop loin de chez moi et j’avais besoin de marcher un peu. Arrivé là-bas, je m’asseyais à une table tout près de la fenêtre, je commandais un café pour me réchauffer, il faisait vraiment froid dehors. Je regardais devant moi, en tapotant mes doigts sur la table, j’étais extrêmement nerveux..

Love at first sight

Ça y est, c'était aujourd'hui. Si j'étais pressé ? Hm .. que dire ? Mon cœur battait vite, très vite et j'avais cette drôle d'impression dans le ventre, comme si j'avais envie de vomir mais que ça ne voulait pas, et que ça n'allait pas sortir. J'essayais depuis au moins quinze minutes de réguler ma respiration mais en vain. J'y pensais depuis la veille, encore et encore, sans m'arrêter. Je cherchais ce que je pouvais dire, comment m'habiller, comment me maquiller, si j'allais être bien, si je faisais la « belle » fille ou si au contraire je devais y aller décontracté, si j'y allais ? Il y avait trop de question en même temps, et la peur de décevoir était très présente. Au final, je crois que si je m'étais réveillé si tôt c'était en partie à cause de ça. J'avais été prendre une douche, pour finalement rester en pyjama. Sous la pression, je ne savais pas quoi mettre. Robe ? Jean ? Une couleur particulière ? J'aimais pas ça ! Ce sentiment de devoir quelque chose à quelqu'un. Cette impression que je pouvais décevoir, le fait que je puisse décevoir. Habituellement je fais, et si ça plaît pas tant pis. Mais là .. là c'était différent, et là, je voulais plaire.

C'était toute une histoire ce qu'il s'était passé, quand on y pense. Un ajout sur facebook et des appels quotidien. Il en faut si peu pour se faire à quelqu'un. Ces appels, j'en avait comme besoin après les journées que je faisais ; traîner dans les bars, essayer d'avoir un contrat ici, essayer de faire la prochaine soirée dans ce bar, trouver une nouvelle basse, acheter du matériel. Enfin bref, des choses qui fallait relâcher quelque part et être parfois seule le soir était pesant. Alors ouais, un ami à qui parler pour relâcher tout ça, j'y avais pris goût.

Sauf que .. de plus en plus, cet « ami » devenait autre chose. Quelque chose d'inconnu encore, qui me faisait peur, mais qui me faisait aussi beaucoup envie. Quelque chose que je n'arrive pas à expliquer mais que j'aime. C'est étrange, ça fait peur, mais on fonce quand même droit dedans. Comme si, par attirance, on fonçais. J'avais l'impression que je pouvais avoir mal, je le savais, j'étais beaucoup plus « fragile » maintenant, et rien que le fait de mettre tant de temps à savoir comment m'habiller me faisais dire que c'était pas bon. Depuis quand Anna se soucis de ce que les gens pensent ? Pourquoi aujourd'hui ça arriverais, tout ça pour un homme encore jamais vu ? Je fonçais bêtement dans ce mur, sans faire attention à ce qui me changerais, ou non. Il y avait beau avoir des trous ou des pentes sur le chemin, je n'y faisais pas attention.

Et c'est en écoutant un peu de musique que vers seize heures, je me rendormais doucement sur mon lit. Je n'avais pas fait attention, ni à l'heure, ni au stresse que je ressentais. Je m'étais juste calmé et endormie. C'est à quarante que je me suis réveillé, et forcément la seule chose que j'eus sous la main n'était autre qu'un jean et qu'un t-shirt bizarre avec un alien dessus. J'aimais bien les t-shirt imprimé, c'était drôle. Enfin, j'enfilais des converses rapidement et sortie de chez moi à tout allure, prenant en même temps ma veste. J'arrivais vers dix-sept heures cinq au rendez-vous. Je passais à côté de l'endroit, regardant rapidement à l’intérieur, sans rien remarquer. C'est seulement une fois arrivé près du bar que je l'ai vu. Enfin, je pensais que c'était lui, il était concentré sur ses doigts, je crois, et ça me fit rire. J'avançais doucement vers lui, me mordant la lèvre afin de caché un sourire.

«  Je suis trop en retard, c'est ça ? ». Je souriais un peu, et repris, avec très certainement une tête de fille qui venait de se réveiller. « J'ai .. eu un petit problème, mais rien de grave c'est réglé ! Mais si je suis en retard, c'est pas de ma faute c'est un ami qui .. a eu un problème et ..  »

Je souriais à nouveau, essayant du mieux que je pouvais d’effacer ce mensonge ainsi que ce retard, avec peut-être une tête qui se voulait angélique. Ça y est .. j'y étais. On y était, à ce moment, la rencontre.

Love at first sight

J’étais concentré sur mes doigts, les tapotant au rythme d’une chanson que j’avais en tête depuis ce matin. Parce que, quand on glande toute la journée dans son appart’, bien sûr, on écoute de la musique et une bonne partie de ma discothèque y était passé. Ecouter de la musique m’avait évité de trop penser, parce que je savais que si je pensais trop, je serais extrêmement nerveux à l’idée de ce rendez-vous. C’était facile de dire quelque chose par téléphone, mais en face, c’était autre chose et moi aussi, j’avais peur qu’elle soit un peu déçue. Pas mal de personnes me voyaient comme un coureur de jupons, ce qui était à moitié vrai : je ne brisais pas le cœur des filles, je m’amusais avec celles qui voulaient aussi s’amuser, c’est tout ! Et si je n’avais jamais été un mec mielleux éperdument fou d’une fille, c’était parce que je n’avais jamais rencontré une qui pourrait me faire chavirer.

J’avais parlé à ma meilleure amie d’Anna, et celle-ci me conseillait de foncer, parce que d’après elle, je ne la laissais pas indifférente. Et ça, je l’avais senti au téléphone, comme elle avait dû sentir que moi-même je n’étais pas indifférent…mais c’est facile d’être charmé par une simple voix au téléphone. Maintenant, nous allions nous voir…. Et peut-être qu’elle ne me trouverais pas à son goût ? C’est vrai, des photos, et de voir quelqu’un en vrai, c’est pas totalement la même chose...peut-être qu’elle m’imaginait plus séduisant ? Plus grand ? Peut-être que mon accent british était moins audible au téléphone et que ça allait la choquer ? Lui déplaire ? Parce que quand j’étais arrivé en Amérique, je m’étais souvent fait pas mal charrié par rapport à mon accent, quand on parle l’anglais « anglais », il y a pas mal de mots qui ne se disent pas comme les Américains le disent, alors tout de suite, quand on dit « métro » d’une autre manière, ça fait ricaner. J’avais appris à passer par-dessus, parce que certaines filles trouvaient ça mignon. Enfin, je préférais ne pas trop y penser, si je me posais trop de questions j’allais devenir dingue.

Au bout de quelques minutes, je sentais une présence s’approcher et je relevais mon regard. Je la reconnus tout de suite, même si je ne l’avais jamais vu, c’était bizarre, mais j’avais l’impression de la connaître depuis toujours. Elle avait un petit sourire aux lèvres, sans que je ne sache vraiment pourquoi, mais en même temps, elle avait l’air désolée. Je jetais un rapide coup d’œil sur l’heure accrochée au mur derrière le comptoir, elle n’avait que quelques minutes de retard mais j’étais arrivé en avance. « Je suis trop en retard, c'est ça ? ». Je lui rendais son sourire, c’est drôle, mais je l’imaginais exactement comme ça. « J'ai .. eu un petit problème, mais rien de grave c'est réglé ! Mais si je suis en retard, c'est pas de ma faute c'est un ami qui .. a eu un problème et .. » Je ris légèrement et je l’invitais à s’assoir alors que la serveuse vint m’apporter mon café, je commandais alors directement un chocolat pour la demoiselle, je n’allais pas la laisser payer quand même (a) Une fois qu’elle fut assise, je me suis trouvé face à un dilemme. En Angleterre, on s’embrassait pour se dire bonjour mais pas ici apparemment…alors qu’est-ce que je devais faire ? Surtout que…l’embrasser me tenter vraiment…beaucoup..

Je me levais alors et je me penchais vers elle pour déposer un baiser sur sa joue, c’était beaucoup trop tentant…Je pris mon café entre mes deux mains pour les réchauffer, je me sentais mal à l’aise, mais en même temps, je ne pouvais pas m’empêcher de sourire. Mon cœur battait à une allure folle, bordel…mais qu’est-ce qui m’arrivais, sérieusement ? J’apportais ma tasse entre mes lèvres sans la quitter des yeux, « C’est pas grave… », murmurais-je en souriant. « Alors…comment...ça va ? » Alex, t’es con ou quoi ? T’attend ça depuis la seconde où t’a entendu sa voix et tout ce que tu trouves à lui dire c’est « ça va ? »…mon dieu, j’étais désespérant.

Love at first sight

Qu'est ce qui me faisait stresser autant ? Peut-être le fait ne pas l'avoir vu depuis notre relation officielle de « couple ». Et puis on ne s'était vu qu'une seule fois. Et encore .. c'était une surprise de sa part, parce que monsieur trouvait ça drôle d'enfreindre la règle de nos appels habituels. Sans mentir, ça m'avais fais plaisir de le voir, de le toucher, de le sentir contre moi et d'enfin rencontrer ses lèvres. C'était comme quelque chose de nouveau. Quelque chose qui me faisais respirer. Comme si d'un coup, c'était une bouffé d'oxygène. J'étais bien, j'avais été bien ce soir là, dans ses bras, contre la chaleur de son corps. C'était quelque chose que j'attendais avec impatience, et je ne pensais pas qu'entre nous, ça allait se passer si vite. Enfin je veux dire .. nos appels .. je pensais qu'on allait avoir un peu plus de gène que ça quand on allait se voir, mais on s'est embrassés naturellement et il s'était mis bien comme s'il était chez lui, comme un vieux couple alors qu'on ne l'était pas encore. Cette pensée m'arracha un sourire, et regarder son visage aussi, me fit sourire. Il m'avais manquer. Son odeur, sa voix, sa présence .. c'est dingue, je ne pensais pas ça possible, et pourtant. Et tout ça parti de quoi ? D'un simple statu Facebook ..

Ses lèvres m'appelaient, un peu plus à chaque fois. Mes yeux bougeaient de ses yeux à ses lèvres, et je n'avais pas fais attention à ce détail. Je me rendais peu à peu compte que j'aimais les détails chez lui, juste les détails. Le fait qu'il soit brun, ou la façon qu'il avait de coiffé ou de s'habiller m'important peu, mais je regardais plus longuement sa façon de plisser les yeux quand il sourit, la fossette invisible qu'il avait en souriant, ses yeux presque plus beaux quand il me regardait, les traits qui s'assombrissaient quand il ne comprenais pas quelque chose, ou qu'il était en désaccord, comme le fait que je me sois assise sans même l'embrasser. J'aimais beaucoup son côté peu présent, comme s'il était ailleurs, alors qu'en fait il était parmi nous.

« C’est pas grave… Alors…comment...ça va ? » 

Il y avait plusieurs raisons au fait que je ne l'ai pas embrassé, et je m'en voulais peut-être un peu d'ailleurs de ne pas l'avoir fait. Premièrement, parce qu'il y a une drôle de fille sur la droite qui nous lançais des regards inquiétants depuis que je suis entrée, alors je me dis que c'était peut-être une « fan » et que .. le fait de voir qu'Alexander sortait avec une fille un peu « bizarre » allait peut-être faire chuter les ventes de son livre ? La seconde, c'est parce qu'en fait je n'étais pas habituer et je n'aimais pas ça, m'afficher en public comme ça. Au Canada, on m'a toujours appris à me cacher avec mes copains alors forcément, sur le coup, je n'y ai pas pensé et je n'ai rien fais .. j'ai seulement souri, comme une imbécile.

«  Mieux .. maintenant que je suis là, ça va mieux .. et toi ? »

J'avais tellement peur, je me sentais tellement laide à côté de lui. Bordel, c'est dans ses moments qu'on se dit qu'il valait mieux arriver en retard, mais belle, plutôt qu'à l'heure et laide.

Voyant encore les regards troublants de la jeune femme, je me penchais et pris appuie sur la table, puis lui fit signe de s'approcher doucement. Puis, je me mis à chuchoter :

«  Te retourne pas ! Ai l'air discret mais .. y a une brune depuis tout à l'heure qui regarde envers notre table .. je crois que c'est une fan de ton bouquin mais .. je crois aussi qu'elle te trouve à son goût .. »

A ceci, j'ajoutais un sourire, accompagné d'un petit rire. J'avais raison, elle craquait sur lui, ça se voyait.