« Oh please pas de fausse nostalgie avec moi sweetheart. Mais quand même ça m'avait manqué ta voix au milieu de la nuit enfin c'est bien pour cette fois tu me sembles pas bourrée ahah. Allez t'as une histoire à me raconter, j'suis là pour écouter même si c'est un peu tard. J'veux savoir ce que ce connard t'as fait. »

APPEL ENTRANT

« Bon. J'espère que t'es assis. Disons accrochée à ton siège. Fin tu me connais, j'ai pas un mauvais fond comme nana, je suis gentille. Un brin maternel et il y a quelques mois, j'ai été contacté par un homme qui voulait que je devienne son associée. Il avait acheté le Elbo Room. Un soir alors que j'y chantais - car oui, je chante maintenant - je l'ai vu. Il m'a attendue dans la ruelle, a appuyé son flingue sous ma gorge et...  »

silence gêné

« Il a fait sa petite affaire. Je me suis rebellée. Je lui ai foutu un coup de poing et un coup de pied bien placé mais il m'a rattrapé et m'a forcée à le finir d'une façon malsaine, perverse qui fait que maintenant, je ne peux plus me regarder dans le miroir. J'en ai parlé à personne. Imogen ne veut plus me voir, Max est trop jeune et Kim, c'est Kim quoi. J'ai failli le dire à Robbyn mais je voulais pas mêler des gens à cette histoire... »

Durant tout son récit j'sens mes muscles se crisper de plus en plus. Oh ouais heureusement que je suis assis sinon dieu seul sait ce que mon appartement aurait subit. Déjà que l'accoudoir de mon fauteuil risque d'être bien amoché. Je tuerais ce mec. Je jure devant qui vous voulez que j'tuerais ce type. C'est les dents serrés que j'lui répond.

« Je vais tuer ce mec. Je vais le massacrer je sais même pas si t'imagine. Putain mais pourquoi t'en as parlé à personne ? Robbyn t'aurais écouter, ça t'aurais fait du bien rien que d'en parler de pleurer sur l'épaule de quelqu'un. Tu peux pas garder ça. C'est pas possible t'aurais fini par exploser. Et moi qui m'étonnait de voir que t'étais autant dans le boulot. Je trouverais ce type, j'lui ferais sa peau et j'te promet que j'laisserais plus personne te faire du mal. Crois pas que c'est des paroles en l'air Eve'. T'as un problème tu m'appelles j'suis là et tu le sais merde. J'peux même te donner un putain de bippeur s'il le faut. »

APPEL ENTRANT

« Je n'avais pas fait de crise depuis un an et demi. Depuis l'accouchement en fait. Mais quand, avec les séquelles, j'en ai fait une violente. Ce n'est pas fini. Ce n'est pas fini. Quelques jours après, je suis allée faire mon jogging. Je ne supporte pas de stagner et les blessures étaient superficielles. Alors, je suis rentrée me doucher et je ne savais pas qu'il y avait quelqu'un. Il est venu me rejoindre. Il est entré, s'est déshabillé et s'est collé contre moi. J'ai attrapé le pomeau de douche et je l'ai frappé, frappé jusqu'à ce qu'il me lâche. Puis, il a valsé à travers les vitres et j'suis partie chercher les couteaux. Je les ai lancé. J'aurai du le tuer mais je suis faible. Et il a recommencé. Un mois. Ce fut le temps que ça a duré et puis, je ne sais pas - bordel mais c'est quoi ce flingue de merde - j'ai pété un câble. J'ai pris mon flingue et j'lui ai tiré dessus. Il est tombé et j'l'ai abandonné en pleine nature après Las Vegas. J'sais pas s'il est vivant et j'm'en fous.  »

petite pause pour reprendre sa respiration

« On doit apprendre à se maitriser, à régler nos propres problèmes. Je t'avais trop ennuyé avec les miens dans le passé. Ma grossesse, ma maladie mais tout ça c'est fini. Je vais de l'avant. Je couche avec des hommes sans m'en soucier, pensant que ça arrangera les choses. Et franchement, je te détestai Sonic mais maintenant je te comprends. Je sais que tu as souffert autant que moi et que c'est pour ça que tu as peur d'avoir quelqu'un à tes côtés. Mais dis toi qu'on a qu'une vie. Quand il a mis son flingue sous ma gorge la première fois, j'ai pensé à mes enfants et je me suis dite "Sonic saura quoi faire". On s'est pas vu depuis des mois, ni parler et même si tu m'as faite souffrir c'est de la bagatelle.  »

Rester zen. Surtout rester zen. C'est une mauvaise idée de garder ce foutu téléphone en main j'sens que j'vais finir par l'écraser. Des scénarios plus ou moins morbide impliquant un Duncan mort se font de la place dans mon cerveau. Ce type va dérouiller, enfin, s'il ai pas déjà mort. Se serait tellement con qu'il soit mort comme ça sans avoir vécu l'enfer. Soupire. Elle a mûri, ça pourrait être beau si seulement c'était pas à cause de ce qu'elle a vécu.

« Applique tes propres conseils Eve, coucher avec n'importe qui t'apportera rien, crois moi. Y'a des douleurs qui partiront pas. Jamais. Tu crois que tu pourras te détacher émotionnellement des gens aussi facilement ? C'est stupide, si moi j'suis tombé dans le piège de l'attachement tu feras exactement la même erreur. Regarde où j'en suis à 36 piges, me dit pas que tu veux finir comme ça. Je sais que venant de moi ça fait tout sauf sincère mais tu vaux mieux que ça quoi. Enfin passons. Quel type de flingue t'es en train de monter honey ? »

APPEL ENTRANT

« Monsieur Thompson, seriez-vous un donneur de leçons alors qu'il y a à peine une demi-heure, tu m'imaginais complètement nue et nos corps entrelacés. Certes imaginer la gentille petite Evelyn, la femme enceinte avoir de nombreux amants. C'est un peu surréaliste non ? Y'a que les autres qui ont le droit de se conduire en parfaits salopards et moi non. Ca te fait quoi mon petit chat, de savoir que depuis quelques temps, je me rends le soir dans un club de strip-tease et que je me déshabille devant de simples inconnus ? Je ne dors plus. Je ne dors plus depuis un moment. Les cauchemars se n'arrêtent jamais. Je ne suis pas employée là-bas, j'y vais juste pour le fun.  »

Un bruit indique que le revolver est en place.

« C'est un Beretta 92. Une arme extrêmement chère et sophistiquée. Je l'ai acheté quand Calvin est mort. Tu sais, je ne couche pas pour oublier contrairement à toi. Je couche pour me souvenir. Me souvenir que nous ne sommes pas indestructibles, que ma vie n'est pas importante. Et je ne sais même pas si je serai encore là à trente six piges. Ah mais oui que suis-je bête, t'es pas au courant puisqu'on s'est séparés avant. En fait, il me reste vingt cinq ans à vivre quand maximum. Bon certes quand je l'ai appris j'ai chialé comme une daube mais maintenant, je fais avec. Ainsi va la vie. La mienne est pourrie, la tienne aussi. Mais celles des enfants seront belles. Chacun doit apprendre de ses erreurs et faire ses choix. J'ai choisi de coucher avec toi alors que je savais que tu étais un sale type. J'ai choisi de ne pas tuer Duncan la deuxième fois. Une vie, des mauvais choix.

Et j'dis ça totalement sobre.  »

« Tu m'expliques le rapport entre ma perversité et ta décadence ? Ouais j't'imagine nue, of course que recouchait avec toi fait à présent parti de mes fantasme et peut être que demain matin j'me réveillerais avec la banane grâce à un rêve t'impliquant. Ça change quelque chose ? Non. So, tu fais des strip tease, est ce que ça au moins j'ai le droit d'en profiter ou c'est encore réservé à ces inconnus que tu kiffes tant ? Puis qu'est ce que tu veux que j'te dise Evelyn ? Tu t'attends à ce que je t'engueule ? Que j'te dise : Putain au lieu de donner ton corps à des bouffons pourquoi tu passes pas plus de temps avec tes gosses ? Que j'te redonne une leçon pour que tu me la renvoie dans la gueule en clamant que je suis pas mieux ? J'sais pas ce que t'attend de moi Eve' et en faite j'm'en fou. J'ai rien à te dire. Tu fais ce que tu veux du moment que t'en assume les conséquences. »

Si elle m'énervait ? Ouais un peu. Mais bon faut dire que mon degrés de tolérance est faible. Anyway. La voilà qui se tente à la philosophie de nuit. Eve ma chérie tu dois être naze.

« Tu sais que 23 plus 25 ça fait 48 j'espère ? Ce qui te donne quand même une sacré chance de passer la barre des 36. Sobre certes mais tu dois probablement être fatiguée, quoiqu'il est quand même un peu tôt pour commencer à philosopher hum ? »

APPEL ENTRANT

« Ha... J'sais pas si c'est une bonne idée de fantasmer sur moi. Enfin bon voilà. Après, je passe du temps avec mes enfants puisque Mélodie dort à côté de moi. J'évite juste de les associer à tout ce que j'ai vécu. Bon Stuart est pas con, il a bien vu que quelque chose clochait et je pense que mon instabilité au niveau sentimental le perturbe. Mais j'y peux rien moi si les mecs ne veulent pas s'engager de nos jours. C'est hype de coucher à droite et à gauche. Je danse, je chante, je compose mes musiques et je gère un club pour m'en sortir au niveau financier. Et le strip, bon ça arrive trois fois dans le mois qui fait que j'me dégoute particulièrement et j'ai besoin d'être désirée comme toutes femmes.  »

Je me mordille la lèvre un instant en pensant qu'il me faisait clairement des avances. Ha Sonic tu ne changeras donc jamais mon loulou. Je ne savais pas trop comment réagir, mal à l'aise et me contentai d'éluder certaines questions, avant d'allumer une cigarette.

« Certes, j'suis philosophe à deux heures du mat. Mais étant donnée que je n'ai pas l'envie de dormir et que je ne veux pas réveiller mon bébé, je peux bien raconter des conneries au téléphone. C'est pas comme ci je faisais le téléphone rose. Disons que le maximum est vingt cinq ans mais je peux couic à tout moment. Mais j'm'en fiche comme d'une guigne. Le seul truc qui compte c'est le moment présent. Dis moi mon petit sucre d'orge, tu crois que j'peux t'engager pour faire quelque chose ? J'te paierai. Mais après faut voir si t'es d'accord...  »

J'arrive pas à retenir un rire narquois quand elle dis que Stuart est perturbé.

« Nan tu crois ? Quant au besoin d'être désiré, please honey regarde autour de toi. Des mecs qui te désirent c'pas ça qui doit manquer dans le coin. »

Je l'entends allumé une cigarette, j'fais de même. Plus par mimétisme que réel envie. Téléphone rose really ? Pourtant ça me plairait moi. Quand elle me parle de "m'engager" j'suis légèrement septique. A coup sur j'vais me retrouver Baby Sitter à temps plein. Classe.

« Well .. Ça dépend, tu veux m'engager pour quoi ? Sache que si c'est en tant que toy boy j'accepte tout de suite quelque soit ton prix ahah »

Ironie douce ironie.

APPEL ENTRANT

« C'est un gamin. Il s'accroche à toi comme une moule à son rocher et je trouve ça bien. Je sais que tu ne vas pas bien depuis un moment, puisque déjà quand nous étions ensembles, t'étais déjà... dépressif. Tu aideras le petit et le petit t'aidera. Je sais que la maladie de Robbyn a été un coup pour toi. Et j'aurai du être là, j'en suis navrée. Tandis qu'en ce qui concerne les mecs, pas intéressée serait le terme le plus exact. J'en ai rien à foutre. Quand j'ai trop envie, j'en prends un, je couche avec et sinon j'me suffis à moi-même et j'ai déjà l'homme de ma vie. Bon il est blond et a sept ans mais c'est mon petit homme à moi. »

Je partis dans un éclat de rires, contente d'avoir retrouvée une certaine complicité avec Sonic bien qu'on ne s'était pas parlés au téléphone depuis environ deux ans et pas vu depuis six mois. Je tirai une bouffée sur ma cigarette avant d'entendre des pleurs au loin.

« Hmm, je reviens.  »

Juste le temps de faire un aller-retour dans la chambre de Mélodie pour la prendre et la rassurée. La petite au creux des bras, je repris le téléphone.

« Excuses moi, cauchemars. Elle dort mal depuis quelques temps, je ne sais pas pourquoi. Où alors c'est un caprice pour dormir avec sa maman ? Je ne sais pas. Bref, alors, je disais quoi ?... Ah oui! Je voulais te demander quelque chose. Non, tu ne seras pas payée pour devenir mon toyboy officiel. J'en ai déjà un, ça me suffit et on sait tous les deux qu'on finira par se foutre sur la gueule au bout de la deuxième partie de scrabble. Non juste d'être mon garde du corps pendant un temps. Tu seras pas forcée de venir avec moi à L.A juste à S.F. Les fans sont, disons, un peu collants de temps en temps.  »

La petite se mit à chouiner un peu plus et je lui murmurai quelques mots doux en attendant la réponse de Sonic.

Dépressif .. Je tique à ce mot. Moi dépressif ? N'importe quoi. C'est pas parce que j'vis comme un équilibriste que j'suis dépressif. Soupire. Elle m'énerve j'ai pas envie de parler de ça, j'ai pas envie de parler de Robbyn et son espérance de vie. Fuir les problèmes. J'ai toujours été bon dans ce type d'attitude. J'me contente de rire avec elle, le sujet est clos. La cloche a sonné sous la forme du petit ange qui lui sert de fille. Rien qu'entendre ce bout de chou ça pince le coeur. Souvenir souvenir, toujours là pour vous pourrir la mémoire. Bref, elle en vient à l'offre d'emploie. Garde du corps. J'éclate de rire.

« Garde du corps ? Moi ? Avoue que tu veux juste que j'sois autours de toi tout le temps t'aura même pas besoin d'allonger un centime ahah. Enfin .. Ouais ça pourrait peut être le faire je sais pas. T'avoir comme boss m'enchante pas trop je l'avoue ma virilité en prendrait un coup. » Soupire. Mais après tout j'avais quand même besoin d'argent, le peu d'économie que j'avais était parti dans la drogue et d'ici peu j'pourrais plus payer mon loyer. Puis Eve est pas si mal, j'pourrais la mater en bossant c'est un bon compromis.« Mais bon, laissons ça de coter, j'accepte. »

APPEL ENTRANT

« Je ne suis pas si terrible comme boss. Mes assistants ne s'en plaignent pas. Enfin mon assistante principale étant ma soeur. C'est pas croyable de se dire que quand on était ensembles, je n'étais rien et maintenant, j'suis sollicitée pour aller à des soirées pompeuses donner des récitals ou encore juste me montrer avec mon équipe.  »

Je resserre la prise sur la petite qui a alors retrouvé une respiration régulière et lui murmure quelque chose en allemand avant de me concentrer à nouveau sur la conversation. Je n'ai pas oublié que Sonic m'avait offert un emploi alors que j'étais dans la merde, c'est la moindre des choses que je puisse faire pour lui.

« Et puis tu m'as offert un emploi quand j'ai perdu Calvin même si on a passé plus de temps à s'envoyer en l'air dans la section 'chasse et pêche' qu'à bosser. Bref, la nostalgie c'est nul. Demain j'ai ma première représentation. Le temps que j'aille voir mon comptable pour qu'il te fasse un contrat en règle avec le salaire fixe et tu pourras commencer. Et t'essaieras d'être discret quand tu mates. Les autres ne sont pas censés savoir que tu n'étais pas professionnel dans le passé. Envers moi.  »

Je me remémorai ce passage et éclatai de rires.

« N'empêche que j'me pose toujours la question de savoir comment tu as fait. J'étais en deuil, grosse, et un peu chiante. J'suis désolée de m'être servie de toi comme d'un lot de consolation après la mort de Calvin...  »

J'ai un rire amer. Merci de me rappeler à quel point ta vie est devenu beaucoup plus belle depuis que tu m'as largué. Ça me fait chaud au coeur. Quand elle me parle du contrat j'me contente de hum pour toute réponse mais elle peut pas s'arrêter là... Faut qu'elle revienne sur notre histoire. Ça la fait peut être rire mais personnellement quand j'étais ces mots j'ai juste envide m’empoissonner encore plus les veines et comme actuellement la subtilité et l'hypocrisie c'pas tellement mon point fort j'répond à la limite du froid.

« J'me fiche de tes excuses. Le passé c'est le passé puis faut croire que j'ai un faible pour les cas désespérés. J't'ai laissé joué avec moi, c'est tout c'est comme ça j'regrette rien et j'en ai rien à foutre. J'espère juste que tu l'avais au moins apprécié le lot de consolation. »

Vous avez dit lunatique ?

APPEL ENTRANT

« Oh ce n'est pas ce que je voulais dire. Enfin, je t'aimais vraiment - du moins, dans mon souvenir. C'est juste que... Oui, oui, je l'ai apprécié. Tellement apprécié que j'ai mis du temps à m'en remettre. Un an et des poussières. Je crois que je ne serai jamais restée aussi longtemps chaste d'ailleurs. Bref, ne le prends pas comme ça.  »

Ma voix se fit plus douce, presque un murmure comme ci je cherchais à le calmer. Mais connaissant l'animal, il devait encore être bien remonté.

« Moi je dis mieux vaut en rire. Surtout quand on voit l'ironie de la situation. Je suis restée chaste visant une carrière professionelle accomplie. Une fois le truc fait, j'ai été le cadeau de mariage d'un couple qui s'ennuyait au plumard.  »

Pendant un instant, les flashs de la ruelle s'imposèrent à mon esprit et je posai la petite sur le côté pour me lever et aller à la fenêtre, l'arme au poing. Là, j'allumai une cigarette et détaillai les passants dans la rue. Cette histoire m'avait carrément rendu parano et je devais faire attention. Me rendant compte qu'un silence venait de s'imposer dans la conversation, j'essayai de relancer la conversation.

« Tu m'as manqué tu sais. Ces dernières semaines surtout...  »