HISTOIRE !
Histoire d’une vie, ou histoire d’une envie ? Je n’en ai pas la moindre idée, mais laissons plutôt la séance chez le psychologue, que je fréquente nous révéler qui je suis vraiment. Tout cela sera intéressant, pour vous comme pour moi. Je ne sais pas qui je suis, qui je vais être ni qui j’étais. Je ne sais rien en fait.

Réveil brusque, radio qui chante sur tous les toits que je dois me lever. Le seul con à ne pas entendre ce foutu radioréveil c’est moi. J’ai rendez-vous chez le psy dans à peine 10 minutes. Rendez-vous à la douche, tout ça pour ne pas décevoir papa en plus, génial. 10 minutes dans la douche, mon chauffeur s’occuperait de mettre le turbo et me trouverait une excuse pendant le chemin. Arrivée fracassante, remarquée par des dizaines de gens. L’industrie de papa allait surement en prendre un coup, les photographes ayant pris des photos de fils à son papa chéri, devant chez un psy, ça ne ferait pas une bonne presse ça, mais à quoi bon. Il s’en fiche de moi et je m’en fiche de lui, enfin, c’est ce que je croyais. « Asseyez-vous Jagged. » Ce ton machiavélique, il me prenait pour une marionnette à chacune de nos séances, et chaque séance était une rediffusion de celle d’avant. Je ne disais rien, je n’avais aucune envie de me confier à un inconnu. Il me posait des questions si personnelles, des questions auxquelles moi-même je n’étais pas sur d’avoir une réponse valable. Cette façon qu’il avait de me toiser du regard, comme si j’étais une bête de foire. Il me faisait dire des choses ahurissantes, tout ça pour se donner la bonne conscience d’avoir fait son métier. J’avais eu une enfance tragique, sans père. Une mère morte. Ma nourrisse, ou plutôt la gouvernante de notre maison, s’était occupé de moi, m’avait élevé, m’avait apprit à lire, à écrire. Je ne dois rien à mon père. « Comptez-vous m’adresser la parole aujourd’hui, et enfin vous décider à aller mieux, ou bien reprendre ce silence et partir à la fin de l’heure ? » Mais pourquoi voulait-il connaître ma vie ? Elle ne l’intéressait en rien, tout ce qu’il voulait c’était son paquet de billet à la fin de la séance. Il voulait avoir des mots hein, il voulait connaître ma vie, me juger. Il voulait savoir les raisons de mes actes, les raisons de mon caractère et savoir pourquoi j’étais ainsi ? Drogué alcoolisé jusqu’à la mort ? Il allait savoir. À ce moment la, je me rendais compte que peu importe par quel moyen, mon père me ferait cracher le morceau, et puis, plus vite fait, plus vite quitte comme on dit. « Vous voulez savoir quoi de ma vie ? Que j’ai grandi sans parents, élevé par la gouvernante, ma mère est morte, je ne l’ai jamais connu, j’ai un petit chien. »
Certes, il voudrait en savoir plus, et c’est normal, avec ça, que voulez-vous qu’il fasse ? Absolument, rien, il ne peut rien me faire dire, ou faire. « Très bien. On progresse. Pourquoi dite-vous avoir grandi sans père ? » Mon père est un homme constamment absent, il a toujours des entretiens à des milliers de kilomètres de New-York, toujours à se pavaner à l’autre bout du monde avec des pouffes, des jeunes minettes qui n’en veulent qu’à son argent comme la plupart des femmes avec qui il couche. « Le travail. » Je ne pouvais poursuivre, les larmes monteraient et je ne peux pas admettre ressentir la moindre émotion pour cet imbécile. Il me laisse toucher à l’argent, il sait aussi que je me suis déjà drogué, et que je continue. Je fume, clope sur clope dans la rue, la nuit. Partout à vrai dire. La cigarette est comme mon échappatoire, elle me sauve.

Frère et sœurs ? Une demi-sœur, une pute, comme moi à ma manière. On baise ensemble, mais je serai le seul héritier de la fameuse « Smith Industry » . Non, non, je ne suis pas l’héritier de son sang, du moins, je ne voudrais pas, mais bel et bien de sa putain d’entreprise, la seule chose qui compte pour lui d’ailleurs. Le départ pour le paradis de ma mère n’avait pas l’air de l’affecter, moi, bien que je ne l’avais presque pas connu, cela m’affecte vraiment beaucoup, je me dis sans cesse que si elle était là, mon père serait meilleur, je ne serais pas ce que je suis probablement. Mon histoire est l’histoire d’un jeune homme, bourré de qualités, toutes cachées derrières les défauts, ceux qu’il n’a pas peur de montrer. L’histoire d’un homme mauvais, méchant et sans aucune considération pour les femmes.

Je ne pensais un jour, m’ouvrir autant, tant mentalement que dans mes phrases, mais le fait de penser à ça, à ma vie, mon comportement, mes changements, me fait du bien. « Bon, il y a du progrès, mais il ne faut pas relâcher, on se revoit dans une semaine. » Encore une fois, les rendez-vous pouvaient être rapidement renouvelés, les sous à papa y étaient pour quelque chose, bien entendu. Voilà pourquoi j'avais décidé de partir pour San Francisco histoire de fuir un peu, mais qui sait, il va peut-être me suivre, il est constamment à mes trousses...