De marbre, face à cet édifice que je détaille froidement avant de soupirer. Ces endroits religieux sont si méconnus à mes yeux. Un sourire en coin s'esquisse sur mes lèvres sans que je n'en ai réellement conscience, lorsque je repense à ma première et probablement dernière visite dans une église. Il ne faudrait certainement pas que je m'attarde dessus, je sortirais sans doute de cette ambiance morose dans laquelle j'ai été faussement aspiré. Le noir, une seconde peau, la couleur dans laquelle je m'abrite bien souvent, il ne m'a donc pas fallu faire d'effort particulier pour me préparer à rendre visite à cette tombe. Celle d'un homme que j'ai particulièrement apprécié. Son dévouement aux causes perdues était exemplaire, seulement parfois, notre courage, notre bonté, peut devenir une gêne pour les autres. Elle peut se transformer en stupidité, surtout si celle-ci trouble les activités du gang. Il a fallu que je m'en débarrasse. Je l'ai fais avec clémence, sans trop de souffrance.

Me baladant au milieu de toutes ces pierres tombales, des noms oubliés, quelques visiteurs, certains en plein deuil, d'autres, simplement égarés. Je m'arrête lorsque j'aperçois son nom. Un rituel, une habitude chez moi, de venir rendre visite aux personnes que j'ai respectueusement assassiné. Une marque de considération de ma part. Je ne connais aucune prière, pour en faire correctement. Je me contente de déposer ces fleurs, assemblés en couronne mortuaire.

Tu passes les grilles du cimetière avec toujours la même appréhension, tu sais que venir te fais autant de bien que de mal. Mais tu en as besoin, c’est le seul endroit où tu peux te sentir un peu plus proche de lui. Votre maison te rappelle beaucoup trop de souvenirs et tu penses d’ailleurs à déménager prochainement, tu ne supportes pas de rester dans la pièce où tu l’as trouvé immobile. Maelle est chez une de tes amies qui à des enfants aussi, tu ne t’inquiètes en aucun cas pour son bien-être. Un jour, tu devras l’emmener avec toi et ton cœur se serre un peu plus à cette pensée. Qu’il t’ai abandonné est une chose mais votre fille ne méritait pas de grandir sans son père. Tes pas te guident vers une partie du cimetière que tu dois traverser avant d’arriver à l’endroit voulu, tu regardes parfois les noms sur les tombes sans vraiment t’y intéresser. Quelques mètres devant toi une chevelure blonde attire ton regard, tu le reconnais instantanément et un nœud se forme dans ton ventre. Votre rencontre avait laissé une marque indélébile en toi, inexplicable peut-être mais surtout inéluctable. Tu prends une grande inspiration et passes devant celui dont tu ne connais toujours pas le nom en fixant droit devant, tu ne veux pas lui donner ton attention. Il serait bien trop heureux que tu reviennes à la charge, votre conversation t’avais au moins apprit ça. Tu rentres dans la partie juive du cimetière et retrouve facilement la tombe de ton mari devant laquelle tu t’arrêtes. Tu enlèves les fleurs mortes et les remplace par un bouquet que tu as acheté avant de venir. Tu fixes la photo collée à la pierre, dans un autre monde.

Je me dis que le cimetière est un endroit bien trop peu visité, nous devrions tous venir ici comme on irait au Cinéma. C'est tout aussi divertissant, si ce n'est plus, du moins à mes yeux. Je me laisse perdre à la vue des autres tombes, cette ambiance morose, un silence enchanteur, je serais presque dans mon élément. Après avoir déposé ces fleurs, je me lève et j'aperçois cette silhouette très familière. Une blonde qui m'a diverti il y'a quelques mois maintenant. Mes yeux ne se détachent pas d'elle. C'est plutôt prévisible de la voir venir dans cet endroit, elle doit certainement venir chaque jour pour maudire son mari, de l'avoir abandonné et fais d'elle une femme si désespérée.. Toutefois, étrangement divertissante. Je l'aperçois de loin, rejoignant la partie juive de ce cimetière, je décide de partir très discrètement pour la rejoindre. Je me positionne derrière elle avec une certaine distance, n'émettant aucun son. Elle semble ne prêter aucune attention à ce qui se passe autour d'elle. Je décide de faire un petit pas en avant, mes lèvres s'approchant doucement de son oreille pour lui parler. " C'est mignon. " J'éloigne ensuite mon visage pour la fixer, un petit sourire narquois avec une pointe de malice dans les yeux. J'éprouve un certain plaisir presque inavouable à interagir avec elle.

Tes yeux sondent le néant, rivés sur les lettres d’or écrivant son nom sur la pierre tombale. Ton esprit s’affaire comme toujours à rejouer des moments passés, des conversations, quelques moments où tu avais ressenti du bonheur à ses côtés. Tu fermes les yeux. Tu pourrais presque sentir son parfum engourdir tes sens, ses bras autour de toi, sa présence dans ton dos. « C’est mignon. » Un souffle dans ton cou, tu sursautes, te retournes vivement pour découvrir qui est cette personne si près de toi. La main plaquée sur ton cœur qui bat à tout rompre tu t’es éloignée automatiquement de lui et à présent tu essayes de reprendre ton souffle. Il aurait tout simplement pu continuer sa journée mais il fallait qu’il te suive, comme si votre dernière rencontre ne lui avait pas suffi. « Vous êtes malade ?! » Tu lâches sèchement, refermant un peu ta veste sur toi. Sourcils froncés, moue renfrognée, tu aurais voulu ne plus jamais le revoir pour t’éviter bien des problèmes. Comme si tu n’en avais pas déjà assez. Tu avais bien changé depuis la cette fameuse discussion au bar, envolé le ventre rebondit tu avais retrouvé tes formes de jeune fille. « J’espère que vous êtes ici pour vous excuser. » Tes bras se croisent d’eux-mêmes, ton regard le fuis comme la peste. Il ne pouvait pas choisir un pire moment pour réapparaitre, la copie de ton mari sur la tombe de ton mari. Tu n’avais aucune envie de te battre contre lui aujourd’hui.

Je garde mon sourire, qui s'élargit doucement face à sa réaction. Je jette un coup d’œil assez bref vers son ventre. Le temps passe vite je dirais. Je garde toujours en mémoire notre première rencontre. « Vous êtes malade ?! » Devrions-nous nous vouvoyer? Hm, peut-être que ce serait plus approprié. Je remarque un peu de colère dans son expression, une pseudo colère je dirais, tout comme notre dernière rencontre. Elle semble cacher ce qu'il y'a de précieux en elle, cette sensibilité qu'elle possède et qu'elle doit très certainement protéger pour que personne n'ose s'y attaquer. Je devine bien que ma présence ne la laisse pas indifférente, c'est même très divertissant.

« J’espère que vous êtes ici pour vous excuser. » Je lâche un rire moqueur avant de la fixer du regard un petit moment, pensif. M'excuser donc? Je continue de soutenir son regard avant de soupirer, fourrant mes mains dans les poches de mon manteau. Je reporte mon attention vers la tombe en face de moi. Celle de son mari je présume. « Yael.. Rockfeller. Ce n'est pas un prénom de femme? » Je demande, curieux.

Son regard sur toi provoque toujours cette même sensation désagréable de douleur et chaleur formant un point au creux de ton estomac. Tu l’avais déjà ressenti au part avant, le jour où tu avais rencontré ton mari pour la première fois. Tes sens te noient dans la confusion et tu aimerais qu’il disparaisse de ta vue pour toujours, que plus jamais ses yeux ne puissent voir en toi comme ils le font à cet instant même. Comme ils l’ont fait dès la première seconde. Il rit quand tu lui demandes des excuses et c’est pourtant ce qu’il devrait faire, après l’état dans lequel il t’avait mis la dernière fois et maintenant il te dérangeait sur la tombe de ton cher Yaël. « Yael.. Rockfeller. Ce n'est pas un prénom de femme? » Tu restes bouche bée devant ses paroles, tu ne comprends pas son obstination à vouloir manquer de respects aux défunts. Vos conversations tournent beaucoup trop autour de ton mariage, tu es toujours mal à l’aise quand on évoque le sujet malgré les mois qui ont endormis les blessures. « Vous pensez avoir un meilleur prénom que le siens ? » Tu ne le connaissais pas mais rester calme semblait être la meilleure solution, tu avais compris lors de votre dernière rencontre que s’énerver ne changerait rien à son attitude. « Vous m’avez suivie ou suis-je condamné à supporter votre existence ? » Tu demandes dans le plus grand des calmes.

« Vous pensez avoir un meilleur prénom que le siens ? » Ma vie n'a été qu'une succession d’événements vides de sens, les seules moments d'excitation que j'ai expérimenté ont été la torture de Sasha et de sa petite amie, je pensais que rien ne pourrait être semblable à cela, mais je me surprends à ressentir cet entrain, en conversant avec cette veuve. J'ignore ce qui m'attire autant en elle, mais je pense que c'est divertissant. Je souris à sa question, haussant mes épaules.  « Ivan. C'est masculin. » La voir tenter de garder son calme me divertit encore plus. « Vous m’avez suivie ou suis-je condamné à supporter votre existence ? » Elle aime ma compagnie aussi. J'en suis certain. Sinon, elle serait partie il y'a bien longtemps. « C'est ce que vous voulez? Que je vous suive? Je ne pensais pas que vous étiez aussi désespérée.. aussi seule. » Je fais un pas vers elle, la fixant du regard, puis un autre, et un autre, avant de me retrouver nez à nez, face à son visage. Je me penche lentement pour chuchoter à son oreille.  « Vous voir garder ainsi votre calme, me fait un certain effet. » Je fais ensuite un pas en arrière, lui adressant un sourire franc. « Votre compagnie est divertissante. »

« Ivan. C’est masculin. » Yaël aussi c’est masculin, tu voudrais lui cracher au visage mais tu abandonnes l’idée en quelques secondes. Finalement, tu sais quelque chose sur lui. Cet inconnu qui croit te percer à jour semble plus proche maintenant que tu peux mettre un nom sur ce visage si familier. « C'est ce que vous voulez? Que je vous suive? Je ne pensais pas que vous étiez aussi désespérée.. aussi seule. » Tu lèves les yeux au ciel en entendant sa remarque, tu n’es pas seule du tout et pas désespérée non plus. Ton attention et ton regard se reportent sur lui quand tu remarques qu’il s’est approché d’un pas. Il continue sur sa lancée, lentement et tu aurais reculé si la tombe ne se trouvait pas juste derrière tes talons. Tu trembles un peu quand son corps se penche vers toi, incapable de choisir entre courir ou le pousser de toutes tes forces. « Vous voir garder ainsi votre calme, me fait un certain effet. » Ses mots caressent ton oreille pour te glacer de la tête aux pieds, la proximité entre un corps masculin et le tiens ne te réussis pas plus qu’avant. Incapable de bouger tu dois donc attendre qu’il s’éloigne pour recommencer à respirer normalement, discrètement. « Votre compagnie est divertissante. » Tes yeux le fuient alors que ta mâchoire et tes poings se tendent. « Je ne suis pas votre jouet. » La gorge aussi sèche que les mots tu voudrais disparaitre, comme trop souvent. « Vous n’êtes rien pour moi et je ne suis rien pour vous. » Tu oses enfin le défier du regard, tes prunelles s’enflamment surement. Si les regards pouvaient tuer…« Maintenant, j’aimerais que vous me laissiez me recueillir en paix. Merci. » Tu refais face à Yaël, coupant totalement la distraction de ton champs de vision.

« Je ne suis pas votre jouet. » Jouet? Je n'en demande pas tant. Son air si fier, comme à chacune de nos rencontres n'est qu'une façade, très fine, qui trahirait presque son désarroi face à une telle situation. Nous deux, seuls, avec la tombe de son mari comme décor. « Vous n’êtes rien pour moi et je ne suis rien pour vous. » Quelle belle déclaration, un petit rire très bref mais surtout moqueur sort sans que je ne le contrôle. « Maintenant, j’aimerais que vous me laissiez me recueillir en paix. Merci. » Je reporte mon attention sur cette pierre tombale, relisant les inscriptions, quelques lettres en hébreu. Je la regarde ensuite, gardant un petit sourire. « Je ne vais plus vous importuner, comme vous venez de le demander. » Je refais un autre pas en arrière, la regardant une dernière fois avant de lui tourner le dos pour m'avancer vers la sortie, bien décidé à ne plus la déranger. Du moins, pas pour l'instant.