Tu travailles encore ce soir et ça ne te déplait pas. Tu as de plus en plus de mal à rester seul ces derniers temps, tu finis toujours par vider une bouteille de whisky et te réveiller sur le sol de ta cuisine. Tu arbores de jolis cernes bleutés ce soir, le manque de sommeil saint commence à se faire ressentir. Tu passes une main dans tes cheveux et ajustes les boutons de ton costume avant de passer les portes automatiques du luxueux Palace Hotel. Un endroit que tu connais bien alors que tu n’as pourtant pas les moyens d’y séjourner. C’est ça ton métier, l’illusion de la richesse que tu affrontes presque chaque soir. Tu le voudrais bien cette argent, c’est bien pour ça que tu passes tes soirées à flirter avec des femmes beaucoup trop ridées pour te plaire. Surtout que toi, ton style ce sont les filles longilignes voir très fines. Encore plus celles qui ont l’air de petites poupées sans défense. Au rez-de-chaussée de l’hôtel se tient une soirée dont tu ne sais rien mais à laquelle tu as été « invité » par une de tes clientes, que tu attends d’ailleurs maintenant au bar. Tu reconnais quelques personnes dans la foule qui te font un signe poli en guise de salutation, un serveur t’apportes une coupe de champagne qui disparait peu de temps après au fond de ta gorge sèche. Une heure, cinq coupes et deux verres d’alcool fort plus tard tu attends toujours. Elle ne viendra pas, tu l’as bien compris maintenant, mais la soirée n’est pas finie et tu pourrais toujours trouver de quoi te consoler. Comme cette petite poupée de porcelaine aux lèvres pleines et cheveux sombres que tu fixes depuis un moment.

Elle est jolie Palmer. C’est ce qu’il se dit en jetant le préservatif dans la poubelle de la salle de bain. Elle, elle se dit que se lit est trop grand. Qu’il fait trop chaud. Ou trop froid. Elle est jolie Palmer dans ce lit trop grand… Elle se relève et remet ses cheveux en place. « Tu restes ? » il demande. Par principe elle hoche la tête positivement. Des fois, Pal s’enfonce trop dans ses mensonges. Elle a aucune envie de rester. Maintenant qu’elle le voit avec ses yeux rassaisiés, elle remarque son ventre trop gros, son crane trop dégarni et ses mains qui commencent à être tachées de vieillesse. Pal faut que t’arrête de te taper des vieux. Elle les veut de plus en plus vieux. Elle se dégoute. Mais au moins c’est facile. Elle peut aller droit au but, ils n’attendent que ça. Quel âge a-t-il ? Peut-être bien quarante-cinq ans. Non allez, faut arrêter ça, hein Palmer ? « Je vais y aller finalement. J’ai oublié, ma coloc voulait que j’aille la chercher après son shooting, enfin… tu vois. » elle attrape sa robe qu’elle enfile vite, sa culotte, ses chaussures qu’elle ne prend le temps de chausser qu’une fois de l’autre coté de la porte de la chambre. Elle s’appuye contre celle ci et soupire. Palmer choppe l’ascenseur qui se referme sur elle. Arrivée en bas, elle voit le bar, qui l’attire comme un aimant. Elle se dirige là bas et commande un whiskey, comme pour se nettoyer de l’intérieur. A coté d’elle un mec commande un deuxième verre. au bout de ce qui semble une éternité, elle sent son regard sur elle. Palmer lève les yeux vers lui. il est beau, rien à dire de plus. Elle lui sourit avec son petit air quelle aime tant. Son petit air amoureuse. Elle se laisse glisser jusqu’à lui. « Tu te rappelles de moi ? » elle demande. Pourquoi tu veux qu’il se rappelle de toi, Palmer ? Arrête d’embobiner les gens…

Tu détestes qu’on te pose un lapin, tu détestes qu’on t’ignore. Tu bois une grosse gorgée de ton verre pour faire passer les idées noires, le regard planté dans la moquette. L’alcool c’est ton remède, ton médicament personnel. Tout devient plus beau et plus simple. Les visage sont moins détaillés et toujours plus beaux, les formes tremblent et tu oublies où se trouve le haut, le bas, la droite ou la gauche. Les coupes de champagne ne t’ont pas fait grand-chose mais tu sais qu’en ajoutant quelques verres d’alcool un peu plus fort on peut arriver à un bon résultat. Tu cherches cette limite ou tu oublies presque qui tu es, c’est bien ça que tu recherches. Oublier toutes ces choses qui te rongent l’esprit à chaque seconde, chaque respiration hésitante. « Tu te rappelles de moi ? » Tu tournes la tête dans la direction de la poupée, tu l’avais presque oublié. Tu te rends compte que tu as commandé un autre verre sans vraiment faire attention et tu bois encore. Qu’est-ce qu’elle a dit déjà en arrivant vers toi ? Quelque chose comme quoi tu es censé la connaitre, tu baisses les yeux sur elle et l’examine un peu mieux. Non, si tu l’avais déjà croisée tu es sur que tu t’en souviendrais, et son image serait claire comme du cristal même si l’alcool avait influencé ta vue. « On ne s’est jamais vus, tu dois me prendre pour quelqu’un d’autre. » Tu la lâche des yeux pour fixer ton verre, tu fais peine à voir Léo. Tu te secoues mentalement pour ne pas rester comme ça pendant des heures et effrayer la poupée. « Mais on peut toujours s’arranger. » tu dis avec un léger sourire en coin, tu as envie de jouer.