Son anniversaire approchait à grands pas, elle aurait vingt-six ans cette année, et elle était seule. Elle avait toujours voulu aller à Las Vegas, cette ville l’attirait depuis qu’elle était adolescente. Aujourd’hui, elle avait largement l’argent pour s’y rendre et profiter. Elle détestait être seule, en particulier le jour de son anniversaire. Elle prit alors quelques jours et atterrit bien vite dans cette ville pleine de tentation. Elle voulait s’amuser, profiter, se défouler un peu. Elle fonça aussitôt dans les divers casinos, gagnant, perdant, peu importait, tant qu’elle jouait. Elle termina dans un bar, dès le premier soir et commanda ce qu’ils avaient de plus fort. Ce soir, elle avait bien l’intention de finir à l’envers, comme ces hommes qui n’était même plus capable de contrôler leurs pulsions après quelques verres. Elle se laissa aller si bien qu’en à peine une heure, elle se mit à parler de sa vie à des parfaits étrangers. Ceux-ci partirent très vite, certainement dégoûtés de cette femme si belle et pourtant si répugnante ce soir-là. Puis un homme s’assit à côté d’elle, soûl lui aussi, et écouta son histoire. Elle raconta tout, l’accident, la mort de sa mère, l’abandon de son père, l’orphelinat, les retrouvailles avec son paternel, son désarroi lorsque celui-ci l’avait rejetée, sa façon de profiter des hommes, tout. Elle pleurait parfois, elle riait, elle racontait même ses états d’âme, ses remords, se traitant elle-même de monstre, avouant vouloir simplement être aimée par quelqu’un, son père en particulier. Cet homme savait à présent tout d’elle. Elle venait de tout confier à un véritable étranger, elle qui d’habitude cachait toutes ses blessures tellement bien. A la fin de son récit, il sourit, et la prit sans ses bras pour calmer ses pleurs. Même soûl, il n’était pas méchant. « Ca va aller. » Qu’est-ce qu’il pouvait bien en savoir ? Ses paroles étaient peut-être vides de réel sens, mais ça apaisait Swann. Au final, ils passèrent une grande partie de la nuit à ce bar, apprenant un peu à faire connaissance, s’amusant comme les soûls qu’ils étaient, dansant, chantant à tue-tête comme des idiots. Une nuit magique, pensa-t-elle. Puis ils quittèrent le bar ensemble, paraissant même amoureux. Elle l’aimait bien, il était beau, gentil, charmant, il n’était pas comme les types qu’elle avait connus, lui, elle ne voulait pas profiter de ses richesses. Peut-être que c’était l’alcool qui la faisait penser comme ça, peut-être pas. Ils s’embrassèrent en plein milieu de la rue, gênant même les passants, et finirent la nuit dans la chambre d’hôtel de la jeune femme. Le matin au réveil, elle paniqua en le voyant toujours là, à côté d’elle, endormi. Il était si beau, elle n’osait qu’à peine le regarder. Et pourtant, elle resta là, à le contempler, jusqu’à ce qu’il se réveille. Il avait ce quelque chose qu’elle n’avait encore jamais vu chez personne. Ils passèrent encore la journée ensemble, puis la nuit, et ce pendant plusieurs jours. Un soir, ils s’étaient rendus ivres et clamaient haut et fort être fous amoureux l’un de l’autre. Qu’est-ce qui lui arrivait ? Ce n’était pourtant pas son genre. Ils traversèrent la rue où ils s’étaient embrassés la première fois lorsqu’il s’arrêta soudain. Il la regardait comme personne ne l’avait encore regardée, et souriait d’un air malicieux malgré son taux élevé d’alcoolémie. « Viens, on va se marier ! » Il n’y avait pas de bague, pas de demande à genoux, et ça ressemblait plus à une proposition d’adolescent qu’à celle d’un homme, mais le sourire de Swann s’élargit. Elle n’était plus consciente de ce qu’elle faisait. Il n’attendit pas vraiment de réponse et l’entraîna dans un de ces bureaux de mariages tellement propres à Las Vegas. Ils choisirent des bagues à la va-vite et demandèrent à être mariés. Elle avait complètement perdu l’esprit. Lorsqu’on lui posa la fameuse question, elle répondit sans hésiter. « Oui ! » Elle était maintenant mariée à cet homme qu’elle ne connaissait que depuis quelques jours. Le lendemain, lorsqu’elle se réveilla, la tête embrumée, et qu’elle remarqua la bague à son doigt, elle se mit à hurler, réveillant ainsi son… mari. « Qu’est-ce qu’on a fait ?! Bon sang mais qu’est-ce qu’on a fait ?!! Je ne veux pas me marier ! Je ne suis la femme de personne !! Certainement pas la tienne !! » Il était certainement autant choqué qu’elle, mais ne voyait pas autant cette union aussi mal. Elle ne lui laissa pas le temps de répliquer et prit ses affaires qu’elle jeta dans sa valise. « Ne cherche même pas à me retrouver ! » Elle quitta ainsi l’hôtel et fonça là où ils s’étaient mariés pour tout annuler. Heureusement, il n’était pas trop tard. Elle garda cependant la bague, sans réelle raison, et retourna chez elle sans revoir le jeune homme.