I can only hope it touches you

Une petite gallerie d'art à Richmond, il y'a du vin et quelques apéritifs (faits avec amour par Gaga), sinon des tableaux de corps de femmes, de têtes perdues dans un fond noir, des images assez glauques par moment. Une petite déco avec un liquide rouge sur le sol, dans une petite pièce isolée, et un écran où défilent quelques images sombres. La musique ressemblera à celle que j'ai mis là. Pour le reste, laissez libre cours à votre imagination. Love, love.

Enfin prête pour le grand jour. Ce sera peut-être le plus beau jour de ma vie, ou le pire. J'ai passé presque trois jours, à tout organiser, discuter avec le propriétaire de mes possibilités, choisir l'endroit exacte, où pourra être exposé chacun de mes tableaux, je me suis ensuite mise à cuisiner, préparer quelques petits fours, acheter du vin pour tout le monde, et faire la décoration de ma petite pièce surprise. Je n'ai pu dormir que deux heures chaque nuit, à force de penser à ce jour-là. Le temps m'a semblé réellement long, surtout lorsque j'ai appris les noms des artistes professionnels qui passeront voir mes tableaux. Peut-être que c'était trop sombre, exagéré, peut-être que ça n'allait tout simplement pas leur plaire. Mes neurones en ébullition, m'empêchant de réfléchir correctement. Heureusement que j'ai pu voir Saul ce matin, ce qui m'a mise presque tout de suite de très bonne humeur. Noah est venu un peu avant l'heure fatidique, comme prévu, mais je n'ai pas pu m'empêcher d'être un peu froide, avant de le laisser un petit moment, prétextant qu'il fallait que je fasse quelques "trucs", je suis juste sortie tirer quelques lattes en fait, pour me calmer. 17 h, les gens commencent à entrer, j'essaie de paraître, cool, relaxée, les laissant faire le tour de mes différentes œuvres.

Je lance mes converses basses violettes et sors rapidement de l'appartement avec mon sac à main. Je ne voulais pas être en retard pour l'exposition de Gaïa. S'il y avait bien une chose que je détestais, c'était bien celle-ci: être en retard. Surtout pour des proches. Si j'avais été un Sims, le fait d'être en retard m'aurait certainement fait perdre un paquet de points. Et avec des malus, je n'aurais pas pu avoir des arbres à Simflouz par exemple, ou la fontaine de Jouvence. En parlant de simflouz, j'avais hâte de voir Saul avec son slim rouge. Nous nous étions lancés une sorte de défi ; de la couleur pour lui alors que moi je portais une robe noire, simple féminine mais qui me collait un peu (trop) au corps. Je me rends rapidement sur place, marchant à grandes enjambées après avoir garé ma voiture sur un parking. Ma queue de cheval haute bicolore se balance de droite et à gauche et je retire mes lunettes violettes de mon nez quand je passe la porte. Rapidement, je me sens emballée par le talent de Gaïa. Je ne prends pas tout de suite le temps de regarder ses œuvres mais j'en ressens l'atmosphère à chaque fois que mes pupilles se perdent sur chaque partie de la salle. De toute façon, je sais déjà que j'adore son style. Mon regard capture au loin la silhouette de la brune qui m'a l'air assez stressée, je fonce. « HEY ! » Je l'enlace dans mes bras puis lui fais un bisou sur la joue. « Tu tiens le coup ? En tout cas, c'est très bien présenté. J'adore ! » Je lance, tout sourire.

Après avoir atterri et avoir passé quelques heures au loft, je me suis rendu chez Gaïa. Nous étions arrivés à la date de son exposition et il est inutile de préciser à quel point l'événement la rendait anxieuse. Il était évident pour moi d'être présent pour elle et de tenter de la rassurer, même si c'était une chose pratiquement impossible la connaissant. Elle avait cette manie idiote de se rabaisser, fermant les yeux sur l'ampleur immense de sa créativité. Elle manquait cruellement de confiance en elle. Ça me paraissait fou car c'est une personne extraordinaire. Mon job consistait à la convaincre de ce fait. Je faisais partie des gens qui étaient tombés amoureux de son travail dès le premier coup d’œil et j'étais persuadé que j'en retomberais encore amoureux lors de cette expo. Elle a ce don subtil de concrétiser ses pensées et les flous obscurs de son esprit sur des toiles. Elle arrive à les rendre vivantes de cette façon et je l'admire énormément pour ça. Debout depuis 5h du matin, je me sentais crevé mais étrangement euphorique à l'idée de découvrir les nouvelles œuvres de la brune. La revoir m'avait fait du bien, je l'avais laissée s'échapper pour qu'elle aille finir les derniers préparatifs. Et moi, j'en avais profité pour passer chez moi, manger un truc vite fait, me doucher et m'habiller. Slim rouge, t-shirt blanc et ma précieuse veste en cuir noire. Le rouge m'agressait un peu les rétines. Ça sortait de mon noir et blanc habituel, ça me rappelait Sierra. On s'était lancé un défi un peu con mais l'idée m'avait plu alors voilà. Du sombre pour elle, un peu de couleur pour moi.

Ensuite, j'ai pris le chemin de Richmond. Je me gare et je finis par passer l'entrée. Mes prunelles se perdent durant un long moment sur les esquisses, les couleurs qui se mélangent entre elles et le rouge vermeille qui caresse le sol. Je suis forcément captivé par l'ensemble harmonieux et la musique qui coule dans mes tympans comme une rivière. Je suis vraiment fier de Gaïa, fier aussi qu'elle ose partager la beauté de son esprit avec les autres. Mon regard finit par l'intercepter , déjà accompagnée de Sierra qui porte sa robe noire comme promis. La vision me plaît beaucoup. Je me dirige vers les deux jeunes femmes, le sourire aux lèvres. J'enlace Gaïa brièvement car elle avait déjà dû subir mon invasion affectueuse ce matin puis je serre la rousserose dans mes bras tout en la soulevant un peu. Ça me fait rire mais j'étais beaucoup trop content de la revoir pour rester « civilisé » Je la dépose sur le sol et je reporte mon attention sur Gaïa. J'ai pris mon temps pour observer. C'est splendide. Tu déchires tout. Les gens commencent à remplir de plus en plus la salle et prennent le temps d'attacher leur attention sur chaque toile. C'est plutôt bon signe. J'en été persuadé de toute façon et j'espère sincèrement que ça la détend un peu. Puis je regardais Sierra à nouveau, un air joueur sur le visage. Bon ok, j'étais en train de la mater.

16h15, je terminai de tatouer mon dernier client de la journée. Je fermai tôt aujourd'hui et Magda était d'accord pour ce point, car c'était important : l'exposition d'art de ma Gaïa. Elle m'avait donné rendez-vous une petite demi-heure avant que les portes s'ouvrent au public. Je savais à quel point elle pouvait stresser et son anxiété me paraissait toujours inappropriée face à son beau travail. Mais c'était bon signe, ça voulait dire qu'elle y tenait et qu'elle voulait faire le meilleur d'elle même. J'enlevai mes gants en latex, je débarrassai la table de la mort, et j'allais encaisser mon client. Un bon gros tatouage au biceps. Je regardai ma montre : 16h22. J'aurai pas le temps de passer chez moi histoire de me débarbouiller. Tant pis, ma copine était le plus important. Je jetai un coup d'oeil au miroir du shop, j'enfilai ma veste en cuir, je tapotai mes poches avant et arrières de mon jean histoire de voir si j'avais tout sur moi. Portable, check, portefeuille check, clés de voiture, check, paquet de clopes, check. Good. J'embrassai Magda sur les cheveux alors qu'elle terminait quelque chose puis je la saluai pour la retrouver sûrement tout à l'heure à l'expo. Je sautillai pour rejoindre ma voiture, avant d'envoyer un sms à Sian pour lui rappeler qu'elle était bien invitée, /J'espère que je verrai tes fesses (agrémentées d'un jean s'il te plait) à l'expo de Gaïa, à toute./ Hop, texto envoyé, j'enclenchai le moteur.

J'arrivai quelques minutes après devant l'endroit de l'exposition. J'y retrouvai ma copine, relativement anxieuse comme j'avais pu l'imaginer et plutôt... distante. Je savais pas trop comment le prendre, mais j'essayai de mettre ça sur le compte du stress alors je ne fis pas de commentaires. Elle n'en avait pas besoin, je n'avais pas non plus envie d'évoquer des choses alors que je me faisais sûrement des idées. Bref. Je la laissais tranquille, jusqu'à que l'expo soit ouverte au grand public. J'eus la chance de faire un tour tranquillement pour voir toutes ses oeuvres. Elle avait du talent, c'était vraiment une passion chez elle, et ça faisait plaisir à voir. Ca se ressentait. J'étudiais longuement ses tableaux, et je remarquais que beaucoup avaient les formes d'une femme blonde. Tripotant mon briquet dans la poche de mon jean, j'essayai de passer outre tout ça. On avait déjà eu une discussion là dessus de toute façon. Terminant de faire mon tour, je commençai à croiser du monde, et je tournai un peu mon regard pour essayer de trouver ma copine. Elle était vers l'entrée, avec Sierra et Saul. Sierra, toujours aussi colorée comme une barbapapa. Attrapant un petit four, je l'engloutissais rapidement, avant d'arriver derrière Sierra, posant mes mains sur ses épaules, Salut toi ! je dis gaiement, avant de poser un baiser sur sa tempe, terminant par la lâcher et saluer Saul d'une bonne poignée de mains. Je finis par me retourner vers la reine de la soirée, T'es une déesse. je lui dis en souriant avant de venir l'embrasser un peu.

être le centre d'attention, ne m'a jamais faite jubiler de bonheur, bien au contraire. Je ne suis pas seulement anxieuse à l'idée que certains professionnels viendront juger mes tableaux, mais aussi, parce que je suis entrain de mettre mon âme à nue, devant le regard indiscret de tous ces visiteurs qui défilent devant mes yeux. Je ne me sens pas à mon aise, mais j'ai toujours su, depuis que j'ai décidé de ne pas aller étudier à l'université, que j'allais me battre, pour vivre de ma passion. J'attends à peine quelques minutes, avant de voir Sisi débarquer, avec une robe noire moulante. Sisi portant du noir? rien que du noir? Je n'en reviens pas, mais je la trouve quand même très sexy habillée de cette façon. SISI !! Elle me fait un câlin assez rapide, et une petite bise sur la joue, je souris immédiatement, elle semble apprécier l'exposition, et ça ne peut que me réjouir. Je me dis quand même, que tous mes amis vont me complimenter, parce qu'ils se sentiront obligés de le faire, enfin peu importe. Merci ! j'essaie de tenir le coup oui Je repère aussitôt Saul, portant des couleurs vives. Décidément, ces deux là, se sont sûrement mis d'accord avant de venir. Il me prend dans ses bras, un câlin réconfortant pour moi et mon anxiété incessante. Il passe ensuite à Sierra, qu'il enlace, arrivant même à la soulever. Ils me font rire tous les deux, avec leur complicité et leurs délires. Saul me complimente aussi, je me sens un peu mal à l'aise avec tous ces avis subjectifs et très positifs. Je ne peux m'en empêcher. J'élargis mon sourire. Merci Saul ! Mais dites moi, vous avez changé de style tous les deux? C'est pas Sisi qui porte des couleurs normalement? Mes yeux se posent ensuite sur Noah, qui débarque. N'oublie pas Gaïa, il faut que tu restes froide, courage. Je soupire très discrètement, le voyant saluer Saul et Sisi. Portant son attention vers moi, j'ai droit à un beau compliment, avant qu'il m'embrasse. Un baiser auquel je prends goût, même si je parais presque impassible, usant de mon meilleur poker face.  hm, tu as vu toutes mes peintures? Je fais aussi référence aux tableaux inspirés de Svet, bien sûr.

Je remarque avec joie que de plus en plus de monde entre pour découvrir l’exposition de la jolie brune. C’était génial pour elle ! Elle devait être contente au fond, bien qu’elle ne semblait pas du tout à l’aise. Gaïa m’avoue qu’elle essaye de tenir le coup, je souris, avant de voir immédiatement le brun arriver. Il salue sa « jumelle » avant de me prendre littéralement dans ses bras en me soulevant. Je suis un peu surprise sur le coup mais je le laisse faire en rigolant un peu. Je passe mes bras autour de son cou le temps d’un instant, heureuse de le revoir.  Mes pieds retrouvent le sol et je m’écarte de Saul. J’éclate d’ailleurs de rire à la remarque de Gaïa. « T’as tout compris. Je lui ai prêté un slim rouge, lui m’a prêté une robe noire. » C’était totalement probable puisque j’avais des slims d’un peu près toutes les couleurs. Qu’il me prête une de ses robes, ça l’était un peu moins… Mais c’était marrant. Quelques secondes  après, je décide de retirer ma petite veste et je la pose sur mon bras. Je fais bien un petit bond quand je sentis soudainement des mains sur mes épaules. Je reconnais la voix de Noah alors qu’il m’embrasse la tempe. Je pivote les talons pour le voir. « Tu m’as fait peur ! » Je lui fais une petite tape sur le torse avant de me décaler pour qu’il puisse atteindre sa petite amie. Ils échangent un baiser alors moi, je reporte mon attention sur Saul qui semble s’être perdu quelque part entre mon visage et mon ventre. Non mais alors lui ! Je lève les yeux au ciel, avant de lâcher un pfffff mi amusée mi agacée en sa direction. « Bon, je vous laisse ! » Je descends un peu plus ma robe, cachant mes tatouages sur ma cuisse droite avant de m’éloigner de mes amis pour m’intéresser de plus près aux œuvres de Gaïa. J’ajuste mon sac en bandoulière de travers sur mon buste et pose ma veste dessus. Je me perds dans la beauté, le mystère et le macabre de ses toiles.

J'embrasse donc ma petite amie, histoire de lui faire voir que je ne la lâche pas, je suis près d'elle dans n'importe quelle situation. Je crois en elle et en son potentiel, et elle m'a prouvé ce soir que oui, c'est une véritable artiste. Et ce n'est pas simplement parce que j'éprouve des sentiments pour elle que je me sens obligé à lui dire que c'est bien. Parce que sans tout ça, ça reste un travail merveilleux. Elle est douée, et je suis fier d'elle. Je sais pas pourquoi, mais je ne sens pas qu'elle apprécie mon baiser comme elle a l'habitude de le faire. Elle reste... neutre ? Impassible ? Je sais pas, c'est bizarre, et c'est pour ça que je me retire un peu trop rapidement, posant mon regard sur elle. Je comprends pas. hm, tu as vu toutes mes peintures? C'est le stress qui la met dans cet état là ? Ou c'est tout simplement... moi ? Elle avait l'air plus enjouée à parler à Sierra et Saul quand je l'avais vue de loin. J'en sais rien. Oui oui j'ai vu... je reste légèrement sceptique alors que je croise le chevelure de Sierra nous quittant pour aller observer les tableaux d'un peu plus près. Et là, j'avoue que je sais pas trop quoi faire. Je la regarde un instant, avant de passer une main rapide sous mon nez, Hm, je te laisse respirer. Je vais faire un tour. je dis, la lâchant pour de bon en tournant les talons pour rejoindre la rue dehors, où je sors une clope que je coince entre mes lèvres avant de l'allumer.

Je revenais d'un reportage en Afrique pour couvrir le conflit nigérien. Je m'étais complètement remis du décalage horaire. Ouvrant une bière à mon appartement, je contemplais le soleil qui se couchait tranquillement sur San Francisco. Déjà un an sur la côte ouest et on dirait que je ne m'y habituais pas. Le Delaware et ses gens me manquaient. J'avais besoin de nouveaux défis et je ne regrettais pas mon transfert à la station de SF, mais mes proches étaient tous demeurés au Delaware et mes temps libres étaient plutôt tranquilles comparés à ma vie d'avant. Je n'avais pas à me plaindre: j'avais un mode de vie instable. Je partais des semaines, parfois des mois pour le travail. Un an depuis mon arrivée n'était pas encore suffisant pour me tisser des liens profonds. Il fallait s'armer de patience.
Prenant une gorgée de ma Coors light, je naviguais sur Facebook en quête de divertissement. Je tombais sur une publication de Gaia, qui exposait ses oeuvres dans une galerie d'art pas très loin de mon appartement. J'essayais de me remémorer ce nom familier. Je cliquais sur son profil et mis quelques temps à replacer une ancienne flamme. On s'était fréquenté lors de son bref passage au Delaware. Elle était toujours aussi bien foutue. Normal qu'elle et moi avions eu une histoire...À cette pensée, je me dis qu'il serait peut-être bien de faire acte de présence, voir ses créations. J'étais du type social. Je n'allais pas là spécialement pour tenter de me la retaper - elle semblait déjà prise de toute façon. J'avais besoin de fréquenter de nouvelles personnes, changer d'air, m'enlever ses images horrifiantes du cerveau. Quoi de mieux qu'une petite soirée dans une galerie pour un tel projet? Je m'y connaissais un peu d'ailleurs donc tant mieux...

***

Une fois mon vélo attaché de manière sécuritaire à un lampadaire, je traversais la rue pour rentrer dans ce petit studio chaleureux et lumineux. Il y avait déjà pas mal de monde qui se frayait une place dans la pièce. Plutôt que d'aller à la recherche de Gaïa, je commençais à observer ce qu'elle avait créé. Me frayant un chemin facilement vu ma taille imposante, je m'arrêtais d'abord devant un tableau représentant le corps d'une jeune femme nue. Je l'observais méticuleusement, très concentré.

Le murmure des conversations s'intensifie de plus en plus, au fur et à mesure que les gens entrent dans la salle. Mes rétines toujours collées à Sierra finissent par se détacher lorsque la rousse répond à Gaïa, faisant sous-entendre que la robe qu'elle portait était la mienne. Je feins l'agacement en soupirant et en levant les yeux au ciel. Il est inutile d'être jalouse comme ça. Je t'ai déjà dit que ce n'était pas de ma faute si je portais mieux les robes que toi. Heureusement qu'elle savait que je plaisantais. Puis c'était évident que moi dans une robe face à elle, je ne faisais pas le poids. Noah arrive presque instantanément après cette petite discussion. On se serre la main après qu'il ai salué Sierra puis il finit par se tourner vers sa petite amie. La rousse soupire quand elle comprend le sens de mon regard et moi, je ris à sa réaction. Peut-être parce que je l'avais prévue. Elle finit par s'échapper pour aller contempler le travail de la reine de la soirée et je ne la retiens pas, même si mes prunelles la suivent durant quelques secondes avant de se fixer sur celle que je considérais comme ma jumelle spirituelle qui échange quelques paroles avec son petit ami. Le temps d'attraper un verre de vin, il était déjà parti. J'arque un sourcil alors que Gaïa reste assez impassible. Je retourne à ses côtés, histoire de m'assurer qu'elle va bien. Ce n'est pas mon genre pourtant, mais c'est Gaïa. Tout va bien ? Je demande avant de boire une gorgée de ma boisson. C'était plutôt tendu en ce moment entre eux, à cause de ce qu'il s'est passé l'autre jour je suppose et puisqu'une des sources d'inspiration de Gaïa était Sveta, j'en percevais rapidement une tension. Ça devait sans doute perturber Noah pourtant j'ai toujours pensé que l'Art était un terrain beaucoup trop neutre pour pouvoir y poser un jugement net et précis. Puis personne ne pouvait censurer l'esprit de la brune après tout. Rassure-moi, histoire que je puisse aller profiter de ce que je n'ai pas encore vu. Je lui dis, en riant légèrement.

Le boulot, ton boulot, le seul moment de la journée où tu n'as pas cette personnalité bizarre, ce cavalier noir et où tu serais presque une personne normale, banale. Alors que t'es encore en train de trier les disques, plus loin dans la réserve. Ta poche arrière se met à vibrer, enfin ton téléphone. Le nom qui s'affiche sur l'écran est familier, normal, tu vis avec. Noah  J'espère que je verrai tes fesses (agrémentées d'un jean s'il te plait) à l'expo de Gaïa, à toute. Est-ce que tu avais zappé ? Impossible, ça faisait des jours qu'il en parlait, ou des semaines, qu'importe. T'avais promis d'y faire un saut, et puis de toute façon, t'avais probablement rien de mieux à faire. Et puis, t'avais entendu parler des talents de Gaïa, par Noah bien sûr. T'avais envie de découvrir son art. Tu fermais la boutique, saluais tes collègues et partait en direction de l'appartement histoire de te débarbouiller un peu. T'allais même faire un effort vestimentaire, une robe noire, pas trop courte, pas trop indécente, des talons et t'étais en route. Moteur en route, tu fonçais, jouant avec la vitesse. Cherches-tu à prendre des risques inutiles, Sian ? Tu lèves ton majeur à certains chauffeur, agrémenté d'un sourire agaçant. Tu te gares à quelques rues de la galerie. En marchant, t'allumes une clope, laissant la fumée se dissiper dans l'air. Il y a du monde, la foule s’engouffrait dans les lieux. Tu restais dehors, finissant ta clope, quand une silhouette familière fit son apparition. « l'effort est-il assez conséquent pour toi ? » lui demandais-tu en désignant ta robe et en tournant sur toi même. Puis tu voyais sa mine, attristée, peut-être agacée. « ça va pas ? qu'est ce qui se passe ? on dirait que t'as bouffé un truc dégueulasse. » Même dans des cas comme ça, tu pouvais pas t'empêcher de le vanner.

J’suis un bon cousin, j’vais pas me défiler au dernier moment alors que je lui avais dit que je viendrais. Ouais, ce soir c’est l’expo des trucs bizarres de Gaia, ça me choque plus tout ça, je m’y suis habitué depuis un bout de temps j’pense. Je dis pas que je suis normal, j’me mens pas, mais sur l’échelle de la bizarrerie ma cousine elle est tout en haut et moi j’dois être un peu en dessous. Mais bon, je l’aime bien ma cousine husky, même si elle me l’entendra jamais le dire. Surtout vu les plans qu’elle monte pour me foutre avec Frankie, elle a aucune gêne pour me faire culpabiliser de ne pas être avec Katie en ce moment même. Je préfère pas y penser, c’est pas comme si c’était de ma faute en plus. Bref j’arrive devant l’endroit qu’elle avait indiqué sur facebook, j’évite le « petit ami » en carton (et accessoirement meilleur pote de Frankie) et je rentre direct. J’ai oublié de dire que je suis déguisé en lapin ? Ouais. C’est elle qui avait choisi, soit à poil soit en lapin. Je comprends son choix, j’aurais pas voulu qu’on se pointe nu dans un truc qui me tient à cœur. Mais c’est pas pour ça que je l’aurais pas fait. D’ailleurs j’ai super chaud dans mon putain de déguisement, quelle idée de merde, au moins je foutrais un peu la honte à ma cousine préféré. Je vois plein de gens que je connais pas, ou alors j’ai déjà vu leurs visages sur facebook. Ah si, y’a Sierra, l’ancienne meilleure amie de mon ancienne petite amie, Levanah. Je finis enfin par m’approcher de la reine de la soirée. « Wesh la moche ! » J’écarte les bras, attirant l’attention sur mon magnifique costume. Je me pose soudain une question super importante. « Y’a de l’alcool au moins ? Dis-moi que y’a pas que des jus de fruits. »

Clope allumée, j'inspire une bonne bouffée de nicotine, sentant la vapeur envahir ma gorge. J'en ai besoin. Je comprends pas pourquoi Gaïa agit de cette façon. Je dois peut être la laisser tranquille le temps de l'exposition. J'ai pas envie d'être collant non plus, elle sait ce qu'elle a à faire, je lui ai montré que j'étais présent pour elle et qu'elle pouvait compter sur moi, je ne pouvais pas faire plus. Alors je commençai à fumer tranquillement, mon pied battant nerveusement le bitume alors que la musique de la galerie sortait de temps à autres quand les visiteurs entraient. Levant mon regard, je croisais celui d'une silhouette trop connue à mon goût. Et une silhouette habillée pour le coup. Chapeau. Je souris un peu, la voyant arriver vers moi. l'effort est-il assez conséquent pour toi ? Je fais mine de la regarder de haut en bas, avant de rire légèrement, Tu es habillée, c'est déjà ça. je réponds, avant de tirer une nouvelle latte de ma clope. ça va pas ? qu'est ce qui se passe ? on dirait que t'as bouffé un truc dégueulasse. Merde, ça doit se lire sur mon visage. J'ai pas tellement envie d'en parler, surtout que c'est sûrement trois fois rien. J'hausse les épaules, C'est sûr que quand c'est toi qui me fait à bouffer, j'suis à l'abri de rien... je réponds en taquinant, soufflant la fumée au dessus de nos têtes, avant de passer un bras autour de ses épaules, Allez termine ta clope la nudiste, et après je te fais visiter les tableaux. j'ajoute, avant de voir passer un... lapin ? C'est quoi ce bordel. Le mec est vraiment déguisé en rongeur ? Je manque de pouffer de rire en le voyant entrer dans la galerie. Il a peut être été contacté pour divertir le public, comme le clown pour les gosses lors des anniversaires.

Tu es habillée, c'est déjà ça. Tu riais aux éclats, c'est vrai que c'était une sale manie, une habitude que ton cavalier noir prend souvent. Tantôt Sian la nudiste, tantôt Sian la réservée. Parfois, tu ne sais pas quelle personnalité prend le plus de place. Soit c'est blanc, soit c'est noir, le gris n'existe pas, aucun juste milieu, tout l'un ou tout l'autre, jamais d'entre deux. Tirant sur ta clope une nouvelle fois, tu l'observes. Dans le fond, ça fait pas très longtemps que tu le connais. Quelques semaines, quelques mois tout au plus, à vrai dire t'as aucune notion du temps. T'avances sans trop de poser de questions. La fumée s'évapore, formant un nuage autour de vous. C'est sûr que quand c'est toi qui me fait à bouffer, j'suis à l'abri de rien... disait-il, comme pour éviter le sujet, comme pour détourner ton attention. C'était réussi. Car Sian, tu n'es pas très attentionnée, et tu ne cherches pas à tout savoir, parfois, il vaut mieux se contenter de ce qu'on nous affirme. « oh moins, j'fais à bouffer parce qu'avec toi qui glande dans le canapé, on pourrait crever de faim. » articulais-tu entre deux taffes. C'était facile de critiquer, encore fallait-il bouger son cul. Son bras passe autour de tes épaules. T'aurais presque un mouvement de recul tellement tu n'es pas habituée aux gestes affectifs de ce genre. T'écrases ta clope au sol, puis en relevant la tête, tes yeux restent bloqués sur un rongeur. « c'est quoi ce truc ? c'est un anniversaire de mioche en faite, tu m'as pas dis ! » pouffant de rire, tu te plies presque en deux. Sérieux, c'est quoi ce plan ? Es-tu en train d'halluciner ? Est-ce la weed qui te fait trop d'effet. Ton bras autour de sa taille, vous entrez à l'intérieur de la galerie. Joliment décorée, les toiles s’enchaînent sur les murs. T'es scotchée, au point que tu restes fixe quelques minutes. « putain, ta meuf a un sacré talent . . » et dieu sait que les compliments dans la bouffe d'une fille comme toi, c'est rare.

Je vois de plus en plus de têtes familières rentrer. « Hm, je te laisse respirer. Je vais faire un tour. » Il s'éloigne, et je ne le retiens pas, je dois rester froide. Sisi et Sauly se narguent, je les regarde, amusée, avant que la rousse ne décide de partir voir les tableaux. Je reste donc en tête à tête avec mon seul et unique jumeau. « Tout va bien ? » Il a sûrement dû remarquer pour moi et Noah, je souris légèrement, je n'ai pas vraiment envie d'en parler maintenant, alors je me contente d’acquiescer. « Rassure-moi, histoire que je puisse aller profiter de ce que je n'ai pas encore vu. » Je ne peux m'empêcher de me blottir dans les bras de mon twin, pour le rassurer, riant légèrement. Ne t'inquiète pas ! c'est rien ! Tu devrais rejoindre Sisi oui... elle est sexy avec sa robe moulante. miam Mon regard se dirige directement vers la rousse, un regard pervers très exagéré pour faire rire Saul. Je remarque ensuite la présence de Ciara, la belle métisse. « Je venais juste saluer la reine de la soirée. Tu t'es vraiment débrouillée comme une chef ma belle ! » Je me permet de contempler sa beauté, avant de la prendre brièvement dans mes bras pour la saluer. « Je vous laisse parler, On se voit plus tard Gaia ? » J'élargis instantanément mon sourire, vraiment contente de la voir ici. Merci d'être venue surtout, Cici ! Et tu ne nous déranges pas Je n'attends pas beaucoup, avant de voir un lapin débarquer. Mon cousin bien décidé à me faire honte. Je me met à rire. « Wesh la moche ! » Il ouvre ses bras, pour mettre en valeur son costume. Bravo ! Bravo ! Non mais.. t'es sérieux cousin? Je jette un œil, vers les visiteurs qui sont entrain de le regarder bizarrement. On va croire que je ne prends pas cette exposition au sérieux. « Y’a de l’alcool au moins ? Dis-moi que y’a pas que des jus de fruits. » Je soupire, en plus de m'embarrasser devant tout le monde, il compte aussi se saouler et faire des conneries à MON expo? Il y'a du vin, mais c'est interdit pour les lapins alcooliques Je porte mon attention vers Raphael, et je reviens plusieurs années en arrière, lorsque je me considérais encore "hétéro". Je décide de lui faire un petit coucou, pour le saluer, et histoire de ne pas le déranger durant sa contemplation. Je dirige mon regard menaçant vers Khris. Enlève ce costume, tu me fais honte..

L'oeuvre était à la fois chaotique et empreinte de réelle. Ce style contemporain tranchait avec les expositions que j'avais visitées par le passé. On était loin du style baroque ou académicien des époques plus anciennes. Gaïa proposait quelque chose d'éclectique, singulier et à la fois romanesque. Ce tableau entremêlant un corps de jeune femme nue et une bête dont je ne serai identifiée l'identité semblait n'appartenir à la fois qu'à un seul corps, mais aussi à plusieurs. Le jeu de perspective était, effectivement saisissant. L'artiste parle à travers ses oeuvres à ce qu'on dit. Je n'étais pas certain d'être en mesure de lire en Gaïa à l'heure qui l'est. Toutefois, j'étais sûr de me rappeler cette jeune artiste qui avait côtoyé mon lit l'espace d'un été. Je n'avais pas une mémoire autistique, mais j'étais capable de me rappeler de l'essence d'une personne, la trace qu'elle avait laissé en moi. Gaïa était probablement l'une des plus excentriques personnes que avec lesquelles j'ai partagé ma vie. J'étais assez pantouflard lorsqu'il m'arrivait de jeter mon dévolu sur une femme - ce qui est d'autant plus étonnant. Non, si je me souviens bien, il avait été aussi facile d'accueillir Gaïa dans ma vie que de la laisser partir. Elle était comme l'eau: insaisissable lorsqu'on veut l'emprisonner dans nos mains. Elle ne fait que glisser, nous échapper....Ça me plaisait bien à vrai.
À force de réfléchir, d'analyser et d'essayer de comprendre le tableau, je ne la vis pas s'installer à mes côtés. Elle était plus grande que la moyenne des femmes, mais, même du haut de mes 1,94 mètres, je ne l'avais vu se faufiler à mes côtés. C'est lorsqu'elle se mit à parler que je me mis à sourciller. «Enlève ce costume, tu me fais honte...» Je souris instinctivement, voyant qu'elle avait le regard ailleurs.

- C'est à moi que tu parles comme ça? m'exclamai-je l'air amusé.

Je la regardais de haut en bas de manière discrète. Toujours la même taille de guêpe et ce regard envoutant. Un bon coup, je vous le dis.

- T'as pas changé, toi.

Je suis pas du genre à penser que le ridicule peut tuer, j’me suis retrouvé dans des situations largement pires que celle-là. Genre me réveiller à poil dans la rue, vomir les chaussures de mon patron parce que j’avais pris des mauvais cachetons ou encore faire un strip-tease à un policier dans l’espoir de pas me faire embarquer (ça a pas marché bien sûr). Je crois que le pire c’est que j’ai décidé de faire ça et je suis même pas dans un sale état. Je suis défoncé, bien sûr, faut pas trop m’en demander mais c’est tout. « Bravo ! Bravo ! Non mais.. t'es sérieux cousin? » Je suis toujours sérieux dans ce que je fais, elle devrait le savoir. Tout le monde me regarde de travers, j’m’en fou pas mal, je les connais pas ces gens de toute façon. Ah, et je les emmerde s’ils ont un problème. « Il y'a du vin, mais c'est interdit pour les lapins alcooliques » Pour le coté alcoolique elle marquait un point mais je pouvais pas finir mal avec du vin. Heureusement que j’avais une flasque de vodka cachée dans mon déguisement. C’est fou tout ce qu’on peut foutre là-dedans sans que ça se voit. « Enlève ce costume, tu me fais honte.. » Je ris brièvement avant de me pencher en avant, fesses dirigées vers ma cousine, et de le bouger pour lui donner un magnifique aperçu de ma queue de lapin. « Je sais que t’adores ça au fond ! » Bon, j’arrêtes mes conneries, y’a que des gens qu’elle connait ici pour l’instant, pas encore des gens importants. J’me décide à enlever mon costume que je lance sur la tête de Gaia. « De rien la cousine ! » Et j’me fait une petite gorgée de vodka, cachant ensuite ma flasque dans ma poche arrière de jean, pour faire le tour de ses œuvres. Elle est douée ma cousine, mais c’est pas nouveau ça.

Elle me sourit mais je reste loin d'être convaincu. Gaïa est sûrement l'une des rares personnes pour qui mon instinct protecteur se réveille. Pourtant, je décide de ne pas insister car cela ne ménerait à rien. Elle sait que je suis là pour elle et que je l'écouterais toujours si besoin. Elle se blottit quelques brefs instants contre moi, juste le temps de me dire de ne pas m'en faire. Je la regarde, assez sceptique mais je réponds à son étreinte malgré tout. Pas la peine d'enfoncer le couteau dans la plaie comme on dit. Elle me parle de Sierra et de la robe qui la mettait en valeur, son regard intéressé m'a fait rire puis j'ai suivi son instruction après avoir terminé mon verre. Sierra était absolument concentrée sur le tableau face à elle. Je restais silencieux, tout en l'observant dans son sérieux. Ça doit sûrement être l'une des premières fois que je la vois ainsi. Je retiens un nouveau rire alors que mon regard hésite entre elle et les couleurs contrastes du tableau de Gaïa. Les deux étaient intéressantes, dans tous les cas.

C'est à moi que tu parles comme ça? Je sursaute, dirigeant mon regard vers la personne qui vient de me parler. Raph', le voir ici m'étonne beaucoup, mais c'est une excellente surprise.  T'as pas changé, toi. Très grand de taille, les cheveux un peu plus longs que dans mes souvenirs, mais toujours aussi ténébreux qu'avant. Je suis contente de te voir ici Raph' ! ça fait vraiment longtemps. Depuis hm.. Delaware c'est ça? J'avais passé un été dont je me souviens encore, et ce sentiment de nostalgie m'accapare. Bien sûr, je suis vite interrompue par mon parfait cousin, super bien élevé et sur lequel je peux toujours compter pour me faire bien voir. Comme si je n'avais pas déjà assez honte, il expose sa queue de lapin et la bouge. Bon, ce spectacle me fait rire intérieurement.. Je soupire, croisant mes bras et attendant patiemment qu'il finisse son show. Il enlève enfin son costume, - hallelujah - qu'il lance sur ma tête avant de s'en aller pour visiter la gallerie avec un beau « De rien la cousine ! ». Je m'en débarrasse, portant mon attention vers Raph', qui doit sûrement rien comprendre à la situation. Eh bien, on ne choisit pas sa famille n'est ce pas? Khris en est la preuve. Mais dis moi, tu es à SF depuis quand?

Je m'étais éloignée du petit monde que je connaissais pour pouvoir observer en détails les œuvres de la brune. Et en silence. Ce n'était pas la première fois que je mettais les pieds dans une galerie d'Art et ce n'était pas la dernière. Observer les tableaux, essayer de les interpréter, sérieusement. L'Art m'apaisait et m'hypnotisait, si bien que je ne remarque même pas qu'on me fixe. Je finis par décrocher mes yeux d'une toile, puis tourne mon visage pour y voir un Saul qui se retient de rire. Je lance brièvement un regard à ma droite et à gauche, comme pour être sûre qu'il me regardait moi et non quelqu'un d'autre. « Qu'est-ce qui t'amuse la salade ? » Je lui lance en souriant. J'étais un scampi, il était de la salade, tout allait bien dans notre monde, c'était merveilleux. Je pivote complètement mon corps face à lui et mes pupilles sont satisfaites de l'avoir de nouveau dans leur champ de vision. Silencieuse, je le détaille. Je m'attarde sur ses lèvres et ne me gêne pas pour le mater. Quoi ? Chacun son tour, non ? Je fais un mouvement en avant, puis deux, je lui souffle « Crush, crush, crush. » malicieusement à l'oreille, avant d'aller me chercher un verre d'eau à la buvette. Verre en main, je reviens vers lui et je m'arrête à sa hauteur. Je suis désormais complètement obnubilée par un lapin grandeur nature plus loin. Je reste perplexe quelques secondes avant d'éclater de rire. Je crois reconnaître Khris. « Les gens sont trop bizarres... » Dis-je avec une voix de Sainte-Nitouche choquée par cet acte lapinesque.

Je découvre Sierra sous un nouvel angle, raison pour laquelle je suis quelque peu amusé. C'était la première fois que je la voyais ainsi, focalisée sur un point précis sans défaillir. Les avantages de ne pas connaître quelqu'un sur le bout des doigts sont les découvertes que l'on fait sur l'autre au fil des jours. L'ennui est presque impossible dans ces cas-là et cela ressemblait plutôt bien à ce que je ressentais par rapport à notre relation. Toutes les conversations que l'on s'est échangé nous avait appris beaucoup de choses l'un sur l'autre mais malgré ça, un voile opaque persistait à entretenir mon questionnement sur elle. Je ressentais instinctivement qu'il restait des choses non-dites et que Sierra ou son inconscient les verrouillait sans discussion. Je me contente de regarder en silence, son expression intéressée et la beauté de ce que Gaïa avait crée. Lorsque ses yeux quittent la toile pour se poser sur moi, elle me répond. Rien, rien. Ton attention me surprend un peu. Elle sourit alors que mon regard la fixe à nouveau. La salade, surnom issu d'une histoire complètement insensée mais qui était drôle malgré tout. Rien que d'y repenser, je sens l'amusement s'intensifier. Elle se retourne complètement pour me faire face puis se rapproche et me murmure à l'oreille quelque chose qui me fait un peu frissonner pour une raison que je n'explique pas, un rire étouffé m'échappe alors qu'elle s'éloigne pour aller chercher un verre. Elle revient quelques secondes plus tard. Son visage tourné vers un des invités me pousse à le regarder à mon tour. Déguisé en lapin. Je suis un peu surpris mais amusé. J'observe quelques instants ce qu'il se passe alors que Sierra me parle de gens bizarres. Comme si tu l'étais pas toi, hein. Puis l'air de rien, il a fait rire les gens. C'est sa B.A. du jour. Et heureusement qu'elle l'était, bizarre. Les gens basiques m'ennuient rapidement.

"Je suis contente de te voir ici Raph' ! ça fait vraiment longtemps. Depuis hm.. Delaware c'est ça? " répliqua Gaïa de manière posée, détendue. Bien qu'elle n'était pas du genre expressive, je me disais qu'elle devait bien le penser au fond. Depuis que je parcourais le monde à capter les horreurs humaines sur une pellicule de film, j'avais besoin de ces soirées colorées, abstraites pour me décoller de la routine ces souvenirs qui passaient en boucle dans ma mémoire. Il n'y avait rien de mieux que ces soirées légères, sans prétention pour craquer les idées noires. San Francisco, la côte Ouest, c'était bien finalement. Il y avait toujours des femmes bronzées à moitié à poil qui faisaient leur jogging dans des survêtements serrés, de la chaleur, pratiquement pas de pluie et les fêtes les plus déjantées auxquelles j'avais jamais assisté (en même temps, en comparaison du Delaware, tout paraissait plus grand que nature). C'était un environnement paradisiaque. J'avais grandement besoin de cet endroit lumineux, artificiel ces derniers temps. J'approchais la trentaine, mais je ressentais plus que jamais l'envie de vivre une deuxième adolescence. Je vus Gaïa regarder quelques secondes sa toile. J'avais complètement oublié qu'elle vivait à San Francisco. Ce détail au cours des années avaient fini par m'échapper. C'est peut-être son teint de lait qui m'a trompé...
Elle se tourna encore vers un jeune homme faisant plutôt gamin en ayant un petit commentaire aigre-doux en son endroit. J'eus un demi-sourire, ne sachant qu'ajouter à cette boutade. Heureusement, la conversation ne s'arrêta pas là puisqu'elle me demande depuis combien de temps j'étais à San Francisco.

- Bientôt un an, répondis-je, mais je n'étais parti très souvent à cause du boulot. Je ne restais que deux ou trois semaines, puis je repartais pour un temps indéterminé.

Je songeais à mes multiples voyages, à ces multiples visages que j'avais vus. Ces regards qui m'avaient bouleversés, dévisagés et acclamés. Être caméraman est ma voie, sans aucun doute.

- Ces toiles sont bien au fait, repris-je. Félicitations. Tu as un esprit tordu, mais au fond, c'est intriguant et hypnotisant. Ça pourrait me faire bander tout ça

Le silence de mes journées me faisait disparaître. Les reflets de miroir étaient étrangers et mon monde tout entier semblait être suspendu dans le temps. Tout comme mon enfant, je me sentais coincée dans le confort d'une matrice maternelle invisible. Je suis devenue intouchable, voire insensible. Mes sens me paraissaient anesthésiés et ma sociabilité, d'habitude exubérante, s'était dissipée depuis quelques semaines. Mon quatrième mois de grossesse arrivait bientôt à son terme et à défaut de connaître les joies de cette dernière, j'en apprenais les recoins occultes et obscurs. Les modifications restaient encastrées dans ma gorge comme des secrets qu'il ne fallait partager à personne et j'en suis totalement devenue apathique. Ce matin, je me suis réveillée tôt. La chaleur estivale San Franciscaine s'installait lentement, ce qui m'a donné la possibilité d'enfiler ma dernière trouvaille après m'être douchée. Une robe cape, courte et ample à imprimé tie and dye au haut bleu marine et au bas ivoire que j'accompagnais de mes spartiates en cuir noir. J'ai attaché mes cheveux en un chignon approximatif et après avoir déjeuné, j'ai quitté la maison pour traîner en ville. Sans destination précise. Perdue entre le lèche-vitrine et la verdure du parc. J'ai simplement laissé la journée mourir jusqu'à ce que l'heure de l'exposition de Gaïa arrive. Après avoir récupéré la voiture, je me suis dirigée vers Richmond. Lorsque je suis arrivée à la galerie, beaucoup de visages étaient déjà présents. J'en reconnaissais quelques uns mais je décidais de rester seule, pour ainsi profiter du travail de Gaïa. Je me rappelais de cette journée que l'on avait passé toutes les deux où elle m'avait fait partagé sa passion en me montrant divers graffiti dont elle était l'auteure. J'avais été complètement fascinée par la fusion des couleurs ainsi que leur harmonie. Cette fois-ci, je me concentrais sur ses toiles obscures et lascives. Parfois chaotiques mais incroyablement intenses. Je ne prêtais attention à rien d'autre, complètement aspirée par l'Art de la jolie brune.

Finalement, lorsque je repense à tout le stress que j'ai ressenti avant que cette soirée ne commence, je me dis que c'était absurde. Tout se passe encore mieux que prévu, mes peintures semblent attiser la curiosité de plusieurs personnes, même mon con de cousin est parti les s'attarder sur chaque tableau. Bientôt un an Je reporte mon attention vers Raphael, et me replonge dans notre passé. L'époque où mon attirance pour les femmes était encore inavouée. mais je n'étais parti très souvent à cause du boulot. Je ne restais que deux ou trois semaines, puis je repartais pour un temps indéterminé. J'arque un sourcil, me demandant ce qu'il peut bien faire dans sa vie pour voyager autant. Ces toiles sont bien au fait Je laisse apparaître un beau sourire satisfait sur mon visage. Assez fière de ce que je viens d'accomplir, mais je me dis que la route est encore longue, très longue. Félicitations. Tu as un esprit tordu, mais au fond, c'est intriguant et hypnotisant. Ça pourrait me faire bander tout ça Je laisse échapper un rire, décidément. Lui non plus, n'a pas vraiment changé. C'est un beau compliment, contente que mon esprit te fasse bander. Je dirige mon regard vers un tableau de corps de femme blonde, un peu flou, et je plonge après, mon regard dans celui de Raph. Ou c'est peut-être tous ces corps qui te font cet effet? Je garde mon sourire, amusée, et curieuse de connaître sa réponse. Je remarque ensuite cette tignasse multicolore qui se balade de tableau en tableau. Je décide de la laisser tranquille, se plonger dans ses propres interprétations de mes œuvres.