T’as un plan, un sacré plan dans la tête. Tu n’as pas déclenché d’incendie depuis exactement 234 jours, parce que ouais tu les as comptés, ces jours. On t’a privé de ce plaisir orgasmique pendant tout ce temps, alors tu vas te venger à ta façon. T’as envie qu’il se montre, qu’il t’en dise plus, tu ne sais pas qui est ce vieux qui habite à deux pas de chez toi, mais il t’intrigue, son comportement si protecteur envers toi, t’intrigue. T’as l’impression d’être dans son cocon à lui, de t’y être retrouvé, sans le vouloir, sans rien lui demander. Alors ouais, il doit sûrement avoir quelque chose derrière la tête, t’es pas con non plus, tu sais que dans cette vie, personne ne fait rien de bien gratuitement, et encore moins ce black avec ces regards presque aussi flippants que les tiens. T’as réussi à te débrouiller pour connaître l’adresse du lieu où il bosse. Genesis, un genre de bar, où tu es déjà allé une fois, tu as pu t’immiscer une seconde fois, histoire de t’imprégner du lieu, et aussi pour voler discrètement les clés. Tu sens une excitation, presque capable de te couper le souffle. Tu as toujours du mal à réaliser que tu auras enfin l’occasion de voir un si grand endroit brûler, disparaître, et savoir que tu seras le maître d’une telle œuvre d’art. Adossé au mur, juste en face du Genesis, que tu dévores du regard, tout en tirant quelques lattes. La vision de cette fumée, te fais bouillir de l’intérieur, cette envie de passer à l’acte s’intensifie de plus en plus. Tu écrases le mégot, et tu fais un premier pas, décidé à brûler ce bar, histoire de faire flipper le vieux, comme il te fait flipper, mais aussi pour réaliser un fantasme, un plan que tu as en tête depuis plusieurs mois maintenant. Tu sais que cet homme a beaucoup d’influence dans la région, mais encore immature comme tu es, tu t’en fous royalement, un peu comme de tout dans la vie. Tu tiens dans ta main une bouteille que t’as rempli d’essence, ton petit paquet d’allumette que tu gardes sur toi et que tu charges chaque jour. Tu ouvres tranquillement, il n’y a personne à cette heure-ci. Tu entres, tu inspectes les lieux, c’est nettement plus cool quand c’est vide. Tu te ballades, il faut bien commencer par des préliminaires non ? Tu décides ensuite d’ouvrir ta bouteille et verser ce liquide huileux sur les différentes pièces où tu vas. La nuit promet d’être jouissive.

Encore une soirée ma foi très intéressante, pour ne pas dire fructueuse. Le Genesis restait très fréquenté bien qu’il ne fut plus si nouveau et encore plus en semaine, ce qui avait de quoi me ravir. Il s’agissait principalement d’habitués dont la vie m’était aussi familière que la mienne, si ce n’était plus. Il n’en demeurait néanmoins qu’ils étaient une clientèle que les autres bars haut de gamme m’enviaient. Puissants et ô combien influents, j’avais tout intérêt en m’en faire des amis dans l’hypothèse où j’ai besoin que l’on me prête main forte un jour ou l’autre. Je doute qu’ils soient le type à me sortir de prison si l’occasion de se présente, mais ils détiennent des informations et un capital qui pourraient grandement m’être utile lors de mes futurs investissements. Agrandir mon réseau de connaissance avait été sûrement la leçon la plus importante que Père Lucchese m’avait enseignée, ce pour quoi je lui serais toujours éternellement reconnaissant. Il avait su dompter ce gamin en colère et en quête de vengeance que j’étais à l’époque pour créer ce bloc de glace calculateur au possible, ce qui au premier abord pouvait présenter de multiples inconvénients m’avait au contraire évité bon nombre de situations dramatiques, sans doute une pléthore d’occasions manquées mais le jeu en valait largement la chandelle.

Lorsque mon dernier employé partit, je m’autorisai enfin un sourire, satisfait. Une nouvelle soirée prenait fin, sans incident et ce malgré la présence brève de Sylvester dont j’avais craint une altercation mais rien ne s’était produit. Ce qui ne me rassurait en aucun cas, le peu que je savais sur lui me laissait penser qu’il ne faisait jamais rien sans un but précis, donc s’il était venu et était reparti aussitôt, c’était qu’il prévoyait quelque chose, j’avais tout intérêt à rester sur mes gardes. Quel sot avais-je été ! La proximité avait été proscrite dès le début pourtant je ne m’y tins pas et lâchais de ce fait beaucoup d’indices sur ma personne. Au fond, peut-être le voulais-je, que l’on en vienne enfin à ce face à face. Je poussai un léger soupir, tout ceci présageait pas mal de complications. Je me rendis dans mon bureau pour me servir un verre de Whisky comme j’en avais l’habitude, tout en parcourant la dernière documentation qui m’avait remis le comptable. Ce qu’il m’avait dit s’avérait véridique : le club se portait bien, même très bien ce qui signifiait donc que je pouvais envisager le changement de décor pour le mois suivant afin d’éviter de lasser mes clients par une ambiance sans cesse identique. Soudain, ma concentration fut brisée par un bruit de meuble et je levai machinalement la tête vers l’horloge de mon bureau. J’hésitais quelques secondes à prendre mon flingue mais décidai finalement que non, celui que j’avais au pied droit serait utile au besoin. J’avançais à pas feutré, discrètement, longeant le mur en silence, les sens aux aguets. Je pus enfin distinguer vendre l’intrus qui s’amusait avec un produit que je reconnus immédiatement à l’odeur et il ne me fallut pas longtemps avant de faire le rapprochement avec mes craintes de toute à l’heure. Je l’observai faire pendant un long moment, sourire aux lèvres. J’avais conscience que ce n’était en aucun cas l’attitude à adopter face à une telle situation mais pourtant je n’étais nullement en colère contre lui. « Si tu comptes vraiment mettre le feu à cet endroit, il te faudrait quelque chose de beaucoup plus puissant ou au moins un mécanisme » finis-je par dire pour lui signaler ma présence. Mon ton n’avait pas été froid, ni agressif, simplement observateur. Mon regard ne quitta pas sa silhouette, qui était plutôt imposante dans cette semi-pénombre. « Si tu t’asseyais plutôt pour qu’on discute ? » Le face à face semblait être pour aujourd’hui et je n’étais pas certain d’être prêt pour cela, mais parfois l’improvisation pouvait avoir du bon. « Ce n’est pas en mettant le feu ici que tu trouveras ce que tu recherches » ajoutais-je devant se réticence. Et je savais pertinemment ce dont il avait besoin ; de réponses. Pour lui montrer ma bonne foi, je m’éloignais de la table où je l’avais précédemment convié à prendre place et passai derrière le bar pour nous concocter des rafraichissements. « Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? »

Tu sais que tu joues avec le feu, au sens figuré, quand tu décides de t'immiscer dans cet endroit sans l'autorisation du propriétaire. Tu sais aussi qu'il n'y a qu'un seul moyen pour lui tirer les vers du nez, tu as réussi à avoir quelques informations concernant son identité, mais tu ne sais pas exactement, d'où est ce qu'il s'est procuré tout ce fric, pour construire ce Genesis, il t'impressionne, et t'intrigue. Comment est-ce qu'un gars aussi petit de taille peut avoir autant d'influence sur les gens de cette ville? Peut-être que tu rêvasses tout le temps, et que tu as le nez souvent fourré dans tes livres d'astronomie, mais tu sais qu'il est puissant, tu le devines facilement, d'après sa démarche et le regard qu'il adresse à ses subordonnés. Tu te fiches bien de ce qu'il peut faire dans sa vie, mais tu n'as honnêtement pas envie de te retrouver mêlé à ses affaires. Washington te manque d'ailleurs. Tu as prévu de brûler cet endroit, et de repartir chez toi, retrouver ta daronne. « Si tu comptes vraiment mettre le feu à cet endroit, il te faudrait quelque chose de beaucoup plus puissant ou au moins un mécanisme » Cette voix qui sort de nulle part, tu te tournes, un sourcil bien arqué, et tes iris figés en direction d'Elyes. Il ne semble pas le moins du monde en colère contre toi, ce qui ne te surprend qu'à moitié, tu t'attends à tout avec ce type dont la personnalité regorge de mystère. « Si tu t’asseyais plutôt pour qu’on discute ? » Tu soupires, souriant à moitié, dégoûté, de pas pouvoir aboutir à ton orgasme ultime. « Ce n’est pas en mettant le feu ici que tu trouveras ce que tu recherches » Cette assurance qu'il dégage, te semble si déconcertante. Quelqu'un d'autre se serait exclamé, aurait craint le pire, car il suffirait d'allumer un briquet, pour que le feu se propage. Il se met derrière le bar, tu te contentes de le scruter, le percer du regard, avant de lâcher un autre soupire et t'installer sur une chaise. chui démasqué hein L'air trop déçu, tu essaies de réfléchir à une parade, mais tu n'en as pas. C'est ce que tu voulais au fond. Le faire réagir pour qu'il s'explique, sur toute cette bonté qu'il a déversé sur toi. Il ne doit sûrement pas te protéger sans but précis. Tu as envie d'en savoir plus, et tu creuseras aussi loin que tu pourras.  j'veux rien boire. Explique moi à quoi tu joues plutôt, parce que t'as l'air de grave t'amuser à protéger mes arrières

Je fis simplement fi de sa remarque, continuant ma préparation en silence, un léger rictus aux lèvres. Nous y étions, finalement. Après toutes ces années à l’observer en silence, à en apprendre plus sur sa personne et sur ce caractère qui faisait étrangement écho à celui que je possédais avant que les choses ne tournent au plus mal, de quoi me rendre quelque peu nostalgique de cette époque d’insouciance. Tout semblait si simple en ces temps là, mordre ou être mordu en plus de l’éclate. Cela était quelque peu différent aujourd’hui, le principe demeurait identique, tirer en premier ou bien accepter de servir de proie, en plus d’autres modalités qui donnaient l’impression d’être sans cesse sur la corde raide. « M’amuser ? Ne te méprends pas gamin » lâchai-je finalement au bout d’un moment. Il n’y avait toujours aucune animosité dans ma voix, plutôt un léger amusement que quelqu’un d’aussi sarcastique que moi aurait pu saisir. Je finis finalement la préparation de nos boissons et allais le rejoindre, m’installant confortablement sur mon siège, faisant glissant son verre jusqu’à lui avant de m’emparer du mien, le tout en silence. Mes prunelles le scrutaient sans discontinuer, l’étudiant bien que j’eus déjà à le faire à de multiples reprises, c’était bel et bien la première fois que je l’avais si proche de moi. Je ressentais un sentiment étrange, proche d’une émotion indicible. Une bigarrure de fierté et de joie, pensais-je, sans pour autant en être tout à fait certain. Demeurait cependant un point non négligeable, j’avais un héritier. Peut-être me précipitais-je trop rapidement aux conclusions et qu’il était encore brut de décoffrage mais avec la formation adéquate comme ce fut le cas pour moi dans le passé, il y avait de grandes possibilités de le mettre à ma succession, ainsi Jade pourrait avoir un semblant de vie normale. « Tu comptais réellement mettre le feu dans tout l’établissement avec si peu de matériel ? » Finis-je par dire au bout d’un moment, sourire narquois au coin de la bouche, lui signifiant qu’il n’aurait pas fait tellement de dégât. « D’ailleurs, pourquoi mon établissement en particulier ? Tu ne sais donc pas que le parricide est sévèrement puni dans cet état ? »